Restauration d’un maxillaire avec greffe et d’une mandibule avec implants courts - Implant n° 3 du 01/09/2014
 

Implant n° 3 du 01/09/2014

 

DOSSIER CLINIQUE

Bernard Chapotat*   Éric Schneck**  


*Docteur en chirurgie dentaire
Ancien assistant des Universités
D.U. d’implantologie maxillo-faciale
**Docteur en chirurgie dentaire
D.U. d’implantologie maxillo-faciale

Lors de reconstructions implanto-prothétiques, il arrive souvent que le volume osseux ne soit pas satisfaisant. Pour le restaurer, en réalisant le meilleur choix thérapeutique, il est nécessaire de bien considérer les indications et de maîtriser les techniques de reconstruction (ROG ou greffes à l’aide d’os pariétal, iliaque, rétromolaire, allogénique, etc.) ou encore utiliser des implants courts devenus une indication thérapeutique avérée.

En 2010, Mme S., âgée de 63, ans nous consulte pour une restauration du maxillaire et de la mandibule en souhaitant une prothèse implanto-portée fixe. l’anamnèse ne signale pas de problèmes systémiques, l’examen endobuccal fait apparaître, au maxillaire, la présence d’un bridge de 14 à 25 qui présente une mobilité et, à la mandibule, la présence d’un bridge 35 à 45 avec absence des autres dents 36, 37, 46, 47 (fig. 1 et 2).

À la mandibule, une alvéolyse horizontale est observable sur l’ensemble des dents résiduelles du bridge ainsi que des pertes d’attache très importantes sur les dents 35, 44 et 45. Au niveau postérieur, la hauteur d’os résiduel des deux côtés de la mandibule est de 8 mm.

Plusieurs solutions de restauration sont envisageables, en rappelant que la patiente souhaite éviter toute solution prothétique faisant intervenir une prothèse mobile :

– au maxillaire, il est possible de réaliser un bridge implanto-porté avec une augmentation verticale du volume sinusien et une augmentation horizontale du volume osseux des deux secteurs prémolo-molaires ou l’utilisation d’implants angulés dans les zones antérieures des deux sinus maxillaires ;

– à la mandibule, la mise en place d’implants entre les deux trous mentonniers ne pose pas de problème. En revanche, le niveau osseux résiduel postérieur est limité et va contraindre à une augmentation verticale bilatérale du volume osseux résiduel ou à l’utilisation d’implants courts.

CHOIX THÉRAPEUTIQUE

Au maxillaire, la reconstruction sera effectuée en deux temps chirurgicaux :

– dans un premier temps opératoire, une élévation sinusienne bilatérale sera réalisée avec un comblement alliant os autogène et biomatériau ainsi qu’une augmentation du volume osseux horizontal à l’aide de lamelles osseuses prélevées au niveau rétromolaire de la mandibule selon la technique décrite par de Khoury et des copeaux d’os récupérés à l’aide d’un racleur à os. La solution des implants angulés à 30° n’a pas été retenue en raison de l’importance du volume mésial du sinus qui limitait l’émergence des implants entre les canines et les premières prémolaires ;

– dans un deuxième temps (4 mois plus tard), la mise en place des implants sera réalisée.

À la mandibule, il sera procédé à l’avulsion des dents résiduelles et à la mise en place des implants avec deux implants courts au niveau postérieur, une augmentation verticale des zones postérieures n’ayant pas été retenue.

TRAITEMENT

PREMIER TEMPS OPÉRATOIRE

Ce temps opératoire ne concerne que le maxillaire.

L’élévation de la membrane sinusienne n’a pas posé de problème (Fig. 3 à 5).

Deux lamelles d’os ont été prélevées au niveau des zones rétromolaires en utilisant une MicroSaw, puis ensuite ruginées à l’aide du racleur à os pour les rendre les plus fines possibles (Fig. 6).

Ce même racleur à os sert aussi au prélèvement d’os au niveau de la mandibule pour combler le bas-fond sinusien bilatéral. Du Bio-Oss(r) a permis de compléter cette augmentation de volume dans la partie supérieure du sinus (Fig. 7). Les lamelles osseuses ont ensuite été fixées à distance de l’os résiduel du maxillaire (Fig. 8) et l’espace créé entre les lamelles et l’os résiduel a été comblé avec des copeaux d’os autogène récupérés à l’aide du racleur à os (Fig. 9).

DEUXIÈME TEMPS OPÉRATOIRE (4 MOIS PLUS TARD)

Les dents du maxillaire, supports du bridge, ont été extraites et 6 implants In-Kone(r) (Global D, France) ont été mis en place à l’aide d’un appareil complet dont la partie rétro-incisive a été évidée, ce qui permet de positionner parfaitement les implants si l’on souhaite réaliser un bridge provisoire et définitif transvissé. La stabilité primaire des implants étant insatisfaisante, cet appareil complet a été rebasé et mis en place pour éviter des forces délétères sur les implants. Le positionnement sous-crestal des implants (à 2 mm) évite l’appui de cette prothèse totale sur les implants.

À la mandibule, la bonne stabilité des implants a permis une mise en charge immédiate, les implants courts de 6 mm les plus postérieurs ont été inclus dans le bridge provisoire (Fig. 10).

TROISIÈME TEMPS OPÉRATOIRE

Trois mois plus tard, les prothèses permanentes du maxillaire et de la mandibulaire ont été réalisées (Fig. 11 et 12).

DISCUSSION

Au maxillaire, le choix de l’élévation sinusienne a été fait en fonction de la littérature, qui montre un taux d’échecs de cette technique de seulement 5 % et un taux de survie implantaire dans les élévations sinusiennes de 92 à 98 % [2].

Une mise en charge immédiate sur implants ne pouvait être envisagée car il n’était pas possible de positionner les implants de façon suffisamment postérieure comme dans le technique du « all on four » pour permettre une reconstruction prothétique au-delà de la deuxième prémolaire et de plus la densité osseuse de cette patiente constituait un facteur défavorable pour ce type de technique. Il était donc nécessaire de réaliser une élévation de la membrane sous-sinusienne. La choix de l’élévation sinusienne comportait peu de risques puisque le taux d’échecs de cette technique est seulement de 5 % et le taux de survie implantaire dans les élévation sinusiennes varie entre 92 et 98 % [1]. Il était aussi nécessaire de réaliser dans le même temps opératoire une reconstruction osseuse latérale. Elle a été réalisée selon la technique de Koury et elle a parfaitement fonctionné car cette reconstruction à l’aide de lamelles osseuses correspond en réalité à une régénération osseuse guidée avec une membrane non résorbable et, dans la littérature médicale, le taux de survie implantaire dans une régénération osseuse guidée avec des membranes non résorbables est supérieur à une greffe en onlay [1, 2].

Cependant, le taux de réussite des greffes en onlay est supérieur au taux de survie des régénérations osseuses guidées avec une membrane non résorbable, d’où l’intérêt de la technique de Khoury qui offre les avantages de la première approche sans les inconvénients de la seconde [3, 4].

À la mandibule, si le niveau osseux en avant des trous mentonniers était très important, cela n’était pas le cas au niveau postérieur. Il aurait bien évidemment été possible de réaliser une greffe osseuse d’augmentation comme au maxillaire mais l’utilisation d’implants courts a été privilégiée. Une étude d’Urdanetta et al. [6] (2 ans en méthode rétrospective) sur une cohorte de 211 implants, 57 en 5 mm et 154 en 6 mm, établit une comparaison avec 199 implants courts de 8 mm (tous ces implants ont été positionnés en sous crestal). Le taux de survie des implants courts est de 95 % et celui des implants ultracourts est de 97 %, mais ces chiffres sont plutôt inversés par rapport aux données de la littérature. Cet auteur souligne que le taux de survie implantaire des implants courts est plus élevé à la mandibule qu’au maxillaire. Il est à noter qu’à la mandibule, dans les zones postérieures, l’os est souvent très corticalisé et si, au moment de la chirurgie, il ne saigne pas, il est alors préférable de réaliser un premier forage pour stimuler l’apparition des cellules ostéoïdes puis, 4 à 6 semaines plus tard, de mettre en place les implants [5, 6].

Dans une autre étude, prospective celle-ci, Rossi et al. [7] étudient la mise en charge rapide d’implants microrugueux ultracourts de 6 mm. Il s’agit d’une étude prospective de 2 ans qui suit cette cohorte de 40 implants dont le diamètre se situe ente 4,1 et 4,8 mm. Les vis de cicatrisation sont mises en place le jour de la chirurgie et les pertes d’implants sont repérées avant leur mise en charge. Cette dernière est effectuée au bout de 7 semaines et le taux de survie est élevé (95 %) ; la perte marginale est relativement faible puisqu’elle se situe entre 0,2 et 0,3 mm. Les implants de 6 mm peuvent donc supporter sans problème une reconstruction prothétique avec, cependant, un biais puisque tous les implants ont été mis en place à la mandibule et ne reflètent donc pas le taux d’échecs important que l’on retrouve au niveau du maxillaire.

Il ressort de ces études bibliographiques que les techniques de reconstruction verticale dans une mandibule ou un maxillaire résorbés entraînent plus de complications, de pertes implantaires, de douleurs et de jours d’hospitalisation que l’utilisation d’implants courts avec, bien évidemment, un coût supérieur. Si la procédure d’augmentation de volume osseux n’a pour but que de placer un implant plus long, ces techniques ne sont alors pas justifiées. Dans le cas de cette patiente, il était bien évidemment nécessaire de reconstruire le maxillaire dans les zones postérieures, ce qui a été fait. À l’inverse, l’utilisation d’implants courts lui a évité une greffe osseuse d’augmentation verticale à la mandibule. L’utilisation des implants courts et ultracourts est une technique fiable pour des reconstructions prothétiques dans les zones postérieures ne faisant pas intervenir l’esthétique.

CONCLUSION

Le choix thérapeutique doit se faire à partir de bonnes connaissances bibliographiques, ce qui permet d’analyser les bénéfices par rapport aux risques engagés pour le praticien comme pour le patient. C’est pourquoi les techniques d’augmentation, qu’elles soient verticales ou horizontales, doivent être maîtrisées, tout comme l’utilisation d’implants courts (≤ 8 mm) qui sont aujourd’hui une indication thérapeutique avérée.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Jensen SS, Terheyden H. Bone augmentation procedures in localized defects in the alveolar ridge: clinical results with different bone grafts and bone-substitute materials. J Oral Maxillofac Implants 2009;24 (suppl.):218-236.
  • 2. AghalooTL, MoyPK. Which hard tissue augmentation techniques are the most successful in furnishing bony support for implant placement? Int J Oral Maxillofac Implants 2007;22 (suppl.):49-70.
  • 3. Khoury F, Antoun H, Missika P. Greffe osseuse en chirurgie implantaire. Paris : Quintessence International, 2006
  • 4. Merli M, Migani M, Esposito M. Vertical ridge augmentation with autogenous bone grafts: resorbable barriers supported by ostheosynthesis plates versus titanium-reinforced barriers. A preliminary report of a blinded, randomized controlled clinical trial. Int J Oral Maxillofac Implants 2007;22:373-382.
  • 5. Schneck E, Chapotat B. Place croissante des implants courts et ultracourts dans la thérapeutique implantaire. Implant 2013;19:171-179.
  • 6. Urdaneta RA, Rodriguez S, McNeil DC, Weed M, Chuang SK. The effect of increased crown-to-implant ratio on single-tooth locking-taper implants. Int J Oral Maxillofac Implants 2010;25:729-743.
  • 7. Rossi F, Ricci E, Marchetti C, Lang NP, Botticelli D. Early loading of single crowns supported by 6-mm-long implants with a moderately rough surface: a prospective 2-year follow-up cohort study. Clin Oral Implants Res 2010;21:937-943.

LIENS D’INTÉRÊT : les auteurs confirment recevoir des honoraires de la part de Global D cité dans le présent article.

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