Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2020

 

Revue scientifique internationale

Responsable : Yves REINGEWIRTZ

Implantologie recherche

A. Kröger, C. Hülsmann, S. Fickl, T. Spinell, F. Hüttig, F. Kaufmann, A. Heimbach, P. Hoffmann, N. Enkling, S. Renvert, F. Schwarz, R.T. Demmer, P.N. Papapanou, S. Jepsen, M. Kebschull Journal of Clinical Periodontology 2018;45:1498-1509.

La sévérité des lésions péri-implantaires chez l'homme est en rapport avec le niveau de dysbiose microbienne sous-muqueuse

But de l'étude

Avec...


Implantologie recherche

A. Kröger, C. Hülsmann, S. Fickl, T. Spinell, F. Hüttig, F. Kaufmann, A. Heimbach, P. Hoffmann, N. Enkling, S. Renvert, F. Schwarz, R.T. Demmer, P.N. Papapanou, S. Jepsen, M. Kebschull Journal of Clinical Periodontology 2018;45:1498-1509.

La sévérité des lésions péri-implantaires chez l'homme est en rapport avec le niveau de dysbiose microbienne sous-muqueuse

But de l'étude

Avec une prévalence d'environ 22 %, les péri-implantites représentent une source de complication clinique majeure. Les auteurs de cette recherche s'interrogent sur l'éventuelle corrélation entre la profondeur de sondage et l'augmentation du niveau de dysbiose.

Matériel et méthode

La présence microbienne au niveau de lésions péri-implantaires (PI) non traitées de 45 échantillons de plaque sous-muqueuse a été établie par séquençage 16s auprès de 30 patients non fumeurs sans atteinte systémique. Des modèles linéaires mixtes étaient utilisés afin d'identifier les taxons (espèces) en fonction de leur quantité et de leur profondeur après correction de l'âge, du sexe, et du nombre d'échantillons par patients Des analyses spatiales ont été réalisées afin d'identifier les groupes d'espèces présentant des occurrences mutuelles ou exclusives. Par voie de conséquence, l'effet d'un sondage profond sur le niveau de dysbiose sous-muqueux était calculé en utilisant l'index de dysbiose microbien.

Résultats

Trois cent trente-sept taxons différents ont pu être identifiés. Douze espèces présentaient une corrélation significative avec la profondeur de sondage et, inversement, 16 taxons présentaient une corrélation avec un sondage peu profond. L'analyse spatiale a identifié deux complexes mutuellement exclusifs associés l'un à des poches étroites, l'autre à des poches profondes. Des poches péri-implantaires profondes étaient significativement associées à une augmentation du niveau de dysbiose.

Conclusion

L'augmentation de la profondeur de sondage péri-implantaire est associée à des changements au niveau du microbiome sous-muqueux et à une augmentation du niveau de dysbiose.

Commentaires

Si des différences importantes ont pu être mises en évidence entre les populations bactériennes de sites péri-implantaires sains et malades, cette étude est la première à établir les différences existant entre les populations bactériennes de sites atteints selon les niveaux de sondage. En outre, les auteurs ont établi des similitudes entre les espèces bactériennes présentes au niveau des défauts PI peu profonds et celles présentes au niveau d'un parodonte sain, et, inversement, entre celles présentes au niveau des sites PI profonds et celles présentes dans les poches parodontales profondes ou lors d'une gingivite ulcéro-nécrotique. La PI ne serait pas le fait d'une mono-infection due à une espèce bactérienne, mais davantage un processus multifactoriel associé à une dysbiose. On ne peut que vivement conseiller aux lecteurs de se plonger dans la figure 4 de cet article, schéma édifiant sur les oppositions bactériennes expliquant les situations complexes d'équilibre et/ou de déséquilibre s'expliquant par les relations de co-occurrence ou de co-exclusion des bactéries.

Yves Reingewirtz (Strasbourg)

Parodontologie clinique

G.P. Pini Prato, D. Franceschi, P. Cortellini, L. Chambrone Journal of Periodontology 2018;89:1290-1299.

Évaluation à long terme (20 ans) du résultat de greffes conjonctives sous-épithéliales combinées à un lambeau déplacé coronairement dans le traitement de récessions unitaires au maxillaire

But de l'étude

La greffe de tissu conjonctif sous-épithélial combinée à un lambeau repositionné coronairement (GTCS + LRC) est considérée comme la procédure la meilleure et la plus prévisible pour couvrir les récessions gingivales. Le but de cette étude est double : d'abord, évaluer le résultat à long terme de la technique, et ensuite explorer certains facteurs liés à la dent ou au patient sur la stabilité de la gencive marginale 1, 5, 10, 15 et 20 ans après l'intervention.

Matériel et méthode

Quarante-cinq patients présentant chacun une récession gingivale (classe I ou III de Miller) ont été traités par GTCS+LRC dans un cabinet dentaire privé entre 1990 et 1997. Les variables ont été étudiées à 1, 5, 10, 15 et 20 ans. Elles comprennent la hauteur de la récession, la profondeur de la poche, la hauteur de tissu kératinisé. Des tests statistiques de valeurs paramétriques et non paramétriques et de régression logistique ont été utilisés tout au long de l'étude.

Résultats

Vingt et une récessions de classe I (44,6 %) et 24 de classe III (53,3 %) ont été traitées. Toutes les récessions étudiées ont montré une amélioration statistiquement significative pour la hauteur de la récession (P < 0,005) comparée aux mesures de départ. Tout au long de l'étude, la moyenne de couverture des récessions gingivales (MCRG) est passée de 74,2 % à 1 an à 67,6 % à 20 ans. Dans le cas de classe I, la couverture complète du défaut initial à 1 an était de 57,1 % (n = 12) et de 47,6 % (n = 10) à la fin de l'étude, alors que la MCRG passait de 82,3 % à 77,6 %. Concernant les récessions de classe III, le taux de couverture complète était de 20,8 % à 1 an et les 20 années suivantes. L'analyse par régression a montré que le taux de couverture complète était lié à l'absence de perte de tissu interdentaire (P = 0,024), alors que la récurrence de récession gingivale était liée à l'absence de tissu kératinisé au départ, aux racines présentant des cavités de collet non carieuses et aux habitudes tabagiques.

Conclusion

Cette étude montre que la réduction de la récession ainsi que l'accroissement de tissu kératinisé peuvent être obtenus par GTCS+LRC et peuvent être préservés dans la majorité des cas à long terme. L'absence initiale de tissu kératinisé et les cavités de collet sont des facteurs défavorables.

Commentaires

L'article présente une étude parfaite du traitement de la récession gingivale unitaire antérieure. Il montre que les résultats sont stables, et que les cavités de collet ne sont pas un élément favorable, peut-être parce que les habitudes d'un brossage traumatisant sont difficilement corrigées. Le seul facteur qui pourrait lui être opposé réside dans le fait que les récessions sont rarement unitaires, ce qui nous complique largement la tâche.

Jean-Nicolas Hasson (Mulhouse)

Parodontologie recherche

R. Burkhardt, C. Hämmerle, N.P. Lang, Research Group on Oral Soft Tissue Biology & Wound Healing Journal of Clinical Periodontology 2019;46:72-85.

Comment les aptitudes visio-spatiales et psychomotrices influencent les performances cliniques en chirurgie plastique parodontale ?

But de l'étude

Cette étude évalue la relation entre, d'une part, l'auto-évaluation de l'expérience et de la compétence de 26 parodontistes, de leur dextérité manuelle ainsi que de leurs aptitudes psychotechniques visuelles, et d'autre part leurs performances en chirurgie plastique parodontale.

Matériel et méthode

Vingt-six parodontistes inscrits à une formation de 2 jours en microchirurgie parodontale sont inclus dans l'étude sur la base du volontariat. Un code est affecté à chaque participant pour rendre anonymes les données. Chaque parodontiste remplit un questionnaire portant sur le fait qu'il est droitier ou gaucher, sur son expérience, sur l'auto-évaluation de ses compétences et sur son utilisation de loupes. Trois tests de difficulté croissante, en temps limité, sont utilisés pour évaluer les aptitudes psychotechniques visuelles : le test de rotation des cartes, le test de comparaison des cubes et le test de rotation mentale. Pour évaluer la dextérité manuelle, les participants devaient, sous microscope, introduire une sonde dans des fûts de profondeur et de diamètre variables sans toucher les bords et le plus rapidement possible. L'évaluation de la performance chirurgicale prend en compte le respect des tissus, l'économie des mouvements, la tenue des instruments et le temps. Elle est effectuée à l'aveugle grâce à des vidéos par 4 examinateurs. Comme la suture nécessite des aptitudes visuelles et psychomotrices développées, la réalisation d'un point simple avec un fil 8/0 sous microscope a été retenue pour évaluer les participants.

Résultats

L'auto-évaluation de l'expérience et de la compétence n'est pas corrélée avec les performances chirurgicales. Les résultats des tests visuels les plus simples, évaluant la capacité à reconnaître la même forme sous différents angles, sont eux corrélés modérément à fortement à la performance chirurgicale. Aucune corrélation n'est retrouvée avec les tests visuels plus complexes, ni avec les aptitudes psychomotrices.

Conclusion

L'auto-évaluation n'est pas un bon prédicteur des performances chirurgicales, étant donné que les experts tendent à se surestimer. Des tests simples de vision spatiale semblent plus adaptés.

Discussion

Il est important de déterminer les facteurs corrélés aux performances chirurgicales pour adapter la formation des chirurgiens. Les résultats de cette étude indiquent que la perception spatiale (orientation, visualisation et imagination kinesthésique) doit être travaillée pour améliorer leurs performances, en particulier dans la phase d'apprentissage. La dextérité manuelle aurait, d'après d'autres études, un impact plus important dans la phase d'autonomie. Aucune corrélation n'a été retrouvée avec l'habileté manuelle dans cette étude, ce qui pourrait être expliqué par un niveau de dextérité manuelle suffisant des participants ou par une taille d'échantillon insuffisante pour mettre en évidence une différence significative. Une des faiblesses de cette étude est d'évaluer les performances per-opératoires et non les suites et le résultat post-opératoires, ce qui aurait été plus pertinent.

Céline Gatti (Paris)

Ortho-Paro

R. Nucera, A.M. Bellochino, G. Oteri, A.J. Farah, L. Rosalia, C. Giancarlo, M. Portelli American Journal of Orthodontics and Dentofacial Orthopedics 2019;155:330-338.

Caractéristiques osseuse et corticale du triangle rétro-molaire et de la région antérieure du ramus lors de l'insertion de mini-vis chez l'adulte

But de l'étude

Les auteurs ont voulu étudier la profondeur osseuse, l'épaisseur des corticales ainsi que la dimension osseuse vestibulo-linguale au niveau du trigone rétro-molaire et de la zone antérieure du ramus, cette étude permettant de valider les zones les plus adéquates pour l'insertion de mini-vis chez l'adulte.

Matériel et méthode

L'échantillon inclut 60 CBCT enregistrés de patients adultes. Les enregistrements ont été convertis au format DICOM et interprétés par le logiciel Osirix®. L'ensemble des données vont être analysées sur des coupes sagittales et frontales.

Résultats

– L'ensemble des sites étudiés ont montré une profondeur osseuse supérieure à 10 millimètres ;

– l'épaisseur moyenne des corticales varie de 3 à 5 millimètres ;

– la dimension vestibulo-linguale montre une importante réduction dans la partie postérieure de la zone rétro-molaire ;

– il n'y a pas de différence chez les sujets avec ou sans dents de sagesse.

Conclusion

Les résultats de cette étude nous montrent que la zone rétro-molaire propose suffisamment d'os de bonne qualité, permettant ainsi d'insérer en toute sécurité des mini-vis chez les adultes.

Commentaires

Les mini-vis font partie, depuis quelque temps déjà, de l'arsenal thérapeutique des orthodontistes. Elles permettent de déplacer les dents en jouant le rôle d'ancrage fixe, presque absolu, et d'ainsi réaliser des mouvements qui étaient difficiles, voire impossibles, avant leur utilisation. On les retrouve dans les ingressions dentaires, le redressement d'axe molaire, et le recul en masse d'une arcade totale. Les sites d'insertion sont nombreux, mais souvent les racines dentaires sont bloquées par les vis dans leur déplacement. La zone du trigone rétro-molaire trouve là tout son intérêt car elle se trouve à l'extrémité de l'arcade. On peut aisément redresser des axes molaires, voire distaler une arcade complète lors d'une préparation à une chirurgie orthognatique. L'autre avantage décrit par cette étude est l'épaisseur moyenne osseuse d'environ 10 millimètres associée à une corticale épaisse de 3 à 5 millimètres. La stabilité de la mini-vis sera excellente mais nécessitera probablement un préforage cortical lors de son insertion.

Renaud Rinkenbach (Strasbourg)