De la réclame à la com en passant par la pub - Implant n° 4 du 01/11/2014
 

Implant n° 4 du 01/11/2014

 

ÉDITORIAL

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Nostalgie quand tu nous tiens, où est passé le temps de la réclame avec pour slogan « Ya bon Banania ! » et, pour ancêtre du teasing, le fameux « Du bo, Du bon, Dubonnet » que l’on aperçoit encore sur le flanc de certains murs aveugles parisiens ?

Il a été balayé par la publicité qui vantait les mérites du robot ménager et de l’aspirateur, armes fatales qui, selon elle, allaient libérer la femme dès les années 1950. Le teasing de l’époque...


Nostalgie quand tu nous tiens, où est passé le temps de la réclame avec pour slogan « Ya bon Banania ! » et, pour ancêtre du teasing, le fameux « Du bo, Du bon, Dubonnet » que l’on aperçoit encore sur le flanc de certains murs aveugles parisiens ?

Il a été balayé par la publicité qui vantait les mérites du robot ménager et de l’aspirateur, armes fatales qui, selon elle, allaient libérer la femme dès les années 1950. Le teasing de l’époque prévoyait qu’après avoir enlevé le haut, l’accorte mannequin allait enlever le bas… Ce qui fut fait, au grand dam des féministes de l’époque en pleine conquête de liberté. C’était l’époque où l’un des publicitaires français parmi les plus connu, car largement médiatisé, déclarait être « un fils de pub » et, pour consoler sa mère, écrivait un best-seller : Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité… elle me croit pianiste dans un bordel. Qu’en termes fleuris ces choses-là étaient exprimées ! D’autant plus que le livre est sorti juste après que son slogan, « La force tranquille », avait propulsé un nouveau président à la tête de l’état français.

La publicité était volontiers provocatrice, revendiquait une certaine marginalité, un côté mauvais garçon qui n’hésitait pas à choquer pour faire passer son message. Mais les temps changent, le règne du politiquement correct s’est petit à petit installé dans nos vies et la pub s’est transformée en com.

La com (la communication pour les non-initiés) est la publicité qui a quitté ses foulards indiens noués autour du cou ou dans les cheveux, les chemises roses et les deserts boots, pour conserver ses jeans mais qui a adopté la veste trop cintrée avec la chemise blanche ouverte (au moins les trois premiers boutons, au-delà cela fait un peu vulgaire) et les chaussures en cuir de bottiers prestigieux qui ont terni la réputation d’un ancien ministre et d’un conseiller de l’élysée. Dans notre pays, on ne se méfie jamais assez de ce qui brille, à commencer par des chaussures trop bien cirées…

Le message de la com est plus soft, proche des gens, de leurs préoccupations quotidiennes, on cherche à les aider, on veut leur bien. On ne se méfie jamais assez des gens qui vous veulent du bien. Le but reste le même, nous vendre des produits à tout prix, voire à n’importe quel prix, surtout si on n’en a pas besoin. Steve jobs refusait de communiquer sur les produits innovants avant leur introduction sur le marché, il considérait qu’il était inutile de dépenser de l’argent pour vanter les qualités d’un objet que le public ne savait pas encore qu’il ne pouvait s’en passer. Sa société ne fait des campagnes de com que pour soutenir des produits en perte de vitesse par rapport à la concurrence.

Dans notre domaine, nous n’échappons pas à la com. Si on se penche sur les plus gros communicants dans le domaine de la santé, on trouve immédiatement ceux qui ont la puissance financière de faire entendre leurs intérêts : les financeurs privés du système complémentaire de santé à qui les deux derniers gouvernements auront accordé de plafonner le remboursement des actes médicaux, de conserver l’opacité des frais de gestion, d’obtenir la régulation des tarifs par les réseaux de soins et même l’obligation pour tous les français de devenir leurs clients.

Cela leur permet de délivrer leur message, payé par leurs clients, nos patients, en prime time, pour un tarif variant, suivant les chaînes, entre 30 000 et 200 000 € la minute, avec une famille qui annule ses vacances pour payer les lunettes de sa fille ou qui vend sa maison pour les dents du père. On peut nous rétorquer que ces messages sont de l’humour au second degré, parfaitement compris et analysé par le téléspectateur en attente de son match de football. Pas si sûr, quand on observe le résultat des « blagounettes » de notre président sur la remontée de sa cote de popularité, que l’humour au second degré soit le mieux compris par les sans dents, nos patients !