Protocole de temporisation implanto-prothétique dans les situations de greffes maxillaires - Implant n° 1 du 01/02/2018
 

Implant n° 1 du 01/02/2018

 

DOSSIER CLINIQUE

B. TOURBAH  

Résumé

Cet article décrit un protocole de temporisation fixée sur implants provisoires dans les cas de reconstructions osseuses étendues à visée pré-implantaire au maxillaire. La résorption osseuse chez 9 patientes était avancée, empêchant la pose d'implants de volume standard. Des greffes osseuses sur les secteurs antérieurs et postérieurs sont réalisées. Après validation des greffes, les implants de volume standard sont posés. Pendant tout le traitement, les patientes ont gardé leur bridge transitoire. Les étapes du traitement sont détaillées ainsi que les résultats et les complications.

Summary

Using provisionnal implants with maxillary grafts

This article reports the use of provisional implants retaining a fixed provisional prostheses in resorbed edentulous maxillas undergoing bone augmentation before implant placement. Nine female patients had advanced maxillay bone resorption preventing the placement of standard implants. Bone grafts were necessary in both anterior et posterior areas. After graft healing, the standard implants were placed. The patients enjoyed the use of the fixed provisional prostheses during all this treatment. The treatment stages are described, as well as the results and complications.

Key words

provisional implants, fixed provisonals, bone augmentations, allograft, advanced resorption

Les reconstructions osseuses pré-implantaires des maxillaires résorbés sont aujourd'hui maîtrisées avec les greffes osseuses sous-sinusiennes des secteurs postérieurs et les greffes d'épaississement horizontales et/ou verticales des secteurs antérieurs []. Cette étape permet la réhabilitation implantaire dans de bonnes conditions par une restauration totale fixée.

La durée de ce traitement varie entre 10 et 12 mois pour les sujets dentés et entre 12 et 18 mois pour les sujets édentés présentant des foyers infectieux. Pendant la première période post-greffe de ce traitement, les patients sont privés de prothèse provisoire. Pendant le reste du traitement, ils doivent s'accommoder d'une prothèse amovible provisoire inconfortable, souvent modifiée à plusieurs reprises. Cette prothèse amovible est une des origines probables des principaux échecs et complications rencontrés sur les greffes et sur les implants.

La prothèse amovible sollicite le site greffé, mobilise le greffon, irrite la gencive, ré-ouvre la plaie, accélère la résorption osseuse et nuit à l'ostéo-intégration des implants [, ]. Par contre, l'absence de prothèse transitoire amovible peut entraîner une irritation provoquée par le contact entre les dents antagonistes et le site greffé, ce qui peut amener à des expositions du greffon [, ].

À cause de cette période très difficile à vivre, de nombreux patients renoncent au traitement implantaire [-].

Le recours aux implants provisoires simplifie la maintenance prothétique durant cette période et, surtout, élimine la plupart des difficultés rencontrées par le patient dans sa vie quotidienne ainsi que par le praticien d'un point de vue technique [, , ].

Cet article décrit un protocole de traitement des patients présentant un maxillaire supérieur résorbé et qui sont demandeurs d'une réhabilitation implanto-prothétique fixée.

Ce protocole ne concerne pas les patients qui présentent un volume osseux favorable à la pose d'implants en vue d'une mise en charge immédiate ou ceux qui bénéficient d'un volume osseux suffisant dans la région antérieure, nécessitant uniquement des greffes sous-sinusiennes pour les secteurs postérieurs.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Entre 2014 et 2016, 9 patientes adressées pour une réhabilitation implantaire ont été traitées selon le protocole décrit dans le cadre de cette publication.

Les critères d'inclusion ont été :

• patient édenté total au maxillaire ou dans une situation d'édentement sub-total avec indication d'extraction des dernières dents ;

• patient non fumeur ou volontaire pour un sevrage tabagique ;

• patient présentant un maxillaire résorbé contre-indiquant la pose d'implants de volume « standard » ;

• patient demandeur d'une réhabilitation implanto-portée fixée ;

• patient opposé à l'éventualité d'une période, même courte, d'édentement sans prothèse transitoire ou qui refuse une temporisation par prothèse amovible ;

• patient sans contre-indication d'ordre général sur le plan de la chirurgie implantaire.

Inversement, les patients fumeurs ou présentant un volume osseux maxillaire favorable à la pose d'implants de volume « standard », les patients psychologiquement difficiles, peu compliants ou chroniquement pressés ainsi que ceux présentant une contre-indication d'ordre général à la chirurgie ont été exclus de ce protocole.

La bruxomanie et les parafonctions n'ont pas été considérées comme des critères d'exclusion.

Les 9 patients étaient de sexe féminin. Parmi ces 9 patientes, 4 étaient initialement fumeuses et consommaient entre 5 et 20 cigarettes par jour. Chacune a accepté un programme de sevrage avant d'être inclue dans le protocole. Un 10e patient initialement candidat a été rapidement exclu de ce protocole car il n'a pas pu arrêter sa consommation tabagique.

L'âge des patientes était réparti entre 48 et 74 ans, avec un âge moyen de 63 ans.

Chez ces patientes, une réhabilitation implantaire fixée totale au maxillaire était indiquée. La pose d'implants sans intervention d'aménagement osseux préalable n'était pas possible du fait de l'importance de la résorption osseuse. La résorption osseuse du maxillaire était de classe IV ou V selon la classification de Cawood et Howell [].

Des greffes osseuses ont été nécessaires sur la quasi-totalité des sites implantaires. La reconstruction osseuse a eu pour but d'aménager un volume osseux permettant la pose de 8 implants répartis au moins entre les sites dentaires de 16 à 26.

Les secteurs postérieurs, situés sous les sinus maxillaires, ont été reconstruits à l'aide d'un comblement osseux sous-sinusien par abord latéral.

Les secteurs antérieurs, situés en avant des sinus maxillaires, ont été reconstruits à l'aide d'une régénération osseuse guidée lorsque l'épaisseur osseuse vestibulo-palatine résiduelle était supérieure à 3 mm (4 patientes). Par contre, lorsque l'épaisseur osseuse vestibulo-palatine était inférieure à 3 mm et/ou lorsqu'une augmentation verticale était nécessaire, la reconstruction a été réalisée à l'aide de greffes osseuses allogènes en onlay (5 patientes).

Pendant la période de cicatrisation accompagnant les reconstructions osseuses, les patientes n'ont pas voulu être privées de prothèses provisoires. La solution d'une prothèse fixée plurale transitoire agrégée sur 4 implants provisoires (IPs) leur a été proposée. Un total de 36 implants provisoires (IPs) a été mis en place pour supporter 9 prothèses fixées transitoires.

Les prothèses transitoires prévues remplaçaient 8 dents uniquement, de 14 à 24, afin de permettre la fonction tout en répondant à une exigence d'esthétique minimale. L'impact esthétique de la faible étendue des bridges provisoires a été vérifié et validé par toutes les patientes avant de débuter le traitement. L'objectif a été de placer ces 4 IPs antérieurement aux sinus maxillaires pneumatisés.

Les IPs (Dentium®, SlimLine) utilisés avaient un diamètre de 2,0 mm (26 IPs) ou de 2,5 mm (10 IPs) pour une longueur variant de 10 à 14 mm. Ces implants étaient en alliage de titane (TiAl6V4) recouvert d'une surface dite SLA obtenue par sablage à gros grain et mordançage à l'acide.

Chez les 2 patientes édentées, les IPs ont été posés dans le même temps opératoire que la reconstruction osseuse, sous anesthésie générale.

Chez les 7 patientes dentées, les IPs ont été posés simultanément aux avulsions, sous anesthésie locale, avec prémédication sédative (hydroxyzine ou diazépam) (fig. 1 à 4).

Afin d'assurer un maximum de stabilité primaire dans les sites extractionnels, les IPs ont été posés avec un ancrage cortical au niveau du plancher nasal. Ces IPs destinés à recevoir des prothèses scellées étaient monolithiques. Des piliers angulés (Dentium®, SlimLine, IUA153720) insérés par friction sur le segment prothétique des implants sont disponibles en cas de divergence importante entre les 4 IPs. Ces IPs ont tous été mis en charge dans les 48 heures suivant leur insertion chirurgicale.

Le choix des sites destinés aux IPs et aux implants définitifs (IDs) a été déterminé dès le début du traitement. Prioritairement, les sites jugés stratégiques pour les IDs ont été localisés et les greffes osseuses planifiées en conséquence. Les sites restants ont été sélectionnés pour les IPs en fonction de la possibilité de recevoir des implants de 2 mm de diamètre et d'au moins 10 mm de longueur. De préférence, une symétrie dans la répartition des implants a été recherchée.

Une préparation initiale par assainissement parodontal de l'arcade mandibulaire, avec au besoin des lambeaux d'accès, et un enseignement de l'hygiène orale ont été un préalable au traitement.

La phase prothétique pré-chirurgicale a débuté par des empreintes primaires, l'enregistrement de l'occlusion, la préparation d'un porte-empreinte individuel, d'un guide chirurgical et d'une base d'occlusion.

La prothèse provisoire, construite sur un modèle issu de l'empreinte peropératoire de situation des IPs (fig. 5 et 6), a reproduit l'anatomie des dents résiduelles ou des prothèses amovibles qui étaient présentes. De légères modifications sur la situation et l'axe des dents ont été faites. Le plus fréquemment, une augmentation de la dimension verticale a été nécessaire, surtout chez les patients dentés.

Ces prothèses provisoires scellées ont été fabriquées au laboratoire en résine acrylique thermo-polymérisable. Les prothèses ont été renforcées par une armature métallique (fig. 7 à 9).

Il a été prévu, dans l'architecture de l'armature, la possibilité de modifier la prothèse facilement et de la re-baser pour inclure un nouvel IP en cas d'échec implantaire. L'insertion secondaire d'un nouvel IP devait être possible pour maintenir ce bridge en fonction.

Pendant les 2 mois postopératoires à la pose des IPs, il a été demandé aux patientes de se limiter à une alimentation mixée. Une abstention tabagique a été de rigueur pendant toute la durée du traitement.

La prothèse provisoire a été rebasée en bouche sur les IPs et scellée à l'aide d'un ciment aux verres ionomères (GC Fuji I) dans les 48 heures après la pose des IPs (fig. 10 et 11). Si nécessaire, elle n'a été déposée pour un re-basage ou une modification du profil prothétique qu'après au moins 2 mois de cicatrisation osseuse.

Chez les patientes qui étaient dentées avant les interventions de greffes et d'implantation, le bridge a été déposé le jour de la reconstruction osseuse (fig. 12 et 13) puis re-scellé immédiatement en postopératoire (fig. 14 et 15), avec si nécessaire un meulage et une adaptation de l'intrados des éléments prothétiques intermédiaires.

Six mois après les reconstructions osseuses (fig. 16 à 18), cette prothèse transitoire a été déposée pour la pose des 8 implants IDs (fig. 19 à 22) et re-scellée immédiatement en postopératoire.

La chronologie du protocole suivi pour les patients dentés a été :

• extraction des dents restantes et insertion des 4 implants « provisoires » (IPs) ;

• scellement de la prothèse provisoire avant 48 heures postopératoires ;

• à 2 mois postopératoires, réalisation des greffes osseuses ;

• après 6 mois, contrôle des greffes et pose des 8 implants « définitifs » (IDs) ;

• après 3 mois, contrôle des implants ;

• réalisation de la 2e prothèse provisoire scellée sur les 8 IDs avec dépose des 4 IPs ;

• début des travaux concernant la prothèse d'usage.

Concernant les patientes totalement édentées, le protocole suivi a été :

• réalisation des greffes osseuses et insertion des 4 implants « provisoires » (IPs) ;

• scellement de la prothèse provisoire avant 48 heures postopératoires ;

• après 6 mois, contrôle des greffes et pose des 8 implants « définitifs » (IDs) ;

• après 3 mois, contrôle des implants ;

• réalisation de la 2e prothèse provisoire scellée sur les 8 IDs avec dépose des 4 IPs ;

• début des travaux concernant la prothèse d'usage.

Les IDs ont été contrôlés cliniquement et radiographiquement (fig. 23) à 3 ou 5 mois après la pose. À chaque étape, la prothèse provisoire a été déposée et re-scellée à l'aide d'un ciment provisoire (Dentotemp®, Itena) ou d'un matériau d'assemblage de type CVI (GC Fuji I) en fonction de la rétention prothétique.

Une fois l'ostéo-intégration des IDs contrôlée et validée, la dépose des IPs a été planifiée. À cette étape, il a été nécessaire de préparer une nouvelle prothèse fixée provisoire de 8 ou 10 éléments, agrégée sur les 4 IDs ostéo-intégrés (fig. 24 à 26).

La dépose des IPs a été jugée nécessaire avant de débuter les étapes prothétiques afin qu'ils n'interfèrent pas avec les essayages de l'infrastructure de la prothèse d'usage ni avec la présentation ou le montage esthétique (fig. 27 à 30).

Les prothèses d'usage ont été constituées d'une infrastructure transvissée en alliage de titane TiAl6V4 réalisée par CFAO (Zfx® Titanium G5) associée à un montage cosmétique en résine méthacrylique supportant des dents du commerces, ou entièrement stratifiée en céramique (fig. 31 à 34). Cette décision a été prise en concertation avec le chirurgien-dentiste traitant, le prothésiste et le patient.

RÉSULTATS

Au total, 9 patientes ont été traitées dans cette étude. Chaque patiente a reçu 4 IPs. Sur les 36 IPs mis en place, aucun des implants n'a été déposé en cours du traitement.

Trois IPs (8 %), chez 2 patientes initialement partiellement dentées, n'étaient pas totalement ostéo-intégrés mais ont été conservés jusqu'à la fin de la temporisation. La sollicitation de ces 3 IPs a révélé une légère mobilité accompagnée d'une sensibilité discrète. Ils ont nécessité un contrôle clinique visuel et radiologique mensuel afin de déceler précocement une inflammation, une perte osseuse ou une infection. La mastication sur la prothèse transitoire chez ces 2 patientes ne provoquait pas de douleur ; aucun signe d'aggravation n'a été noté et donc aucun de ces 3 implants n'a été déposé.

Au niveau des sites greffés, chez 1 patiente, une greffe en onlay par apposition verticale s'est exposée à 1 mois post-greffe, entraînant une perte partielle du greffon et une déhiscence verticale. Cette complication a été traitée par un meulage à la fraise boule sur pièce à main, sous irrigation abondante du greffon exposé, et un rinçage à la chlorhexidine pendant 1 mois. La re-fermeture a été spontanée sous la prothèse provisoire. Cette complication n'a entraîné aucune doléance esthétique ou fonctionnelle chez la patiente. Les IDs ont pu être placés dans une position de compromis mais autorisant l'insertion et la fonction de la prothèse provisoire. Une fausse gencive plus volumineuse sur la prothèse d'usage a compensé la perte des tissus mous et durs.

Toutes les autres greffes ont cicatrisé sans complications et ont permis la pose des IDs dans les sites préalablement choisis.

Lors de la dépose des IPs, 2 implants (5,6 %) chez 1 patiente ont été fracturés. Le col de fracture étant infra-osseux, la crainte de provoquer un délabrement osseux en les retirant par voie chirurgicale a conduit à la décision de laisser enfouie la partie fracturée endo-osseuse.

Chez les 9 patientes, les travaux prothétiques ont été conduits sans difficultés majeures et les prothèses d'usage ont été installées avec la satisfaction des patientes et de leur chirurgien-dentiste traitant.

Sur les 4 patientes sevrées du tabac avant leur inclusion dans ce protocole de traitement, 2 ont repris l'usage de la cigarette après la mise en place des prothèses d'usage et 1 patiente a rapporté avoir fumé durant la phase d'ostéo-intégration des IDs. Une patiente est toujours non fumeuse, 10 mois après la fin du traitement implanto-prothétique.

DISCUSSION

En cas de greffes dans un maxillaire résorbé, la temporisation par une prothèse fixée sur 4 implants provisoires (IPs), insérés dans des zones non stratégiques pour l'insertion secondaire d'implants destinés à une reconstruction fixée d'usage, est une option thérapeutique qui présente de nombreux avantages.

La mise en place de ces IPs permet d'agréger la prothèse transitoire sans risque de compression sur les tissus en phase de cicatrisation et sur le greffon, ce qui risque d'entraîner des complications délicates à gérer. De plus, ceci permet de répondre à la demande fréquente des patients de ne pas être contraints au port d'une prothèse amovible durant la période de temporisation imposée par l'ostéo-intégration sans mise en charge immédiate [].

Néanmoins, les prothèses transitoires scellées sur les IPs ne comportent qu'un faible nombre d'unités prothétiques. Cette conception est imposée par la répartition des IPs dans le pré-maxillaire []. L'échange avec les patients révèle néanmoins que cette solution est préférée au port d'une prothèse amovible. La contrainte de l'exclusion socioprofessionnelle s'avère ainsi très courte malgré un traitement lourd [, , ]. Ainsi, la décision du type de réhabilitation transitoire représente une difficulté majeure du traitement implantaire de grande étendue. Elle doit être étudiée minutieusement avec le patient et doit faire l'objet d'un rendez-vous à part entière [].

Dans les 9 cas traités selon le protocole décrit ici, aucun des 36 IPs utilisés n'a été perdu, soit un taux de survie implantaire de 100 % durant cette phase de temporisation, et les prothèses d'usage ont pu être réalisées secondairement après ostéo-intégration des IDs.

Si l'on considère l'ostéo-intégration incomplète de 3 IPs malgré leur conservation in situ, un taux d'échec implantaire de 8 % (3/36) peut être calculé. Néanmoins, celui-ci s'avère très limité par rapport aux résultats d'une étude [] qui a eu recours à des implants provisoires pour stabiliser une prothèse amovible et qui signale un taux d'échec implantaire de 30 %.

Le nombre d'implants nécessaires pour une réhabilitation maxillaire totale peut varier selon les praticiens et les protocoles décrits dans la littérature [, ]. Certaines publications rapportent des taux de succès élevés pour des prothèses fixées plurales agrégées sur 6, voire 4 IDs []. Dans le protocole proposé dans cet article, le nombre d'implants est fixé à 8 afin d'assurer le maximum de sécurité [, ] pour ces patients qui ont dû passer par un traitement chirurgical long. La perte ultérieure d'un ou de deux implants ne compromettrait pas la réalisation de la prothèse d'usage. Néanmoins, il doit être souligné que le nombre d'implants doit être arrêté en fonction de la distance inter-implantaire qui doit être au minimum de 3 mm entre 2 implants adjacents.

Le protocole utilisant des IPs décrit dans le cadre de cette publication concerne uniquement l'arcade maxillaire et non l'arcade mandibulaire. En effet, l'anatomie mandibulaire et la densité osseuse permettent généralement l'insertion d'implants de volume « standard », directement utilisés en IDs. Ainsi, dans la quasi-intégralité des situations cliniques, 2 à 4 implants standard au moins peuvent être placés dans la région para-symphysaire en vue d'une temporisation immédiate en attendant la cicatrisation des sites greffés [].

Concernant les complications rencontrées dans ce protocole, il faut retenir les difficultés liées à la dépose des IPs. Une fois ostéo-intégrés, ces implants en alliage de titane s'avèrent parfois difficiles à dévisser et une fracture implantaire peut se produire. Ainsi, du fait d'un faible diamètre par rapport à des implants de volume « standard », leur résistance à la fracture s'est révélée plus faible []. La dépose chirurgicale du fragment endo-osseux est possible mais sa nécessité doit être évaluée en fonction du délabrement osseux occasionné. Par ailleurs, il a été montré que laisser un fragment implantaire ostéo-intégré, non mobile, sans image radio-claire, en infra-osseux et à l'abri du milieu buccal ne provoquait pas de complications [, ].

Le démontage des IPs serait probablement plus facile en cas d'utilisation d'implants en acier chirurgical. Néanmoins, le choix de l'alliage de titane TiAl6V4 semble s'imposer dans le cadre d'une mise en charge immédiate où l'ostéo-intégration doit être fiable [, ] afin de permettre une résistance aux contraintes fonctionnelles sur une durée totale d'environ 18 mois.

Par ailleurs, la possibilité de conserver les IPs et de les intégrer dans la conception de la prothèse implanto-portée d'usage a été évoquée. Le manque de recul sur la fiabilité mécanique au long cours de ces implants et l'impossibilité d'y agréger une prothèse d'usage par transvissage ont incité à ne pas retenir cette idée [].

Du fait du bon comportement tissulaire autour des greffes osseuses et de la cicatrisation osseuse sans complications [], il est possible d'envisager une insertion immédiate des implants définitifs simultanément aux greffes, accompagnée d'une mise en charge immédiate. Cette option n'est pas apparue suffisamment scientifiquement fondée pour la proposer dans le cadre du traitement de cette situation clinique. Un nombre plus élevé de patients traités selon ce protocole et suivis sur un plus long terme est nécessaire avant d'envisager des évolutions potentiellement plus risquées. Ainsi, Li et al. ont rapporté un taux d'échec de 18 % sur des implants IDs posés simultanément aux greffes osseuses du maxillaire [].

Enfin, il faut rappeler le risque élevé de complications sur les greffes osseuses d'épaississement extra-alvéolaire [] entraîné par l'usage du tabac. La baisse de la vascularisation entraîne un retard de la cicatrisation, des expositions osseuses, une réouverture des berges de la plaie et des échecs partiels, voire totaux des greffes []. Pour cette raison, le tabac est considéré comme une contre-indication stricte aux augmentations osseuses extra-alvéolaires de petite et grande étendue, ce qui explique le fait qu'il est considéré comme un critère d'exclusion. Le sevrage tabagique étant obligatoire dans le cadre de ce protocole, cela n'a pu que contribuer aux conditions du succès implantaire observé chez les patients traités. Néanmoins, il faut souligner le haut taux de récidive constaté parmi ces patientes.

CONCLUSION

Dans le cadre du traitement par greffes osseuses des maxillaires fortement résorbés, le recours aux implants provisoires associés à une prothèse fixée transitoire améliore le pronostic de ces interventions d'apport osseux et en diminue les complications.

De plus, en évitant le port d'une prothèse amovible mal perçue par le patient, ils facilitent l'acceptation de la phase de temporisation nécessaire au remodelage osseux puis à l'ostéo-intégration des implants utilisés secondairement pour agréger une prothèse fixée d'usage.

Ainsi, le traitement est mieux supporté, sans période d'édentement non compensé, facteur d'exclusion sociale, malgré la lourdeur et l'exigence technique de la thérapeutique.

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Bahige Tourbah
Spécialiste en chirurgie orale, Montpellier
Ancien attaché hospitalo-universitaire Paris V, Paris VI et le Kremlin-Bicêtre
Enseignant au DU d'implantologie pré et péri-implantaire de l'Université Paris-Sud
24 cours Gambetta, Bât C, Montpellier 34000

LIENS D'INTÉRÊTS : L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.