Utilisation de la dent naturelle comme temporisation dans le cadre d'une mise en esthétique immédiate
 

Implant n° 4 du 01/11/2019

 

Dossier clinique - Chirurgie implantaire

P. Wintenberger   I. Kleinfinger   O. Fromentin  

Les traumatismes maxillo-faciaux entraînent fréquemment des conséquences sur le plan dentaire. L'étude épidémiologique de Kraft et al. rapporte une incidence d'environ 51 % concernant les atteintes dentaires dans les traumatismes faciaux[]. La littérature indique que les incisives subissent une fracture coronale dans 39 % des cas, les incisives médiales maxillaires supportant la fréquence de traumatisme la...


Résumé

Résumé

Lors de l'extraction d'une dent dans le secteur antérieur, le risque de résorption osseuse associée à la récession gingivale est important, ceci pouvant compromettre l'esthétique de la restauration finale. Afin de favoriser les conditions de la réussite thérapeutique, le maintien et le modelage des tissus mous requièrent un positionnement tridimensionnel précis de l'implant, un épaississement de la gencive vestibulaire à l'aide d'une greffe de tissu conjonctif enfoui ainsi que la mise en place d'une couronne provisoire afin de guider la cicatrisation tissulaire. Après avoir rappelé la littérature scientifique pertinente justifiant cette thérapeutique, cet article décrit l'extraction d'une incisive médiale maxillaire suivie de l'insertion immédiate d'un implant avec mise en esthétique immédiate de la prothèse provisoire.

Les traumatismes maxillo-faciaux entraînent fréquemment des conséquences sur le plan dentaire. L'étude épidémiologique de Kraft et al. rapporte une incidence d'environ 51 % concernant les atteintes dentaires dans les traumatismes faciaux[]. La littérature indique que les incisives subissent une fracture coronale dans 39 % des cas, les incisives médiales maxillaires supportant la fréquence de traumatisme la plus élevée.

Dans la situation d'une incisive médiale fracturée sans possibilité de la restaurer, l'indication d'extraction pose le problème du préjudice esthétique, immédiatement résolu de manière plus ou moins satisfaisante par une temporisation puis secondairement par l'intégration d'une prothèse dite d'usage.

Parmi les différentes options thérapeutiques de temporisation, qu'elles soient fixes ou amovibles, un des critères essentiels pour le patient réside dans la durée de cette période où l'inconfort de l'artifice temporaire et les difficultés psychologiques de se savoir édenté s'avèrent parfois difficilement supportables.

Pour compenser rapidement les préjudices esthétique et fonctionnel, il est possible de réaliser une prothèse plurale collée fabriquée par CFAO et de l'agréger directement sur la ou les dents adjacentes au site d'extraction/implantation. Néanmoins, ces protocoles utilisant une prothèse plurale collée ou une prothèse amovible provisoire avant implantation requièrent une préservation concomitante de l'alvéole afin de conserver un contour harmonieux des tissus péri-implantaires nécessaires à une esthétique optimale.

Or, la littérature indique que la préservation alvéolaire ne donnerait pas les résultats attendus en termes de volume osseux préservé. Dans leur revue systématique de 2015, Mardas et al.[] s'interrogent sur le bénéfice d'une préservation alvéolaire comparée à une cicatrisation seule lors d'un projet implantaire en évaluant l'indication d'augmentation osseuse complémentaire, la survie implantaire ainsi que la perte osseuse cervicale péri-implantaire. De l'analyse des études retenues, il apparaît qu'une préservation de l'alvéole n'est pas indispensable à la mise en place implantaire et que ceci n'améliore pas significativement le taux de survie ni la stabilité osseuse au col de l'implant. Néanmoins, la préservation alvéolaire limiterait le recours aux augmentations osseuses complémentaires.

L'alternative à la préservation alvéolaire post-extractionnelle consiste en l'implantation immédiate ou précoce de l'implant. Pour Buser et al.[], dans une situation d'implantation immédiate en secteur antérieur, les critères cliniques essentiels à évaluer sont la présence d'une table osseuse vestibulaire intacte et épaisse ainsi qu'un phénotype gingival épais.

Dans le cadre d'un protocole d'extraction-implantation immédiate, en termes de temporisation, Sharma et al. ainsi que Ulusoy et Cehreli proposent de fixer la couronne naturelle de la dent extraite à un arc orthodontique solidarisé à des bagues scellées sur les deux premières molaires. Cette solution est réalisée chez des enfants ne pouvant recevoir un implant[4,5].

De même, toujours dans le but de faciliter l'intégration esthétique de la temporisation, plusieurs publications[6,7] décrivent des situations cliniques où la couronne naturelle a été agrégée sur l'implant immédiatement inséré après extraction, et ceci durant le temps de l'ostéo-intégration.

Dans l'ensemble de ces protocoles, les auteurs rapportent la nécessité de l'absence de contraintes fonctionnelles exercées sur la prothèse temporaire supra-implantaire durant l'occlusion et les mouvements fonctionnels, le seuil tolérable de micro-mouvements devant être inférieur à 100 μm[]. Ceci distingue ainsi la mise en charge fonctionnelle immédiate de la seule mise en esthétique immédiate.

Concernant l'évaluation du résultat thérapeutique en rapport avec une implantation immédiate, Buser et al.[] soulignent le rôle des facteurs anatomiques et iatrogènes dans la réussite ou l'échec esthétique. Ainsi, la présence d'un espace biologique autour de l'implant, le niveau osseux inter-proximal supportant la future papille, le biotype gingival, l'existence d'une table osseuse vestibulaire et son épaisseur représentent les facteurs anatomiques essentiels à prendre en compte dans le protocole chirurgical afin d'atteindre un résultat thérapeutique optimal sur le plan esthétique. La situation implantaire par rapport à son environnement osseux et gingival conditionnerait la stabilité ou le remodelage des tissus péri-implantaires.

Ces auteurs définissent des zones de confort et de danger concernant l'implantation : par rapport à la dent voisine, l'implant doit être éloigné de 1,5 mm en proximal, le col implantaire doit se situer à 1 mm au-dessous de la jonction amélo-cémentaire et être orienté en palatin avec un décalage de 1 mm environ par rapport au point d'émergence de la dent naturelle qu'il remplace. Ainsi, le mauvais positionnement tridimensionnel de l'implant ainsi qu'une réalisation prothétique de piètre qualité constitueraient les facteurs iatrogènes majeurs en rapport avec l'échec esthétique.

Néanmoins, la cicatrisation post-extractionnelle accompagnant l'implantation entraîne des modifications de l'architecture osseuse péri-implantaire.

Ainsi, Vignoletti et Sanz[] montrent, à 4 semaines, un remodelage osseux et, à 8 semaines, une résorption de l'os cortical avec une perte verticale de la table vestibulaire de 0,7 þ 0,3 mm, l'os alvéolaire lingual ne subissant que des changements mineurs.

Pour ces auteurs, il serait possible de limiter l'incidence de ces remaniements osseux en utilisant une membrane résorbable ou en comblant l'espace péri-implantaire vestibulaire avec un biomatériau.

Dans la perspective des résultats issus de la littérature récente en rapport avec la prise en charge implanto-prothétique d'un édentement dans le secteur antérieur, le but de cet article est de présenter le traitement d'un patient présentant une fracture coronale d'une incisive médiale maxillaire.

Cas clinique

Examen clinique et décision thérapeutique

Un homme de 43 ans se présente à la consultation avec une fracture de l'incisive supérieure droite. Il est en bonne santé sur le plan général et ne fume pas.

Lors de l'anamnèse, le patient précise que la fracture a eu lieu après un traumatisme survenu la veille. Il a en sa possession le fragment fracturé de la dent.

Le patient présente une ligne du sourire moyenne avec une visibilité de l'extrémité des papilles, correspondant à la classe 3 de Liébart et al.[].

Les examens clinique et radiographique ne révèlent aucun signe d'infection. Suite au traumatisme, la perte de tissu dentaire est importante, représentant environ les 2/3 de la couronne. La cavité coronaire est partiellement reconstituée par une obturation provisoire [fig. 1 à 3].

La profondeur de sondage est très limitée sur l'ensemble des dents du secteur antérieur sauf au niveau de la dent fracturée où le sondage en vestibulaire signe une fracture horizontale infra-osseuse. La fracture se situe 1,5 mm au-dessous de la ligne amélo-cémentaire et l'examen radiographique montre l'absence de traitement endodontique.

Un examen radiographique CBCT limité à la zone intéressée est réalisé, confirmant l'existence d'une corticale vestibulaire fine ainsi qu'une longueur radiculaire d'environ 12 mm [fig. 4 et 5].

L'indication d'extraction de la dent est posée et des explications concernant les différentes options de traitement prothétique et de temporisation sont délivrées au patient. Une solution d'extraction/implantation immédiate associée à une mise en esthétique immédiate est finalement acceptée par celui-ci.

Réalisation des étapes de la temporisation implanto-prothétique

L'analyse des coupes scanner permet de déterminer le diamètre et la longueur de l'implant qui sera inséré dans l'alvéole après extraction (Implant MIS « Seven » 4,2 mm de diamètre et 13 mm de longueur). Le traitement débute par une extraction atraumatique de la racine afin de préserver la table osseuse vestibulaire [fig. 6 et 7].

L'implant utilisé ici présente une forme conique et il est auto-taraudant. Après avoir marqué le point d'émergence de l'axe implantaire, il est réalisé une séquence de forage à l'aide de forets de diamètre croissant de 2,4 à 3,2 mm dans l'alvéole en veillant à accentuer son axe en direction palatine [fig. 8]. Le protocole inclut un foret terminal dit « anatomique ». Celui-ci ne sera passé que sur le tiers coronal du forage afin que, lors de l'insertion, l'implant ne dévie pas de la direction initiale choisie. Les deux tiers plus apicaux sont légèrement sous-préparés afin d'obtenir une bonne stabilité primaire de l'implant. La situation du dernier foret permet d'objectiver l'orientation du site avant implantation dans les différents plans de l'espace [fig. 9 et 10]. L'implant est vissé avec un couple de serrage de 45 N.cm.

Ceci doit permettre de réaliser une prothèse présentant un axe de transvissage compatible avec une émergence palatine de la vis prothétique. De plus, cette orientation implantaire permet de s'éloigner de la corticale vestibulaire, siège d'un remodelage post-extractionnel dont l'importance est peu prédictible.

Un pilier provisoire en PEEK vissé sur l'implant est ajusté à la hauteur nécessaire pour y agréger une prothèse provisoire dans l'espace prothétique disponible. Une boulette de coton obture le puits d'accès à la vis du pilier provisoire. Le fragment coronaire fracturé [fig. 11 à 13] est nettoyé, puis légèrement fraisé pour préparer une cavité qui recevra de la résine méthacrylique pour prothèse provisoire (TAB 2000, Kerr). Le même matériau est placé sur le pilier provisoire et l'ensemble est assemblé de manière à ce que le fragment coronaire fracturé retrouve une situation similaire à celle qu'il occupait avant le traumatisme. Après polymérisation, la vis de du pilier provisoire est dévissée et l'assemblage retiré afin d'effectuer les finitions nécessaires.

Dans l'alvéole partiellement occupée par l'implant mis en place, l'espace entre les spires implantaires et la corticale vestibulaire est comblé avec des granules d'hydroxy-apatite d'origine bovine (Bio Oss 0,25 mm-1 mm, Geistlich Pharma) [fig. 14].

Enfin, un greffon de tissu conjonctif est prélevé au palais selon la technique de l'incision unique décrite par Hürzeler et Weng[] puis inséré en vestibulaire de l'implant. Pour cela, une incision en épaisseur partielle est pratiquée au niveau de la gencive attaché en regard du col, puis le greffon est suturé à l'aide de fil de suture résorbable 5.0 (Vicryl Ethicon 5.0) [fig. 15 à 17].

Puis tous les contacts en occlusion et en latéralité sur la prothèse provisoire sont éliminés afin d'éviter toute contrainte durant les mouvements fonctionnels.

Le patient est informé de la nécessité d'une alimentation molle durant 3 semaines et de s'abstenir de toute manœuvre d'incision sur ces dents antérieures durant les 4 mois qui sont nécessaires avant la réalisation de la prothèse d'usage.

Il est revu régulièrement toutes les deux semaines afin de contrôler la qualité de la cicatrisation et la maturation des tissus gingivaux péri-implantaires [fig. 18 et 19]. Un scanner est réalisé à 6 mois postopératoires et montre une bonne intégration osseuse de l'implant en site de 11 [fig. 20 et 21].

Étapes de réalisation de la prothèse d'usage

À 6 mois postopératoires, afin d'enregistrer le profil d'émergence prothétique ainsi que le volume trans-gingival modelé grâce à la couronne provisoire transvissée, la technique du « transfert personnalisé » décrite par Elian et al. est réalisée[].

La couronne provisoire est dévissée puis agrégée à un analogue implantaire [fig. 22 et 23].

Ce dernier est enfoui dans du matériau à empreinte de haute viscosité jusqu'au tiers cervical de la prothèse provisoire afin d'enregistrer le profil d'émergence [fig. 24 et 25]. Puis la couronne transvissée est remplacée par un transfert d'empreinte pour technique emportée. L'espace laissé libre entre le transfert et l'empreinte du profil d'émergence prothétique est rempli avec de la résine acrylique chémo-polymérisable. Le transfert est ainsi adapté au volume transgingival à enregistrer dans l'empreinte de situation implantaire [fig. 26].

Ce transfert « personnalisé » est ensuite transvissé en bouche, évitant l'affaissement des tissus péri-implantaires non soutenus après retrait de la prothèse provisoire [fig. 27 et 28].

L'empreinte est effectuée à l'aide d'un matériau élastomère siliconé type PVS en deux viscosités placé dans un porte-empreinte individuel perforé au niveau de l'émergence de la vis de transfixation du transfert personnalisé [fig. 29 et 30]. L'empreinte de l'arcade antagoniste est réalisée à l'aide d'hydrocolloïdes irréversibles (alginate Zhermack) [fig. 31].

Sur le modèle de travail réalisé au laboratoire, une infrastructure en zircone est conçue par CFAO puis fraisée avant d'être collée sur une embase en titane (Tibase MK-SIZ6).

Une supra-structure céramo-céramique (armature en zircone stratifiée avec de la céramique feldspathique) complète le dispositif prothétique unitaire conçu pour respecter le volume transgingival et le profil d'émergence enregistrés dans l'empreinte [fig. 32 et 33].

L'infrastructure est transvissée, contrôlée cliniquement et radiologiquement puis torquée au couple de serrage recommandé (30 N.cm). La supra-structure est scellée avec un ciment minéral et les excès d'agent d'assemblage sont minutieusement retirés [fig. 34 et 35].

Discussion

Dans le cadre du traitement implanto-prothétique présenté ici, les modalités thérapeutiques retenues ont pour but d'optimiser les conditions de la réussite thérapeutique en secteur esthétique.

Concernant le choix de l'extraction-implantation immédiate d'un implant de forme conique avec mise en esthétique de la prothèse provisoire, la littérature scientifique récente semble montrer les avantages de ces modalités en termes de taux de survie implantaire et d'intégration esthétique au sein des tissus gingivaux. Ainsi, comme le rapportent Davarpanah et al.[] ainsi que Grütter et Belser[], une des conditions essentielles à la réussite de ces protocoles d'extraction-implantation immédiate réside dans la stabilité primaire implantaire. L'architecture de l'implant, en termes de forme du corps et des spires, conditionne cette stabilité primaire dans l'os alvéolaire résiduel.

Pour Kan et al.[], la forme conique permettrait une meilleure stabilité primaire que la forme cylindrique.

Au-delà de la stabilité implantaire initiale, la conservation du volume osseux péri-implantaire s'avère cruciale tant pour l'intégration osseuse à long terme que pour le maintien de la situation des tissus gingivaux dans un secteur visible conditionnant l'intégration esthétique de la prothèse réalisée.

Sur le plan de la résorption osseuse post-extractionnelle initiale, la mise en place immédiate de l'implant ne semble avoir qu'une influence très limitée. Ainsi, la revue systématique d'Ortega-Martinez et al.[] consacrée à l'évaluation de différents protocoles d'implantation ne montre pas de différence statistiquement significative concernant la perte osseuse quantifiée à 1 an postopératoire entre implantation immédiate et implantation différée. De plus, le fait de mettre en place une couronne provisoire immédiatement ne semble pas influer sur l'importance de cette résorption osseuse[] même si la conservation du volume et de la forme des tissus gingivaux s'avère très utile sur le plan de l'intégration esthétique du dispositif de temporisation. À ce titre, l'utilisation de la couronne naturelle comme temporisation immédiate facilite l'intégration esthétique initiale. Ainsi, même si l'ostéo-intégration de l'implant limite globalement le remodelage osseux, la résorption de la crête alvéolaire vestibulaire interviendrait, indépendamment du protocole plus ou moins rapide d'insertion implantaire dans l'alvéole après extraction. Pour limiter cette résorption, de nombreux travaux ont souligné l'intérêt d'un ajout de biomatériaux pour combler l'espace séparant l'implant de la table vestibulaire[1,19-21]. Le maintien du volume osseux vestibulaire permettrait de limiter les modifications de situation des tissus gingivaux péri-implantaires, particulièrement dans un secteur concerné par l'esthétique.

Dans une revue systématique de la littérature, Gallucci et al.[] comparent la survie implantaire de différents protocoles de mise en charge en fonction de la chronologie de l'implantation (immédiate, précoce ou conventionnelle) : 24 publications ont été sélectionnées dans le groupe implantation immédiate/mise en charge immédiate, représentant 1067 implants étudiés sur une période moyenne de suivi de 28,9 mois. Les auteurs rapportent un taux de survie implantaire de 98,4 % avec un taux de succès variant de 87 à 100 %.

De même, Grütter et Belser[] comparent différents protocoles de mise en charge implantaire : 29 études sont retenues, ce qui représente 1922 implants étudiés dont 1120 implants utilisés pour remplacer une dent unitaire en zone esthétique. Le taux de survie implantaire serait d'environ 97 % avec un suivi allant jusqu'à 60 mois. Pour les implants posés immédiatement avec une mise en esthétique non fonctionnelle, le taux de survie rapporté serait d'environ 97 % tandis que, avec une mise en fonction de la couronne provisoire, celui-ci serait d'environ 93 %. De plus, dans 40 % des cas d'implants fonctionnels immédiatement après implantation, une récession gingivale est constatée. Les auteurs concluent sur l'intérêt de la mise en esthétique lors des protocoles d'extraction-implantation immédiate avec des implants bénéficiant d'une stabilité primaire efficace dans un volume osseux suffisant ou requérant une augmentation de volume très limitée.

Pour Grütter et Belser[], la prothèse provisoire laissée en place durant au moins 6 semaines doit être transvissée, sans contacts occlusaux durant la fermeture ou les mouvements fonctionnels, chez un patient sans parafonctions.

De même, dans le cadre d'un édentement unitaire en secteur esthétique, Garber et Salama[] conseillent la pose immédiate de l'implant ainsi que l'installation d'une prothèse implanto-portée en peropératoire afin de conserver l'environnement gingival disponible avant l'intervention. Ceci dans le but de favoriser l'intégration esthétique de la prothèse en rapport avec la situation des tissus gingivaux péri-implantaires.

Dans leur revue de littérature, Lewis et Klineberg[] rapportent différentes considérations prothétiques afin d'améliorer le résultat esthétique lors du remplacement d'une dent par une restauration implanto-portée. Pour Castellon et al. ainsi que Chee cités par Lewis et Klineberg[], la couronne provisoire apporterait au patient une solution esthétique rapide et guiderait le contour ainsi que la maturation des tissus gingivaux péri-implantaires.

De même, pour Al-Harbi et Edgin[], l'utilisation d'une prothèse unitaire provisoire transvissée permettrait de maintenir le contour des tissus mous qui se situaient autour de la dent extraite tout en évitant les inconvénients d'un assemblage par scellement.

Par ailleurs, la pérennité de l'intégration esthétique de la prothèse nécessite un environnement gingival optimal en termes de qualité et de quantité de tissus.

Dans leur revue systématique de la littérature, Thoma et al.[] étudient l'efficacité des thérapeutiques de gestion des tissus gingivaux péri-implantaires. Ainsi, ces auteurs soulignent les résultats de l'étude randomisée et contrôlée de Wiesner et al.[] qui montrent qu'un apport de tissu conjonctif enfoui en peropératoire lors de la mise en place de l'implant permettrait une augmentation significative du volume de tissus mous comparé au groupe témoin sans apport tissulaire. De même, d'après Studer et al.[], la greffe de tissu conjonctif enfoui permettrait un gain en volume significativement supérieur à celui d'une greffe gingivale libre.

Concernant le résultat sur le plan esthétique de l'environnement gingival situé autour d'implants mis en place immédiatement après extraction, il ressort des études de Cornelini et al.[] ou de Kan et al.[] que les scores d'évaluation esthétique PES (Pink Esthetic Score)[] obtenus concernant les papilles proximales s'avèrent plus élevés au niveau de sites greffés à l'aide de tissu conjonctif enfoui par rapport aux sites non greffés.

Conclusion

Comme l'illustre le cas clinique présenté ici, la mise en place d'une couronne provisoire associée à un greffon conjonctif en peropératoire après extraction-implantation immédiate permet de limiter les séquelles tant biologiques que psychologiques en rapport avec la perte d'une dent en secteur esthétique.

Le maintien du volume osseux conditionnant la stabilité de l'environnement gingival péri-implantaire et péri-prothétique s'avère un avantage essentiel de ce protocole de traitement. De plus, ceci évite les inconvénients classiques des prothèses provisoires conventionnelles, amovibles ou fixées sur les dents adjacentes.

Néanmoins, bien que le taux de survie implantaire soit élevé, l'indication de ce protocole de traitement et la maîtrise des différentes étapes du plan de traitement implanto-prothétique s'avèrent essentielles afin de réussir l'intégration esthétique à long terme de la prothèse supra-implantaire réalisée.

Auteurs

Pierre Wintenberger

Exercice libéral, Athis-Mons (91)

Isabelle Kleinfinger

Ancienne AHU Chirurgie

DUCICP

Exercice libéral, Paris 12e

Olivier Fromentin

PU-PH

DUCICP

Université Paris 7 Denis Diderot

Hôpital Rothschild (AP-HP)

Bibliographie

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