Jusqu’à quand ? - Implant n° 3 du 01/09/2014
 

Implant n° 3 du 01/09/2014

 

ÉDITORIAL

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Après l’annonce de la mise en place de la CCAM pour les chirurgiens-dentistes, le Ministre de la Santé a annoncé au mois de juin sa volonté de mise en place du tiers payant généralisé pour les médecins en 2017. Nouvelle réforme, nouvelle contrainte, avec pour conséquence la mainmise de l’administration sur la médecine libérale. La fin du paiement à l’acte entraîne la déresponsabilisation financière du patient, avec la tentation d’une surconsommation...


Après l’annonce de la mise en place de la CCAM pour les chirurgiens-dentistes, le Ministre de la Santé a annoncé au mois de juin sa volonté de mise en place du tiers payant généralisé pour les médecins en 2017. Nouvelle réforme, nouvelle contrainte, avec pour conséquence la mainmise de l’administration sur la médecine libérale. La fin du paiement à l’acte entraîne la déresponsabilisation financière du patient, avec la tentation d’une surconsommation « gratuite ». Pour le ministère de la Santé, ce problème est un fantasme, en avançant l’argument massue : « les pharmaciens le font bien », et nous n’avons pas constaté d’augmentation de la dépense. Ce raisonnement est comme d’habitude biaisé, car le contrôle de la consommation des médicaments prescrits n’est pas le fait des pharmaciens, mais celui des prescripteurs, les médecins et pour une moindre part les chirurgiens-dentistes. En revanche, l’argumentation du ministère est l’aveu direct de sa politique d’encadrement progressif des professionnels de santé : j’essaie sur une profession de santé une nouvelle contrainte limitant son exercice libéral, si la profession en question se plie au nouveau carcan imposé et que les autres professions de santé ne se manifestent pas par un soutien massif, au bout de quelques temps j’applique la contrainte à une autre profession de santé. Ce faisant je parviens à terme à réduire la liberté d’exercice des professionnels de santé libéraux pour les obliger à devenir de simples exécutants, dans un système sous contrôle, bureaucratique et déresponsabilisant.

Rappelons-nous, il y a deux ans notre Ministre de la Santé, deux mois après sa prise de fonctions, annonçait qu’il était temps de « mettre en place un système de sanctions directes et rapides » contre les tarifs abusifs des médecins libéraux, à commencer par la pratique libérale des chefs de service hospitaliers. Puis mi-novembre de l’année dernière ce sont les chirurgiens-dentistes qui sont accusés de « dérives tarifaires inacceptables » ; un mois plus tard ce sont les opticiens qui tombent sous les coups du ministère, orchestrés par une campagne de communication expliquant à leurs clients le scandale des marges de cette profession.

Au milieu du mois de juillet dernier, le futur ex-ministre des finances, alors encore en poste, annonce sa volonté de s’attaquer aux professions réglementées. Trente-sept professions sont dans le viseur de Bercy et nous découvrons avec surprise que les chirurgiens-dentistes font partie des professions réglementées aux marges indécentes, au même titre que les notaires, les huissiers de justice, les pharmaciens, les prothésistes dentaires…

À nouveau une attaque contre les professionnels de santé, identifiés comme les responsables de tous les maux du système de santé français. Dès les années 1990, le Ministre de la Santé de l’époque déclarait : « La réduction des dépenses de santé passe par la réduction du nombre de médecins » ; 25 ans plus tard on peut reconnaître le côté visionnaire de ce Ministre qui a organisé la pénurie de professionnels de santé par un numerus clausus suicidaire. Peut-être aurait-il fallu à l’époque envisager le problème à l’envers, à savoir : la réduction des dépenses de santé passe par la réduction du nombre de malades. Une politique de prévention qui n’a jamais été mise en place, ni même envisagée, aurait peut-être évité la situation actuelle.

Les professionnels de santé libéraux allient entreprenariat et indépendance professionnelle, en percevant depuis 1928 des honoraires directement de leurs patients pour les soigner, les soulager et dans la mesure du possible sauver leur vie, ils n’ont vraisemblablement plus leur place dans le système médiocratique que nos politico-technocrates incompétents tentent de mettre en place.