« All-on-4 » mandibulaire et mise en charge immédiate : à propos d'un cas Mandibular « All-on-4 » and immediat loading : about a case - JPIO n° 4 du 01/11/2020
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2020

 

Article

Chloë MENSE1   2 / Patrick TAVITIAN1   2 / Olivier HÜE3  

1- MCU-PH associée, UFR d'odontologie, université Aix-Marseille2- Service d'odontologie, hôpital de la Timone (APHM) (Marseille)3- Professeur d'université « émérite », UFR d'odontologie, université Aix-Marseille

Résumé

Résumé

Principe : en implantologie, les concepts et modalités de traitement ne cessent de subir d'importantes évolutions. Les patients édentés totaux sont souvent demandeurs de réhabilitation rapide. Le protocole « All-on-4 », décrit par Paolo Malò, consiste en la réhabilitation des édentements mandibulaires et/ou maxillaires par une prothèse complète fixe transvissée sur 4 implants selon le principe de mise en charge immédiate.

Avantages : ce protocole permet d'éviter le recours à des procédures chirurgicales compliquées, réduisant ainsi la morbidité des réhabilitations implantaires chez l'édenté total. Le positionnement stratégique des implants, leur angulation en position terminale, permet de poser des implants de longueur plus importante, avec un ancrage cortical. Cette angulation permet dans la majorité des cas de remplacer les dents jusqu'à la première molaire et de réduire les effets des extensions. Du fait du nombre réduit d'implants et de l'absence de greffes osseuses, ce protocole présente un avantage économique pour les patients.

Inconvénients : peu nombreux mais pouvant entraver la réalisation de ce protocole : une stabilité primaire trop faible sur un des implants, notamment les postérieurs, s'oppose à la réalisation du protocole de mise en charge immédiate. Le patient, même prévenu en amont, se retrouve fortement déçu, et le praticien devra revoir son plan de traitement.

Analyse critique : les publications, nombreuses à ce jour, montrent des taux de survie implantaire et prothétique de 95 à 100 % à 5 ans. Un taux de succès élevé associé à une haute satisfaction des patients font que l'efficacité de ce type de réhabilitation n'est plus à prouver.

Summary

ABSTRACT

Principle: in implantology, treatment concepts and procedures continue to undergo significant changes. Complete edentulous patients are often seeking fast rehabilitation.

The « All-on-4 » protocol described by Paolo Malò consists in the rehabilitation of the mandibular and/or maxillary edentations by a fixed complete prosthesis on 4 implants according to the principle of immediate loading.

Advantages: this protocol avoids the use of complicated surgical procedures, thus reducing the morbidity of implant rehabilitation in total toothlessness. The strategic positioning of the implants, their angulation in the terminal position, makes it possible to lay implants of greater length, with a cortical anchorage. This angulation allows in the majority of cases to replace the teeth until the first molar and to reduce the effects of the extensions. Due to the reduced number of implants and the absence of bone grafts, this protocol has an economic benefit for patients.

Disadvantages: few but may hinder the realization of this protocol: primary stability too low on one of the implants, especially the posterior ones, opposes the realization of the protocol of immediate loading. The patient, even warned upstream, is strongly disappointed, the practitioner must review his treatment plan.

Critical analysis: the numerous publications to date show implant and prosthetic survival rates of 95 to 100 % at 5 years. A high success rate, coupled with high patient satisfaction, makes the effectiveness of this type of rehabilitation no longer to be proven.

Key words

Edentate, immediate loading, dental implant, mandible.

Introduction

L'édentement complet est souvent vécu comme un handicap esthétique, psychologique, fonctionnel. Aucune tranche d'âge n'est épargnée et, malgré une plus grande prise de conscience, le nombre de patients édentés complets n'est pas en baisse (Babbush et al., 2013).

Nombre de patients qui ont bénéficié de traitements par prothèses adjointes conventionnelles ont fait part de leur satisfaction psychologique et fonctionnelle. Mais certains autres patients sont incapables de s'adapter à des prothèses amovibles, mêmes si ces dernières répondent à tous les critères requis pour une telle réalisation.

L'apport de l'implantologie a été sans aucun doute la première solution proposée à ces situations délicates, via les prothèses à complément de rétention implantaire. Cependant, cette première solution présentait en elle-même des inconvénients : interventions en deux temps, délais de cicatrisation, prothèse toujours amovible.

Face à ces inconvénients, la première réponse a été de privilégier la chirurgie en un temps. Puis la deuxième a été le développement des protocoles de mise en charge immédiate, qui peuvent, en eux-mêmes, être considérés comme une révolution.

Le but de cet article est d'analyser à travers un cas clinique la technique « All-on-4 », décrite par Malò.

Historique

À l'origine du concept « All-on-4 », ce praticien a publié sa première étude pilote en 1993. Il y propose la pose de seulement 4 implants pour une réhabilitation totale mandibulaire, avec mise en charge immédiate dans la journée, à l'aide d'une prothèse fixe transvissée en résine (Maló et al., 2005).

En 1998, la société Nobel Biocare développe un implant adapté à ce protocole. Il s'agit d'un implant cylindro-conique (NobelSpeedy®) permettant d'augmenter la stabilité primaire des implants. En effet, le bon déroulement du protocole de mise en charge immédiate est grandement conditionné par l'ancrage initial de l'implant au niveau du site opératoire, autrement dit par sa stabilité primaire. De plus, pour la bonne ostéo-intégration des implants, les micro-mouvements à l'interface os/implant doivent être réduits au maximum : les facteurs propres à l'implant ont un rôle important (longueur, diamètre, forme, état de surface).

Par la suite, ce protocole a été étendu à l'arcade maxillaire.

Principe

Cette thérapeutique consiste en la réhabilitation des édentements mandibulaires par une prothèse complète fixe transvissée sur 4 implants placés dans la région interforaminale, selon les principes suivants :

– deux implants antérieurs droits ;

– deux implants postérieurs angulés d'environ 30o (par rapport au plan d'occlusion) permettant d'étendre plus distalement les extensions de la prothèse d'usage ;

— mise en charge immédiate. Il s'agit d'une mise en charge immédiate et surtout fonctionnelle. Cela implique que la restauration prothétique soit mise en place dans un délai inférieur à 48 heures (Soto-Penaloza et al., 2017).

Indications, apports et limites

Indications

Cette thérapeutique est indiquée :

– dans les cas de résorption modérée à sévère (classes IV, V, VI de Cawood et Howell) (Cawood et Howell, 1988) (fig. 1) ;

– en termes de relation maxillo-mandibulaire squelettique, celle de classe I est favorable ;

– quand la distance interforaminale ne permet pas la pose de 5 implants. À la mandibule, dans le plan horizontal, les protocoles de « All-on-5 » ou « All-on-6 » sont applicables sur des arcades ayant une forme ovale : les foramina mentonniers se situent généralement en situation postérieure, ce qui permet de positionner les implants suivant un arc de cercle, réduisant ainsi les extensions de l'armature. Au contraire, sur une mandibule rectangulaire, géométriquement, les foramina se situent plus souvent dans une situation antérieure et la région symphysaire impose un alignement des implants. En outre, il arrive que la crosse du nerf mentonnier soit plus ou moins marquée, réduisant ainsi l'espace disponible pour la pose des implants. Dans cette situation, c'est le protocole de « All-on-4 » qui est le mieux adapté.

– en cas d'anatomie hélicoïdale de la mandibule (dans le plan vertical). Plus la concavité sublinguale au niveau de la première prémolaire est marquée, plus l'indication du « All-on-4 » doit se poser. Cela permet de placer un implant plus long, avec une émergence prothétique correcte, alors que si le praticien décide de poser un implant droit, ce dernier sera de faible longueur ou avec une émergence prothétique beaucoup trop lingualée et mésialée (fig. 2 et 3).

Cependant, plusieurs critères doivent être réunis pour que ce protocole soit indiqué :

– qualité osseuse suffisante (os de type I ou II, selon la classification de Lekholm et Zarb) (Lekholm et Zarb, 1985). En effet, en cas de stabilité primaire insuffisante des implants, la mise en charge immédiate de la prothèse sera impossible ;

– quantité osseuse suffisante : la crête doit avoir une hauteur minimale d'environ 10 mm et une largeur de 6 mm, le tout permettant la pose d'implants les plus longs possibles et de diamètre suffisant ;

– l'émergence du nerf alvéolaire ne doit pas se situer sur le sommet de la crête. Cela empêcherait l'angulation des implants distaux. En effet, la position de l'émergence du nerf alvéolaire inférieur est déterminante : plus elle sera haute et près de la crête, moins il sera possible d'incliner un implant. Sa position devra être au moins médiane ;

– l'émergence prothétique de l'implant distal doit se situer en place de deuxième prémolaire.

Apports de la technique du « All-on-4 » à la mandibule ?

Les apports du protocole sont de plusieurs ordres :

– apports chirurgicaux : cette technique offre la possibilité de réhabiliter une arcade édentée même si la résorption des secteurs postérieurs est importante. Auparavant, face à ces situations, la solution chirurgicale était la transposition du nerf alvéolaire, qui entraîne souvent des complications somesthésiques de tout type (hyper- ou hypo-paresthésie) (Hassani et al., 2015). Le choix de placer les implants dans la région interforaminale, en avant de la crosse du nerf alvéolaire, évite toute lésion des structures nerveuses. Il ne faut pour autant pas oublier que la région interforaminale présente des risques chirurgicaux liés à son anatomie osseuse et à sa vascularisation ;

– apports implantaires : l'utilisation d'implants courts, dans les années 1990, n'offrait qu'un faible taux de succès dans les cas de réhabilitations complètes. L'angulation des implants postérieurs permet de poser des implants de longueur plus importante, avec un ancrage cortical. De plus, l'inclinaison distale en avant de la crosse du nerf alvéolaire place l'émergence implantaire au niveau de la deuxième prémolaire, augmentant le polygone de sustentation de la future restauration ;

– apports prothétiques : l'émergence implantaire plus distale permet d'élaborer une armature qui restaure la première molaire, sans pour autant concevoir des extensions distales trop importantes. Le taux d'échec augmentait avec une extension distale supérieure à 12 mm. Par ailleurs, il est important de noter que Malò et son équipe, dans une revue systématique datant de 2015, rapportent, respectivement, des taux de succès prothétique et de survie implantaire de 99,7 % et 95,4 % à 7 ans (Maló et al., 2015).

– apport psychologique : le protocole de mise en charge immédiate permet au patient d'avoir, dans la cavité buccale, une prothèse fixe transvissée de préférence le jour même. Ceci lui permet bien évidemment d'avoir une réinsertion sociale et professionnelle rapide, grâce à une prothèse répondant à tous les critères fonctionnels et esthétiques et offrant une transition psychologique plus aisée ;

– apport économique : économie pour le patient du fait du nombre réduit d'implants et de l'absence de greffes osseuses (Soto-Penaloza et al., 2017).

Limites du protocole « All-on-4 » ?

Le manque de stabilité primaire sur un des implants contre-indique la mise en charge immédiate. Elle dépend en grande partie de la qualité osseuse. Une approximation de la stabilité primaire pressentie par le praticien lors de l'analyse du dentascanner doit être confirmée lors de la chirurgie : c'est principalement le couple d'insertion des implants qui va nous indiquer si la mise en charge immédiate est possible. Il est établi qu'en dessous d'un couple d'insertion de 30 N/cm, il faut renoncer à la mise en charge immédiate (Maló et al., 2018).

La perte d'un des implants ostéo-intégrés impose de reposer un implant car la prothèse totale fixe sur trois implants n'est pas viable.

Réalisation clinique

Cliniquement, la réalisation d'une restauration prothétique par le protocole « All-on-4 » se déroule en 7 étapes.

Réalisation des prothèses amovibles conventionnelles

Dans un premier temps, la prothèse adjointe est réalisée en respectant les règles dévolues à cette réalisation. En particulier, les paramètres occlusaux (plan d'occlusion, dimension verticale d'occlusion, relation condylienne, rétablissement de l'esthétique) doivent faire l'objet de toute l'attention du praticien et du patient. Ces paramètres conditionnent :

– la bonne position des émergences implantaires ;

– la possibilité d'une mise en charge immédiate avec une prothèse qui répond aux exigences fonctionnelles et esthétiques du patient.

Si le patient est déjà porteur d'une prothèse adjointe, celle-ci devra répondre aux mêmes critères, voire exigences, techniques.

Guide radiologique

Un duplicata de la prothèse doit être réalisé au laboratoire, en résine transparente. Après mise en place de repères radio-opaques, il servira de guide radiologique lors de la réalisation du scanner ou du CBCT. La bonne réalisation de la prothèse permet de concevoir un guide chirurgical, préalable à une planification et à une phase chirurgicale parfaitement conduite.

Planification implantaire

Les thérapeutiques implantaires sont le résultat d'un projet prothétique imaginé et étudié en amont. Dans notre exercice, la planification est un élément incontournable en implantologie. Elle a pour objectif, entre autres, le choix du nombre, de la longueur, du diamètre et du positionnement des implants (De Vico et al., 2016).

Les logiciels SimPlant® et NobelClinician® restent à ce jour les références mondiales concernant la planification implantaire.

Grâce à ces logiciels, le praticien peut simuler la pose des futurs implants et calculer leurs angulations en respectant les distances de sécurité (fig. 4). De plus, la simulation des positions permet d'évaluer les densités osseuses au niveau des sites choisis. Elle sert aussi à la réalisation des guides chirurgicaux stéréolithographiques.

Phase chirurgicale

Les interventions débutent toujours par une incision supra-crestale, suivie d'une incision de décharge vestibulaire médiane, qui permet d'obtenir une meilleure laxité des lambeaux afin de mieux visualiser les émergences des nerfs alvéolaires inférieurs mais aussi d'éventuelles concavités vestibulaires. Après réclinaison du lambeau, le plan sagittal médian est marqué par un forage de 2 mm de diamètre au niveau symphysaire. Mais celui-ci peut également être réalisé au début de l'intervention en transmuqueux. De plus, si nécessaire, comme dans notre cas, la crête peut être régularisée à l'aide d'une pièce à main et d'une fraise boule sous irrigation : cela devra être analysé et pris en compte en amont par le praticien lors de la planification et du choix de la longueur des implants. Le forage médian sert de repère pour évaluer la position des différents implants. Il permet aussi de positionner le guide de Malò. Celui-ci se compose d'une tige métallique à rotule, qui s'insère dans le forage symphysaire médian, et d'une lame métallique souple. La face externe de celle-ci comporte des repères verticaux gravés. La diagonale entre deux lignes verticales établit un angle de 30o, ce qui permet au praticien d'avoir des repères angulaires.

Dans un premier temps, les forages antérieurs seront effectués et contrôlés par les indicateurs de direction avec le guide, puis il en sera de même pour les implants postérieurs dont les forages seront en revanche inclinés. Dans le cas d'un os de faible densité, certains praticiens sous-forent le site implantaire afin d'obtenir un couple de serrage adéquat. À l'inverse, en cas d'os de forte densité, ce qui est le plus souvent le cas à la mandibule, un forêt évaseur ou cortical doit être systématiquement utilisé pour éviter une trop forte compression osseuse lors de la mise en place des implants, ce qui pourra entraîner une résorption. En outre, l'utilisation de ce type de forêt va permettre non seulement une meilleure insertion de l'implant, mais aussi faciliter la mise en place des piliers, surtout des piliers angulés à 30o pour les implants postérieurs. Il est important que le praticien soit « prothético-conscient » tout au long de la chirurgie. Afin d'optimiser le positionnement des implants, un guide chirurgical transparent (duplicata de la prothèse) peut être utilisé en complément de celui de Malò pour contrôler la position et l'axe des implants. Le praticien devra vérifier l'axe de ses forages à chaque étape de forage lors de la chirurgie (fig. 5 à 7).

Le protocole de mise en charge immédiate peut être mis en place si, et seulement si, la stabilité primaire de tous les implants est suffisante (> 35 N/cm). Les piliers Multi-unit sont serrés à 30 N/cm (fig. 8 à 10).

Phase mise en charge immédiate

Les capuchons de cicatrisation sont mis en place sur les piliers prothétiques (fig. 11).

Pour réaliser ce protocole de mise en charge immédiate, avec transformation de la prothèse au laboratoire, le praticien devra mettre en place le principe de la « double empreinte ». En amont, lors de consultation initiale et de la planification, il faudra s'assurer que le patient est porteur d'une prothèse amovible complète (PAC) conventionnelle, réalisée dans les « règles de l'art », c'est-à-dire dont le plan d'occlusion, la dimension verticale et l'esthétique ont été validés.

La première empreinte s'effectuera « bouche fermée » à l'aide de la prothèse du patient. L'intrados est fortement évidé de manière à laisser la place aux capuchons de cicatrisation. En cas de difficultés de mise en place, du silicone light, déposé dans l'intrados, révélera les interférences entre cet intrados et les capuchons de cicatrisation (fig. 12). L'empreinte est réalisée au polyéther selon la technique bouche fermée, et un mordu occlusal est réalisé (fig. 13 à 15).

La deuxième empreinte est réalisée à ciel ouvert au polyéther avec des transferts d'empreinte et un porte-empreinte plastique ajouré (fig. 16 et 17).

Cette empreinte est coulée selon les séquences habituelles : réalisation de la fausse gencive en silicone puis coulée du plâtre de classe V. Des capuchons de cicatrisation sont vissés sur les analogues de MUA, permettant à la prothèse de se placer sans problème sur le modèle. La difficulté de cette étape est de parfaitement gérer l'enfoncement des capuchons de cicatrisation dans l'intrados de la prothèse, sans interférence de la part du modèle en plâtre dur. Pour cela, nous avons l'habitude de meuler ces interférences. L'ensemble est remis en place sur l'articulateur. Le mordu occlusal assure un parfait repositionnement du modèle mandibulaire.

La prothèse transitoire, mise en charge immédiatement après la chirurgie, comportera un renfort métallique mais aucune extension distale (fig. 18 et 19), contrairement à la prothèse d'usage qui, elle, peut en comporter, afin de rétablir une arcade « complète ». Le réglage de l'occlusion est capital car c'est un facteur clé dans la réussite de la réhabilitation prothétique (Soto-Penaloza et al., 2017). En effet, une erreur occlusale aura des conséquences néfastes au niveau de l'ostéo-intégration des implants et peut aussi entraîner des fractures prothétiques (Soto-Penaloza et al., 2017).

Le jour de l'insertion prothétique, un contrôle radiographique est effectué pour contrôler l'ajustage et l'adaptation de la prothèse au niveau des implants. Afin de respecter le temps d'ostéo-intégration des implants, la prothèse ne doit pas être déposée pendant 3 mois (fig. 20). Les points de suture sont retirés, prothèse en place (fig. 21).

Ce protocole permet une réinsertion sociale rapide du patient. L'absence du port d'une prothèse amovible est souvent vue comme un avantage non négligeable par lui. De plus, l'absence de frottements de la prothèse amovible sur les implants en cours d'ostéo-intégration et la présence de micro-mouvements dus à la prothèse vissée favorisent une bonne ostéo-intégration des implants.

Phase prothétique

Réalisation de la prothèse d'usage à 3 mois post-chirurgie. Celle-ci comportera une armature en titane usinée ainsi que des extensions distales.

Analyse critique

Cinq paramètres doivent être pris en considération :

– l'incidence des sutures ;

– l'incidence de l'inclinaison ;

– l'incidence de la contention ;

– l'incidence de la densité osseuse ;

– l'analyse des résultats à court, moyen, et long terme.

Incidences des sutures

Le protocole classique comprend la réalisation de lambeaux, d'incision de décharges et de sutures. Certains auteurs, afin de réduire les suites postopératoires, telles que la douleur ou l'œdème, préconisent la chirurgie sans lambeau dite « flapless » et l'utilisation de guides stéreolithographiques. Cependant, cette technique doit faire l'objet d'une attention particulière, car elle nécessite une certaine expérience de la part du praticien et une lecture minutieuse du CBCT, l'anatomie de la crête osseuse n'étant pas forcément homothétique à l'anatomie de la crête édentée vue en bouche. En outre, la réalisation du guide stéréolithographique représente un coût supplémentaire pour le patient [11,12].

Incidence de l'inclinaison et la longueur des implants

Le but est de savoir si l'inclinaison des implants distaux a une incidence sur la perte osseuse péri-implantaire, sur leur taux de survie, ou encore de savoir s'il existe une angulation optimale pour ce type de réhabilitation implantaire.

Dans la littérature, l'inclinaison des implants distaux varie de 30 à 45o (Soto-Penaloza et al., 2017). L'utilisation d'implants inclinés pour soutenir des prothèses fixes complètes pour la réhabilitation d'arcades édentées peut être considérée comme une technique prévisible, avec un excellent pronostic à court et à moyen termes. De plus, il a été rapporté que les différences d'angulation des implants distaux n'affectaient pas la survie de l'implant ou la perte osseuse marginale (Soto-Penaloza et al., 2017).

Li et al. ont étudié plusieurs configurations, faisant varier la longueur et l'angulation des implants distaux (2015). Au final, ils préconisent la pose d'implants distaux angulés à 45o et avec une longueur strictement supérieure à 10 mm. En effet, la longueur et l'inclinaison des implants les plus distaux ont une influence sur la distribution des contraintes sur les implants, sur l'os, mais également sur l'armature par diminution de la longueur des extensions. Dans tous les cas, c'est au niveau du col implantaire que les contraintes sont les plus élevées.

Babbush et al. ont étudié une variante du concept « All-on-4 » parfois indiquée dans les cas de résorptions modérées à sévères. Les auteurs ont posé des implants NobelActive® de diamètre 3,5 mm et ayant des longueurs s'étendant de 11,5 à 18 mm de longueur. Les taux de survie implantaire et prothétique rapportés sont respectivement de 98,7 % et 100 % à 3 ans (2013).

Doğan et al. ont comparé différentes configurations concernant à la fois le protocole « All-on-4 » et le protocole « All-on-6 » (2014). Ils concluent que, face à une résorption modérée, le concept « All-on-4 » est à privilégier. En effet, il est préférable de poser deux implants distaux angulés de longueur supérieure que quatre implants postérieurs droits de faible longueur, même si c'est dans le concept « All-on-6 ». Chez l'édenté, les implants postérieurs sont ceux qui encaissent les contraintes les plus élevées. C'est pourquoi on doit privilégier leur longueur [15,16].

Ozan et Kurtulmus-Yilmaz ont montré, grâce à la modélisation par éléments finis, que diminuer la longueur des extensions distales en augmentant l'inclinaison des implants postérieurs entraînait une diminution des contraintes sur l'os péri-implantaire, le pilier prothétique, la vis de prothèse mais aussi l'armature prothétique (2018).

Del Fabro et Ceresoli ont montré qu'à 5 ans, il n'y avait pas de différence significative concernant le niveau osseux crestal lorsque l'on compare des implants postérieurs angulés ou droits (2014).

Incidence de la contention sur la stabilisation primaire des implants

Étant donné que la stabilité primaire joue un rôle essentiel dans l'ostéo-intégration des implants, un couple d'insertion > 30 N/cm est souhaitable et produit de meilleurs effets si les implants sont « solidarisés » par l'intermédiaire d'une restauration complète de l'arcade dentaire avec mise en charge immédiate par rapport aux coiffes uniques considérées comme plus risquées pour la survie des implants (Soto-Penaloza et al., 2017).

Il n'y a pas forcément un nombre optimal d'implants nécessaires pour réhabiliter une arcade complète. Plusieurs paramètres rentrent en compte, comme leur répartition sur l'arcade, le type osseux du patient ou bien les contraintes subies par les implants, l'os péri-implantaire, ou encore les différentes parties prothétiques (Brunski, 2014). Il est important d'essayer d'inclure une approche biomécanique à notre pratique. Pour cela, la méthode de modélisation par éléments finis peut aider à la planification implantaire du traitement, bien que l'utilisation d'un tel logiciel nécessite des connaissances assez poussées en ingénierie.

Incidence de la densité osseuse

La littérature montre que le protocole de mise en charge immédiate est efficace, fiable et offre de nombreux avantages pour les patients en termes d'esthétique, de fonction et de confort. Son succès clinique dépend cependant de plusieurs paramètres dont le nombre d'implants, leur forme, leur stabilité primaire (qui dépend elle-même des qualité et quantité osseuses) (Tettamanti et al., 2017). En effet, pour acquérir la stabilité primaire nécessaire à l'application du protocole de mise en charge immédiate, il est important d'évaluer la densité osseuse dans la zone implantaire. Les tomodensitométries en 3D sont les radiographies les plus efficaces pour évaluer la densité osseuse et de nombreuses classifications ont été proposées à ce sujet. La classification de Lekholm et Zarb est considérée comme celle de référence (Soto-Penaloza et al., 2017) : les os de type III et IV sont les moins favorables au protocole de mise en charge immédiate, et des implants de géométrie et surface adaptées devront être utilisés (Lekholm and Zarb, 1985). Cependant, la qualité de l'os ne peut être évaluée que lors du forage, lors de la chirurgie : aucune étude n'a fourni de donnée supplémentaire, telle que la quantité minimale d'os disponible, qui puisse aider à la prise de décision clinique (Soto-Penaloza et al., 2017).

Le torque minimum d'insertion des implants pour appliquer le protocole de mise en charge immédiate est habituellement établi à 30 N/cm (Soto-Penaloza et al., 2017 ; Maló et al., 2018).

En 2014, Jensen a proposé une classification des arcades édentées pour le concept « All-on-4 » [15]. Cette classification peut servir de complément lorsque l'indication du « All-on-4 » est posée (Soto-Penaloza et al., 2017). Concernant la mandibule :

– classe A : hauteur osseuse postérieure suffisante pour pouvoir placer deux implants au niveau de la première molaire, donc après le foramen mentonnier. Les deux implants antérieurs sont positionnés en place de canine. Les quatre implants sont droits, et la prothèse d'usage ne comprend pas d'extension en raison de la position très distale des implants postérieurs ;

– classe B : elle correspond au concept « All-on-4 » traditionnel. Le praticien pose deux implants antérieurs droits et deux implants postérieurs angulés en avant de la crosse du foramen mentonnier. Les émergences implantaires distales se situent alors au niveau des deuxièmes prémolaires et la prothèse d'usage comprend une extension de 10 mm maximum ;

– classe C : les implants distaux sont placés dans la zone des premières prémolaires et la prothèse d'usage ne comprend pas la première molaire. Les implants antérieurs sont situés à égale distance de la ligne médiane et sont angulés de 30o ;

– classe D : il s'agit d'arcade fortement résorbée (classe V/VI de la classification de Cawood) (Cawood et Howell, 1988). Il préconise la pose de 3 implants seulement, et la réalisation du protocole de mise en charge immédiate avec une prothèse de transition sans extension. Il y a un implant médian et deux implants distaux angulés. Leur longueur doit être la plus importante possible et la longueur de l'extension de la prothèse d'usage ne doit pas excéder les 10 mm. Cette classification a été établie dans le but de réaffirmer que les greffes osseuses peuvent être évitées, mais également pour montrer qu'une fixation corticale des implants peut être obtenue dans la plupart des cas et le protocole de mise en charge immédiate appliqué.

Analyse des résultats à court et moyen terme

La fiabilité à long terme du concept « All-on-4 » n'est plus à prouver. De nombreux auteurs ont récemment étudié le sujet. En 2015, Malò et al. ont publié une étude rétrospective (recul clinique : 7 ans et recul radiographique : 5 ans) dans laquelle ils ont rapporté des taux de survie implantaire et prothétique de 95,4 % et 99,7 % (Maló et al., 2015). Ces résultats sont concordants avec ceux de Balshi et al. qui ont rapporté un taux de survie implantaire de 99,3 % et un taux de survie prothétique de 99 % dans une étude rétrospective sur 6 ans (Balshi et al., 2014).

Plus récemment, une revue systématique de 2017 réalisée par Soto-Penaloza et al., englobant des études allant de 2005 à 2016, rapporte des taux de survie prothétique et implantaire supérieurs à 99 % (Soto-Penaloza et al., 2017).

Les complications prothétiques les plus fréquentes vont être la fracture de l'appareil provisoire en résine ou encore la perte d'un élément (dent en résine) de l'appareil définitif. Le réglage de l'occlusion doit être minutieux, en prenant en compte l'arcade antagoniste, et le praticien doit mettre en place des contrôles réguliers de cette dernière (Soto-Penaloza et al., 2017).

Conclusion

En implantologie, les concepts et les modalités de traitement ne cessent de subir d'importantes évolutions. Les patients édentés totaux sont souvent demandeurs de réhabilitation rapide et les principes de mise en charge immédiate ont permis de répondre à leurs attentes. C'est ainsi qu'est né le principe du « All-on-4 », décrit par Paolo Malò.

Un taux de succès élevé et une haute satisfaction des patients font que l'efficacité de ce type de réhabilitation n'est plus à prouver. Ce concept est applicable dans de nombreux cas de figures. Il permet d'éviter le recours à des procédures chirurgicales plus compliquées, réduisant ainsi la morbidité des réhabilitations implantaires chez l'édenté total.

Cependant, la tendance actuelle à vouloir réduire le nombre d'implants a certainement atteint ses limites avec le protocole du « All-on-4 » chez l'édenté complet, et il serait intéressant de réaliser davantage d'études comparatives entre les techniques du « All-on-4 » et du « All-on-5/6 ».

BIBLIOGRAPHIE

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