Mise en place de la démarche qualité raisonnée dans un cabinet d'implantologie - Implant n° 3 du 01/09/2019
 

Implant n° 3 du 01/09/2019

 

CHIRURGIE-PROTHESE

P. BONNE   I. SECKLER   M. METZ  

La qualité, telle que définie par l'Organisation mondiale de la santé, est de délivrer à chaque patient l'assortiment d'actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l'état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l'intérieur du système de...


La qualité, telle que définie par l'Organisation mondiale de la santé, est de délivrer à chaque patient l'assortiment d'actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l'état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l'intérieur du système de soins.

La démarche qualité est le fruit d'une remise en question permanente de notre environnement de soins pour optimiser le respect de la législation, l'organisation, la sécurité et l'ergonomie de nos activités. Elle demande un état d'esprit et une détermination à nous bousculer par rapport à nos routines usuelles de travail.

L'originalité du concept que nous présentons sur la démarche qualité est qu'elle doit s'adapter à chaque structure de soins et qu'elle peut être envisagée progressivement par étapes. Une démarche qualité qui imposerait la reproduction stricte d'un schéma global unique pour tous les cabinets dentaires ne peut pas fonctionner.

Cet article n'a pas pour but d'évoquer une démarche vers une certification, laquelle relève d'un processus très invasif et contraignant. Il évoque une démarche qualité « raisonnée » parce qu'un cabinet dentaire n'est ni une clinique, ni une firme industrielle. Le terme « raisonnée » signifie que d'un concept de qualité globale, nous pouvons aborder seulement les principaux éléments qui permettent la pratique de notre exercice en toute sécurité.

Nous parlerons donc principalement de la stérilisation et des traçabilités : matériovigilance, pharmacovigilance – obligatoires depuis 1998 –, de la gestion des stocks et du secrétariat qui doit permettre de respecter la gestion documentaire et les veilles qualité.

Un glossaire en fin de document permettra au lecteur de retrouver la signification de tous les sigles et termes parfois fastidieux que notre environnement professionnel actuel nous impose.

Mise en place et organisation de la démarche qualité

Création du manuel qualité

La démarche qualité pourrait se résumer à : « j'écris ce que je fais et je fais ce que j'ai écrit », ces écritures devant être réalisées dans le respect des référentiels de la Haute Autorité de Santé (HAS) et des obligations législatives.

L'ensemble des démarches qui constitue la qualité dans nos cabinets est donc matérialisé au travers d'un document : le manuel qualité. Il rassemble tous les écrits qui précisent et structurent de façon cohérente la mise en place, la gestion et la maîtrise de nos actions au travers d'un certain nombre d'items.

Classiquement, dans un système qualité complet, on retrouve la vision du praticien (ses objectifs attendus pour sa structure de travail), sa politique qualité (ses engagements pour atteindre ses objectifs) et sa stratégie (pour mettre en place son action).

On découvre ensuite la cartographie du cabinet (sorte de table des matières qui centralise toutes les écritures), la gestion documentaire et les veilles (qui seront détaillées en fin d'article).

Le document unique, qui a pour but d'évaluer les risques professionnels et qui est obligatoire dans toute structure recevant du public et ayant des salariés, fait partie intégrante du manuel qualité.

Il ne faut pas négliger l'importance de ce manuel qui représente un véritable engagement de notre part vis-à-vis de nous-même mais aussi vis-à-vis de notre équipe, de nos patients et du législateur en cas de contrôle. Il permet par ailleurs de formaliser clairement nos objectifs et de les mettre en pratique tout en les réévaluant régulièrement dans un état d'esprit participatif par lequel tous les salariés peuvent avoir leur mot à dire : ce manuel est donc un outil fédérateur qui augmente la cohésion de l'équipe [fig. 1].

Il peut être considéré comme un véritable mode d'emploi de notre cabinet qui permettra de comprendre et de mettre en œuvre rapidement les différents items de son fonctionnement. Ces écritures permettront ainsi d'avoir un guide de travail précis et méthodique de chaque tâche pour chaque intervenant, lequel pourra être remplacé efficacement par une autre personne en cas d'empêchement, de maladie ou d'arrivée d'un nouveau salarié.

Les écritures

Un système qualité comporte trois types d'écritures.

Par analogie à un livre on distingue :

• l'ensemble des processus, assimilable à la table des matières ;

• les procédures, représentant les différents chapitres ;

• les modes opératoires, représentent les différents paragraphes, qui expliquent comment réaliser certains points compliqués des procédures.

Il est important au moment de la rédaction des écrits de savoir à quel niveau ils sont destinés (on ne met par exemple pas de détails au niveau de la table des matières ou dans le résumé d'un chapitre).

Prenons un exemple concret comme le processus de stérilisation des dispositifs médicaux réutilisables.

Rédaction du processus [fig. 2]

Celui-ci regroupe les étapes chronologiques des procédures mais pas les détails de ces étapes. Les détails constituent le mode opératoire qui ressemble à une notice explicative avec les points importants qu'il faut respecter pour le déroulement de chaque étape des procédures sans erreurs.

Les logiciels utilisés sont des traitements de texte comme « Word ». Il peut être intéressant d'utiliser des logiciels spécialisés dans la rédaction de logigrammes comme « Visio » de Microsoft.

L'écriture du logigramme passe par trois types de figures géométriques (gélule, rectangle et losange) qui symbolisent des actions différentes à exécuter. Ces formes sont reliées entre elles par des flèches unidirectionnelles qui indiquent la chronologie d'exécution des étapes.

La fiche doit résumer toutes les actions à réaliser en une seule page de format A4 afin de faciliter sa lecture. Tout document de processus ou procédure possède en haut de page un « cartouche » qui précise le titre de la fiche pour faciliter son classement dans le manuel qualité.

Ce cartouche doit posséder les éléments suivants : nom du cabinet, titre du document, numéro du processus ou de la procédure, sa date de création ou de réactualisation, la personne qui pilote le domaine décrit.

Deux « gélules » sont placées en début et fin du document. Elles signifient la porte d'entrée et de sortie de l'étape décrite dans le document. Le rectangle représente l'action à réaliser. Le losange indique un choix possible pour poursuivre l'action.

Ce processus « stérilisation des DM réutilisables » indique le nombre de procédures à réaliser (sept au total) en détaillant les actions à suivre à chaque niveau.

Rédaction d'une procédure : exemple de la procédure numéro 2 « Pré-désinfection des DM ». [fig. 3]

La rédaction de chacune des sept procédures du processus de stérilisation des dispositifs médicaux réutilisables se fera selon la même présentation que le processus : le cartouche indiquera le mot procédure à la place du mot processus et les termes « procédure No » qui étaient spécifiés sur le processus, seront remplacés par « mode opératoire No » si un détail doit être plus expliqué.

Rédaction d'un mode opératoire [fig. 4]

Dans notre exemple, le Mode opératoire No 001 « Changer le bain » indique la gestuelle et les précautions à respecter pour cette intervention. Il s'agit d'un document de texte qui reprend les éléments les plus pertinents de la notice du produit (la dilution à respecter, mettre en premier l'eau dans le bac puis verser le produit – et non l'inverse –, mettre sa tenue complète de sécurité pour protéger mains et yeux, etc.).

Le mode opératoire doit insister sur les éléments importants ou ceux qui présentent un danger ou un risque de dysfonctionnement.

La cartographie des processus

Afin de comprendre comment fonctionne le cabinet, il est nécessaire de regrouper par famille tous les écrits. Ce regroupement permet en un seul coup d'œil d'objectiver tout ce qui a été réalisé pour améliorer l'efficacité de l'exercice.

Ce regroupement est appelé « la cartographie des processus » [fig. 5]. Dans cette cartographie, on compte trois sortes de processus.

Les processus de réalisation (en bleu pâle sur l'exemple) servent à soigner le patient tout en assurant sa sécurité et en respectant les règlementations ; on y trouve la prise en charge de l'administratif classique (procédure d'accueil, prise de rendez-vous, renseignements, feuilles de soins, règlements) puis la prise en charge médicale : dossier médical du patient, plan de traitement, consentements éclairés. Mais pour pouvoir travailler correctement, il est nécessaire d'avoir les produits et des DM stériles.

On décrit alors les processus supports (en vert sur l'exemple) dans lesquels on retrouve l'ensemble des gestions des risques : le risque infectieux (la stérilisation, puis la gestion des stocks) et le risque règlementaire : la radioprotection des patients, maintenance, les traçabilités, les veilles.

Enfin, un cabinet en démarche qualité se doit de maîtriser le management des personnes. La cartographie des processus est complétée par les processus de management (en jaune sur l'exemple) qui comportent la gestion de l'amélioration de la qualité (analyse des dysfonctionnements, audits, les réunions qualités, les réunions de rédaction des documents), la gestion des ressources humaines (les entretiens d'évaluation annuels des salariés, les plans de formations) et la gestion des engagements de la direction (dont la gestion financière).

La démarche qualité dans le processus de stérilisation

Conception et organisation du laboratoire de stérilisation

La mise en place d'une démarche d'amélioration continue au niveau de notre activité de stérilisation commence par la conception du centre de stérilisation.

Il est impératif de respecter une disposition des appareils de la chaîne de stérilisation pour limiter les erreurs d'asepsie et optimiser les résultats. La chaîne de stérilisation se décompose en une phase mouillée souillée et une phase sèche pour l'obtention de l'état stérile des dispositifs médicaux. Ces deux parties doivent être physiquement séparées pour éviter que la partie humide ne vienne polluer la partie sèche. Dans la pratique, il est conseillé soit de séparer la pièce en deux parties si la structure le permet, soit de réaliser un simple écran en verre pour isoler les deux parties.

Il faut prendre soin de ne jamais poser dans la zone sèche, et en particulier à proximité de l'autoclave, des plateaux ou des cassettes souillées. En effet, lors de la phase de séchage des sachets dans l'autoclave, c'est le rétablissement de la pression atmosphérique qui réalise cette action. Pour rétablir celle-ci, l'air passe par le filtre HEPA très souvent situé en façade de l'appareil. Des émanations polluées provenant de DM souillés peuvent alors passer au travers et contaminer les sachets qui sont encore humides à cette étape, donc poreux.

Normes des appareils et produits de stérilisation

Au niveau normatif, tous les appareils et produits sont à la norme CE. Les produits utilisés doivent avoir les propriétés suivantes : fongicide, bactéricide, virucide, sporicide. Toutes ces normes sont clairement indiquées dans la « grille technique d'évaluation pour la prévention des infections associées aux soins » ainsi que dans la « liste positive des produits désinfectants dentaires » (LPPDD) de l'ADF disponibles sur le site de l'ADF à l'adresse suivante : https://adf.asso.fr/fr/espace-formation/publications.

Maintenance des appareils

Tout appareil nécessite un entretien et une maintenance régulière qui est toujours précisée dans les notices d'utilisation.

Pour plus de sécurité, la réalisation de tableaux de maintenance renseignés quotidiennement permet d'objectiver ce travail. Ces fiches de travail peuvent être demandées lors d'une inspection de l'ARS (Agence régionale de Santé). Les procédures à écrire reprendront les conseils de maintenance. Tous les documents réalisés lors des interventions des réparateurs doivent également être archivés. Cette traçabilité de la maintenance sera conservée jusqu'à la fin de vie de l'appareil.

Écriture des procédures de réalisation de toutes les étapes

Les procédures de la chaîne de stérilisation sont classiquement au nombre de 10 [fig. 6].

Pour être facilement applicables, ces procédures seront rédigées sous la forme d'organigrammes de lecture simple.

Traçabilité

La traçabilité des soins, du dossier médical et des processus de stérilisation est essentielle dans notre activité, particulièrement en cette période de remises en question ou d'interrogations régulières de certains de nos patients à propos de la qualité de nos prestations.

Les traçabilités obligatoires

Il y a trois traçabilités à réaliser au cabinet dentaire : la cosmétovigilance, la pharmacovigilance et la matériovigilance.

La cosmétovigilance

Elle se limite à déclarer les incidents ou accidents survenus après l'utilisation de produits cosmétiques (comme les produits de blanchiment, les savons, les crèmes pour les mains ou le latex). Elle n'est réalisée qu'en cas de problème et consiste à déclarer l'incident sur le site de l'ANSM (Agence nationale de la sécurité des médicaments) dans la rubrique « cosmétovigilance ». Celle-ci, après enquête, produira des documents de mise en garde diffusés au niveau national.

La pharmacovigilance

Le chirurgien-dentiste doit tracer dans chaque dossier patient le numéro de lot de tous les produits ayant une AMM (autorisation de mise sur le marché) qui ont été utilisés lors des soins. En implantologie, nous trouverons les anesthésiants, les désinfectants (Bétadine buccale, Dakin) et les bains de bouche. Tout incident devra là encore être transmit à l'ANSM à la rubrique « pharmacovigilance » en complétant le formulaire électronique.

La matériovigilance

C'est une obligation légale depuis 1998 qui a comme objectifs :

• de connaître le circuit d'un produit depuis sa fabrication jusqu'à sa destination finale ;

• d'améliorer la sécurité des patients ;

• de respecter la réglementation en vigueur.

Cette matériovigilance, en règle générale, permet d'identifier les origines d'un dispositif médical comme par exemple un implant ou un greffon osseux allogénique. Elle s'avère donc très utile en cas de problème pour connaître les causes d'une défectuosité et éviter que le problème se reproduise. Cette information – que nous devons être capables de tracer et de donner au patient s'il la réclame – ne nous concerne toutefois pas au premier chef : c'est en effet la firme industrielle qui a la responsabilité de fabrication normée du produit, avec obligation de respecter la conformité à la norme CE (conformité européenne) pour pouvoir circuler librement en Europe. Le patient qui change de région ou de praticien doit conserver cette traçabilité dans son dossier médical [fig. 7].

La matériovigilance comporte deux volets :

• Les accidents dus à des appareils médicaux servant aux soins (du localisateur d'apex à l'autoclave) et les produits utilisés lors des soins qui restent plus de 3 heures en bouche. Tous les numéros de lot des produits utilisés doivent être inscrits dans le dossier patient. Les DMSM (dispositifs médicaux sur mesure) comme les implants ou les prothèses, rentrent bien sûr dans cette catégorie.

• Tous les produits stérilisés (au cabinet ou à l'extérieur de celui-ci). Ainsi, tous les sachets ou containers ou DM stériles sont tracés dans le dossier du patient. Par exemple, lors d'une anesthésie, l'aiguille sera tracée en matériovigilance, l'eau stérile également.

En cas de suspicion de transmission d'infection, cette traçabilité de la stérilisation permettra de vous innocenter ou du moins de faire la preuve de la rigueur de votre démarche.

La traçabilité de la stérilisation

La traçabilité ascendante

Cette traçabilité est réalisée au moment de la libération de la charge du DM conditionné stérile (c'est-à-dire la sortie du stérilisateur). Son rôle est prépondérant dans tout litige susceptible d'engager la responsabilité du praticien sur la bonne qualité de la stérilisation des DM.

Elle consiste à réaliser une fiche de laboratoire qui contient plusieurs items majeurs à renseigner à chaque cycle de stérilisation. Cette fiche doit être conservée pour une durée de 20 ans depuis les directives de l'ONCD (Ordre national des chirurgiens-dentistes) de novembre 2015.

Pour pouvoir conserver les colorations des intégrateurs prions utilisés à chaque stérilisation, cette feuille doit être scannée puis archivée numériquement.

Pour être conforme, cette fiche doit comporter [fig. 8] :

• l'identification du stérilisateur : nom, no de série, no de cycle ;

• le contenu de la charge stérile : choix dans une liste pré-établie dans le logiciel du cabinet ;

• l'étiquette code barre de référence du cycle (pour une recherche simplifiée) ;

• les indicateurs physicochimiques validés et renseignés (ici, un test hélix tous les 6 cycles ou une fois par semaine et un intégrateur Prion) ;

• la signature de la personne ayant effectué l'opération de stérilisation et de la personne responsable (in fine, le responsable vis-à-vis de la loi reste toujours le praticien).

La fiche de stérilisation est essentielle car elle permet de valider la bonne exécution de la stérilisation et d'établir un archivage et une traçabilité. Elle sera réclamée par l'expert en cas de litige pour une suspicion d'infection transmise lors des soins. Elle prouve la bonne exécution de la stérilisation du ou des DM incriminés.

La traçabilité descendante

Elle permet de faire le lien entre le patient, le dispositif stérilisé utilisé pour le soigner et le no du cycle de stérilisation (écrit sur l'étiquette code à barres) qui a permis de stériliser ce DM. Tout est noté dans le dossier du patient.

Prenons un exemple concret pour comprendre l'intérêt des traçabilités ascendante et descendante : si un patient pense qu'un problème de santé a pu être initié par un défaut de stérilisation d'un DM utilisé pour son intervention, nous devons être capables de remonter au cycle de stérilisation du DM impliqué en se référant à la fiche de traçabilité ascendante (du laboratoire de stérilisation) le concernant pour vérifier la validation de chaque item. Si une anomalie est constatée, par exemple dans le processus de stérilisation, nous devons être capables par la traçabilité descendante, si d'autres DM étaient contenus dans le stérilisateur lors de ce cycle, d'avertir tous les autres patients qui ont pu être concernés par le défaut de cette stérilisation, ce que réclamera un expert en cas d'enquête.

Affichages obligatoires dans le laboratoire de stérilisation

Il faut par ailleurs savoir que des affichages sont obligatoires dans le laboratoire de stérilisation. Il existe sept fiches produites par la DGS (Direction générale en Santé) disponibles sur le site de l'ONCD dans le répertoire « sécuriser votre exercice / pratiques professionnelles / vigilances / hygiène et asepsie ».

Ces fiches informent sur les précautions standards, le nettoyage des mains, le tri des DASRI (déchets d'activités de soins à risques infectieux), la stérilisation, la conduite à tenir face à un AES (accident d'exposition au sang) et le traitement des DM. Ces documents ainsi que les tableaux de maintenance et les check-lists des entretiens des appareils seront regroupées dans des classeurs muraux très facilement consultables [fig. 9].

La démarche qualité dans la gestion des stocks

La gestion des stocks en cabinet dentaire comporte deux organisations imbriquées : l'organisation des flux et l'organisation du stock dentaire.

L'organisation des flux

Cette organisation peut faire intervenir trois sortes de flux :

• Le « flux poussé » : c'est l'anticipation des besoins par rapport aux consommables dentaires. Il est réalisé d'après une analyse de la gestion des stocks de l'année précédente.

• Le « flux tiré » : la demande détermine le stock réalisé à travers la méthode « Kanban » représenté par un circuit d'étiquettes dont l'apparition entraîne la commande, ou par un tableau Excel, ou par une gestion informatique à partir du logiciel dentaire.

• Le « flux tendu » ou le « juste à temps » : utilisé principalement dans la gestion des prothèses. Il nécessite une parfaite coordination entre le cabinet, le laboratoire de prothèse et le coursier.

L'organisation du stock

Trois choix sont possibles pour réaliser administrativement la gestion des stocks :

• Le mode papier : représenté par le système Kanban. Il y a deux étiquettes : une qui sert de référence, prix, quantité à commander, et une à attacher sur le produit référençant le minimum de stock à avoir.

• Le mode informatique : à l'aide d'un logiciel dentaire et de l'enregistrement des codes-barres des produits permettant de réaliser les « traçabilités réglementaires » dont la matériovigilance, la pharmacovigilance et la stérilisation.

• Le mode semi-informatique : en utilisant des fichiers tableurs type Excel, les entrées et sorties des produits sont manuelles, mais la partie informatique permet une évaluation automatique du stock (et de sa valeur). Il est habituellement utilisé car il permet plus de souplesse dans la gestion des DM.

Quelques conseils pour la gestion des stocks

• Réaliser des inventaires (obligatoire en fin d'année pour une société d'exercice libéral) au moins deux fois par an pour la connaissance de l'étendue et de la valeur du stock, de la diversité des produits, des produits inutiles ou inutilisés.

• Le rangement des produits doit s'effectuer selon la technique du « first in / first out » (premier arrivé dans l'armoire, premier sorti de celle-ci) afin d'éviter des « oubliés » au fond d'un espace de rangement.

• Il est plus prudent de lister aussi les produits stockés au réfrigérateur.

• Ne pas oublier de surveiller la date de péremption des produits, toute date échue correspond à une amende de 1 000 € par conditionnement.

• Pensez à l'identification de l'emplacement des produits dans les armoires (plans sur les portes et codes couleurs) pour accélérer leur localisation et leur comptage.

• En général, les produits sont conservés à l'abri des UV et des poussières. Suivant la localisation des autoclaves et des appareils chauffants, organisez vos placards pour placer les produits qui craignent la chaleur à distance de ces sources.

• Par soucis d'amélioration de la gestion des stocks, la démarche qualité va permettre la mise en place de techniques empruntées à l'industrie qui ont une efficience reconnue. Par exemple le Toyotisme, appliqué au Japon après-guerre pour reconstruire le pays, propose la règle des 5 zéros : « zéro stock, zéro défaut, zéro papier, zéro panne, zéro délai ». La production est alors pilotée par la demande en fonctionnant en « flux tendus » (juste à temps), en réduisant au maximum le stock, en recherchant la qualité, en luttant contre le gaspillage et les coûts superflus afin de tendre vers les 5 zéros.

• Après analyse, les améliorations sont mises en place à travers la « roue de Deming ». Cette méthode présente les quatre phases à enchaîner successivement afin de s'inscrire dans une logique d'amélioration continue : « plan, do, check, act » tant que le niveau attendu n'est pas atteint.

Le suivi de la démarche qualité au niveau du secrétariat

La démarche qualité étant un concept non figé dans le temps, tous les écrits doivent être vérifiés en général tous les trois ans. Cela correspond au rythme des certifications. Même s'il n'est pas forcément nécessaire de se faire certifier pour en profiter, il est nécessaire de réaliser des audits internes de temps en temps pour dépister les oublis qui apparaissent dans le temps. Lors de ces audits, une personne non en charge de la tâche, par exemple le ou la secrétaire, peut auditer un poste comme la stérilisation, en vérifiant si les procédures sont bien respectées.

En cas de différence, il y a deux possibilités. Soit le dysfonctionnement est d'origine humaine (oubli par exemple), soit la procédure est mal libellée et doit être adaptée pour être plus facilement exécutée.

Documents administratifs et procédures à respecter

Dans les documents administratifs incontournables, nous retrouvons le dossier patient qui doit comporter un questionnaire médical réactualisé en permanence. Cette procédure est facilitée grâce à une interrogation systématique du patient par le ou la secrétaire à chaque rendez-vous : « votre état de santé a-t-il été modifié depuis votre dernière visite ? » ; si oui, un nouveau dossier sera réalisé et de nouveau validé par le praticien et le patient.

Nous retrouvons également dans les documents incontournables le plan de traitement et les différents devis de soins, ainsi que les consentements éclairés qui s'y rattachent.

Les veilles documentaires

Un système qualité se doit de toujours évoluer. Pour assurer cette évolution, il est nécessaire de vérifier régulièrement que les recommandations des organismes qui nous régissent et la législation sont en adéquation avec les procédures écrites : c'est le principe des veilles.

Il existe trois veilles à suivre : la veille législative, la veille odontologique et la veille normative.

Grâce à internet, il est aisé de s'inscrire aux « lettres » des organismes suivants : HAS, ANSM, ASN, ONCD, AFNOR, JO, CSP ainsi que le Code du travail. Toute modification avérée entraînera la réécriture des procédures.

Il faut préciser que même sans nouvelles modifications, il est toujours nécessaire de contrôler périodiquement les procédures après un audit interne avec tous les intervenants concernés. Effectivement, il est reconnu que les routines provoquent inévitablement dans le temps des altérations sur l'application des procédures, soit par lassitude, soit par manque de temps ou du fait d'une rédaction trop compliquée pour être appliquée.

Autre élément en charge du secrétariat : la gestion documentaire. C'est l'élément le plus chronophage. Le renouvèlement des appareils ou des produits utilisés impose de surveiller l'obsolescence des documentations archivées. Ces documents servant à valider la conformité des procédures vis-à-vis des recommandations en cours, il est important de dater chaque document pour en faciliter sa surveillance.

Le secrétariat est aussi en charge des affichages obligatoires :

• affichage des sept fiches de la DGS au niveau du laboratoire de stérilisation, ainsi que les processus de maintenance ;

• affichage des honoraires au niveau de la salle d'attente ;

• affichage du Code du travail pour les salariés au niveau du vestiaire : les coordonnées de l'inspection du travail, de la médecine du travail et des services d'urgences ainsi que le détail des horaires de travail et du jour de repos hebdomadaire.

• affichages sur l'égalité professionnelle et de rémunération, la lutte contre le harcèlement et le tabagisme, les consignes de sécurité pour la structure.

Le secrétariat participe par ailleurs activement à la rédaction des procédures et des comptes rendus des réunions.

Conclusion

Une démarche qualité raisonnée ne correspond pas à une certification de service, laquelle implique des engagements encore plus nombreux et des contraintes encore plus difficiles à appliquer dans un cabinet dentaire et en particulier d'implantologie (prendre le patient avec un maximum de 5 minutes d'attente par exemple).

Il n'est pas nécessaire dans un premier temps de vouloir tout écrire pour tous les domaines d'activité du cabinet. Par contre, il est nécessaire de cibler les postes à risque, ce qui est l'objet de cet article.

L'écriture se justifie par rapport aux risques qui pourraient survenir en cas d'oubli d'une étape dans les procédures. Ces écrits ne concernent pas notre compétence à soigner mais le « back office », c'est-à-dire tout ce qui entoure notre activité de soins pour pouvoir l'exercer plus facilement et en toute sérénité.

La démarche de l'amélioration continue est un moyen de fédérer l'équipe du cabinet sur un projet commun et d'améliorer ainsi les rapports humains au sein du groupe. Elle demande un investissement en temps et en personnes au départ (sa mise en place est de deux ans classiquement) mais elle permet ensuite de sérieuses économies d'énergie.

Grâce à notre gestion managériale du personnel de soins, nous endossons un vrai rôle d'employeur et de chef d'entreprise qui n'est, hélas, toujours pas enseigné en formation universitaire initiale.

Pourtant, de nos jours, l'évolution de la profession se tourne vers des exercices de groupe qui permettent de mieux répartir l'acquisition du savoir médical et de se doter des nouvelles technologies onéreuses telles que l'imagerie médicale par cone beam ou les techniques de CFAO, donc vers une gestion des rapports humains qu'il faut maîtriser avec tact et mesure.

C'est dans cet esprit que s'inscrit la démarche qualité.

« Les écrits restent, les paroles s'envolent » Horace (65-8 avant JC)

Glossaire

AES : Accident d'exposition au sang

ADF : Association dentaire française

AFNOR : Association française de normalisation

AMM : Autorisation de mise sur le marché

ANSM : Agence nationale de la sécurité des médicaments

ARS : Autorité régionale de santé

ASN : Autorité de sûreté nucléaire

CFAO : Conception et fabrication assistée par ordinateur

CE (norme) : Conformité européenne pour circulation libre en Europe. Cette déclaration CE prouve que le DM satisfait aux exigences essentielles de sécurité et de santé des patients. Cette conformité est valable 5 ans et doit être renouvelée après examen par la commission des dispositifs médicaux européenne

CSP : Code de la santé publique (appelé également réseau santé social)

DASRI : Déchets d'activités de soins à risques infectieux

DGS : Direction générale de la santé

DM : dispositif médical. Article L5211-1 du Code de la santé publique : « On entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit d'origine ni humaine ni animale ou autre outil utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels, intervenant dans son fonctionnement, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'Homme à des fins médicales »

DMSM : Dispositif médical sur mesure (exemples : implant, prothèse dentaire)

Document unique : En France, le document unique, ou document unique d'évaluation des risques professionnels, a été créé suite aux articles R.4121-1 et suivants du Code du travail qui imposent à l'employeur de procéder à une évaluation des risques professionnels au sein de l'entreprise. Cette évaluation doit faire l'objet d'un document unique, obligatoire pour toutes les entreprises qui emploient un ou plusieurs salariés. Aucune forme particulière n'étant imposée, vous pouvez vous inspirer des deux modèles proposés en téléchargement sur le site de l'ONCD. Le document unique doit être mis à jour au minimum une fois par an et lors de tout changement de situation. Il doit également être revu après chaque accident du travail. L'absence de document unique peut être sanctionnée de 1 500 € d'amende par unité de travail

HAS : Haute autorité de santé

HEPA : Acronyme de l'anglais High Efficiency Particulate Air signifiant filtre à particules aériennes à haute efficacité. Cette dénomination s'applique à tout dispositif apte à filtrer en un passage au moins 99,97 % des particules de diamètre supérieur ou égal à 0,3 *m

Item : Unité individuelle d'un tout, particulièrement dans une liste ; plus petit élément que l'on peut isoler dans un système organisé

JO : Journal Officiel

Kanban (méthode de) : Amélioration continue pour éviter les stocks et produire sans gaspillage

Libération de la charge : Sortie du DM conditionné stérile du stérilisateur

Manuel qualité : Ensemble des écrits au sein du cabinet pour décrire aux parties prenantes comment la qualité est gérée et maîtrisée.

Matériovigilance : se définit comme une veille sanitaire permanente dont les objectifs sont la surveillance, le signalement, le traitement et l'investigation des événements indésirables liés à l'utilisation des dispositifs médicaux. Elle vise les matériels et matériaux utilisés dans les cabinets dentaires, et notamment les dispositifs médicaux sur mesure (prothèses dentaires, appareillages d'orthodontie)

OMS : Organisation mondiale de la santé

ONCD : Ordre national des chirurgiens-dentistes

Pharmacovigilance : A pour objet la surveillance du risque d'effets indésirables résultant de l'utilisation de médicaments ou de produits apparentés. Tous les effets indésirables (graves ou inattendus) doivent être déclarés immédiatement par les professionnels de santé (article R.5121-170 du Code de la santé publique)

Roue de Deming : Popularisée par W.E. Deming, promoteur de la qualité au Japon. Cette méthode présente les quatre phases à enchaîner successivement afin de s'inscrire dans une logique d'amélioration continue (« plan, do, check, act ») tant que le niveau attendu n'est pas atteint

Veille qualité : activité indispensable de surveillance pour s'assurer de l'efficacité, de la mise en œuvre et de la pérennisation d'un processus de la démarche qualité

Lectures conseillées

  • ADF. Aide à l'élaboration du document unique.
  • Commission des dispositifs médicaux de l'ADF. Grille technique d'évaluation pour la prévention des infections associées aux soins. Paris : ADF, 2015.
  • ONCD. « Sécurisez votre exercice ». Disponible à partir de : http://www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr/chirurgiens-dentistes/securisez-votre-exercice.html