Classification fonctionnelle de la maladie parodontale. Pourquoi ? Comment ? Periodontal disease functional classification. Why? How? - JPIO n° 4 du 01/11/2020
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2020

 

Article

Yves COHEN-LORO  

Postgrad Perio Imp NYU
DU Imp Dent Esth Evry
DIU Expert. Med-Leg. Chir. dent. Maxf. Montpellier
FPU Phytothérapie Paris
ex-attaché en parodontologie ParisV
exercice privé

Résumé

Résumé

La maladie parodontale est définie aujourd'hui comme une maladie complexe, inflammatoire et infectieuse, sur un hôte permissif. Ces dernières années, des publications scientifiques ont confirmé les interrelations étroites entre les populations microbiennes paropathogènes et les maladies systémiques, comme, par exemple, les désordres cardio-vasculaires, la polyarthrite rhumatoïde, le diabète, les insuffisances rénales, les désordres intestinaux, et plus récemment la maladie d'Alzheimer. Parmi les bactéries fréquemment impliquées, l'une des plus connues est Porphyromonas gingivalis.

Comment traiter au mieux ?

Comment anticiper et analyser les perturbations microbiologiques, source locale du déséquilibre parodontal ?

De nombreux arguments nous orientent aujourd'hui vers une classification fonctionnelle de la maladie parodontale. Une telle classification, que nous suggérons ici, en complément à la classification clinique consensuelle, pourrait concourir à mieux cerner la pathogénie de la maladie parodontale, pour prévenir et combattre cette maladie et ses résonances sur la santé globale.

Summary

ABSTRACT

Periodontitis is better known as a complex inflammatory and infectious disease on a permissive host. In the course of the last few years, scientific publications have confirmed the tight relationship between periopathogenic bacteria and systemic diseases, as, for instance, heart disorder, rheumatoid arthritis, diabetes mellitus, kidney failure, bowel disorder and more recently, Alzheimer's disease.

Among the frequently involved active bacteria, one of the best-known is Porphyromonas gingivalis.

How best to treat such disorders?

How to detect periodontal microbiological disruption, as a local etiology of periodontal disorders? Many arguments are now pointing to a functional periodontal classification. Such a classification, as suggested here, could contribute to a better understanding of periodontitis pathogenesis, in order to prevent and combat this disease and its impacts on general health.

Key words

Periodontal disease, functional classification.

Introduction

Le début des années 2000 a été marqué par une avancée significative des connaissances fondamentales éclairant l'analyse des critères étiologiques de la maladie parodontale. En conséquence, une approche plus en amont de la maladie se révèle nécessaire, répondant désormais au triple objectif de prévention, de thérapie et de prophylaxie.

De nombreux articles et prises de position nationales et internationales au cours de congrès ou de conférences ont mis l'accent sur l'utilité d'une classification fonctionnelle fondée sur des arguments cognitifs de la maladie.

L'analyse transverse de ces données, au travers de la littérature scientifique, a conduit à élaborer un modèle, proposé ici sous la forme d'un indice et d'une classification fonctionnels de la maladie parodontale. Il est important de préciser dès à présent qu'en aucun cas cette proposition ne se substitue à toute classification clinique, existante ou à venir, de la maladie, y compris la dernière en date (AAP, EFP à Chicago, en 2017) (Laine et al., 2012). Elle a pour but, en revanche, d'éclairer, sous un angle physiologique complémentaire, la compréhension du déclenchement et de l'évolution de la maladie.

Principe

Mise en œuvre d'une analyse reproductible et systématique, en amont, quelle que soit l'expression clinique, avérée ou pas, de la maladie parodontale.

But

Définir, sur la base des critères étiologiques caractéristiques simplifiés et exhaustifs de la maladie parodontale, un indice et une classification fonctionnels, reproductibles et applicables dans tous les cas sans exception, au titre de dépistage d'une prédisposition à la maladie ou d'identification du degré de sévérité de son expression clinique.

Matériel et méthodes

Matériel : facteurs étiologiques

Les facteurs étiologiques contribuant à l'expression de la maladie parodontale sont aujourd'hui assez bien connus, en l'état actualisé de nos connaissances. La difficulté réside dans un descriptif qui se voudrait exhaustif. Une énumération analytique des facteurs de risque apparaît sans fin. En revanche, si nous regroupons ces facteurs par rubriques en système ouvert, l'objectif devient accessible, en appliquant un modèle de rationalisation médicale aux patients consultants, au cas par cas.

Définition actualisée

La maladie parodontale se définit aujourd'hui comme une maladie complexe immuno- inflammatoire et infectieuse sur un hôte permissif.

Natures des facteurs de risque et leurs rubriques

La maladie parodontale inflammatoire résulte d'un déséquilibre biologique global (général et loco-régional).

Ce déséquilibre s'explique par le cumul facultatif de trois familles de cofacteurs étiologiques majeurs interdépendants, assortis chacun de critères qualifiants.

La conjonction de ces facteurs prédisposants, au-delà d'un seuil adaptatif, conduit à l'expression clinique de la maladie.

Une flore complexe, pathogène par prise en compte de deux critères, qualitatif et quantitatif

Les bactéries pathogènes recensées (sur la base des complexes de Socransky) (Slots, 2017) caractérisent, par leur charge – globale et spécifique à chaque classe – et par leurs interactions connues à ce jour, un risque parodontal, latent ou exprimé (fig. 1) (Barbieri, 2007 ; Cohen-Loro, 2008 ; Decrequy, 2016 ; Heitz-Mayfield et al., 2016 ; Le Gall et Lauret, 2017 ; Ryder, 2007).

La virulence de cette flore est significativement aggravée par une infestation virale (HHV1, HHV2, CMV, HIV, HVA, B, C...) et/ou de micro-organismes, fungiques ou protozoaires (Candida, Entamoeba sp, Trichomonas sp...) (Van der Velden, 2017).

La variabilité de l'écosystème loco-régional

Les familles bactériennes identifiées et leurs interactions se développent dans un écosystème, physico-chimique et biologique (salive, fluide gingival, biofilms...), fonction du référentiel espace-temps.

Cette variabilité évoque une définition quantique de la maladie parodontale.

Un caractère hôte-dépendant, pondéré par trois classes de critères : variables, semi-variables et constants.

– les critères variables « comportementaux » (malnutrition, tabagisme, déséquilibre d'hygiène de vie, stress, altération du sommeil...) ;

– les critères semi-variables, relatifs à des maladies générales et/ou à des syndromes, plus ou moins stabilisés, à répercussion parodontale (diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires, polyarthrite rhumatoïde, ostéoporose, maladies chroniques intestinales, maladies neurodégénératives...) (Decrequy, 2016) ;

– les critères constants, invariants du sujet (caractères à programmation génétique, homéostasie).

Il est à préciser que « constant » ne signifie pas « figé » :

L'écosystème peut se compliquer d'une amplification du processus inflammatoire due à une interférence systémique ou locale délétère, tout ou partie réversible (inhibition par certains pathogènes de la production d'interleukines anti-inflammatoires...).

Un répertoire étiologique exhaustif permet d'améliorer la prévisibilité de la maladie parodontale chez certains sujets cliniquement indemnes et d'optimiser les traitements et le suivi des patients stabilisés.

Il en résulte une classification fonctionnelle de la maladie parodontale, étayée par un indice fonctionnel (indice d'un Modèle Actualisé de Recherche de Critères pour un Indice d'Activation) (Cohen-Loro, 2008).

Indice et classification sont consignés en un tableau synoptique, clinique et biologique (tableaux 1 et 2), utilisable par tout praticien éclairé, lui permettant aisément de poser un diagnostic spécifique, d'adopter l'attitude thérapeutique adaptée et de cibler une stratégie préventive et/ou prophylactique cohérente. Le maintien à long terme des résultats acquis admet une réserve expresse : la coopération active et raisonnée du patient éduqué.

Rubriques de facteurs étiologiques

Les facteurs étiologiques peuvent se regrouper en cinq rubriques, sous la forme d'un pentagone fonctionnel, représentation qualitative et quantitative des cinq critères suivants (fig. 2) (Barbieri, 2007 ; Cohen-Loro, 2008 ; Dominy et al., 2019 ; Enwonwu 1994 ; Lang et al., 2011 ; Quirynen et al., 2014 ; Slots, 2017) :

– bactérien (microbiologique) ;

– génétique ;

– tabagisme ;

– stress oxydant ;

– coopération du patient.

Critère bactérien (microbiologique)

Nous disposons de plusieurs tests microbiens génétiques (PCR) qui permettent d'établir un bactériogramme proposant :

– soit un bactériogramme sur la base de six familles paropathogènes et une charge globale quantifiée ;

– soit un bactériogramme sur la base de onze familles paropathogènes, sans charge globale exprimée.

Un test composite devrait être mis en œuvre par les laboratoires, nous informant à la fois de la charge globale et dépistant les familles agressives (complexes rouge, orange de Socransky et Aac, sérotype b) (Slots, 2017) et celles dites « premières colonisatrices » (complexes vert et jaune de Socransky), initiatrices des modifications anaérobies de l'écosystème intrasulculaire parodontal. Notre choix s'est porté, à défaut, sur un test identifiant onze familles pathogènes afin de disposer de moyens d'interprétation de l'évolutivité agressive probable de la flore (Sixou et al., 2007).

Notons qu'un test bactérien a été récemment mis sur le marché, proposant un dépistage de neuf souches de pathogènes et Candida albicans et indiquant aussi la charge globale. C'est un premier pas perfectible.

Le dépistage en microscopie optique, en cabinet, de la présence de protozoaires ou par un test sanguin d'antigènes, d'anticorps, d'IgM ou IgG d'éléments viraux, ou d'éléments fongiques par frottis, place automatiquement le degré de virulence au plus défavorable.

Critère génétique de prédisposition à la maladie parodontale

Depuis le projet du génome humain clôturé à 98 % en avril 2003, la localisation des gènes codant la production de cytokines et de leurs formes alléliques est relativement bien connue.

La variabilité du génome est de l'ordre de 0,1 %. L'interprétation de la susceptibilité spécifique d'un patient à la maladie doit donc en tenir compte.

Les variants sont de deux natures différentes : quantitative (« Copy Number Variation » : CNV) et qualitative (« Structural Variation » : SV).

Ces variants sont à l'origine du polymorphisme, expression d'une traduction polypeptidique sous deux ou plusieurs formes assez fréquentes, distinctes génétiquement. La fréquence allélique est commune ou rare, pouvant varier de 50 % à 0 %, selon les populations (caucasienne, sud-américaine ou asiatique) (Olsen et al., 1999). On peut observer deux phénomènes :

– l'amplification de la production de cytokines ;

– la mutation des récepteurs des cellules-cibles à ces médiateurs circulants.

Ces deux manifestations, d'expression individuelle ou conjuguée, permettent d'identifier une prédisposition pro-inflammatoire déclenchée par la diffusion de toxines microbiennes. Ces dérèglements caractérisent un tableau clinique inflammatoire expansif dont il faudra tenir compte dans l'estimation de la réactivité du patient au traitement et aux moyens prophylactiques.

Tabagisme

La consommation tabagique, a fortiori de substances illicites, altèrent non seulement les défenses immunitaires et le comportement vasculaire mais accentue aussi le processus inflammatoire, potentialisé par certains pathogènes.

Le tabagisme est un facteur aggravant, relatif au degré de consommation : les patients non fumeurs, les patients fumeurs de moins de 5, de 5 à 10, de 10 à 20, ou plus de 20 cigarettes par jour, sont placés en 4 groupes, respectivement 0, 1, 2, 3 ou 4. L'ambition de la prise en charge parodontale est étroitement impactée par cette addiction.

– groupe 0 : non-fumeurs ;

– groupe 1 : fumeurs de moins de 5 cigarettes par jour ;

– groupe 2 : fumeurs de 5 à 10 cigarettes par jour ;

– groupe 3 : fumeurs de 10 à 20 cigarettes par jour ;

– groupe 4 : fumeurs de plus de 20 cigarettes par jour.

Les polymorphismes des enzymes cytochrome P450 et glutathion S-transférases (réputées neutralisant les substances tabagiques et inflammatoires) mettent les fumeurs en plus grand risque de développer la maladie parodontale.

Il semblerait aussi que les tétracyclines neutralisent les médiateurs de l'inflammation, particulièrement accrus chez les patients fumeurs parodontosiques, notamment réprimant plusieurs métalloprotéases (y compris les collagénases) (Chantrain et Declerck, 2002) et inhibant le relargage de IL-1β des monocytes (fig. 5).

Enfin, la prescription de doxycycline, par voie systémique, ou bien de minocycline et doxycycline, par système à émission contrôlée, réduirait les effets délétères du tabac, une fois associée au curetage et au surfaçage radiculaire (Preshaw, 2018).

Stress oxydant (fig. 6) (Favier, 2003 ; Pincemail et al., 2009)

Très schématiquement, le stress oxydant est une réaction d'oxydo-réduction libérant un électron singulet. Cet électron est susceptible d'altérer la structure et la fonction de molécules, le vieillissement prématuré, l'apoptose cellulaire et de contribuer à l'apparition de certaines formes de cancer.

Les radicaux libres sont des éléments capables d'autonomie et contenant un ou plusieurs électrons singulets. Leur nature hautement réactive, en extrayant des électrons, leur confère des propriétés oxydatives vis-à-vis de nombreuses molécules biologiques. Ils regroupent les radicaux libres oxygénés, à nitrogène et chlorure (par exemple, le peroxynitrite ONOO-, produit de la réaction : NO•+ O2 ONOO-).

Ce produit a fait l'objet de développements, notamment pour signaler une profonde sous-estimation dans la pathogénèse des maladies inflammatoires.

Le terme ROS (reactive oxygen species : éléments à oxygène actif) englobe aussi d'autres éléments réactifs qui ne sont pas de vrais radicaux libres, mais contribuent à la formation de radicaux libres intra- ou extracellulaires.

Le terme AO (antioxidant species : éléments antioxydants) désigne les substances qui, à faible concentration relativement au substrat oxydable, retardent ou empêchent significativement l'oxydation de ce substrat.

Un dérèglement du ratio radicaux libres/antioxydants provoque des dommages immédiats intracellulaires, au niveau de molécules des structures biologiques vitales (membrane cellulaire). Il détériore la matrice extracellulaire des tissus conjonctifs minéralisés ou muqueux, jusqu'à provoquer l'apoptose accélérée et la nécrose des cellules (Chapple et Matthews, 2007).

L'avantage de ce processus : c'est un marqueur sensible de la dégradation biologique de l'organisme, provoquée de façon réversible ou pas, selon la cause de la perturbation (maladie systémique, grossesse, surentraînement sportif, intoxication, carences...).

L'inconvénient en est la difficulté de quantification directe par un test biologique facilement praticable en clinique et peu coûteux. Il existe à l'heure actuelle des tests mais qui sont davantage du registre de la recherche en laboratoire de par leur complexité et leur coût. Il reste cependant une voie indirecte d'évaluation du stress oxydant par le dosage sanguin de substances telles que les cholestérols, la provitamine D ou le glutathion. De ce fait, ce paramètre quantifié permettra, via les résultats hématologiques, de compléter le bilan de maladies systémiques, et des paramètres étiologiques dépistés au cours de l'entrevue médicale de première consultation.

Coopération des patient(e)s

Chaque patient (e), en assumant sa part biquotidienne de maîtrise des biofilms, selon les recommandations développées et contrôlées par l'équipe de soins, contribue de façon déterminante au pronostic de la prise en charge. Un(e) patient(e) volontairement réfractaire s'exclut des protocoles. Une période d'apprentissage est nécessaire, variable selon la dextérité de chacun et des situations locales. Il appartient au praticien de s'aguerrir aux principes de communication pour définir au mieux le profil psychologique du consultant et adopter le discours approprié, compatible avec l'attente de l'interlocuteur.

Méthode : analyse du matériel

Indice et classification fonctionnels

Indice fonctionnel

Il existe plusieurs tests de prédisposition à la production de neuromédiateurs pro-inflammatoires ou cytokines. Distinguons-les des tests de susceptibilité (cancer du sein), des tests-diagnostic (mucoviscidose), des tests pré-symptomatiques, diagnostiquant des maladies à expression tardive (maladie neurologique de Huntington) (Tanner et Izard, 2006).

Note préalable : à propos du test PST + (Periodontal Susceptibility Test +), une polémique tenace – notamment en France – a fait argumenter de trop nombreuses formes polymorphes exprimées par ce test. À mon sens, il s'agit là d'une qualité à exploiter par une interprétation pertinente des résultats. La validité de ce test a été confirmée par le Comité français d'accréditation, le COFRAC (numéro d'accréditation 8-3020).

Analyse des résultats du test de prédisposition génétique à la production de médiateurs pro-inflammatoires.

La prédisposition du sujet est estimée d'après les résultats d'un test génétique, type PST +, (Periodontal Susceptibility Test +). Il présume de la réactivité inflammatoire du patient, en détectant des variations spécifiques des gènes codant pour l'interleukine Il-1α et Il-1β, notamment sous deux formes :

– amplification génique des loci codant pour la production des Il-1 ;

– et/ou mutation des récepteurs aux Il-1 au niveau des sites ciblés.

Ce test concerne trois loci : locus 1, 2, 3.

Le codage des loci 1 et 2 programme la production d'Il-1.

Le locus 1, de l'interleukine Il-1 α-889 ; le locus 2, de l'interleukine Il-1 β+3953 ; le locus 3, de l'interleukine Il-1RN +2018 (Favier, 2003).

Le gène est de forme biallélique, à transmission mendélienne. L'allèle « normal » est désigné arbitrairement « allèle 1 ». L'allèle « muté » est désigné arbitrairement « allèle 2 ».

La lecture des deux allèles 1 sur les sites 1 et 2 exprime un phénotype de production d'Il-1 normal.

La lecture des deux allèles 2 sur les sites 1 et 2 exprime un phénotype d'excès de production d'Il-1.

L'activation des deux loci est toujours associée et simultanée, sans exception : si un locus exprime l'allèle 1 ou 2, l'autre locus exprimera aussi la même forme allélique et donc produira le même phénotype.

Le locus 3 code pour le récepteur membranaire à Il-1. Sa mutation provoque une réduction de la capacité des récepteurs à capter Il-1, donc tend à réguler sa production. Cette régulation s'exprime concrètement par un amortissement de la fin de production de Il-1 : l'arrêt de la production de Il-1 est plus lent chez ces patients.

Le test génétique de l'expression des interleukines au cours de la réaction inflammatoire distingue quatre classes génotypiques : GA, GC, GB, GD.

La classe A correspond à une réponse inflammatoire adaptée, proportionnelle au degré d'intensité du facteur d'agression (virulence bactérienne dans le contexte parodontal) : phénotype normal.

La classe C correspond à une réponse inflammatoire à la production d'Il-1 normale mais aux récepteurs à Il-1 mutés : phénotype muté.

La classe B correspond à une réponse inflammatoire amplifiée par excès de production de Il-1, sans mutation des récepteurs membranaires : phénotype amplifié.

La classe D correspond à une réponse inflammatoire amplifiée par excès de production de Il-1, compliquée par la mutation des récepteurs membranaires : phénotype amplifié et muté.

Analyse des tests biologiques : établissement de l'indice fonctionnel

Par souci de simplification d'écriture, nous distinguons :

– les bactériogrammes avec et sans prédominance des complexes rouge et orange, sans dénaturer les résultats puisque la conséquence du développement des souches anaérobies facultatives est l'établissement, la prolifération et la dissémination des familles anaérobies strictes ;

– nous tenons compte également des interactions des familles microbiennes dépistées qui, en synergie, accentuent la virulence du biofilm sous-gingival, jusqu'à exprimer le quorum sensing (Barbieri, 2007) ;

– enfin, la classe de prédisposition génétique à la maladie est un autre déterminant de l'indice fonctionnel.

Le tableau 3 développe cet indice en huit classes de I à VIII, selon un gradient positif de sévérité des facteurs déclenchant la maladie parodontale. Cet indice sera complété en index et en exposant, et complété des autres critères, tels que le tabagisme, le stress oxydant et la coopération du patient.

If : xS0,1T0,1,2,3,4C0,1

If : indice fonctionnel

X : valeur de l'indice (I à VIII) T : tabagisme

SO : stress oxydant

C : compliance patient

Résultats : application de la méthode

Classification fonctionnelle (Cohen-Loro, 2008)

Quatre caractères fonctionnels émergent de façon récurrente dans la description des maladies parodontales d'étiologie microbienne :

– activité ;

– évolutivité ;

– agressivité ;

– destruction.

Une revue de la littérature nous a conduits à élaborer le tableau suivant (tableau 4), faisant état de critères majeurs, systématiquement rencontrés à des degrés divers, qui caractérisent la manifestation de la maladie parodontale.

La conjonction de ces paramètres aboutit soit à une prédisposition, soit à l'expression clinique de la maladie. Dans ce cas est présumé le degré d'activité, d'évolutivité, d'agressivité, voire de destruction tissulaire.

Une flore commensale sans identification significative de pathogènes (sensibilité des tests à 102 bactéries) et un génotype A, correspond à une périodontite commune, associée à un indice I (P I) : « périodontite », pour la distinguer de la « parodontite » clinique, et « commune », parce qu'elle exprime la capacité biologique de l'immunité non spécifique à neutraliser l'agression microbienne.

Excepté ce cas, nous nous reportons aux quatre critères répertoriés précédemment : activité, évolutivité, agressivité, destruction.

Ces termes qualifient la périodontite paradoxale (tableau 5) (« paradoxale », parce que la qualification diagnostique ne s'accompagne pas obligatoirement des signes cliniques de la maladie, comme nous l'avons exprimé précédemment).

La périodontite paradoxale est qualifiée obligatoirement d'active, évolutive, agressive, destructive, et assortie obligatoirement d'une valeur de l'indice, de II à VIII. La valeur d'indice I ne peut être attribuée qu'au cas de périodontite commune.

– active, qui génère des sites inflammatoires aigus ou subaigus ;

– évolutive, qui se caractérise par des sites inflammatoires en progression ;

– agressive, d'évolution rapide ;

– destructrice, associée à des pertes tissulaires significatives.

Sous un génotype A, une flore à prédominance R/O désigne une périodontite paradoxale active d'indice II (P II AC-II).

Sous un génotype C, une flore sans prédominance R/O désigne une périodontite paradoxale évolutive d'indice III (P II E-III). Sous un génotype C, une flore avec prédominance R/O désigne une périodontite paradoxale agressive d'indice V (P II AG-V).

Sous un génotype B, une flore sans prédominance R/O désigne une périodontite paradoxale agressive d'indice VI (PII AG-VI).

Sous un génotype B, une flore avec prédominance R/O désigne une périodontite paradoxale destructrice d'indice VIII (PII D-VIII).

Sous un génotype D, une flore sans prédominance R/O désigne une périodontite paradoxale évolutive d'indice IV (PII E-IV).

Sous un génotype D, une flore avec prédominance R/O désigne une périodontite paradoxale agressive d'indice VII (PII AG-VII).

Le tableau de la nomenclature fonctionnelle résume la répartition des différentes classes de

périodontites (tableau 5).

Les neuf groupes taxonomiques retenus de bactéries, les génotypes et les associations microbiennes sont les trois paramètres principaux apparaissant dans le tableau diagnostic (tableau 4).

Chaque espèce identifiée par bactériogramme (test sensible à 102 unités) s'exprime dans le contexte génotypique propre au patient.

La colonne des associations mentionne les autres micro-organismes synergiques, identifiés dans le même prélèvement, qui concourent potentiellement à accentuer mutuellement la virulence des espèces impliquées.

Considérons pour exemple la première ligne du tableau ci-dessous (tableau 4) : E. corrodens est reconnue synergique avec les espèces 2, 3, 9 recensées. Cette bactérie, du complexe vert de Socransky, ne représente pas, stricto sensu, un risque de déclencher une maladie parodontale sévère.

Cependant, si le patient considéré présente un génotype amplifié et/ou muté (C, B ou D), le diagnostic fonctionnel de périodontite commune peut présenter une potentialité d'aggravation en périodontite paradoxale, acquise de surcroît par synergie avec des bactéries des complexes orange (C. rectus) ou rouge (T. denticola).

Cette périodontite paradoxale est alors qualifiée de « active », « évolutive », « agressive » ou « destructrice », en fonction de la charge et de la complexité virulente de la flore, d'après la nomenclature fonctionnelle décrite.

Il en va de même pour les huit autres espèces mentionnées dans le tableau 4.

La seule variante à noter est le passage possible d'une forme déjà paradoxale (puisque concernant une forme trop virulente pour occasionner une périodontite commune) à une forme paradoxale plus sévère, provoquée par une évolution aggravante des associations microbiennes hyperactives.

À forte potentialité pro-inflammatoire (GD) et malgré une flore pathogène faiblement représentée, un patient à risque paradoxal, une fois soumis à des facteurs étiologiques aggravants secondaires (tabagisme, stress...), aura ses défenses immunitaires focalisées en réponse à ces agressions biologiques surajoutées. Il présentera alors une forte probabilité de développer une parodontite clinique agressive, voire destructrice (périodontite fonctionnelle, d'indice II à VIII).

Conclusion

Pour mieux définir les perturbations des critères d'équilibre de l'ancrage parodontal, nous devons tenir compte non seulement de la nature de la maladie et/ou de son histoire, mais aussi du contexte biologiquement inscrit, spécifique, du patient.

Nous approchons là tant le phénotype socio-comportemental, que le génotype programmé, qui trouvent tous deux leur expression dans le bouleversement de novo ou récidivant de l'écosystème buccal.

À ce jour, les facteurs génétiques et bactériens constituent les piliers de base incontournables et bien définis du complexe patient/écosystème à expression parodontale.

Par « écosytème », comprenons une flore microbienne complexe dans un milieu physico-chimique et biologique. Cet « écosystème », contaminé par des pathogènes à action dégénérative sur des fonctions parfois vitales, concerne tant l'environnement buccal qu'intestinal ou au milieu intérieur (fig. 7) (Lakhssassi, 2005).

La maladie parodontale, considérée comme un « signal », exprimerait alors le dépassement d'un seuil de tolérance (notion largement évoquée à propos des mécanismes déclenchant les maladies auto- immunes) (fig. 8) (Decrequy, 2016). Un organisme vivant compense des contraintes innées ou acquises dans les limites de ses capacités physiologiques. Le facteur microbiologique en général, combiné aux autres critères précités, contribue de façon majeure à la manifestation de la maladie parodontale. L'analyse fonctionnelle –globale – qui s'ensuit place le parodonte à un degré d'organisation supérieur. Fragilisé par un processus inflammatoire et/ou dégénératif, il subit des dérèglements analogues à d'autres appareils, dans le cadre de certains syndromes ou maladies inflammatoires. L'analyse sériée des facteurs étiologiques de la maladie parodontale, originale par son expression dans un écosystème septique, la place au même rang que les maladies générales de nature inflammatoire. Ce constat est désormais acquis à la lumière des publications récentes concernant les interrelations entre maladies systémiques et maladie parodontale.

La parodontie accède à la qualification consensuelle de spécialité de médecine buccale.

La somatisation de certains troubles émotionnels peut altérer les mécanismes ultrasensibles de régulation biologique, y compris au niveau du parodonte. Ce qui peut relever des domaines de la psychiatrie, de la psychologie, voire de la neurologie, ou encore de l'oncologie, de l'immunologie, de la génétique médicale, de la cardiologie, de l'endocrinologie, de la diététique, et/ou concerner le stress oxydant.

Au final, les investigations diagnostiques, de nature génétique, risquent d'être, sinon invasives, insidieuses, nous rappelant à nos devoirs de confidentialité et de secret médical. Notre rôle thérapeutique se limite à la seule parodontie.

Remerciements et regrets

Hommage soit rendu à Monsieur le Professeur Pierre Dargent, qui m'a inculqué rigueur et passion pour la parodontologie, pendant mes études et bien après...

Hommage soit rendu à Monsieur le Professeur Robert Genco, que j'ai eu la chance de rencontrer une seule fois à Bordeaux en 2016, impressionnant d'humanité, de bienveillance et d'écoute attentive, bien au-delà de son immense compétence que je ne saurais estimer.

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