`98 ITI world symposium - Implant n° 1 du 01/02/1999
 

Implant n° 1 du 01/02/1999

 

Implant a suivi

Gérard Aouate  

Docteur en chirurgie dentaire
DSO
Chargé d'enseignement à la faculté de chirurgie dentaire Paris-VII

L'International Team for Oral Implantology (ITI) conviait en juin dernier à Boston (Massachusetts) 51 conférenciers à présenter les résultats de leurs études sur le système ITI. Le 5e symposium mondial ITI fut également l'occasion de découvrir les dernières innovations techniques dans le domaine implantaire. Gérard Aouate relate pour Implant les conférences phares de cette édition.

Ce 5e symposium mondial ITI se voulait à la fois une reconnaissance et une consécration. Une reconnaissance, car 1 400 participants de 40 pays différents se réunissaient pour saluer les avancées scientifiques et technologiques de l'implant ITI, et une consécration, par le succès du système ITI, conforme aux espérances qu'il avait fait naître dès la fin des années 1970. Ainsi, l'implant ITI est-il l'implant type (le paradigme) des années à venir comme l'annonce Niklaus P. Lang, président de ce symposium. Comme ce dernier le souligne, nombreux sont les systèmes implantaires qui, aujourd'hui, adoptent ou un état de surface rugueux ou le principe d'un implant à un seul temps chirurgical transmuqueux ou une liaison pilier-implant du type cône-morse. Nous retenons également une nette tendance à sceller les restaurations et à abandonner le vissage de celles-ci… Autant de caractéristiques qui font l'implant ITI.

Mis à part les nouveautés (l'implant large, le narrow neck implant, l'orthoplant et surtout la surface implantaire SLA qui pourrait bouleverser l'implantologie moderne), les grandes orientations de ces deux journées concernaient :

- l'état des connaissances en matière de régénération osseuse guidée et implantologie ;

- l'élargissement des possibilités thérapeutiques grâce aux nouveautés ;

- la gestion du traitement implantaire dans les diverses situations cliniques ;

- la recherche de l'esthétique.

Le Pr Lang, chef du Département de parodontologie de l'Université de Berne et auteur de plus de 250 articles, est le premier intervenant de ce symposium avec un exposé intitulé Current trends and paradigm shifts in implant dentistry. Il explique que, depuis 18 ans que l'International Team for Oral Implantology existe, la tendance du modèle implantaire actuel évolue vers les caractéristiques suivantes :

- matériau implantaire en titane versus hydroxyapatite ;

- état de surface rugueux versus lisse ;

- un seul temps chirurgical versus deux temps ;

- cicatrisation implant transmuqueux versus enfoui ;

- aspects prothétiques (cône-morse versus hexagone ; scellement versus vissage) ;

- aménagements tissulaires esthétiques versus pilier unitaire esthétique.

Le Pr Lang présente ensuite un tableau comparatif de huit systèmes implantaires différents qui ont fait l'objet d'au moins une étude chez l'homme sur cinq ans ou plus : 20 études pour le système Brånemark, 10 pour l'ITI, 5 pour l'IMZ, 2 voire seulement 1 étude pour les cinq autres systèmes. Quant au futur implant SLA (voir ci-dessous), des études in vivo ont été entreprises depuis 1990.

En ce qui concerne la réponse tissulaire péri-implantaire, deux idées maîtresses s'affrontent. D'une part, Jan Lindhe, chef du Département de parodontologie de l'Université de Göteborg et auteur de plus de 300 articles, conclut dans son exposé Soft tissue integration of endosseous implants que, quel que soit l'état de surface implantaire, le un-temps chirurgical comme le deux-temps chirurgical réalisent des réponses tissulaires (tissus mous et tissus durs) équivalentes. D'autre part, David L. Cochran, chef du Département de parodontologie de l'Université de San Antonio, dans Tissue reactions to submerged and non-submerged implants, et Daniel Buser, chef du Département de chirurgie buccale de l'Université de Berne, démontrent, documents à l'appui :

- que l'espace biologique d'un implant non enfoui est identique à celui d'une dent naturelle (cf. Cochran DL et al. Biologic with around titanium implants. A histometric analysis of the implanto-gingival junction around unloaded non-submerged implants in the canine mandible. J Periodontol 1997;68:186-199) ;

- que le niveau d'os crestal (fig.1 et 2) varie en fonction de l'enfoncement osseux de l'implant et ce, indépendamment du dogme implantaire (enfoui on non enfoui).

Henry Salama d'Atlanta, dans New perspectives in timing of implant loading, aborde la question des conditions du succès (certes, dans un nombre d'études encore limitées) de la mise en charge précoce, voire immédiate. Ces conditions sont :

- nombre et répartition adéquats des implants ;

- implants antérieurs solidarisés bilatéralement aux implants postérieurs ;

- bonne stabilité primaire des implants avec un os de type I ou II ;

- facteurs occlusaux favorables et renoncement aux cantilevers ;

- implants type vis à surface rugueuse et, à ce titre, le Dr Salama pense que l'implant SLA est certainement un implant idéal pour la précocité de la mise en charge ;

- le consentement éclairé.

Moyennant quoi, le Dr Salama obtient 98 % de succès. Le bridge provisoire est réalisé dans la séance de la pose des implants, puis mis en place. Ce résultat ne concerne pas l'implant unitaire qui est à l'étude. Ce n'est pas le calendrier de la mise en charge qui compte ou qui a un aspect critique, mais notre souci de protéger l'interface os-implant même dans le cadre d'une mise en charge prématurée.

L'hypothèse repose sur l'idée qu'il faut contenir l'implant dans une enveloppe de micromouvements inférieure à 150 µ si l'on se réfère aux études déjà publiées et jusqu'à 50 µ d'après le Dr Salama. Dans ce dernier cas, une prothèse provisoire est laissée en place pendant 12 mois avant la définitive.

Gilbert Triplett de Dallas aborde dans Sinus floor elevation with recombinant BMP-2 : the future technique ? l'utilisation des BMP (Bone Morphogenetic Protein), qui ont des propriétés inductrices sur la formation osseuse de novo dans les élévations du plancher sinusien. La découverte des BMP date de la fin du siècle dernier et, en l'occurrence, celle dont il est question ici est la BMP-2 recombinant humaine (Rh BMP-2) qui peut être obtenue en quantité illimitée à partir de l'ADN humain (fig.3 ). Une étude multicentrique de faisabilité portant sur 12 patients de 51 ans d'âge moyen étudie, sur deux ans, l'utilisation de la Rh BMP-2 à des doses de 0,43 mg/ml dans les comblements sinusiens destinés à recevoir ensuite des implants ITI. Le support de la Rh BMP-2 est une éponge de collagène hémostatique résorbable (Helistat®). Des contrôles radiographiques sont faits à 4, 8, 12 et 16 semaines post-opératoires. À quatre mois, lors de la pose des implants, un prélèvement destiné à l'histologie est réalisé dans le puits implantaire par prélèvement de la carotte osseuse à l'aide du foret creux. Le protocole opératoire apparaît simple. Après un accès chirurgical classique au plancher sinusien, on utilise de l'Helistat® découpée en bandelettes et imprégnée de Rh BMP-2 (fig. 4). Les bandelettes sont enroulées, puis déposées dans l'antre du sinus (fig. 5). Le lambeau est ensuite suturé.

Les résultats montrent : une absence d'anticorps anti-Rh BMP-2 dans les examens de laboratoire, une absence de réaction organique adverse sérieuse, des images scanner positives sur tous les patients (11 des 12 patients recevant finalement leurs implants), un gain osseux moyen de 8,52 mm, un état histologique osseux normal ainsi qu'une intégration de l'os de novo avec l'os natif.

En conclusion générale, ces résultats paraissent voisins de ceux obtenus avec de l'os autogène et l'étape suivante serait l'obtention de l'agrément de la Food and Drug Administration (l'agence du médicament américaine) permettant une mise sur le marché (fig. 6 et 7).

Jean-Pierre Bernard de Genève est l'un des compétiteurs de la recherche ITI pour la promotion de l'implantologie orale. Comme il l'explique dans Influence of implant length on early anchorage of Brånemark and ITI Implants. An experimental study in the canine mandible, la dernière décennie a vu se multiplier les indications des implants et le traitement de l'édentation partielle est devenu majoritaire par rapport aux autres cas d'édentations. Cette évolution a généré de nombreuses études, lesquelles rapportent une augmentation du taux d'échecs avec des implants Brånemark. Deux causes sont fréquemment évoquées :

- implantation dans du tissu osseux de type IV ;

- implants de longueur inférieure à 13 mm.

Or, à la même période, des études similaires concernant des implants ITI de longueur réduite et comprise entre 6 et 12 mm ont mis en évidence des taux de succès élevés. Le Dr Bernard présente son étude comparative de la force de dépose d'implants Brånemark et ITI chez le chien. Après examen histologique, il observe que l'os, sous l'effet des contraintes, est fracturé en son sein au voisinage de la surface de titane de l'ITI. Au contraire, l'implant Brånemark se détache au niveau de son interface du tissu osseux « comme si l'implant subissait un simple dévissage ». Les moyennes de couple de dépose constatées varient de 105 à 193 Ncm pour ITI et de 37 à 70 Ncm pour Brånemark (fig. 8).

De cette étude chez le chien, nous retenons des recommandations dans l'emploi des implants TPS ITI :

- il n'est pas nécessaire de mettre en place des implants supérieurs à 12 mm ;

- la logique selon laquelle nous disposons d'un implant par élément prothétique n'est pas justifiée ;

- que l'on implante le maxillaire ou la mandibule, la période de cicatrisation n'est pas différente et donc unique.

Daniel Buser analyse, dans Surgical procedures in standard and defect sites, les conséquences de l'insertion plus profonde (de 3 à 4 mm plus apicalement par rapport à la jonction émail-cément des dents adjacentes) d'un implant pour des raisons esthétiques. Il constate :

- une résorption de l'os crestal ;

- une augmentation de la profondeur au sondage ;

- une position défavorable du microespace ;

- une prophylaxie rendue difficile ;

- un rapport couronne clinique sur racine clinique défavorable.

Dans des situations où l'esthétique le requiert, l'ITI recommande un positionnement plus apical (1 à 2 mm) de son implant, de manière à garantir le résultat esthétique à long terme (fig. 9, 10 et 11).

Urs Belser de Genève aborde dans Prosthetic procedures and long-term stability of esthetic restoration les rapports des tissus durs et mous au col lisse de l'implant ITI. Il cite l'étude de Hämmerle CHF et al. (The effect of subcrestal placement of the polished surface of ITI implants on marginal soft and hard tissues. Clin Oral Impl Res 1996;7:111-119). Celle-ci établit que « l'os adjacent à la surface lisse du col de l'implant enfoui dans l'os se résorbe avec le temps », mais que la distance entre l'épaulement de l'implant et la muqueuse reste stable sur cinq ans et plus. Ce constat corrobore les propos de Daniel Buser sur la stabilité des résultats esthétiques à long terme avec le système ITI.

Avec The SLA surface : scientific basis and clinical results, D. Buser s'attaque au sujet vedette de ce symposium en présentant dix années de recherche sur la surface SLA, ce qui réoriente, selon lui, le débat vers les états de surface plutôt que vers l'opposition système enfoui/système non enfoui. En 1981, Albrektsson désigne l'état de surface comme un des six facteurs influençant l'ostéointégration, ce qui permet de mieux comprendre la tendance actuelle. Si nous examinons les six systèmes reconnus internationalement, nous constatons que cinq d'entre eux (ITI, IMZ, Astra, Steri-Oss, 3i) présentent une surface rugueuse et le sixième (Brånemark), une surface lisse. Aussi, les indications des implants ont de plus en plus concerné les secteurs postérieurs où l'os est de hauteur et de densité réduites. Dans ces zones, les contraintes augmentent au niveau de l'interface os-implant. D'autre part, un nombre croissant d'articles fait état d'une augmentation du taux d'échecs dans le cas d'implants lisses (Jemt rapporte 30 % d'échecs dans le cas d'overdentures sur implants au maxillaire supérieur). Sur le plan bibliographique, il apparaît que jusqu'en 1988, l'ITI n'a guère fait l'objet de plus de 15 publications, mais que depuis 1990, celles-ci se multiplient (huit au cours des deux dernières années).

« Rugueux peut être différent de rugueux ! », telle est la pensée du Dr Buser, qui énumère cinq techniques différentes pour rendre une surface rugueuse.

Qu'est-ce que le SLA ? C'est tout d'abord une attaque par sablage qui crée une première altération de la surface du titane (granulométrie de 250 à 500 µ), puis une attaque avec un acide léger (HCl) pour éliminer les résidus du sablage. Pour créer ensuite une seconde altération de la surface (microrugosités de 1 à 2 µ), on utilise un acide fort (H2 SO4). La première étude sur le SLA (Buser D et al. Influence of surface characteristics on bone integration of titanium implants. A histomorphometric study in miniature pigs. J Biomed Mater Res 1991;25:889-902) est une étude in vivo chez l'animal. La plus récente (Cochran D. et al. Bone response to unloaded and loaded titanium implants with sunblasted and acid etched surface. J Biomed Mater Res 1998;40:1-11) confirme la supériorité de la surface SLA sur la surface TPS et de manière hautement significative par rapport à la surface lisse (fig. 12). Le Dr Buser entreprend alors de comparer la surface SLA avec celle d'un autre implant rugueux : l'Osseotite de 3i qui présente sa surface mordancée, mais non sablée (cf. Int J Oral Maxillofac Implant, à paraître). La comparaison porte sur un implant ITI de 8 mm et un implant Osseotite de 10 mm. Les résultats révèlent que :

- l'implant Osseotite est, d'un point de vue du pourcentage de contact entre implant et os, intermédiaire entre l'implant lisse et l'implant SLA ;

- en ce qui concerne la force nécessaire à la dépose de l'implant, la courbe de l'Osseotite est plus plate que celle du SLA (fig. 13).

Plusieurs études multicentriques sur le SLA sont en cours en Europe et aux États-Unis, mais on peut d'ores et déjà avancer les points forts de ce produit :

- période de cicatrisation raccourcie. Pose du pilier à 35N/cm et mise en charge à six semaines ;

- surface moins rugueuse que le TPS d'où microrugosités absentes ;

- le SLA n'est pas un revêtement (fig. 14).

H. Wehrbein de Bruxelles propose dans Orthoplant : The New Orthodontic Implant une alternative novatrice et pionnière aux traitements orthodontiques conventionnels. Le principe de base repose sur un implant qui, placé dans un maxillaire, est envisagé comme centre d'action de traitements orthodontiques. L'orthosystem comprend deux systèmes fondamentaux :

- l'orthoplant posé temporairement dans le palais osseux au niveau médian ou en position rétromolaire ;

- l'implant ITI conventionnel qui, combiné à une base de collage, restera à demeure de manière permanente.

L'orthoplant est une vis de titane de 3,3 mm de diamètre disponible en deux longueurs (4 et 6 mm). Une arche transpalatine (ATP) s'agrégeant à l'implant assure un ancrage maximal autorisant les corrections orthodontiques même en l'absence d'édentation. Le patient, porteur d'une force extra-orale ostentatoire, peut alors s'en dispenser, améliorant par là-même son apparence et sa participation au traitement. L'orthoplant est un implant à surface rugueuse (SLA) et l'indication de son emploi la plus classique est la classe II d'Angle.

Ses avantages sont :

- suppression de l'engagement du patient à supporter des dispositifs intra et extraoraux ;

- prévisibilité des résultats des traitements ;

- esthétique positive du dispositif ;

- minimalisme de l'appareillage orthodontique (fig. 15).

Enfin, pour conclure, citons : Christiaan Ten Bruggenkate qui, dans Anatomical aspects and treatment planning for sinus floor elevations, suggère à tout implantologiste qui désirerait réaliser son premier abord osseux sinusien de s'entraîner d'abord sur la coquille d'un œuf frais avec une grosse fraise boule diamantée ; Frank Higginbottom qui, dans Interim restorations for implant-supported prostheses, ne déconseille pas la mise en charge immédiate à condition de supprimer tout contact occlusal ; Melvyn Schwarz qui, dans Postprosthetic biomechanical and biological implant complications, nous apprend qu'il n'existe, à ce jour, aucun rapport mondial faisant état d'une fracture d'une vis pleine ITI.

« Le temps use l'erreur et polit la vérité », écrivait le duc de Lévis. Promettons-nous d'en apprécier les effets au prochain symposium mondial à Lucerne (Suisse) en l'an 2000.