La Régénération Tissulaire Guidée dans le traitement des défauts parodontaux infraosseux Guided Tissue Regeneration in infrabony periodontal defects treatment - JPIO n° 1 du 01/03/2020
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/03/2020

 

Article

Paul MATTOUT / Cristina VAIDA  

GEPI : 224 Avenue du Prado
13008 MARSEILLE
contact@gepi-mattout.com

Résumé

Résumé

Les traitements des défauts infraosseux profonds, même avec greffe osseuse n'aboutissent pas à des résultats prévisibles et durables. Les lésions résiduelles constituent un risque majeur de récidive et d'évolution de ces défauts osseux.

La technique avec pose d'une membrane non résorbable en Téflon (polytetrafluoréthylène) reste la technique de choix car elle est reproductible et les résultats sont prévisibles. En effet, Le concept de la Régénération Tissulaire Guidée (RTG) permet une néoformation dense et une nouvelle attache conjonctive.

Il est présenté un cas de Parodontite de grade C, stade 2 à 3 (Parodontite Agressive Généralisée) sur une patiente de 22 ans. La RTG a permis de reconstruire des sites où les défauts intraosseux profond compromettaient fortement le pronostic des dents traitées.

Le protocole bien que difficile à utiliser devrait être plus prônée. Il éviterait le choix routinier d'extraction – implantation pour des cas où les dents pourraient être maintenues à long terme grâce à la RTG

Summary

Abstract

Deep infrabony periodontal defects treatments, even with a bone graft involved, don't achieve predictable nor durable results. Residual lesions are a major risk of relapse and evolution of these bone defects.

The technique using a non-resorbable Teflon membrane (polytetrafluorethylene) is still the technique of choice, because of its reproductibility and the predictability of its results. Indeed, Guided Tissue Regeneration (GTR) allows a dense neoformation and a new connective tissue attachment.

Is presented a grade C periodontitis case, stage 2 to 3 (generalised aggressive periodontitis) on a 22 year-old patient. GTR allowed to reconstruct sites where deep intrabony defects were seriously compromising the treated teeth prognosis.

This protocol, while difficult to use, should be more pushed forward. It avoids the extraction-implantation routine choice in cases where the teeth could be maintained on the long run thanks to GTR.

Key words

Grade C periodontitis case, stage 2 to 3, Intrabony defects, Guided Tissue Regeneration, New connective tissue attachment.

Les traitements les plus courants des parodontites permettent de stopper l'évolution de l'atteinte mais n'aboutissent généralement pas à une reconstruction de l'os et du système d'attache conjonctive détruits (Caton et Zander, 1976). Ces traitements même associés à des greffes osseuses sont donc limités dans leurs objectifs et ce d'autant qu'après traitement il peut persister des défauts osseux et donc un risque de récidive (Claffey et al., 1990). Seule la technique de la Régénération Tissulaire Guidée (RTG) permet de manière prévisible la reconstruction du système d'attache conjonctive détruit dans les cas de défauts parodontaux infra-osseux. Ce concept a constitué une évolution majeure lorsqu'il a été proposé en 1980 par Nyman et al. puis par Karring et al. en 1993. Des résultats particulièrement encourageants ont été rapportés dans la littérature. Ainsi de nombreux cas ont pu être traités avec succès. Il s'agissait de sites présentant des défauts parodontaux avec poches infra osseuses profondes compromettant le pronostic des dents. Ces sites ont été traités selon le protocole de la RTG avec des membranes non résorbables, en polytétrafluoroéthylène expansé (ePTFE) jusqu'à l'année 2010 (membrane GoreTex). Depuis 2010, des membranes en polytétrafluoroéthylène dense (dPTFE) sont utilisées (membrane Cytoplast). Cependant cette technique est aujourd'hui peu utilisée d'une part parce que le protocole n'est pas aisé et d'autres part parce que les complications avec expositions de membranes sont fréquentes (Needleman et al., 2006). De plus, les procédures d'extraction et implantation ont pris le pas sur les indications de reconstruction parodontale.

Nous décrivons ici le cas d'une jeune patiente qui s'est présentée à notre cabinet en 2016 avec une parodontite agressive. De nombreuses lésions infra-osseuses, à un stade avancé, rendaient le pronostic très douteux avec un traitement conventionnel par chirurgie de débridement et greffe osseuse.

Le bilan clinique et radiographique nous a fait opter pour un traitement parodontal avec Régénération Tissulaire Guidée et ce d'autant que les très faibles moyens financiers de la patiente ne lui permettaient pas d'opter pour une solution avec extractions et implantations.

Cas clinique et méthode

La patiente (SK) est une jeune fille, âgée de 22 ans, étudiante en médecine et en bonne santé générale. Elle se présente avec de fortes mobilités dentaires sur les sites prémolaires-molaires maxillaires et incisives, en particulier la 21 qui a subi une migration vestibulaire et une égression. L'hygiène bucco-dentaire n'est pas parfaite mais suffisante pour montrer la motivation de la patiente pour préserver ses dents. L'indice de plaque varie entre 0 et 1 selon les sites et les moments de l'observation. Les hypersensibilités aux agents thermiques et les mobilités des dents ont poussé la patiente à consulter.

L'examen clinique montre des bourgeonnements gingivaux de type hypertrophique avec un aspect inflammatoire des papilles gingivales. Des diastèmes sont présents ainsi que quelques malpositions associées à des rotations et égressions pour 21, 31, 41 (fig. 1 à 3). L'examen radiographique rétroalvéolaire montre des défauts osseux angulaires dépassant les 30% du capital osseux sur les sites prémolaires-molaires maxillaires et atteignant les 70-80% sur les sites des incisives maxillaires et mandibulaires (fig. 4 et 5). Une Parodontite Agressive Généralisée est diagnostiquée (Parodontite de grade C, stade 2 à 3).

Traitement

Un traitement conservateur est proposé à la patiente avec :

– Initiation à une hygiène bucco-dentaire stricte

– Élimination du tartre et de la plaque bactérienne

– Surfaçages radiculaires par quadrant associés à l'utilisation d'antiseptique à la chlorhexidine et d'antibiotiques (Amoxicilline 1 gramme matin et soir et Métronidazole 250 mg, 3 fois par jour pendant 8 jours).

– Interventions à lambeau dans tous les secteurs, associées à des greffes osseuses autogènes et pour certains secteurs RTG associée aux greffes osseuses autogènes.

Le traitement chirurgical a débuté par le secteur prémolaire-molaire maxillaire droit.

Une intervention à lambeau de pleine épaisseur a permis de visualiser les défauts osseux profonds et larges. Ils dépassent les 8mm de profondeur et pour certains n'ont qu'un mur osseux (fig. 6 à 8). Il s'agit d'une situation défavorable pour la reconstruction par greffe osseuse seule. Par contre, une procédure de RTG est de bon pronostic. Un débridement minutieux des défauts osseux est réalisé à l'aide de curettes (fig. 9 à 11). Une fraise boule à vitesse lente et sous irrigation de sérum physiologique permet de prélever sur les sites osseux adjacents un coagulum osseux grâce à un filtre à os branché sur l'aspiration chirurgicale (fig. 12 à 14).

Deux membranes interproximales non résorbables en polytetrafluoréthylène armées de tiges de titane sont préparées, découpées et façonnées pour être mises en place entre 14 et 15 pour l'une et entre 15 et 16 pour l'autre. Les membranes armées de tiges de titane permettent le maintien du galbe donné aux membranes et évitent l'écrasement éventuel des membranes à la pression.

L'os autogène recueilli dans le filtre est tassé dans les défauts osseux (fig. 15 et 16) de manière à soutenir les membranes et à remplir l'espace de cicatrisation compris entre le défaut osseux et la membrane. Le caillot sanguin est mêlé à l'os greffé pour remplir cet espace

Les membranes sont alors rincées au sérum physiologique (fig. 17) avant d'être positionnées sur les sites de reconstructions (fig. 18 à 20). Les membranes sont alors fixées avec des fils de suture en téflon (monofilaments, non résorbables) au niveau cervical des dents. Le bord apical des membranes repose sur l'os bordant les lésions osseuses à une distance d'un minimum de 2mm de la limite des défauts osseux (fig. 21 et 22).

Une incision périostée en vestibulaire permet de mobiliser coronairement le lambeau.

Les lambeaux vestibulaire et palatin doivent recouvrir totalement les membranes sans traction, avant d'être suturés.

Une antibiothérapie est prescrite (Amoxicilline + Métronidazole) ainsi qu'un bain de bouche à la Chlorhexhidine.

Résultats

La patiente est revue en contrôle 8 jours plus tard ainsi que 4 semaines après la pose des membranes. L'aspect de la muqueuse est satisfaisant (fig. 23).

A 7 semaines et 2 jours la dépose des points et des membranes est réalisée bien que la muqueuse ne montre pas (ou peu) d'inflammation et que les membranes soient toujours enfouies (fig. 24).

La dépose des points de sutures superficiels permet d'élever un lambeau. Les membranes sous-jacentes sont stables et semblent indemnes d'infiltration bactérienne (fig. 25 à 28).

La dépose des membranes laisse apparaître un tissu néoformé, ferme et adhérent, qui a comblé les défauts osseux (fig. 29).

Les lambeaux vestibulaires et palatins sont suturés en recouvrant totalement ce tissu néoformé (fig. 30).

Le résultat radiographique à 2 ans montre un comblement des lésions infraosseuses par un tissu de type osseux (fig. 31) à comparer à l'état initial (fig. 32).

Discussion

Les lésions parodontales chez cette jeune patiente sont des défauts infraosseux profonds et larges ce qui caractérise une parodontite de grade C, stade 2 à 3, communément appelée Parodontite Agressive Généralisée.

Le traitement de ces défauts osseux constitue un challenge car il aboutit généralement à une réparation sans néoformation d'attache conjonctive. De plus des poches parodontales résiduelles peuvent persister après traitement et constituent un facteur de risque majeur pour l'évolution de la parodontite. De nombreuses techniques ont été testées pour améliorer les résultats, en particulier les greffes osseuses mais les résultats à long terme sont restés décevants. La technique la plus documentée (Garret 1996) pour régénérer les tissus perdus est la Régénération Tissulaire Guidée (RTG). Une membrane biocompatible non résorbable est implantée pour séparer le défaut osseux des tissus muqueux de recouvrement. La membrane est habituellement retirée après 4 à 6 semaines et laisse apparaître un tissu conjonctif et osseux régénéré non encore mature. Le principe biologique de cette technique est d'éviter grâce à la membrane, la migration de tissu épithélial et conjonctif de la muqueuse dans le cratère osseux.

La membrane constitue en effet une barrière dont les pores de moins de 0,3*m ne laissent passer ni les cellules épithéliales et conjonctives de la muqueuse ni les bactéries. Seuls les fluides nutritifs peuvent passer (Karring et al., 1980)

Le succès de ce concept l'a fait utiliser également dans les techniques de régénération osseuse, péri-implantaires (Mattout et al., 1995 ; Simion et al., 1999). En parodontologie, les cas difficiles à traiter comme les zones interradiculaires ont également été abordés avec succès (Eickholz et al., 2001 ; Mora et al., 1996)

Dans le cas présenté, il a pu être observé une très bonne tolérance de la membrane, qui n'a été retirée qu'après 7 semaines et sans aucun signe d'inflammation. Le coagulum osseux qui a été placé sous la membrane avait pour rôle essentiel de contribuer au maintien de l'espace de cicatrisation compris entre la membrane et l'os sous-jacent. En effet, tout affaissement de la membrane dans le défaut osseux compromet totalement le résultat. Au moment de la dépose de la membrane, le tissu néoformé est rouge foncé, ferme et adhère fortement à l'os sous-jacent. Il a totalement comblé le défaut osseux. Il s'agit d'un tissu régénéré jeune et qui nécessitera quelques mois avant de devenir mature et de se transformer en os minéralisé et nouvelle attache conjonctive.

Le résultat clinique et radiographique à 2 ans est très satisfaisant. Ce résultat confirme ceux déjà observés par les auteurs qui concluaient que la RTG est la technique de choix, car prévisible et reproductible pour régénérer des défauts osseux parodontaux en obtenant une nouvelle attache conjonctive (Gottlow et al. 1986 ; Becker et al., 1988). Il faut noter que malgré les succès de ce concept, il reste peu utilisé, car le protocole rigoureux et le coût des matériaux découragent les praticiens.

L'engouement pour les implants et la précipitation à extraire les dents ne doivent toutefois pas occulter que la RTG reste le meilleur traitement des défauts osseux profonds en Parodontologie.

Bibliographie

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  • GoreTex : W.L Gore & Associates, Inc – Medical Products division – PO Box 2400 – Flagstaff, Arizona, 86003-2400 USA.

  • Osteogenics biomedical, Inc : 4620, 71e rue – batiment 78/79 – Lubbock, TX 79424.

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