Drôle d’époque - Implant n° 3 du 01/09/2012
 

Implant n° 3 du 01/09/2012

 

ÉDITORIAL

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Dans le domaine de l’implantologie, les six premiers mois de l’année 2012 ont été le théâtre d’événements, significatifs d’une nouvelle époque. Je veux parler de l’intérêt croissant du monde de la finance pour les implants dentaires, avec des acquisitions, des fusions, des faillites, des reprises. Le plus souvent derrière ce remue-ménage se trouvent des organismes financiers, des fonds de pension, des groupes d’investisseurs, attirés par ce marché si particulier et...


Dans le domaine de l’implantologie, les six premiers mois de l’année 2012 ont été le théâtre d’événements, significatifs d’une nouvelle époque. Je veux parler de l’intérêt croissant du monde de la finance pour les implants dentaires, avec des acquisitions, des fusions, des faillites, des reprises. Le plus souvent derrière ce remue-ménage se trouvent des organismes financiers, des fonds de pension, des groupes d’investisseurs, attirés par ce marché si particulier et spécifique. Le reflet sur l’océan de la cupidité de marges rarement rencontrées dans l’industrie fait miroiter des profits considérables, censés permettre la recherche et le développement pour l’amélioration du produit, mais aujourd’hui le plus souvent répartis entre marketing et rendement à 2 chiffres. Les perspectives d’expansion du marché d’après certains analystes sont exponentielles en raison du vieillissement de la population, mais ces prédictions optimistes oublient le coût des restaurations implantoportées, qui les réservent à une partie seulement de la population vieillissante, surtout dans les temps de crise que traverse actuellement l’économie mondiale. Enfin le produit lui-même est particulièrement original, développé depuis plus de 50 ans avec un nombre important d’expérimentations animales et cliniques. Il semble que l’on oublie facilement aujourd’hui la règle, certes ancienne mais toujours valable, qui veut qu’une modification dans la forme, l’état de surface ou le matériau impose de considérer l’implant modifié comme un nouvel implant, dont seul le recul clinique contrôlé et documenté peut révéler que le changement apporté amène une amélioration ou au contraire une dégradation des qualités du produit initial. Il semble aujourd’hui qu’à l’instar de la lessive qui lave toujours plus blanc, les nouveaux implants s’ostéointègent de plus en plus. Il faut s’attendre à un miracle marketing proposant 130 % d’os autour de l’implant, ce qui serait surprenant sur le plan scientifique. On pourrait sourire de cette situation si elle ne fragilisait pas considérablement les compagnies d’implants. Nous assistons depuis près de 10 ans à une série de ventes et de rachats qui obéissent à des règles que nous ne connaissions pas, bien que faisant partie de la vie économique actuelle. Pour schématiser, un investisseur cherche un domaine où le profit semble certain, il estime le montant pour acheter, ou créer, une société d’implants qui doit en cinq ans atteindre l’objectif fixé. Si au bout de cinq ans les objectifs sont atteints, ou dépassés, les financiers cherchent à revendre avec une forte marge. Si les objectifs ne sont pas atteints, la société est revendue avec un moindre profit, ou liquidée. Le problème c’est qu’au-dessus d’un implant il y a une prothèse, et que lorsqu’un implant est ostéointégré il est censé rester en bouche sur une longue, voire très longue, durée. Lorsqu’une firme cesse son activité, il n’y a plus la possibilité de se procurer l’accastillage nécessaire pour la réalisation ou la réfection prothétique. Imaginons un implant posé et trois mois plus tard la société est mise en faillite : il est impossible de se procurer les pièces s’adaptant à la connexion certes originale, mais insolite et inédite en dehors de ce système. C’est la situation désagréable à laquelle ont été confrontés les praticiens adeptes du système Tekka ce printemps. Tout est rentré dans l’ordre, un fonds d’investissement déjà propriétaire d’une société d’implants a repris la société en faillite et la commercialisation du système implantaire. Cet événement n’est pas à prendre à la légère, car il est reproductible dans cette drôle d’époque.