Facteurs d'échec des prothèses supra-implantaires transvissées du type pilotis - Implant n° 3 du 01/09/2016
 

Implant n° 3 du 01/09/2016

 

PROTHÈSE

A. PARA / P. COUGNY / P. FRAGATA / B. TAVERNIER / O. FROMENTIN  

Résumé

Les édentés totaux représentent une part de plus en plus importante de la patientèle des cabinets dentaires. L'apport de l'implantologie, dont la fiabilité à long terme est maintenant démontrée, permet de restaurer leurs arcades édentées de façon satisfaisante avec des prothèses fixées. Les protocoles modernes incluent différentes architectures de prothèse implanto-portée en fonction du nombre et de la répartition des implants. Avec les développements de la CFAO, les infrastructures usinées sont devenues incontournables pour ce type de restauration.

Le but de cet article est de souligner les complications associées au traitement des édentés totaux maxillaires par prothèse implanto-portée transvissée sur pilotis, en s'appuyant sur les difficultés spécifiques rencontrées dans un cas clinique et sur la littérature scientifique récente.

Summary

Causes of failures of maxillary full-arch screwed prosthesis

Edentulous people represents an increasing part of the patients treated in private practice dentistry. Fixed full-arch implant-supported prostheses which is a reliable therapy, allows to treat patients with success and satisfaction. Several design of prostheses are described in relation to the number or the location of the implants and CAD CAM milled frameworks provides undisputed benefits for this type of fabrication.The aim of this publication is to highlight prostheses complications in maxillary full-arch screwed prosthesis. through a clinical case and the review of the litterature.

Key words

fixed full-arch implant-supported prostheses, complete endentulous, CAD-CAM milled frameworks, palatal side of the artificial teeth

L'objectif principal du traitement implanto-prothétique des patients édentés totaux est soit d'éviter le port de prothèse amovible complète grâce à une restauration fixe, soit d'améliorer la rétention et la stabilité des prothèses amovibles complètes []. Globalement deux solutions prothétiques sont réalisables pour une restauration fixe implanto-portée du maxillaire édenté : la prothèse dite classique, scellée ou transvissée, lorsque le faible niveau de résorption ou la reconstruction osseuse permet une émergence gingivale directe des dents prothétiques, ou la prothèse dite de type Brånemark, ou sur pilotis, lorsqu'une fausse gencive est nécessaire pour compenser la résorption ou le décalage des bases osseuses []. Toutes les approches utilisent principalement des implants placés soit dans le maxillaire antérieur associés à des cantilevers distaux, soit dans les secteurs antérieur et postérieur sans cantilever. Les protocoles modernes incluent différentes architectures de prothèse implanto-portée en fonction du nombre et de la répartition des implants, ainsi qu'une variété de matériaux des dents prothétiques, comme des dents en résine ou en céramique sur une infrastructure métallique ou des dents en céramique d'émaillage sur une infrastructure en zircone. Avec les progrès de la CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur), les infrastructures usinées sont devenues incontournables pour ce type de restauration [].

Le but de cet article est de souligner les complications associées au traitement des édentés totaux maxillaires par prothèse implanto-portée transvissée type pilotis, en s'appuyant sur les difficultés spécifiques rencontrées dans un cas clinique et sur la littérature scientifique récente. Après avoir rappelé l'incidence des complications et les différents facteurs de risque de ce type de thérapeutique, l'intérêt d'intégrer des faces palatines métalliques antérieures à la conception de l'armature métallique de la prothèse implanto-portée sera montré.

Cas clinique : réfection d'une prothèse complète fixée fracturée

Une patiente de 75 ans est reçue en consultation (à l'hôpital Rothschild) pour la fracture d'une partie de sa prothèse complète transvissée supportée par 6 implants, réalisée quelques années auparavant. Elle ne présente pas de signes douloureux et aucune mobilité de la prothèse n'est constatée. La radiographie panoramique et le sondage parodontal confirment la bonne santé des 6 implants positionnés en 11, 21, 15, 16, 25 et 26 (fig. 1).

L'examen de la prothèse montre une fracture nette de la résine de support des dents 14 et 15, laissant apparaître l'infrastructure sous forme d'une barre usinée de section carrée. La fracture est intervenue non pas au sein de la résine méthacrylique d'ancrage des dents prothétiques mais à l'interface entre l'infrastructure et la résine (fig. 2 et 3). Les puits de vissage prothétique émergent entre 15/16, 14/15, 24/25, 26/27 ainsi qu'en palatin de 11 et 21. Les dents artificielles en place sur la prothèse ainsi que la résine de soutien sont analysées : des fissures infiltrées de colorations sont visibles au sein de la résine dans le secteur antérieur, en vestibulaire et palatin des dents de 13 à 23 (fig. 4). Ces fissures laissent présager un risque de fracture à moyen terme du bloc antérieur.

L'analyse de l'occlusion dans cette situation montre un guidage canin en latéralité gauche et droite avec participation de 22 ainsi que des contacts importants en protrusion entre les dents antagonistes naturelles et les faces palatines en résine des dents antérieures (fig. 5).

La problématique de ce cas réside, d'une part, dans la gestion clinique du schéma occlusal ainsi que des contacts exercés lors de la protrusion et des latéralités et, d'autre part, dans la gestion technique de la réalisation de l'infrastructure métallique du bridge. En effet, la section carrée de cette armature a ménagé un volume très important de résine sans rétention mécanique efficace. Or, les fonctions occlusales engendrent des contraintes en flexion, traction et compression avec une concentration d'énergie au sein de la résine qui ancre les dents prothétiques sur l'infrastructure prothétique. Le comportement fragile ou peu ductile, au sens mécanique du terme, de la résine méthacrylique sous les contraintes fonctionnelles conduit à une transmission d'énergie à l'armature sous-jacente avec concentration de cette énergie à l'interface entre la résine et l'armature métallique. De plus, un phénomène de fatigue du matériau entraîne l'apparition de fissures qui finissent par évoluer vers une fracture si la durée et l'intensité de ces contraintes s'avèrent excessives. Concernant la conception de l'armature, une infrastructure adaptée à la situation des dents prothétiques et à la rétention efficace de la résine de liaison devrait renforcer la résistance mécanique de l'assemblage face à ces contraintes fonctionnelles.

Pour cette raison, une simple réparation de la prothèse existante ne résoudra pas, à moyen et long termes, le risque de fracture.

Il est donc proposé une réfection de la prothèse transvissée en réalisant une infrastructure usinée métallique adaptée aux dents prothétiques sus-jacentes. Au niveau antérieur, l'armature intégrera un recouvrement métallique des faces palatines des dents antérieures afin de supporter les forces de glissement en protrusion et diminuer les contraintes de flexion dans la résine de liaison.

Durant les étapes de traitement prothétique, une réparation provisoire de la prothèse transvissée est également proposée à la patiente.

La réalisation clinique du traitement et les étapes de laboratoire sont résumées et illustrées selon la chronologie suivante :

– dévissage des vis de transfixation de la prothèse avec une relative difficulté. La vis fracturée dans le pilier conique de l'implant 11 est déposée avec précaution (fig. 6 et 7) ;

– vérification de l'état de la muqueuse autour des 6 piliers coniques. Il n'y a aucune inflammation, malgré le dépôt de plaque dentaire présent sur l'intrados prothétique (fig. 8). Il faut souligner ici la difficulté de maintenir une hygiène efficace sous ce type de restauration prothétique ;

– l'architecture de la prothèse transvissée doit tenir compte de cet écueil et une forme d'intrados plutôt convexe ou plane devra être réalisée pour optimiser l'hygiène et réduire le dépôt de plaque, conformément aux recommandations récentes de la littérature médicale [] (fig. 9) ;

– réalisation d'une empreinte de situation des implants avec la prothèse en place transvissée à l'aide de vis longues (fig. 10 à 13). Un porte-empreinte individuel ajouré au niveau des vis de transfixation prothétique est utilisé avec un matériau d'empreinte en polyéther (Impregum™, 3M), en double injection ;

– validation du modèle de travail obtenu par une clé en plâtre sans fissuration ni fracture (fig. 14) ;

– enregistrement du rapport intermaxillaire (dimension verticale d'occlusion et relation centrée) ainsi que contrôle du soutien labial (fig. 15) par une maquette d'occlusion transvissée dans 2 implants postérieurs. La forme et la teinte des dents en résine sont choisies à ce stade pour la réalisation d'un montage directeur ;

– essayage du montage directeur en deux étapes : validation de l'esthétique (soutien labial, positionnement du milieu interincisif et des dents antérieures lors du sourire et des mimiques) ainsi que de la dimension verticale (fig. 16 et 17), puis essayage de la maquette totale ;

– essayage d'une maquette en résine chémopolymérisable de la future infrastructure prothétique. L'armature a été réalisée, au laboratoire, en résine Duralay sur des piliers provisoires transvissés afin de valider les volumes, les espaces disponibles pour la céramique et les profils d'émergence. Cela sécurise la base de travail qui sera scannée puis usinée en métal par CFAO (fig. 18 et 19). Les contacts antérieurs en occlusion d'intercuspidie maximale (OIM), en protrusion et lors des latéralités sur les canines sont réglés pour être effectués sur l'armature métallique ;

– le centre d'usinage scanne le maître modèle et la maquette en résine chémopolymérisable puis il effectue un design virtuel de la pièce à produire. Ce design est validé par le laboratoire de prothèses au moyen d'un document au format pdf 3D (fig. 20). L'armature entre dans la phase de fabrication : les pièces sont usinées dans un bloc de chrome cobalt au moyen d'une machine d'usinage industriel cinq axes de haute précision (société ZfX, Lyon) ;

– essayage de l'armature. L'adaptation de l'armature ainsi que les rapports intermaxillaires sont contrôlés (fig. 21 à 24) ;

– essayage de l'armature complétée par le montage sur cire des dents en résine (fig. 25), contrôle et validation :

• phonétique (prononciation des consonnes fricatives sifflantes et des labio-dentales),

• esthétique (parallélisme des plans occlusal et bipupillaire, centrage du milieu incisif par rapport au nez, hauteur du découvrement des bords libres des incisives...),

• dimension verticale d'occlusion et occlusion statique ainsi que dynamique. Une modification de l'occlusion du côté gauche a été nécessaire afin de corriger la légère inocclusion constatée entre 25 et 35 ;

– insertion de la prothèse polymérisée (fig. 26 à 36). Vérification de l'occlusion en OIM, du guidage canin de droit et de gauche et du glissement en protrusion sur les faces palatines métalliques.

Des conseils d'hygiène sont donnés à la patiente (fig. 37 et 38), en insistant particulièrement sur l'intérêt du passage des brossettes interdentaires [, ]. La patiente, déjà équipée d'un hydropulseur, sait qu'il y a dix espaces à nettoyer et s'entraîne, en notre présence, à passer les brossettes. Une visite de maintenance annuelle lui est recommandée afin de contrôler l'occlusion, les éventuels signes de fatigue de la résine ainsi que l'hygiène des parties difficilement accessibles.

Discussion

Au regard de la littérature médicale, les prothèses supra-implantaires transvissées du type pilotis présentent, selon une fréquence variable, différentes complications résultant en un taux de succès prothétique moyen au bout de 8 ans de 82,4 % [].

La fracture des dents prothétiques apparaît comme la complication la plus fréquente. Au moins 65 % des bridges montrent ce type de fracture au bout de 15 ans : les études statistiques révèlent plus précisément des taux cumulés de fracture du matériau cosmétique au bout de 5, 10 et 15 ans de respectivement 30,6 %, 51,9 % et 66,6 % [].

Au bout de 15 ans, le taux de dévissage est d'environ 15 % et le taux de fracture de vis prothétiques est d'environ 12 %. Enfin, le taux de fracture de l'infrastructure métallique, toujours au bout de 15 ans, est de 8,8 %, avec une usure du matériau cosmétique (céramique ou résine acrylique) de 43,5 % entraînant une altération esthétique dans 9 % des cas. Les facteurs potentiellement responsables de ces complications ont été discutés par Lambert et al. [] dans une revue de littérature en 2009, actualisée par Bozini et al. [] dans une méta-analyse portant sur période d'observation d'au moins 5 ans.

Implants : nombre et répartition

Le nombre et la répartition des implants par arcade (< 6 ou ≥ 6) supportant l'infrastructure semblent influencer le taux de survie prothétique []. Les réalisations prothétiques supportées par des implants répartis en antérieur et postérieur montrent un taux de survie plus élevé que celles supportées par des implants uniquement antérieurs avec un cantilever distal.

Les travaux récents de Malo et al. [] montrent que des restaurations complètes sur un minimum de 4 implants (all-on-four) au maxillaire et à la mandibule ont un taux de survie implantaire et prothétique acceptable (à la mandibule, au bout de 10 ans, 94,8 % de succès implantaire et 99 % de survie prothétique). Toutefois, ce type de restauration trouve une indication intéressante dans les situations d'os atrophié. Selon Lambert et al. [], le nombre minimum d'implants pour limiter la perte des restaurations prothétique en cas de perte d'implant semble être de 6. En effet, dans les situations cliniques ou moins de 6 implants sont utilisés, la perte d'un implant risque de remettre en question la conservation de la prothèse, ce qui explique en partie les taux de survie prothétique significativement plus faibles retrouvés dans la littérature médicale [].

Par ailleurs, quand les implants sont placés uniquement antérieurement à la région prémolaire, le taux de survie prothétique est significativement moins élevé au bout de 3, 5 et 10 ans que s'ils sont répartis en antérieur et postérieur [].

Ces résultats suggèrent que répartir 6 implants de manière équilibrée sur la crête édentée devrait être la stratégie implantaire de première intention proposée pour les restaurations par prothèse complète transvissée au maxillaire.

architecture et fabrication de l'infrastructure prothétique

La fracture de l'infrastructure métallique est une complication irréversible qui entraîne en général la réfection de la prothèse. Elle peut être évitée grâce à une conception mécanique optimale : une armature rigide, adaptée à la situation des dents prothétiques, ménageant une épaisseur minimale pour la résine méthacrylique (1,5 mm) est recommandée []. La présence de rétentions mécaniques sur l'armature pour ancrer les dents et la résine acrylique limite significativement l'incidence des fractures [].

Les armatures des prothèses transvissées du type pilotis sont en général conçues selon l'un des modes suivants :

– soit la prothèse est constituée de résine et de dents prothétiques acryliques enrobant une infrastructure métallique minimale (wrap bar) [] ;

– soit il est possible de réaliser des architectures d'infrastructures plus ou moins intégralement enrobées dans la résine (infrastructure en I ou en L) qui, selon la littérature scientifique, sont les options les plus fréquentes de cette conception.

Perrin et al. [] détaillent la classification des infrastructures de bridges complets implanto-portés. La barre wrap around est dépourvue de système de rétention, elle présente uniquement un profil rectangulaire, profil qui sera sablé et mordancé avant l'injection de la résine. Les autres types de barres présentent des rétentions pour les composants à vocation esthétique : rétentions de type ergots métalliques à double étage pour la barre de Montréal avec bandeau lingual métallique, « picots » pour l'infrastructure hybride ou perforations du titane pour l'armature du type Montréal. Le sablage et le mordançage sont également impératifs pour optimiser la liaison avec le complexe résine/dents prothétiques. En cas d'interférence avec la base des dents, les rétentions du type ergots à double étage peuvent être réduites, voire dévissées (fig. 14), laissant apparaître un filetage offrant une rétention en négatif [].

Le choix et l'architecture de la suprastructure des restaurations sur pilotis ne sont cependant pas anodins. Ils sont réfléchis et guidés par les exigences cliniques. Le meilleur choix en termes d'architecture (entre barre Montréal, Montréal avec bandeau métallique, wrap around ou barre hybride) dépendra des conditions cliniques : crête large/étroite, espace interarcade important/réduit [].

techniques de fabrication

Les techniques de fabrication utilisent actuellement la numérisation et l'usinage par CFAO. L'armature est usinée à partir d'un projet virtuel construit sur une acquisition numérique soit du modèle de travail issu de l'empreinte de situation implantaire soit d'une maquette en résine réalisée sur ce modèle. L'usinage des infrastructures d'une prothèse transvissée peut être effectué sur différents matériaux céramique (du type zircone) ou alliages métalliques (cobalt-chrome ou alliages de titane) avec une grande précision [].

situation de l'arcade antagoniste

Particulièrement dans les situations cliniques où l'arcade antagoniste est totalement dentée naturellement (ou avec des couronnes dento-portées en céramique), on note un nombre significativement plus élevé de fractures que face à une prothèse complète muco-portée ou implanto-portée. Les prothèses transvissées du type pilotis maxillaire avec des dents en résine présentent un risque biomécanique important du fait de la proprioception diminuée au niveau des implants dans les mouvements fonctionnels et des contraintes occlusales importantes en rapport avec la présence d'une arcade dentée antagoniste. L'émail des dents naturelles et la céramique peuvent, par ailleurs, être plus abrasives que des dents en résine et entraîner plus d'usure des dents en résine antagonistes []. Il sera rappelé ici que, contrairement aux restaurations prothétiques supra-dentaires où l'utilisation d'une prothèse provisoire permet de tester les choix occlusaux, les restaurations implanto-portées sont rarement accompagnées de ce type de validation préalable.

type d'assemblage prothétique

Les complications liées à la perte ou à la fracture de vis sont également couramment rapportées dans la littérature médicale. Sans tenir compte de l'architecture interne de l'implant, les vis sont susceptibles de se desserrer ou de se fracturer en raison de l'importance et de la direction des forces occlusales. D'après les travaux publiés, les complications liées au vissage seraient en rapport avec un torque insuffisant ou, au contraire, trop élevé, des contraintes fonctionnelles excessives dues à des parafonctions, des interférences occlusales ou la réalisation d'un cantilever trop long.

Les études relatant une grande fréquence de complications en rapport avec les vis de transfixation prothétique concernent essentiellement les systèmes implantaires utilisant des connexions par hexagone externe [].

matériau cosmétique (résine acrylique ou céramique)

Concernant le choix d'un matériau cosmétique utilisé avec ces prothèses transvissées, il n'existe que peu d'informations pertinentes dans la littérature scientifique. L'usure des dents postérieures peut entraîner une diminution de dimension verticale, la perte d'efficacité masticatoire et la fatigue des muscles masticateurs []. Différentes solutions ont été présentées pour ralentir ce processus d'usure des dents prothétiques. Ghazal et Yang [] ont rapporté que les dents en résine composite comme les Phonares® II (Ivoclar Vivadent) offriraient une résistance améliorée par rapport aux dents en résine acrylique classique. Cependant, les dents en résine montrent une plus faible résistance à l'usure que les dents en céramique et que l'émail humain. Lorsqu'une stabilité occlusale est privilégiée, face à une arcade complètement dentée, le choix de dents en céramique reste préférable.

L'utilisation de dents en céramique dans les restaurations complètes implanto-portées a montré un plus faible taux de fractures que les dents en résine. Cependant, l'utilisation d'un matériau plus rigide engendre une transmission de stress à l'os péri-implantaire plus importante []. La mise en place d'amalgames ou d'onlay métalliques sur les surfaces occlusales des dents en résine ou l'utilisation de dents en céramique a également été proposée.

Traitements de surface

Par ailleurs, les traitements de surface de l'infrastructure ont une importance dans la résistance à long terme de l'assemblage infrastructure, résine méthacrylique et dents artificielles conditionnant le taux de succès prothétique.

La résine méthacrylique, les dents et l'infrastructure sont assemblées essentiellement par rétention mécanique et chimique. Si la cohésion de l'ensemble est rompue, des microfissures peuvent apparaître, responsables de décolorations et de détériorations souvent à la base des dents, avec une accumulation de débris alimentaires et de bactéries.

Outre les artifices de rétention mécanique tels que les grilles, billes ou picots associés à l'armature, la liaison entre la résine méthacrylique d'ancrage des dents et l'infrastructure métallique doit se faire par collage. Pour cela, la surface métallique peut être conditionnée par différents procédés : deux systèmes de sablage peuvent être utilisés, soit par air-abrasion à la poudre d'alumine (50-70 μm) soit par procédé chimico-mécanique [] (système Rocatec™ de 3M ESPE, par sablage à l'alumine 110 μm puis dépôt d'une couche tribochimique de silice). Le sablage est généralement suivi de l'application d'un conditionneur, ou primaire d'adhésion, qui améliore la rétention chimique de la résine méthacrylique. L'application d'une fine couche de résine opaque après dépôt du primaire d'adhésion agit également comme un intermédiaire esthétique qui masque la couleur sombre du métal.

Ainsi, le protocole utilisé comprend :

– traitement mécanique par sablage à l'alumine (Rocatec™-Pre) ;

– traitement tribochimique supplémentaire possible (Rocatec™ Plus, alumine-silice) ;

– traitement chimique par silanisation ;

– application de primaire d'adhésion ;

– application d'un agent adhésif pour prévenir des fissures marginales et des fractures de résine à la jonction résine-métal [].

Conclusion

L'analyse des conditions biomécaniques probablement en rapport avec l'échec initial du cas clinique présenté ainsi que les données issues de la littérature scientifique permettent de proposer quelques recommandations pour contribuer à la réussite des thérapeutiques par prothèses complètes transvissées maxillaires du type pilotis.

Afin de résister au mieux aux contraintes fonctionnelles, l'architecture des infrastructures doit soit être conçue comme un simple renfort d'un volume majeur de résine (technique de barre complètement enrobée, ou wrap bar), soit prendre en compte la situation précise des dents prothétiques afin d'optimiser l'épaisseur de résine méthacrylique qui leur sert de matériau d'ancrage (technique d'infrastructure ou barre avec bandeau métallique).

Dans cette dernière architecture, un avantage majeur est représenté par la possibilité de concevoir cette infrastructure en y associant des surfaces métalliques de guidage, particulièrement au niveau palatin antérieur et, ainsi, renforcer la résistance mécanique des dents artificielles durant la fonction.

Cela implique que la situation exacte de chacune des dents prothétiques doit être impérativement validée sur le plan esthétique et fonctionnel avant de réaliser une maquette en résine préfigurant l'architecture exacte de l'infrastructure qui sera secondairement fabriquée par CFAO.

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A. Para
Dr en Chir Dent, ex assistante en Prothèses Université Paris 7
DUCPIP DUCICP Université Paris 7
72, rue Saint-Blaise
75020 Paris

P. Cougny et P. Fragata, Prothésistes
Laboratoire EDENTECH
10, rue Jules-Verne
95320 Saint-Leu-la-Forêt

B. Tavernier
PU-PH directeur DUCPIP Paris 7
Diplôme Universitaire Clinique de Prothèses Implanto-Portées Université Paris 7
Hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris

O. Fromentin
PU-PH Co directeur DUCPIP Paris 7
Diplôme Universitaire Clinique de Prothèses Implanto-Portées Université Paris 7
Hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris

les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.