Occlusion et dentisterie : optimiser sa pratique sans la révolutionner - Implant n° 2019 du 01/07/2019
 

Transversal n° 2019 du 01/07/2019

 

Occlusion

Mickael COTELLE  

Occlusodontie exclusiveExercice libéralArras (62)

La gestion de l'occlusion, étape finale de nos actes, peut poser de multiples interrogations quant à la localisation et à l'intensité des contacts à (re)créer. Pourtant, quelques connaissances de base ainsi que le respect d'un protocole simple peuvent apporter sérénité, plaisir et satisfaction du travail bien accompli.

Bases de l'occlusion

Si l'intensité des contacts à créer nécessite réflexion et respect d'un protocole que nous détaillerons ensuite,...


La gestion de l'occlusion, étape finale de nos actes, peut poser de multiples interrogations quant à la localisation et à l'intensité des contacts à (re)créer. Pourtant, quelques connaissances de base ainsi que le respect d'un protocole simple peuvent apporter sérénité, plaisir et satisfaction du travail bien accompli.

Bases de l'occlusion

Si l'intensité des contacts à créer nécessite réflexion et respect d'un protocole que nous détaillerons ensuite, leur localisation fait appel aux cours d'anatomie dentaire et au bon sens. En effet, si les faces occlusales reconstituées doivent, idéalement, permettre de retrouver la morphologie « initiale » de la dent, les contacts à reproduire auront pour rôle d'assurer les fonctions de calage et de centrage, voire de guidage si la dent soignée participe à la fonction [1] (fig. 1).

Les points de contacts seront donc situés de part et d'autre du sommet des cuspides vestibulaires mandibulaires (fig. 2) et sur le versant palatin des cuspides palatines maxillaires (fig. 3).

Sur l'arcade antagoniste, ils se trouveront proches du fond des sillons et sur les crêtes marginales (fig. 4 et 5).

Situés sur les cuspides primaires, ces contacts seront appelés points supports de l'occlusion ou « verrous d'occlusion » [2-5].

Ils se situent non pas au sommet des cuspides mais légèrement décalés afin de faciliter les fonctions (fig. 6). Cependant, « la diversité des situations rencontrées en clinique rend particulièrement vaine toute systématisation » [6].

La localisation des points de contacts primordiaux étant maintenant maîtrisée, que dire sur leur nombre ?

Le concept « utopique » de contacts tripodiques est difficile à obtenir cliniquement ; d'ailleurs, « un nombre moindre de points bien répartis assume une situation fonctionnelle acceptable » [2, 4].

Ces contacts statiques, créés lors de nos soins, assureront la fonction de calage et, selon le type de cavité, devront bien souvent également guider la fonction. À ce titre, une double vérification dynamique s'impose.

• Tout d'abord, via les mouvements d'analyse enseignés en faculté de manière systématique, afin de vérifier la fonctionnalité de la propulsion et des diductions (latéralités). Le soin réalisé ne doit pas perturber les mouvements existants via des interférences (travaillantes ou non) ; tout au plus peut-il optimiser ces fonctions en les accompagnant (la création d'une surface de guidage travaillante dans un contexte de fonction de groupe est légitime) [2].

• Ensuite, un second contrôle s'impose afin de vérifier l'équilibration lors des mouvements fonctionnels, ceux que notre patient va réaliser, c'est-à-dire l'incision et la mastication. Le recrutement musculaire étant différent, il peut être observé une répartition et/ou une intensité différente des surfaces de guidages par rapport aux mouvements d'analyse [2].

Cette notion peut parfois porter à confusion, voire à débat. Pourtant, ces deux étapes sont complémentaires dans le sens où la mastication, gauche par exemple, va engendrer (en milieu de cycle) un ou plusieurs contacts sur l'hémi-arcade controlatérale, similaires à ceux observés en diduction droite (fig. 7).

Concernant l'intensité des contacts, la phase de validation qui se limite à demander au patient de « serrer les dents » et de nous faire part d'une quelconque gêne (l'absence de gêne ressentie étant alors synonyme de succès) nous paraît insuffisante, voire erronée. En effet, via la proprioception, un ou plusieurs contacts nouvellement créés vont engendrer une différence de perception du patient, qu'il peut considérer comme gênante.

Notre rôle est de savoir si ce contact est réellement en sur-occlusion (fig. 8) ou simplement en occlusion physiologique (fig. 9) (la différence de sensation devra être expliquée à notre patient).

Alors, si le ressenti du patient est source d'erreur, comment être sûr d'avoir reproduit des contacts physiologiques et non en sur-occlusion ?

La réponse nous est donnée par les conseils avisés du Pr Abjean [2] qui nous appelle à suivre le protocole suivant : observer/enregistrer/respecter.

Observer

L'objectif d'un soin conservateur est de reconstituer la dent au plus proche de sa morphologie initiale. Cependant, il n'a pas vocation à modifier l'occlusion existante, que ce soit sur le plan statique ou dynamique : « il faut respecter l'occlusion et la fonction du patient » [2].

Respecter l'existant sous-entend de l'avoir visualisé avant de débuter le soin, y compris et surtout avant l'éventuelle dépose d'un soin pré existant (fig. 10). Il est compliqué de copier quelque chose que l'on ne connaît pas...

La mise en évidence des contacts statiques et des surfaces de guidage est aisée grâce au matériel précis dont nous disposons (fig. 11).

Enregistrer

Si le praticien craint de les oublier, il peut alors aisément les enregistrer (appareil photo, caméra intra-buccale, schéma dentaire) (fig. 12).

Respecter

En ayant observé et enregistré l'occlusion initiale du patient et en maîtrisant les bases de l'occlusion, il devient alors très simple de sculpter le matériau d'obturation jusqu'à l'obtention de contacts en occlusion, respectant l'OIM et la fonction existante.

Cas clinique (fig. 13 à 16)

Afin de s'épargner une adjonction complémentaire fastidieuse, la cavité sera obturée en excès, puis l'équilibration sera réalisée par soustraction jusqu'à obtenir les contacts désirés. Ce protocole complique donc le recours aux amalgames...

Ce cas pourrait amener une discussion quant au choix de la dent ou des dents amenées à prendre en charge la fonction de façon privilégiée.

En effet, plusieurs analyses sont possibles.

• Soin sur 16 en sur-occlusion ayant modifié l'existant (diminution des guidages en 14 et 15 palatins et du contact statique en 16mésial).

• Présence d'interférences non travaillantes en 14/15 dues à un guidage masticatoire inexistant en 16/17, le soin ayant solutionné ce « problème ».

• Intérêt de réaliser le soin sur 17 puis réévaluation de l'ensemble.

Chacun est libre de son analyse et de son choix thérapeutique... Le contexte musculo-articulaire mais aussi parodontal doit amener le praticien à une réflexion quant aux contraintes (intensité et axe) que peut subir chaque dent du patient concerné.

Sur un terrain de parodonte sain et pour un patient non dysfonctionnel, le respect de l'existant reste de rigueur. Le mieux peut être l'ennemi du bien...

P. Saulue [7] a d'ailleurs démontré que toute occlusion, si atypique et/ou asymétrique soit-elle, peut être fonctionnelle.

Pour finir, chacun aura bien compris que ces concepts et protocoles d'équilibration occlusale en dentisterie s'appliquent aisément en prothèse fixe et même en prothèse implanto-portée avec tout de même une subtilité vis-à-vis de la pression occlusale à exercer.

Liens d'intérêts :

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Bibliographie

  • [1] Orthlieb JD, Laplanche O, Preckel EB. La fonction occlusale et ses dysfonctionnements. Réalités Ccliniques 1996;7:131.
  • [2] Abjean J. L'occlusion en pratique clinique. Quintessence International, 2002.
  • [3] Romerowski J, Bresson G. Atlas d'anatomie dentaire fonctionnelle. EDP Sciences, 2016.
  • [4] Duminil G. L'occlusion tout simplement. Espace ID, 2013.
  • [5] Orthlieb JD. Gnathologie fonctionnelle. Éditions CdP, 2009.
  • [6] Rozencweig D. Algies et dysfonctionnement de l'appareil manducateur. Éditions CdP, 1994.
  • [7] Saulue P. Asymétrie et fonction. Quintessence International, 2018.
  • [8] Le Gall M, Lauret JF. La fonction occlusale, implications cliniques. Éditions CdP, 2011.