Team Day Nobel Biocare France - Implant n° 3 du 01/08/1999
 

Implant n° 3 du 01/08/1999

 

Implant a suivi

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Dans le précédent numéro ( Implant 1999;5(2):135-139), nous vous avons présenté la première partie de la deuxième journée des équipes utilisant le système Brånemark, organisée par la société Nobel Biocare France. Cette deuxième partie résume les interventions de l'après-midi de cette journée consacrée aux développements de ce système de référence en implantologie.

Les implants de gros diamètre : facteurs chirurgicaux et prothétiques (Jean-Pierre Gardella, Marseille, France)

Le traitement des édentements postérieurs, notamment au maxillaire supérieur, nécessite une approche particulière en raison de la qualité et de la quantité de l'os, des charges occlusales développées dans ce secteur et de la morphologie des dents à remplacer.

Depuis plus de dix ans, Burton Langer (1988) a expérimenté des fixtures de 5 mm de diamètre pour le traitement implantaire dans l'os de faible densité (type III et IV) et le rattrapage d'un site préparé pour une fixture de diamètre 3,75 ou 4 mm, instable lors de sa mise en place. Ces implants de 5 mm sont qualifiés de RP dans le système Brånemark et présentent comme caractéristiques l'absence de col afin de prolonger les spires jusqu'au plateau prothétique, des propriétes autotaraudantes et une compatiblité avec l'ensemble du système prothétique existant à l'époque. La littérature peu nombreuse (Langer B. et al., Int J Oral Maxillo Fac Impl 1993;8: 400-408) montre des résultats statistiques équivalents en terme de taux de succès par rapport aux implants de diamètre standard.

Un nouvel implant WP de 5 mm de diamètre a fait son apparition en 1994. Il représente un système chirurgico-prothétique complet, avec des objectifs précis : potentialiser la stabilité primaire de l'implant, améliorer la résistance mécanique des composants et optimiser la morphologie des restaurations prothétiques.

L'implant se présente avec un col évasé pour assurer la stabilité primaire de la fixture, un filetage qui débute plus près du col que dans les fixtures standard pour augmenter le nombre de spire dans l'os et un apex sous-dimensionné avec un profil identique à celui de la fixture MK II du système Brånemark. La séquence chirurgicale de mise en place de l'implant doit être adaptée à la densité osseuse du secteur à restaurer. En présence d'un os de type IV, le puits d'ancrage sera sous-dimensionné et la fraise d'évasement est peu utlisée alors que dans un os de type III, le puits d'ancrage sera préparé avec le passage de tous les forets jusqu'au 3,85 mm de diamètre et la fraise à évasement. Pour un os de type II, l'ensemble des forêts, y compris le taraud et la fraise d'évasement, est nécessaire pour la mise en place correcte de la fixture. La fraise d'évasement du système WP est classiquement utilisée à vitesse lente, ce qui, dans les cas de différence de niveau entre le bord vestibulaire et lingual du puits, pose parfois des problèmes de dérapage de la fraise au détriment de la partie la plus basse. Sur les conseils de Bertil Friberg, Jean-Pierre Gardella, dans ces cas particuliers, utilise la vitesse rapide pour la fraise à évasement avec le technique du “ touch-back ”, en limitant au maximum la pression appliquée à l'instrument. L'implant WP semble contre-indiqué dans l'os de type I en raison du risque d'échauffement de l'os.

Les composants prothétiques du système WP sont surdimensionnés par rapport au système RP, en particulier les vis de pilier qui sont en or, ce qui permet de les serrer avec un couple de serrage plus élevé (32 et 45 Ncm selon le pilier), évitant ainsi le dévissage du système sous la charge plus importante dans ce secteur. Il existe deux types de piliers WP : le pilier CeraOne pour les dents unitaires et le pilier MirusCone pour les restaurations plurales. Ces piliers larges sont bien adaptés au profil d'émergence des molaires (fig. 1 et 2) alors que pour le remplacement des prémolaires, il faut préférer le système RP.

Le traitement de l'os de faible densité (Franck Renouard, Paris, France)

Le traitement des patients présentant un os de très faible densité représente le vrai défi chirurgical actuel. Un des problème rencontrés se situe dans la définition de l'os de faible densité car il n'y a pas de consensus sur ce point pour le moment. Un autre problème est l'évaluation de la densité osseuse qui peut varier considérablement chez un même patient en fonction du maxillaire, supérieur ou inférieur, et de la zone considérée, antérieure ou postérieure (Friberg B. et al., Clin Oral Impl Res 1995;6:164-171). Pour Renouard et Rangert (Facteurs de risques et traitement implantaire. Paris : Ed Quintessence, 1999), l'évaluation de la densité osseuse est une étape indispensable dans l'établissement du plan de traitement pour choisir le diamètre de l'implant, adapter la séquence de forage, déterminer la durée de cicatrisation osseuse et évaluer sur le plan biomécanique la capacité de chacun des implants à supporter la charge. La densité osseuse peut être évaluée par la radiographie - en lecture directe, ce n'est pas très précis -, mais à l'aide de logiciels du type Simplant®, on peut simuler la mise en place de l'implant avec la lecture de la densité autour de l'implant dans la zone envisagée (fig. 3). Enfin lors de la mise en place de l'implant dans le puits d'ancrage, le moteur Osseocare® calcule et affiche la résistance que rencontre l'implant lors de son insertion dans l'os (fig. 4) et les données peuvent être stockées sur un ordinateur par l'intermédiaire d'une carte à puce. Ces deux systèmes (Simplant® et Osseocare®), sont-ils comparables? Le Simplant® donne une mesure de la densité par rapport à la longueur alors que le moteur Osseocare® donne la mesure d'une résistance par rapport au temps. Dans une étude en cours, Franck Renouard et Jean-Luc Charrier (service d'anatomie de Paris V) ont comparé les résultats obtenus sur des mandibules de cadavres avec les deux systèmes. Il semble que les résultats soient superposables sous réserve de l'analyse statistique en cours de réalisation.

Quelle attitude adopter en présence d'un os de faible densité ? Cela varie selon les auteurs. Pour certains, la solution se trouve dans la rugosité de surface ; pour d'autres, dans la forme de l'implant. C'est cette dernière solution qui est développée par le système Brånemark avec la fixture Mk IV, qui est issue du projet de développement d'une fixture pour l'os de faible densité : l'Ebon Fixture. C'est un implant de diamètre de 4 mm (RP) ou 5 mm (WP) qui a la particularité de présenter un double filet, associé à un apex présentant quatre surfaces coupantes et un corps conique de 3°. L'ensemble de ces caractéristiques assure à cet implant une mise en place deux fois plus rapide dans l'os (fig. 5) et une stabilité initiale exceptionnelle, même dans les zones de très faible densité, cette stabilité initiale a été confirmée par les travaux de Meredith pour sa thèse de PhD (On the clinical measurement of implant stability and osseointegration, Göteborg, 1997). Il faut prendre en compte également la qualité osseuse qui concerne la biologie et le pouvoir de cicatrisation de l'os alors que la densité osseuse est en rapport avec le pouvoir de rétention mécanique de l'os. C'est pourquoi avec Bo Rangert, le Dr Renouard a proposé une classification en fonction de la qualité osseuse, appelée BHP (bone healing potential) : le potentiel de cicatrisation osseux qui va de 1 à 3 (Editions Quintessence, 1999). Le niveau 1 concerne un os de bonne qualité, le niveau 2, un os de qualité médiocre et le niveau 3, une qualité ossseuse défavorable à la cicatrisation, ce dernier niveau concernant les patients sous antimitotiques, ceux qui fument beaucoup, ceux qui présentent des anémies très sévères ou un os irradié (Johnsson K. Int J Oral Maxillo Fac Impl 1993;8:415-419). Que peut-on faire pour ces patients ? Modifier la surface de l'implant n'est pas une solution évidente actuellement ; modifier la forme de l'implant est une solution mécanique à un problème biologique et ne paraît donc pas adaptée. La solution n'existe pas aujourd'hui et elle se trouve peut-être dans ce que l'on pourrait qualifier le génie tissulaire (tissue engineering) qui est la capacité d'utiliser, par exemple, les facteurs de croissance. Edwin Rosenberg (J Parodontol Impl Oral 1999 ; 18 (3)) explique le fonctionnement des différents types de facteurs de croissance et l'un de ceux qui paraît extrêmement prometteur pour notre domaine serait les facteurs de croissance plaquettaires (Marx et al., Tissue Engineering. Quintessence) qui permettent d'obtenir des molécules qui potentialisent la cicatrisation osseuse par des produits autogènes, non toxiques et non immunologiques. L'avenir du traitement de ces os de faible qualité doit se trouver dans ces techniques de facteurs de croissance. Pour l'instant, le facteur temps est le seul facteur qui permette de compenser le déficit rencontré dans les os de type IV pour atteindre l'état d'équilibre nécessaire à la stabilité de l'implant à long terme.

La temporisation en prothèse implanto-portée : intérêt et mise en œuvre (Yves Samama, Paris, France)

La temporisation est le moyen de résoudre le problème esthétique et fonctionnel du patient pendant les phases chirurgicales et durant l'élaboration de la prothèse définitive.

En implantologie, on peut distinguer :

- la temporisation préimplantaire qui concerne la phase de reconstruction des tissus durs et qui doit être réalisée à l'aide d'une prothèse adjointe partielle afin de favoriser l'accès au site pour le chirurgien ;

- la temporisation postchirurgicale qui concerne la période entre le stade 1 et le stade 2 chirurgical et qui peut faire appel à la prothèse fixe collée dans les cas de petite étendue (1 à 4 dents) ;

- la temporisation prothétique et qui a pour but de modeler les tissus mous péri-implantaires pour former le berceau prothétique, est indispensable à l'esthétique de la prothèse finale et sera assurée par une prothèse fixe implanto-portée, parfois issue de la prothèse temporaire adjointe postchirurgicale. Dans certains cas favorables, cette temporisation peut être associée avec une mise en charge immédiate des implants (fig. 6a, 6b, 6c et 6d), sous réserve de s'assurer de sa parfaite rigidité.

Dans le domaine de l'implant unitaire ( fig. 7a, 7b et 7c , cf. supra), le praticien doit tenir compte de deux facteurs essentiels qui conditionnent la réussite esthétique : la position de l'implant et la nature de la muqueuse péri-implantaire. Ces deux facteurs conditionnent le profil d'émergence de la restauration prothétique. La temporisation participe pleinement à la réalisation de cet objectif.

Il est important de replacer la temporisation dans une approche globale, elle-même située dans une vision globale : un patient, son âge, ses maladies, sa condition sociale, son origine, la distance qui le sépare du cabinet. Ceci afin de pouvoir évaluer les risques, gérer l'échec éventuel et atteindre l'objectif du traitement.

Simpler in practice : la voie du futur pour la prothèse implanto-portée ? (Xavier Assémat-Tessandier, Paris, France)

Simpler in practice est un concept de traitement qui doit permettre aux omnipraticiens de traiter des édentements par des prothèses implanto-portées en les replaçant dans une situation classique de prothèse conventionnelle. L'idée de base de ce concept est de déléguer toutes les étapes spécifiques de la prothèse implanto-portée à l'équipe formée par le chirurgien et le prothésiste de laboratoire (fig. 8) pour que le patient revienne chez son praticien habituel avec des piliers implantaires ressemblant à des préparations dentaires. Il suffit alors de faire l'empreinte de manière conventionnelle pour réaliser les couronnes définitives qui seront scellées sur les piliers implantaires. Ce concept de traitement fait donc appel à des réalisations prothétiques, scellées sur des moignons implantaires vissés. Ce type de restauration est largement répandu dans la réhabilitation implantaire et est souvent critiqué en raison de la difficulté de réintervention sans compromettre la restauration prothétique si un incident survient alors que la dépose d'une prothèse implanto-portée vissée est toujours réalisable. Parmi les incidents les plus fréquents, le dévissage des composants est celui qui est le plus délicat à contrôler en prothèse implanto-portée scellée.

Les restaurations unitaires dans le système Brånemark font appel depuis 1992 à des restaurations scellées sur le pilier CeraOne avec des résultats cliniques excellents dans la perennité des prothèses (Andersson B. et al., Int J Oral Max Fac Impl 1995;10:702-711). Ces résultats ont été obtenus grâce aux travaux de Lars Jörneus et al. (Int J Oral Max Fac Impl 1992;7:353-359), en remplaçant la vis de pilier en titane des premiers piliers unitaires par une vis en or serrée avec un couple de vissage beaucoup plus élevé (32 Ncm). La vis en or est l'élément fondamental qui a permis de développer Simpler in practice.

La chape en alumine proposée en 1992 avec le pilier CeraOne est le prémice de la révolution que va connaître la prothèse conventionnelle et la prothèse implanto-portée avec le développement du sytème Procera®. Les restaurations réalisées avec cette chape d'alumine sur des piliers CeraOne ont permis d'accéder à une esthétique de haut niveau, associée à une fiabilité très satisfaisante.

A partir de cette expérience, il a été possible de développer le concept Simpler in practice avec une certaine sécurité. Dans ce concept, l'omnipraticien est l'initiateur auprès du patient de la décision prothétique; c'est lui qui posera l'indication de la restauration de l'édentement par une prothèse implanto-portée. L'équipe implantaire, composée du chirurgien et du prothésiste de laboratoire, prend en charge la suite du traitement en réalisant la mise en place des implants avec un guide chirurgical préparé au laboratoire à partir d'un montage diagnostic. Lors de la chirurgie et avant de suturer le lambeau d'accès au site implantaire, le chirurgien prend l'empreinte de la tête de la fixture avec un transfert d'empreinte stérile (fig. 9, 10 et 11). Le modèle de travail qui a permis de réaliser le guide chirurgical et le porte-empreinte est modifié pour permettre le positionnement d'une réplique de fixture (fig. 12 et 13) et la préparation d'un pilier prothétique. Lors du deuxième stade chirurgical, le pilier est mis en place par le chirugien avec l'aide d'une clé de positionnement du pilier et une dent provisoire est scellée temporairement sur le pilier. L'omnipraticien réalisera la prothèse définitive en prenant l'empreinte du pilier selon sa technique habituelle et procédera aux mêmes étapes de réalisation que pour une prothèse conventionnelle.

Plusieurs composants peuvent être utilisés pour ce type de réalisation. Le pilier CerAdapt en alumine pure qui présente une base hexagonale et un contre-couple interne peut être préparé au laboratoire de prothèse et est particulièrement adapté aux restaurations esthétiques du secteur antérieur. Les piliers en titane TiAdapt comportent également une base hexagonale et un contre-couple interne et sont, eux aussi, usinés par réduction au laboratoire de prothèse pour les adapter au cas à traiter. Ils conviennent à tous les types de restaurations antérieures ou postérieures et sont également disponibles pour les trois types d'impants du système Brånemark NP, RP ou WP.

Le traitement du maxillaire antérieur (Patrick Palacci, Marseille, France)

Le traitement de l'édentement antérieur maxillaire pose bien souvent des difficultés extrêmes en implantologie orale. L'analyse préchirurgicale de certains paramètres (la ligne du sourire, la mobilité des lèvres, le degré de résorption alvéolaire, la qualité et la quantité des tissus mous) permettra au praticien d'évaluer la difficulté du cas et les différentes options de traitement, car il est possible de gagner 1 ou 2 mm par un apport osseux, 2 ou 3 mm par un apport de conjonctif et encore 1 ou 2 mm par la couronne prothétique ; la superposition de toutes ces techniques permettra d'obtenir un résultat optimal sur le plan esthétique (fig. 14, 15 et 16).

Patrick Palacci a présenté une classification originale, développée avec I. Ericsson (Global Forum 1997;II(3-4)) pour analyser le niveau gingival. Cette classification est divisée en quatre classes I, II, III et IV pour la perte verticale, qui se combinent avec quatre classes A, B, C et D pour la perte horizontale, permettant d'adapter le traitement en fonction des degrés de résorption. La classe I représente une papille intacte ; la classe II, une perte de plus de 50 % de la papille ; la classe III, une perte extrême de la papille et la classe IV, l'absence de papille. Pour la perte horizontale, on va de la classe A où il n'y a pas de perte à la classe D où la perte est extrême. De nombreux cas cliniques sont venus illustrer les solutions thérapeutiques adaptées au traitement des pertes de substances.

Jean-François Tulasne, président de la journée, a rappelé en guise de conclusion que tout le monde, praticiens et patients, souhaite le raccourcissement des traitements implantaires. Il ne faudrait pas pour autant perdre la fiabilité que connaît ce système et, par conséquent, il est capital que le bénéfice de l'innovation se concrétise dans la durée par la pérennité des restaurations implanto-portées.

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