Les reconstructions osseuses verticales du maxillaire postérieur - JPIO n° 4 du 01/11/2019
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2019

 

Article

Fouad KHOURY 1 / Valentin LORIOD 2  

1- Chirurgien oral, MCU-PH. Professeur, département de chirurgie orale et maxillo-faciale, université de Muenster, Allemagne
Directeur de la clinique dentaire privée Schloss Schellenstein (Olsberg, Allemagne)2 Chirurgien oral
Pratique privée, Besançon

Résumé

Résumé

Au niveau du maxillaire postérieur, il existe deux types de défauts osseux verticaux. Le premier, du côté sinusal, est lié à la pression respiratoire qui s'exerce contre l'os alvéolaire ayant perdu de sa résistance lors de la perte des dents postérieures. Le deuxième, du côté crestal, est surtout causé par des maladies parodontales sévères ou bien par des péri-implantites non contrôlées. Seule une élévation du plancher du sinus offre la possibilité de poser des implants, mais souvent dans des conditions compromettantes et sans résoudre le problème muqueux. Une greffe osseuse verticale autogène apporte, quant à elle, la possibilité de recréer une situation anatomique idéale, offrant les meilleures conditions pour une gencive péri-implantaire saine et facilitant l'hygiène buccale. La combinaison de ces deux techniques a pour objectif de résoudre le problème osseux et muqueux, offrant au patient un traitement implantaire fonctionnel, hygiénique et esthétique. La méthode de greffe en 3D, selon le concept biologique du « Split Bone Block Technique », à travers l'approche en tunnel combinée à une élévation du plancher du sinus, réduit énormément le risque de complication et offre une stabilité à long terme grâce à la revascularisation précoce et intensive de l'os autogène greffé.

Summary

ABSTRACT

Vertical bony defects in the posterior maxilla can have different reasons. They are caused, from the sinus site, mostly by the lost of resistance to the respiratory pressure after the extraction of the posterior teeth. From the crestale site they are mostly caused by severe periodontal diseases or by uncontrolled periimplantitis. Sinus floor elevation alone offer in this situation the insertion of implants, but with compromised conditions and without solving the soft tissue and hygiene problems. A vertical autogenous bone augmentation have the possibility to recreate an ideal anatomic situation offering best conditions for a healthy peri-implant soft tissue and facilitating the oral hygiene. A combination of both techniques has the outcome to improve the bony and soft tissue situation offering to the patient a functional, hygienic and aesthetic treatment. The method of 3D bone augmentation following the biological concept of the Split Bone Block technique through a tunnel approach in combination with a sinus floor elevation reduces possible post operative complications and offers a long term stability of the grafted area due to the early and intensive revascularization of the grafted autogenous bone.

Key words

Autogenous bone graf, sinus floor elevation, 3D vertical bone graft, tunnel approach, MicroSaw, Split Bone Block Technique.

Introduction

Une situation osseuse appropriée est nécessaire en vue de réaliser une réhabilitation implantaire. De nombreuses pathologies connues peuvent être responsables d'une perte osseuse verticale importante au niveau du maxillaire postérieur : parodontite chronique, résection de kystes volumineux, infection dentaire, ou encore fractures radiculaires (Wallace et Froum, 2003). À cela peut s'ajouter une atrophie osseuse dite sinusienne, observable uniquement radiologiquement. Elle est physiologique et est très prononcée en cas d'absence des dents postérieures (Pjetursson et al., 2008). C'est le résultat de la pression respiratoire exercée au niveau des sinus en regard de l'os alvéolaire, qui n'offre que peu de résistance aux forces respiratoires en l'absence des racines dentaires. La prise en charge de cette double atrophie interne et externe est un véritable défi. Les implants dentaires doivent à la fois être placés dans un volume d'os suffisant et être recouverts par une certaine épaisseur de gencive afin d'assurer la pérennité du traitement. Pour certains patients, ce traitement ne peut être envisagé sans le recours à une augmentation osseuse horizontale et/ou verticale. Seule une élévation du plancher du sinus offre la possibilité de poser des implants dans cette situation, mais dans des conditions compromettantes et sans résoudre le problème muqueux (Ptetursson et al., 2008). Une greffe osseuse verticale offre, quant à elle, la possibilité de recréer une situation anatomique idéale, offrant les meilleures conditions pour une gencive péri-implantaire saine et facilitant l'hygiène buccale (Khoury et al., 2007).

De nombreuses méthodes de greffes combinées (verticale et horizontale), aussi appelées « greffes en 3 dimensions » ont été décrites et restent à ce jour un challenge pour le chirurgien-dentiste. L'objectif de ces techniques chirurgicales est de fournir un site adéquat à l'ostéointégration d'implants dentaires. La priorité de l'opérateur doit toujours être la revascularisation du greffon, condition sine qua non du succès à long terme du traitement (Esposito et al., 2009 ; Khoury et al., 2006 ; Lee et al., 2014).

La régénération osseuse guidée est décrite comme une technique chirurgicale visant à greffer des défauts osseux de la crête alvéolaire pour la pose d'implants (Hämmerle et al., 2002 ; Soldatos et al., 2017). Afin de corriger des défauts verticaux, des membranes résorbables ou des membranes renforcées non résorbables sont utilisées pour recouvrir, de l'os autogène, ou un mélange fait d'os autogène et d'un substitut osseux, ou une matrice osseuse allogénique (Carrel et al., 2016 ; Esposito et al., 2009 ; Felice et al., 2008 ; Khoury et al., 2007 ; Misch et al., 2015 ; Rothamel et al., 2009 ; Urban et al., 2009). L'utilisation de membranes non résorbables est décrite comme étant la plus efficace (Esposito et al., 2009 ; Urban et al., 2009). Néanmoins, le recours à de tels matériaux a pour inconvénient d'une part un risque énorme de déhiscences ou d'infections, qui se révèlent avoir un effet néfaste sur le résultat final et, d'autre part, une longue période de cicatrisation du greffon, pouvant aller jusqu'à un an (Cucchi et al., 2017 ; Khoury, 1999 ; Llamblés et al., 2007).

Afin d'éviter la morbidité liée au site de prélèvement osseux lors de greffes autologues, une alternative est l'utilisation de blocs alloplastiques et/ ou allogéniques (Fontana et al., 2008 ; Schlee et Rothamel, 2013 ; Tamimi et al., 2009). En raison du grand nombre d'études ayant un suivi court, n'incluant qu'un faible nombre de patients et ayant un risque élevé de biais, il est difficile de conclure à la supériorité de cette technique de greffe verticale utilisant des blocs alloplastiques/ allogéniques (Carrel et al., 2016 ; Felice et al., 2008).

Les greffes osseuses autogènes sont toujours considérées comme étant le « Gold standard », et cela est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit d'augmentations verticales très exigeantes techniquement (Gultekin et al., 2017 ; Joos et Kleinheinz, 2000 ; Khoury et al., 2007 ; Marianetti et al., 2016 ; Miyamoto et al., 2012). Le prélèvement intrabuccal d'os est aujourd'hui bien maîtrisé et est devenu une technique chirurgicale courante, prévisible et sûre (Khoury et al., 2015). L'avantage des greffes osseuses autogènes est qu'elles peuvent être utilisées selon différentes techniques et approches, mais aussi sous différentes formes et consistances et avec ou sans membrane, avec pour objectif de reconstruire le volume alvéolaire vertical manquant (Dahlin et Johansson, 2011 ; Khoury et al., 2006 ; Potres et al., 2016 ; Stimmelmayr et al. 2014 ; Urban et al., 2009). Les risques connus en lien avec ces techniques chirurgicales, tels qu'une mauvaise revascularisation du greffon cortical mandibulaire ou encore une nécrose au niveau des tissus mous avec une exposition du greffon, peuvent aboutir à un échec complet de la greffe (Khoury, 1999 ; Khoury et al., 2007 ; Stimmelmayr et al., 2014).

La technique SBB, pour « Split Bone Block », a été décrite comme une modification biologique de la procédure de greffe (Khoury et al., 2006). En effet, ce protocole combine des blocs osseux autogènes minces à distance de la crête alvéolaire, créant une cavité remplie de petits copeaux d'os. Cette méthode a pour effet d'augmenter la quantité d'ostéocytes vitaux, ce qui accélère d'une part la revascularisation et la régénération du greffon et améliore d'autre part les propriétés ostéoconductrices, ce qui est d'autant plus important dans les cas de reconstructions osseuses verticales (Khoury et al., 2006 ; Khoury et al., 2015 ; Restoy-Lozano et al., 2015). L'approche en tunnel, quant à elle, a pour effet de réduire le risque de nécrose tissulaire et le risque d'exposition du greffon (Joos et Kleinheinz, 2000 ; Khoury, 1999 ; Khoury et al., 2007 ; Mazzocco et al., 2008 ; Ponte et Khoury, 2004).

Protocole chirurgical

Tous les patients éligibles à une double greffe, sinusienne d'une part et verticale d'autre part, à l'aide d'une approche en tunnel, reçoivent en préopératoire de l'amoxicilline 1 g IV, directement avant l'anesthésie locale (et la vasoconstriction qui en résulte). La prise d'antibiotiques doit être poursuivie en per-os pendant les 10 jours suivant l'intervention (2 × 1 g/jour). L'opération est généralement effectuée sous sédation consciente intraveineuse et anesthésie locale. De l'articaïne 4 % et 1/10 000 d'épinéphrine (Ultracaïne D-S forte®, Sanofi-Aventis) est utilisée au niveau du site de prélèvement osseux (zone rétromolaire) et au niveau de la zone à greffer (maxillaire postérieur). L'anesthésie au niveau de la mandibule est réalisée par des infiltrations vestibulaires et linguales suffisantes à un bon contrôle de la douleur et sans une tronculaire. Dans les cas de chirurgies longues (estimées à plus de 3-4 heures) impliquant des reconstructions osseuses dans plusieurs quadrants, une anesthésie générale est recommandée, afin de ne pas dépasser les doses maximales d'anesthésiques.

Un examen radiologique de la région à greffer ainsi que de la région à prélever est obtenu avec une radiographie panoramique (fig. 1). Pour plus de détails, il est recommandé de faire un CBCT. L'intervention débute alors par le prélèvement d'un bloc osseux au niveau de la zone rétromolaire à l'aide de la « MicroSaw » (Khoury et al., 2015). Afin d'améliorer le confort postopératoire du patient, ce bloc osseux est prélevé, si c'est possible, du même côté que la zone à greffer. La dimension du bloc est déterminée au moment du prélèvement. Sa longueur doit correspondre à la longueur du défaut osseux observé au maxillaire, et sa largeur doit être au minimum d'un centimètre.

Le protocole de prélèvement inclut trois ostéotomies, effectuées avec un disque diamanté : deux ostéotomies verticales à l'aide de la MicroSaw pièce à main angulée, et une ostéotomie basale horizontale réalisée à l'aide de la MicroSaw contre-angle (fig. 2). L'ostéotomie finale sur la partie occlusale de la crête, parallèle à la ligne oblique externe, nécessite l'utilisation d'un foret de 1 mm de diamètre monté sur la MicroSaw pièce à main droite. De petites perforations espacées de 1 mm, profondes de 3 à 4 mm, parallèles à la corticale externe, sont réalisées sur la plateforme crestale de la ligne oblique externe. L'ensemble des points d'impacts forment une ligne qui joint les deux ostéotomies verticales et qui est distante de 3-4 mm de la ligne oblique externe. Ces perforations sont connectées en utilisant un ciseau à os et un marteau, qui produisent une tension superficielle au niveau des perforations de la corticale osseuse. La tension générée localement crée une ligne de fracture entre ces aspérités, qui se transmet en profondeur dans l'axe des forages, facilitant la luxation latérale du bloc. Le site donneur est généralement protégé par une feuille de collagène avant d'être refermé.

L'os prélevé est coupé dans le sens de la longueur à l'aide d'un disque diamanté selon la technique SBB (« Split Bone Block Technique ») du concept biologique des procédures de greffes osseuses (fig. 3 et 4). Les deux blocs sont amincis avec une râpe à os jusqu'à l'obtention d'une épaisseur d'un millimètre, ce qui permet d'obtenir d'une part des blocs fins (membranes biologiques) pour faciliter la revascularisation du greffon, et d'autre part une grande quantité de copeaux osseux (fig. 5 et 6).

La préparation du maxillaire postérieur se fait via une approche en tunnel qui permet de réduire le risque d'exposition du greffon en postopératoire. Pour ce faire, une seule incision est réalisée au niveau du sulcus distal, allant jusqu'au tiers mésial vestibulaire de la dent bordant l'édentement. L'incision se prolonge dans le vestibule en adoptant un trajet oblique vers l'avant. Un lambeau de pleine épaisseur est décollé très soigneusement, sans déchirement ni perforation. L'élévation est un temps fort de la greffe, un maximum d'os jouxtant le défaut doit être exposé en palatin, vestibulaire et jusqu'à la tubérosité maxillaire afin d'obtenir un tunnel mucopériosté élastique (fig. 7). La râpe à os est ensuite réutilisée pour prélever soigneusement des copeaux osseux au niveau du mur latéral du sinus maxillaire. Lorsque la membrane de Schneider est mise en évidence, un volet osseux est réalisé à l'aide d'une petite fraise boule diamantée afin d'obtenir une fenêtre de forme ovale et d'environ un centimètre de long. L'accès pour la réalisation de l'élévation du plancher du sinus est rendu difficile en raison de l'approche en tunnel, générant une vue limitée pour le chirurgien. Après avoir soigneusement élevé la membrane et après avoir vérifié qu'aucune perforation n'est visible, cette zone est greffée avec des copeaux d'os autogène et un substitut osseux (Algipore®, Dentsply Sirona Implants) selon la technique de remplissage du sinus en couche (« Layer Technique », Khoury et al., 2017). L'os particulaire est placé en regard de la crête osseuse, et le substitut osseux en regard de la membrane du sinus. En cas de perforations de la membrane sinusienne, celles-ci sont refermées à l'aide de suture résorbable 7/0 et de colle à fibrine (Khoury et al., 2017).

La reconstruction osseuse en 3D commence par l'introduction d'un bloc osseux préalablement aminci au travers de l'incision verticale du tunnel. Il est placé en position crestale sur les rebords osseux antérieur et postérieur du défaut, ou bien dans certains cas seulement en contact du rebord osseux antérieur, lorsque le défaut inclus également la tubérosité maxillaire (fig. 8 et 9). Le bloc crestal est stabilisé dans la position souhaitée à distance de l'os alvéolaire natif avec au minimum deux vis d'ostéosynthèse. L'espace entre le bloc osseux fin et la crête alvéolaire est comblé de copeaux osseux et de petits morceaux d'os (fig. 10). Le second bloc d'os est préalablement ajusté puis placé en position vestibulaire contre les chips d'os afin de créer un coffrage, empêchant les copeaux de bouger, et permettant de reconstruire le défaut (fig. 11). Dans de nombreux cas, une vis d'ostéosynthèse est suffisante afin de stabiliser le bloc vestibulaire. Pour terminer, et après avoir fermé la fenêtre sinusale, l'incision de décharge vestibulaire est suturée à l'aide de points de sutures simples (fig. 12 et 13) avec du monofil résorbable 6/0 (Glycolon 6.0®, Resorba).

En raison de la hauteur d'os autologue greffée associée au remplissage du sinus en couche, un délai court de seulement trois mois est possible afin de réaliser la pose d'implants (fig. 14 à 16). Trois mois supplémentaires sont nécessaires afin d'obtenir une bonne ostéointégration des implants (fig. 17). Le dégagement et l'activation de ces derniers sont réalisés de façon concomitante à la gestion des tissus mous, au moyen d'un lambeau déplacé apicalement (Khoury et al., 1998). Cette technique permet d'améliorer la situation des tissus mous, en déplaçant la gencive kératinisée présente en palatin, en vestibulaire de l'implant. La restauration prothétique commence quatre semaines plus tard. Après la mise de la restauration définitive, le patient est inclus dans un programme d'instruction et de maintenance hygiénique, contrôlant au moins une fois par an tous les paramètres parodontaux et fonctionnels (fig. 18 et 19).

Discussion

Dans le cadre des greffes osseuses, il existe toujours un compromis à rechercher entre une approche minimale invasive d'une part et un maximum de prévisibilité et une stabilité des tissus à long terme d'autre part (Esposito et al., 2009).

Dans le sinus, l'utilisation d'un matériau de substitution osseuse est nécessaire comme matériau de comblement. En raison de leur résorption lente, de l'anatomie de la cavité créée (cavité à 5 parois) et de l'absence de mouvement, les substituts osseux offrent de bons résultats dans l'élévation du plancher du sinus, qui est un site au potentiel de régénération assez important (Khoury et al., 2017 ; Pjetursson et al., 2008 ; Wallace et Froum, 2003). Enfin, le recours à la technique en couche (matériau de substitution osseux contre la membrane sinusienne et os autologue contre la crête osseuse) permet de réduire de 9 mois à seulement 3 mois le temps de régénération avant la pose des implants (Khoury et al., 2017).

Dans les régénérations osseuses, de nombreuses techniques et méthodes ont été décrites, offrant de bons résultats pour des greffes de type latéral comme par exemple à l'aide de membranes résorbables, ou encore en utilisant des matériaux de substitutions osseuses comme les xénogreffes ou les allogreffes. Il semble cependant qu'elles trouvent leurs limites dans les greffes verticales (Carrel et al., 2016 ; Cucchi et al., 2017 ; Fontana et al., 2008 ; Llambés et al., 2007).

Le défi des greffes verticales est de créer un espace en trois dimensions capable dans le même temps de protéger le transplant de la prolifération des tissus mous et de lui apporter un maximum de stabilité pour limiter le remodelage osseux durant la phase de cicatrisation. Les techniques comme la distraction ostéogénique (Chiapasco et al., 2004), les augmentations à l'aide de membranes non résorbables ou les blocs osseux sont couramment utilisés dans les cas de greffes verticales (Joos et Kleinheinz, 2000 ; Khoury et al., 2006 ; Potres et al., 2016 ; Urban et al., 2009).

La distraction osseuse, qui est une technique connue pour corriger des défauts verticaux, n'est pas indiquée au maxillaire postérieur en raison de l'anatomie de cette zone et du fait de la présence de la cavité sinusienne (Chiapasco et al., 2004).

L'utilisation de membranes non résorbables renforcées est la méthode la plus appropriée dans les procédures d'augmentation osseuse verticale. Elle sert de barrière et évite la contamination du greffon par les tissus mous, elle offre une grande stabilité à la greffe, mais elle est associée à un grand nombre de déhiscences et de nécroses du lambeau, conduisant à l'exposition de cette dernière (Cucchi et al., 2017 ; Fontana et al., 2008). C'est la complication la plus souvent observée lors de l'utilisation de membranes, et elle survient au détriment du résultat final.

Pour réaliser des greffes verticales, des blocs xénogéniques déprotéinés, des blocs allogéniques vissables et des structures poreuses en phosphate de calcium imprimées en trois dimensions ont été utilisés comme matrice (Carrel et al., 2016 ; Felice et al., 2008 ; Lee et al., 2014 ; Schlee et Rothamel, 2013). Cependant, ces études sont basées sur l'analyse d'un faible nombre de cas et sur une courte période. En plus de la très faible revascularisation que ces différentes techniques procurent, toutes ont pour inconvénient un temps de traitement très long avec une cicatrisation de plus de douze mois avant la pose des implants, ainsi qu'un pronostic très incertain (Fontana et al., 2008 ; Tamimi et al., 2009).

La technique Split Bone Block (SBB), de part sa grande reproductibilité, son adaptabilité à tout type de défauts osseux et son taux de complications très faible, surtout en combinaison avec une approche en tunnel, est recommandée dans le traitement de patients à risque comme les patients fumeurs (Khoury, 1999 ; Khoury et al., 2015). La vascularisation n'est pas rompue au niveau des tissus mous d'une part, et entre les tissus mous et le transplant d'autre part, comme dans les cas utilisant une membrane. Elle est juste retardée par l'épaisseur du bloc osseux occlusal et vestibulaire. Le fait que les tissus mous restent en contact avec leur surface naturelle, à savoir l'os, semble favoriser un réattachement plus rapide et plus stable avec la surface osseuse sous-jacente par rapport à une membrane artificielle sous-jacente (Mazzocco et al., 2008 ; Restoy-Lozano et al., 2015).

En raison des propriétés ostéoconductrices, ostéoinductrices et ostéogénétiques des transplants osseux autologues, et face à la complexité des greffes verticales, il semble indispensable de recourir à l'utilisation d'os autogène afin d'obtenir un résultat reproductible, prévisible et présentant un taux de complication le plus bas possible. Le potentiel ostéoinductif et ostéogénétique accélère la formation de l'os et réduit de fait le temps de traitement du patient en comparaison avec des procédures d'augmentation utilisant des matériaux de substitution osseux. De plus, en raison de la rigidité des blocs d'os autogènes fixés à l'aide de vis d'ostéosynthèses, une stabilité absolue de l'espace tridimensionnel créé est obtenue, ce qui assure l'intégration du greffon et conduit à moins d'irritation pendant la phase de cicatrisation, par rapport aux techniques de régénération osseuse guidée utilisant des membranes.

L'os prélevé à la mandibule est scindé longitudinalement et aminci à l'aide d'une râpe en accord avec la technique SBB. Cela permet d'augmenter le nombre de blocs osseux disponibles pour la greffe, et permet également d'augmenter de manière exponentielle la surface totale et le volume de l'os greffé. Cette augmentation exponentielle de la surface osseuse a pour effet direct une amélioration du potentiel ostéoconducteur du greffon, et donc une revascularisation et une régénération accélérées (Khoury et al., 2007 ; Restoy-Lozano et al., 2015).

Un des arguments alimentant la controverse sur la stabilité en volume des greffes osseuses autogènes semble être lié au traitement différent appliqué aux blocs osseux corticaux prélevés. La résorption osseuse observée peut être directement imputable au fait que, dans des nombreuses études, les blocs corticaux ne sont pas amincis et directement fixés au contact du défaut osseux. Ces blocs épais, fixés directement au contact de la crête sur une faible surface d'os natif, sont plus difficilement revascularisés, puis sont exposés à de nombreux effets de remodelage, aboutissant à une résorption liée à l'activité des ostéoclastes dans les zones non revitalisées (Khoury et al., 2007).

Les détracteurs de cette technique sûre et reproductible mettent en avant le taux de comorbidité associée au prélèvement osseux. Cependant, une étude relate un taux de 97,89 % correspondant à une perception de la douleur faible ou modérée, associé à un faible taux de complications au cours du processus de prélèvement osseux (Khoury et al., 2015). L'utilisation de greffes autogènes semble justifiée compte tenu de la sécurité, de la prévisibilité et de la stabilité à long terme du traitement ainsi obtenues.

La gestion des tissus mous est l'un des facteurs clés de la réussite de l'augmentation verticale. L'approche en tunnel semble être une solution adéquate, en particulier dans les cas de reconstructions verticales, puisqu'on évite une incision crestale directement au-dessus de la greffe, ce qui réduit le risque de déhiscence postopératoire. Ces effets bénéfiques sur le résultat du traitement occultent les inconvénients tels que l'accès réduit et la vue restreinte du champ d'augmentation.

Il ne faut pas perdre de vue la finalité de ces procédures d'augmentation, qui est la restauration de la fonction aux moyens d'implants dentaires. Le sinus lift seul ou la greffe verticale seule peuvent être utilisés pour répondre à cet objectif mais, dans les cas d'atrophies maxillaires postérieurs sévères, c'est bien la combinaison des deux techniques qui prévaut. En effet, l'exécution seule de l'élévation du plancher du sinus permet la pose d'implants dentaires mais ne peut pas toujours aboutir à un résultat esthétique et fonctionnel acceptable. Sur le plan prothétique, la réalisation de couronnes longues, parfois plus longues encore que les implants eux-mêmes, ne garantit pas au patient la pérennité du traitement. Outre ce rapport couronne/racine défavorable pouvant conduire à une perte osseuse ou à une fracture de l'implant, l'absence de gencive kératinisée et le vestibule plat qui sont associés à de telles atrophies osseuses ne facilitent pas l'hygiène. Cette situation, si elle perdure, conduit à l'accumulation de plaque dentaire, à une inflammation péri-implantaire chronique, et aboutit à des pertes osseuses péri-implantaires.

Conclusion

La technique d'augmentation verticale au niveau du maxillaire postérieur, réalisée selon la technique SBB en utilisant une approche en tunnel, est une méthode sûre, reproductible et prévisible. Comparé à une méthode classique ouverte, le tunnel permet une fermeture hermétique des tissus mous, qui conduit à une réduction significative des déhiscences postopératoires et à une cicatrisation osseuse en toute sécurité, même chez les patients fumeurs. La combinaison de bloc d'os fin et de copeaux osseux, selon la Split Bone Block (SBB) Technique, permet une accélération de la revascularisation et de la régénération du transplant permettant de réduire le temps de traitement du patient d'une part, et offrant une stabilité à long terme du volume de la greffe verticale d'autre part.

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