La CFAO au service de la prothèse amovible complète supra-implantaire - Implant n° 1 du 01/02/2018
 

Implant n° 1 du 01/02/2018

 

PROTHÈSE

F. Chamieh / O. Fromentin / P. Cougny / P. Fragata  

Résumé

Le recours à la conception-fabrication assistées par ordinateur (CFAO) est largement décrit en prothèse fixe dento ou implanto-portée. Cette technologie autorise la fabrication de pièces prothétiques de grande précision, et ce de manière reproductible. Le développement des procédés numériques permet désormais d'obtenir des pièces de géométries de plus en plus complexes ainsi que la mise en forme de différents matériaux. Récemment, l'utilisation de la CFAO a été décrite en prothèse amovible complète. Elle semble présenter des avantages en termes de communication avec le patient ainsi qu'avec le laboratoire mais, surtout, elle permet d'utiliser des matériaux homogènes à hautes propriétés mécaniques et biologiques. Dans cet article, un flux de travail numérique est présenté en vue de la réalisation d'une prothèse amovible complète supra-implantaire (PACSI). Les étapes allant des modèles numériques, en passant par la chirurgie implantaire guidée et la sélection numérique des dents jusqu'à la connexion de la prothèse à la barre d'ancrage usinée, y sont décrites.

Summary

Interests and limits of digital work-flow in implant-tissue supported removable complete overdenture

Computer-aided design/computer-aided manufacturing (Cad/Cam) technology is widely used for tooth or implant fixed prostheses fabrication. This technology allows the manufacturing of prosthetic elements with a high accuracy and reproducibility. The advances in the field of numerical devices allows, nowadays, the use of multiples materials with enhanced complex geometries. Recently this procedure was described in complete removable dentures treatment and could bring several advantages as comunication with the patient and the laboratory, the use of materials with high biological and mechanical characteristics. In this paper, an overall digital workflow for implant-tissue supported complete overdenture is presented, from the digital cast, the guided implant surgery, the digital tooth selection until the denture connexion to the milled anchorage bar.

Key words

implant-tissue supported removable complete overdenture, Cad/Cam, digital workflow

PAC : de la mise en œuvre traditionnelle à la CFAO

L'édentement total est un problème de santé publique en raison du vieillissement de la population dans les pays industrialisés et de la mauvaise qualité des soins bucco-dentaires dans les pays en développement. La population édentée augmente et la prévalence varie entre 15 et 78 % en Europe, selon le rapport du Comité scientifique de la Fédération dentaire mondiale en 2010 []. En 2013, l'édentement est devenu la 24e cause de handicap avec laquelle un individu vit le plus longtemps []. Depuis le consensus de McGill en 2002 [], la prothèse complète mandibulaire stabilisée par 2 implants symphysaires constitue un traitement de choix pour la restauration des édentés totaux []. L'association de la rétention et de la stabilité apportée par ces prothèses complètes supra-implantaires permet d'améliorer la qualité de vie des individus, comparée à la prothèse complète conventionnelle [].

La stabilité et la rétention de ces prothèses amovibles sont liées aux attachements implantaires mais aussi à l'adaptation précise de l'intrados de la base prothétique sur la muqueuse orale [, ]. Les procédés traditionnels de fabrication des prothèses amovibles complètes par pressée et cuisson d'une résine méthacrylique entraînent des variations dimensionnelles, dues à la contraction de polymérisation [] d'environ 0,45 à 0,90 % en volume [, ]. Ceci se traduit par une déformation de la base prothétique altérant la précision de la situation des dents artificielles qui y sont agrégées ainsi que l'efficacité du joint périphérique. De plus, des contraintes internes apparaissent dans le matériau polymérisé, responsables des complications mécaniques fréquemment rapportées avec ce type de prothèse []. Enfin, la diffusion de monomères résiduels non polymérisés pourrait être responsable de stomatites prothétiques [] ou d'autres lésions des muqueuses [, ].

Pour s'affranchir de certains des inconvénients de la mise en œuvre traditionnelle, la CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) a été introduite pour la première fois dans la fabrication de prothèses amovibles complètes par Beaumont en 1989 [], mais les moyens technologiques de l'époque ont rapidement limité son développement.

Récemment, des publications ont décrit les protocoles de conception et fabrication de prothèses complètes assistées par ordinateur proposés par différentes sociétés [AvaDent digital dentures (Global Dental Science LLC, Scottsdale, Ariz, États-Unis), Wieland Digital Denture-Ivoclar Vivadent (Ivoclar Vivadent, Schaan, Liechtenstein), Dentca CAD/CAM system (Dentca Inc., Los Angeles, États-Unis) ou Baltic Denture System (BDS ; Merz Dental GmbH, Allemagne)], afin de limiter le nombre de rendez-vous (de 2 à 4), ce qui constituerait un avantage en termes de durée du traitement pour une population édentée souvent très âgée et peu autonome [].

Ces systèmes proposent un usinage de la base prothétique à partir de blocs de résine acrylique qui ont été préalablement polymérisés sous des conditions de température et de pression élevées. En effet, Murakami et al., en 2013, ont montré que les résines PMMA fabriquées sous haute pression et haute température présentaient une ténacité ou une résistance à la propagation des fissures plus importante que les résines thermodurcissables et ont conclu que la polymérisation à haute pression permettait la confection de plaque base en PMMA avec une résistance à la rupture améliorée [].

Ces conditions de production du matériau permettent de produire une résine à haut taux de polymérisation, supposée libérer moins de monomère potentiellement allergisant. Enfin, ce matériau bénéficie d'un meilleur état de surface en termes de micro-rugosité [], ce qui limiterait la colonisation microbienne [] sur la base prothétique, facteur majeur de la stomatite prothétique fréquente chez les patients édentés âgés ou présentant une hygiène orale limitée.

L'usinage permettant de s'affranchir de la contraction de polymérisation propre à la mise en œuvre traditionnelle, l'adaptation entre la base en résine usinée et les tissus est plus élevée [-]. L'occlusion conçue numériquement puis matérialisée à l'aide de dents artificielles collées sur la base prothétique serait plus fiable, rendant les manœuvres d'équilibration et de remontage moins systématiques. Enfin, la qualité du montage et les rapports dento-dentaires obtenus seraient associés à une efficacité de mastication plus élevée [].

Dans ces chaînes de CFAO développées pour concevoir et fabriquer des prothèses amovibles en résine acrylique, la première étape réside dans l'enregistrement des surfaces muqueuses et du rapport intermaxillaire. Ceci est réalisé en une séance à l'aide de dispositifs spécifiques ou, plus classiquement, en deux séries d'empreintes associées à un enregistrement de la relation inter-maxillaire (RIM). Dans les protocoles récemment proposés avec ces dispositifs, le choix de la forme des dents artificielles est réalisé à l'aide de calques essayés cliniquement en fonction de plusieurs repères anatomiques classiques (ligne de sourire, ligne médiane, situation des ailes du nez). L'utilisation de calques ou d'ébauches de forme de dents artificielles s'avère souvent décevante dans le choix et la pré-visualisation du rendu esthétique obtenu avec la prothèse terminée.

À ce titre, certains logiciels permettent de compléter les données cliniques associées au flux numérique afin de faciliter cette étape. Ainsi, le logiciel Vita Assist ToothConfigurator® (Vita) permet une analyse esthétique virtuelle à partir d'une photographie du visage du patient. Le choix de la forme et de la teinte des futures dents prothétiques issues d'une bibliothèque de données peut être ainsi orienté et permet au patient de visualiser plus fidèlement le résultat final. Les caractéristiques des dents prothétiques ainsi déterminées seront implémentées dans le logiciel de CAO utilisé lors de la conception prothétique.

Une fois la conception réalisée, le volume prothétique est déterminé, permettant dans une étape ultérieure la planification implantaire, non pas uniquement en fonction des données anatomiques révélées par l'étude scanner mais également en fonction de ce volume prothétique conçu virtuellement.

Ainsi, dès ce stade, le positionnement des implants et le choix du système d'attachement par rapport à l'espace prothétique constituent un point clé de la réussite thérapeutique en prothèse amovible complète supra-implantaire.

La planification assistée par ordinateur puis la chirurgie implantaire facilitée par l'utilisation d'un guide issu de cette étude virtuelle permettent une mise en place des implants en fonction des caractéristiques prothétiques et anatomiques avec des marges d'erreurs par rapport à la position planifiée relativement faibles [] et toujours plus limitées que celles mesurées lors de chirurgies implantaires non guidées « à main levée ».

Lorsque l'espace prothétique est suffisant, un système de rétention sous forme d'une barre de conjonction associée à des cavaliers de rétention permet d'améliorer efficacement l'équilibre prothétique et augmente ainsi le confort du patient traité. Les barres de conjonction usinées en alliage de titane permettent la réduction de certaines complications mécaniques à type de fracture rapportées dans la littérature lors de l'association de PACSI à des barres coulées ou soudées en alliages précieux ou non [].

La CFAO devient un outil de choix pour la conception digitale de la barre en fonction de l'espace prothétique et de la situation de chaque dent artificielle agrégée sur la résine de la base ainsi que de la position des implants déterminée au préalable avec un logiciel de planification.

CFAO et PACSI : Présentation du cas clinique, étape par étape

Dans le déroulement de la thérapeutique d'un patient édenté complet bénéficiant d'un traitement par PACSI, il a été décidé d'utiliser au mieux le flux numérique dans la conception et la réalisation des étapes de traitement. Si une étape de ce flux numérique s'avérait trop difficile ou impossible à mettre en œuvre, la technique conventionnelle de traitement a été utilisée, en clinique ou au laboratoire de prothèse, dans le but de privilégier l'intérêt du patient.

Étapes cliniques initiales : empreintes, réalisation des maîtres-modèles et RIM

Aucun dispositif numérique ne permet actuellement de se substituer à la réalisation classique des empreintes dites physico-chimiques des données cliniques chez un patient édenté complet.

Pour des raisons pratiques et de disponibilité du patient, il a été décidé de ne pas mettre en œuvre de méthode « simplifiée » d'empreintes et d'enregistrement de la RIM telles que décrites dans les protocoles type Avadent®, en utilisant des dispositifs d'enregistrement simultané des surfaces d'appui bi-maxillaires en relation centrée à la dimension verticale d'occlusion.

Dans le cas clinique présenté ici, les modèles mandibulaire et maxillaire ont été fabriqués à partir des étapes conventionnelles de réalisation des empreintes primaires et secondaires classiquement décrites en PAC (fig. 1 à 4).

Succinctement, après une empreinte primaire mucostatique à l'aide d'un porte-empreinte Cerpac® ajusté garni de plâtre (Snow White Plaster®, Kerr, ISO type I), un porte-empreinte individuel (PEI) en résine chémo-polymérisable a été réalisé.

Puis, la réalisation des mimiques fonctionnelles permet d'ajuster localement les bords de ce PEI en fonction de la dépressibilité et du jeu tissulaire périphérique, avec de la pâte thermoplastique (pâte de Kerr verte). L'empreinte finale est réalisée à l'aide de pâte oxyde de zinc (Impression Paste®, SS White). L'empreinte est moulée et le maître modèle est obtenu.

La relation maxillo-mandibulaire est enregistrée à l'aide de deux bases d'occlusion en résine sur lesquelles sont ajustés deux bourrelets d'occlusion en composition thermoplastique. Ces bourrelets sont réglés pour préfigurer la situation des dents prothétiques tant sur le plan esthétique que fonctionnel. La position de l'axe sagittal médian matérialisant le milieu inter-incisif, le plan incisif antérieur au repos et lors du sourire forcé, la position des canines par rapport aux ailes du nez et le soutien labial sont marqués sur le bourrelet maxillaire.

La RIM est enregistrée par solidarisation des maquettes d'occlusion, matérialisant l'occlusion en relation centrée à la dimension verticale d'occlusion déterminée.

Les bases d'occlusion permettent le montage des modèles en articulateur (fig. 5 à 7).

Cao ou conception numérique des PAC

Le flux numérique débute à ce stade du traitement implanto-prothétique.

En clinique, la sélection des dents est effectuée virtuellement à l'aide du logiciel Vita Assist ToothConfigurator® []. À partir d'une photographie du visage du patient, une analyse esthétique virtuelle est réalisée.

Une image photographique du visage du patient édenté, de face, souriant largement, est réalisée en respectant un axe vertical. Le fichier numérique est ouvert dans le logiciel et plusieurs points de repère comme la distance inter-pupillaire, les commissures labiales, les limites périphériques du sourire large sont renseignés pour permettre au programme informatique de proposer un choix de dents prothétiques (fig. 8 à 13).

La bibliothèque de dents prothétiques accessible dans le logiciel permet de faire le choix des dents antérieures et postérieures des prothèses amovibles en fonction de différentes morphologies, dimensions et couleurs des dents artificielles. Un schéma de teinte peut être intégré en utilisant les teintiers VITA.

Le projet esthétique est ensuite créé virtuellement et discuté avec le patient devant l'écran de l'ordinateur. Une fois validées, les caractéristiques concernant la couleur ainsi que la forme des dents antérieures et postérieures sont transmises au laboratoire pour être intégrées dans le logiciel lors de la CAO de la prothèse.

Chaque modèle secondaire, maxillaire et mandibulaire, est numérisé séparément. Puis les deux modèles réunis par les bases d'occlusion solidarisées sont digitalisés de manière identique à l'aide d'un scanner de laboratoire (Dental Wings série 7) (fig. 14 à 19).

Pour optimiser la précision de l'acquisition, une poudre opacifiante est pulvérisée à la surface des bases d'occlusion solidarisées. La visibilité du tracé des repères enregistrés en clinique sur le bourrelet maxillaire est contrôlée après poudrage.

La conception numérique des prothèses est ensuite effectuée à l'aide du logiciel DWOS Full dentures® (Dental Wings).

Tout d'abord, la base prothétique virtuelle est délimitée en déterminant la situation des bords sur l'acquisition numérique.

Au maxillaire, le raphé palatin, la tubérosité, la papille rétro-incisive et la position de la première prémolaire sont repérés et marqués.

Sur le modèle numérique mandibulaire, le trigone rétro-molaire, la position de la première molaire et le point le plus profond du vestibule sont également marqués.

Ensuite, les deux modèles sont virtuellement placés en occlusion et la ligne du sourire, le point inter-incisif, le plan d'occlusion ainsi que la position des canines sont validés sur l'image (fig. 20 à 23).

Les dents dont la forme et la teinte ont été choisies préalablement sont positionnées virtuellement sur les bases prothétiques en fonction des repères identifiés sur chacun des modèles. Les rapports occlusaux sont automatiquement réglés et il est possible de les affiner si nécessaire. Des rapports d'occlusion de classe 1 d'Angle aux niveaux canin et molaire sont systématiquement retenus en première intention par l'algorithme.

Une fois l'occlusion validée, le logiciel ajuste la gencive prothétique autour du montage des dents sur la base prothétique (fig. 24 à 27).

FAO, usinage des bases et fabrication des PAC

Avant de procéder à l'usinage des bases de la prothèse d'usage, une maquette de validation réalisée par fraisage de disques en cire sur lesquels sont disposées les dents prothétiques permet un essayage et une pré-visualisation du résultat qui sera obtenu.

Le même type de maquette mais en résine PMMA peut être obtenu par photopolymérisation en cuve du volume conçu par CFAO.

Une fois l'ensemble des paramètres validé cliniquement, les fichiers STL de planification numérique sont envoyés à une machine-outil à commande numérique 5 axes (iCORE 350i®, IMES). Le positionnement virtuel ou « nichage » de la base prothétique à usiner dans le disque de résine, les parcours d'outils et la stratégie d'usinage en fonction de la gamme de fraises retenue sont calculés automatiquement par le logiciel de FAO associé à la machine-outil.

Puis, un disque rose de PMMA de 30 mm d'épaisseur (Opera Pink Disc®, Euromax) est usiné par fraisage durant 7 heures en utilisant une gamme de fraises coupantes, non abrasives, adaptées à l'usinage de bloc en résine PMMA.

À l'issue de cette période de mise en forme, la base prothétique obtenue présente des alvéoles adaptées permettant l'insertion des dents prothétiques en fonction de l'occlusion conçue numériquement (fig. 28 à 33).

Les dents prothétiques choisies sont ensuite solidarisées manuellement dans les alvéoles en utilisant une colle dédiée.

Les prothèses sont ensuite insérées en bouche et les vérifications habituelles sont effectuées. Une équilibration immédiate très succincte a été réalisée. Grâce aux modèles secondaires physiques, un remontage en articulateur après une semaine et une équilibration médiate réduite au polissage des zones de glissement lors des mouvements excentrés ont été effectués (fig. 34 à 37).

Planification de la situation implantaire à la mandibule et procédure chirurgicale

Le plan de traitement prévu nécessite la mise en place de deux implants symphysaires en site de 33 et 43 afin d'y agréger une barre de conjonction sur laquelle sera retenue la PAC mandibulaire réalisée.

Afin de permettre une adéquation entre le volume prothétique et l'anatomie de la mandibule édentée lors de la planification implantaire, un duplicata de la prothèse en résine transparente est réalisé au laboratoire. Ce duplicata, équipé de repères radio-opaques sous forme de billes de 2 mm de diamètre collées sur l'extrados, servira de guide radiographique.

Une double acquisition (ou double scan) est réalisée. Dans un premier temps, un examen type cone beam avec guide radiographique en occlusion est réalisé, puis le guide seul est radiographié.

Les données récupérées sous un format Dicom sont stockées sur un support informatique et transférées dans le logiciel de planification Simplant® (Version 17-Dentsply Implants).

En fonction des volumes osseux et prothétiques, la localisation de deux implants Osseospeed™ TX (Astratech Dental) de 4 mm de diamètre et de 10 mm de longueur est arrêtée au niveau des régions canines. Le logiciel permet d'imposer le parallélisme des deux implants, de contrôler leur orientation par rapport au plan d'occlusion et de vérifier leurs émergences dans le volume prothétique (fig. 38 à 42).

La planification implantaire se termine par le positionnement des vis de transfixation du guide chirurgical à appui osseux qui sera utilisé.

Le guide planifié est réalisé par stéréolithographie (Simplant SAFE guide®) (fig. 43).

Les étapes de la chirurgie implantaire se déroulent classiquement après avoir soulevé un lambeau muco-périosté. Le guide chirurgical est placé et sécurisé par les vis. La séquence de forage est exécutée à travers le guide en utilisant l'ensemble des cuillères spécifiques dédiées. Puis les implants sont insérés et le couple de vissage mesuré atteignant 30 N.cm (fig. 44 et 45). Des vis de couverture sont placées et le lambeau est suturé.

Le patient est averti de ne pas porter sa prothèse mandibulaire durant 8 jours et de s'alimenter en conséquence.

Après 2 semaines, les sutures sont déposées et l'intrados de la prothèse en regard du site opéré est déchargé largement puis garni d'une résine méthacrylique molle type Coe-Comfort (Tissue Conditionner, GC America).

Conception numérique et réalisation de la barre de conjonction

Après 3 mois de cicatrisation, l'ostéo-intégration est contrôlée.

Une empreinte de situation implantaire au niveau de l'arcade édentée mandibulaire a été réalisée. Des transferts spécifiques pour empreinte optique (Atlantis IO Flo, Astra Tech®) ont été transvissés et les acquisitions de la surface d'appui, des transferts ainsi que du positionnement de la base prothétique sur la surface d'appui ont été effectuées successivement à l'aide de deux scanners intra-oraux différents, avec et sans poudrage de la surface muqueuse.

Malgré de nombreuses tentatives, l'acquisition globale de la surface d'appui et le repositionnement de la PAC sur celle-ci n'ont pas été possibles par les algorithmes respectifs des deux systèmes d'acquisition utilisés (fig. 46).

Il a été décidé alors d'interrompre le flux numérique et de réaliser une empreinte physico-chimique de situation des implants. Néanmoins, un protocole de double scan a été mis en œuvre afin d'optimiser la conception de la barre de conjonction.

Préalablement à l'empreinte, des piliers coniques d'une hauteur transgingivale de 4 mm (Astratech Pilier conique Uni 20o Uni) ont été vissés et des transferts emportés (Astratech Uni 20o Pick-up) agrégés. Un duplicata prothétique est utilisé comme porte-empreinte, associé avec un matériau polyéther. Après polymérisation du matériau et retrait de l'empreinte, des analogues de piliers Uni 20o sont transvissés et un modèle de travail réalisé au laboratoire (fig. 47 à 52).

Une procédure de double acquisition (ou double scan) est effectuée au laboratoire afin de pouvoir superposer le volume prothétique, obtenu par la numérisation du duplicata sur le modèle de travail, avec l'acquisition du modèle de travail seul comportant les analogues implantaires. Ceci dans le but de concevoir virtuellement la barre de conjonction en fonction du volume prothétique. Le choix d'une barre type Dolder est décidé et la CAO terminée (fig. 53 et 54).

Le fichier STL issu de la CAO effectuée est ensuite transmis à un centre d'usinage (Centre ZfX, Lyon) pour fraiser la barre en alliage de titane.

La barre usinée est ensuite renvoyée pour un essayage clinique durant lequel son ajustement passif est vérifié.

Puis, une dernière empreinte localisée au secteur antérieur est réalisée sur la barre en utilisant la prothèse mandibulaire comme porte-empreinte. Des vis longues de transfixation émergent au travers de la prothèse afin de maintenir la barre durant l'empreinte réalisée à l'aide d'un matériau polyéther (Impregum) (fig. 55 à 58).

Après dévissage des vis de transfixation, la barre mandibulaire est emportée dans le matériau polymérisé dans l'intrados prothétique, garantissant un rapport adéquat entre la prothèse et le système d'attachement supra-implantaire.

Au laboratoire, la contrepartie correspondant au cavalier en métal précieux est placée sur la barre de conjonction et intégrée dans l'intrados prothétique pour assurer la rétention de la base sur la barre (fig. 59).

La barre est à nouveau transvissée sur les piliers Uni 20o et la PACSI insérée. Le niveau de rétention est vérifié et les conseils d'usage sont prodigués concernant l'hygiène quotidienne indispensable (fig. 60).

Discussion

Cet article décrit un flux de travail numérique pour la fabrication d'une prothèse amovible complète supra-implantaire mandibulaire.

Les interactions entre les différents logiciels de conception grâce aux fichiers STL et DICOM permettent une planification précise des plans de traitement et une prévisualisation facilitant la réflexion tant sur le plan prothétique que chirurgical.

Outre un avantage certain en termes de communication avec le patient et les techniciens de laboratoire, cette technologie permet l'utilisation de matériaux homogènes de haute densité fabriqués à l'aide de procédés industriels. Leurs propriétés mécaniques et biologiques sont améliorées, comparées aux matériaux thermodurcissables conventionnels [, ]. L'amélioration des caractéristiques de ces matériaux est en faveur de la réduction des fractures et des réactions allergiques. En effet, le disque de résine PMMA utilisé dans ce cas clinique est polymérisé sous haute pression. Selon les caractéristiques du produit, il présenterait une résistance à la flexion de 114 MPa, un module d'élasticité de 2771 MPa et une dureté Vickers de 27, ce qui autoriserait une épaisseur réduite de la base prothétique favorisant le confort du patient sans diminuer la résistance mécanique de la prothèse. De plus, d'un point de vue biologique, ces résines hautement polymérisées contiendraient des quantités infimes (1 %) de résidus monomériques n'ayant pas réagi chimiquement, limitant d'autant les risques d'allergie au monomère résiduel relargué.

Par ailleurs, l'absence de variations dimensionnelles de polymérisation implique une grande précision des points de contact et une adaptation de la prothèse. Dans ce cas clinique, seuls les points de contact occlusaux mineurs ont été ajustés. La stabilité et la rétention des prothèses étaient optimales.

Enfin, ce type de flux numérique permet un stockage de données qui sont réutilisables lorsque la duplication de la prothèse s'avère nécessaire.

Cependant, il faut noter que la limitation majeure de ces protocoles réside encore dans l'acquisition des données cliniques et leur traitement au fauteuil. En effet, tant au niveau des empreintes secondaires que de l'acquisition finale de la situation implantaire au sein d'une large zone édentée, aux limites anatomiques variables selon la mobilité des tissus para-prothétiques, il n'a pas été possible d'initier et de prolonger le flux numérique pour effectuer une démarche thérapeutique entièrement numérisée.

L'empreinte optique décrite par Duret [, ] permet un enregistrement ergonomique, sans risque de variation dimensionnelle liée à la polymérisation ou la gélification d'un matériau d'empreinte. Néanmoins, les surfaces enregistrées doivent être statiques et, à ce jour, il n'existe aucun système optique permettant un enregistrement dynamique de la muqueuse dans des conditions cliniques. Les procédures conventionnelles d'empreintes physico-chimiques à l'aide de différents matériaux s'avèrent toujours indispensables.

Pour être exhaustif, outre un coût élevé des disques de PMMA qui rend peu compétitifs ces procédés par rapport à la mise en forme traditionnelle, il faut également souligner que la fabrication soustractive des bases prothétiques par fraisage immobilise une machine d'usinage durant un temps de travail conséquent pour produire une seule pièce prothétique, accompagnée d'un volume important de déchets perdus. À ce titre, les procédés additifs par photopolymérisation en cuve (ou stéréolithographie) présentent un avantage indéniable dans la mise en œuvre des matériaux polymères.

Conclusion

L'évolution des procédés d'acquisition, de conception et de fabrication assistées par ordinateur modifie les possibilités thérapeutiques, y compris dans le cadre du traitement de l'édentement complet traité par PACSI.

Le flux numérique constitue un moyen de planification prothétique et implantaire et de prévisualisation du résultat final. Les procédés de fabrication permettent la mise en forme de matériaux ayant des propriétés biologiques et mécaniques améliorées, ce qui devrait augmenter le confort du patient et diminuer la fréquence des complications fréquemment rapportées dans ce type de thérapeutique.

Cependant, en dehors de contingences financières non négligeables, l'ensemble des étapes cliniques nécessaires à un traitement implanto-prothétique par PACSI n'apparaît pas encore comme substituable par un flux de travail entièrement numérique, depuis l'empreinte numérique initiale jusqu'à l'insertion finale de la prothèse amovible supra-implantaire d'usage.

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Frédéric Chamieh
DUCPIP, EFP Université Paris VII-Diderot, Hôpital Rothschild (AP-HP)
3d, allée de la Concorde, 45000 Orléans

Olivier Fromentin
DUCPIP, DUCICP Université Paris VII-Diderot, Hôpital Rothschild (AP-HP)

Patrick Cougny
Laboratoire Edentech, Herblay

Pedro Fragata
Laboratoire Edentech, Herblay

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.