La facette en céramique collée : pas à pas clinique pour une intégration esthétique respectant la biologie
 

Transversal n° 2019 du 01/07/2019

 

Esthétique

Ali SALEHI  

AHU en ProthèseEnseignant au DU d'esthétiqueFormateur à l'Académie du SourireExercice libéralStrasbourg

En matière de réhabilitations esthétiques, la facette en céramique a une place de choix dans l'esprit du gradient thérapeutique [1]. En effet, lorsque l'indication se présente, cette option permet de lier à la fois intégration esthétique et respect de la biologie. Ceci est possible grâce aux procédures de collage permettant une approche moins mutilante des préparations, loin des principes mécanistes traditionnels de...


En matière de réhabilitations esthétiques, la facette en céramique a une place de choix dans l'esprit du gradient thérapeutique [1]. En effet, lorsque l'indication se présente, cette option permet de lier à la fois intégration esthétique et respect de la biologie. Ceci est possible grâce aux procédures de collage permettant une approche moins mutilante des préparations, loin des principes mécanistes traditionnels de prothèse fixée, avec de bonnes valeurs d'adhésion garantissant une tenue correcte du travail dans le temps [2, 3].

Bien que le résultat esthétique final reste l'objectif premier d'une réhabilitation avec des facettes en céramique collées, le succès d'une telle thérapeutique devrait également prendre en compte d'autres paramètres comme :

• le respect de la biologie : avec une approche la moins mutilante possible et en accord avec un projet esthétique défini au préalable [4] ;

• la prise en compte de la biomécanique : avec une conservation maximale de la résistance mécanique de la dent [5] ;

• l'efficacité du mode d'assemblage : avec l'application d'un protocole d'assemblage suffisamment performant pour une bonne tenue de la pièce prothétique malgré une préparation sans aucune rétention mécanique [6].

La clé permettant le respect simultané de l'ensemble de ces paramètres réside dans la conservation de l'émail. En effet, la présence d'émail permet le maintien de la résistance mécanique de la dent, un assemblage performant et, au final, la préservation tissulaire. Mais, pour y arriver, il est nécessaire de passer par un protocole clinique rigoureux tant lors de la préparation qu'au moment du collage [5, 7, 8]. Ainsi, dans cet article, nous allons illustrer nos propos à travers un cas clinique indiquant les différentes étapes de la réalisation d'une facette unitaire en céramique collée.

Illustration clinique

Une patiente de 35 ans, sans problème de santé et avec une demande esthétique importante, se présente en consultation pour une solution alternative au composite volumineux de la 11 dont elle n'aime pas l'apparence et qu'elle a dû refaire à plusieurs reprises. L'examen clinique n'indiquant aucun autre problème, la facette en céramique collée semble être l'alternative de choix. L'approche est ici valable d'un point de vue esthétique, biologique et mécanique, avec une durée de vie plus intéressante qu'un composite direct en bouche.

L'analyse initiale indique un composite important avec une forme générale plutôt correcte, une couleur et un état de surface qui pourraient être améliorés et 11 semble un peu plus courte que 21 (fig. 1 et 2). En temps normal, il est nécessaire de passer par un projet esthétique donnant lieu à la réalisation d'un wax up par le prothésiste. Un index en silicone devrait ensuite être réalisé à partir du wax up pour transférer toutes les informations en bouche grâce au mock up et valider dans un premier temps le projet esthétique [910]. Or, dans notre cas, la situation de l'enveloppe vestibulaire initiale de la dent étant bonne, le mock up est pour ainsi dire déjà en place directement en bouche. Ainsi passer par un wax up n'a aucun intérêt, la situation nécessitant uniquement une amélioration et non une transformation. Le travail de préparation peu donc immédiatement débuter. Il est malgré tout intéressant à ce stade de faire un isomoulage de la situation avant (Honigum®, DMG) en vue de la phase de temporisation.

La préparation est réalisée directement sur la dent à l'aide de fraises calibrées bien spécifiques permettant d'assurer une pénétration contrôlée, toujours pour rester dans l'esprit d'une action a minima mais en ménageant l'espace minimal nécessaire à la future facette [4, 11, 12] (fig. 3). On notera que, sur les incisives, 2 axes (V1 et V2) devront être pris en considération (fig. 3). Un premier marquage est réalisé et les rainures ainsi formées sont marquées au crayon graphite (fig. 4). L'ensemble du composite est retiré, les rainures sont alors réunies, la limite est positionnée en supra-gingivale en absence de dyschromie par souci, encore une fois, de conservation et pour faciliter la procédure de collage. De plus, on s'assure de bien étendre les extensions gingivo-proximales au-delà des papilles selon le principe du toboggan pour bien cacher les limites et éviter que la transition céramique/dent non préparée ne soit visible par la suite en vue de profil. Pour terminer, le travail de finition est indispensable en arrondissant surtout les angles de transition et les faces proximales et éviter d'une part, l'arrachement du silicone lors de la prise d'empreinte et, d'autre part, une déchirure de la digue à sa mise en place lors de la séance de collage.

La dent est alors prête pour la phase de prise d'empreinte (fig. 5 et 6). Cette dernière est réalisée avec un silicone (Honigum®, DMG) en technique 1 temps/2 viscosités, après mise en place dans le sulcus d'un cordonnet de rétraction gingival imprégné (fig. 7) pour garantir un bon enregistrement du profile d'émergence (fig. 8).

Cette première séance se termine avec la confection de la facette provisoire dont l'objectif principal sera de protéger l'émail en limitant la contamination bactérienne tout en assurant une esthétique correcte. Cette provisoire s'obtient grâce à l'isomoulage de début avec de la résine bis-acryl (Luxatemp®, DMG). Après polymérisation, désinsertion, ébarbage et polissage, l'assemblage provisoire est assuré par une colle composite provisoire (Telio CS Link®, Ivoclar Vivadent) qui sera photopolymérisée en bouche (fig. 9).

La deuxième séance sera consacrée à l'essayage puis au collage de la facette en céramique (Emax Ivoclar Vivadent). Cette étape nécessite en parallèle la préparation de l'intrados de la facette et celle de la dent en bouche. La gencive a bien récupéré (fig. 10) et, à la dépose, les conditions sont idéales pour procéder au collage de la facette (fig. 11). La céramique réalisée par le prothésiste (fig. 12) est dans un premier temps essayée en bouche à l'aide d'une pâte d'essayage (Variolink Esthetic Try In Paste®, Ivoclar Vivadent) correspondant à la couleur de la colle qui sera utilisée. Après validation de l'essayage, le champ opératoire est mis en place (fig. 13) et un deuxième essayage est effectué pour s'assurer que la pièce s'insère toujours correctement sans interférence (fig. 14).

La préparation des deux interfaces va alors se faire en parallèle.

• L'assistante s'occupe de la pièce en utilisant un promoteur d'adhésion (Monobond Etch and Prime®, Ivoclar Vivadent) qui réunit les étapes de mordançage acide et de silanisation en un. Il s'agira d'appliquer puis de frotter l'intrados de la pièce vigoureusement pendant 20 secondes, pour nettoyer toutes les impuretés de surface, puis de laisser agir pendant 40 secondes pour que l'action acide de traitement mécanique puisse se faire en surface du matériau. La pièce est ensuite bien rincée et correctement séchée. Elle est alors prête à être assemblée à la dent.

• Le praticien s'occupe de la dent en procédant d'abord à un micro-sablage avec de l'oxyde d'alumine à 25 microns puis à l'application d'acide orthophosphorique à 37 % (Total Etch®, Ivoclar Vivadent) pendant au moins 30 secondes (fig. 15) puisque nous sommes essentiellement sur de l'émail. La dent est ensuite rincée et bien séchée, donnant cet aspect blanc crayeux caractéristique (fig. 16), juste avant d'appliquer l'adhésif (Adhese Universal®, Ivoclar Vivadent) (fig. 17) qui sera frotté vigoureusement sur la préparation. L'adhésif est bien soufflé pour avoir une épaisseur minimale et éviter toute interférence avec une mise en place de la pièce à fond. Cette étape permet également d'évacuer tous les composés volatils qui pourraient faire obstacle à une bonne adhésion. L'adhésif est alors photopolymérisé pendant 30 secondes. La dent est ainsi prête à être assemblée à la facette.

L'intrados de la facette est enduit avec le composite de collage (Variolink Esthetic DC®, Ivoclar Vivadent), à l'aide de l'embout mélangeur (fig. 18), avant la mise en place progressive de la pièce selon son axe d'insertion. La suppression des excès se fait par technique d'essuyage à l'aide d'un pinceau puis chaque face sera photopolymérisée pendant 30 secondes, en commençant par la face palatine et en maintenant le tout fermement en place. Le peu d'excès restant est gratté en proximal avec un bistouri lame courbe (no 12) ou une mini CK6 et le joint est poli avec des polissoirs à composite dans la partie cervicale et en palatin. Les zones proximales sont contrôlées avec du fil dentaire. La digue est ensuite retirée, un contrôle de l'occlusion est effectué et, pour finir, une radio de contrôle pour s'assurer de ne pas avoir oublié de restes de colle.

Tout de suite après le collage, la gencive est toujours irritée suite aux agressions dues à la mise en place de la digue et aux étapes de finition-polissage (fig. 19). Mais s'assurer d'un joint propre avec la suppression de tous les excès de colle, c'est garantir une belle récupération au bout de 1 semaine [13] (fig. 20 et 21).

Conclusion

La facette en céramique collée reste sans conteste la solution de choix pour réunir esthétique, biologie, biomécanique et durabilité lorsque l'indication est bien posée et que les protocoles de préparation et de collage sont bien respectés.

Liens d'intérêts :

L'auteur déclare n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Bibliographie

  • [1] Tirlet G, Attal J. Gradient thérapeutique : un concept médical pour les traitements esthétiques. Info Dent 2009;41:2561-2568.
  • [2] Arif R, Dennison JB, Garcia D, Yaman P. Retrospective evaluation of the clinical performance and longevity of porcelain laminate veneers 7 to 14 years after cementation. J Prosthet Dent 2019 Mars 22.
  • [3] Gurel G, Morimoto S, Calamita MA, Coachman C, Sesma N. Clinical performance of porcelain laminate veneers: outcomes of the aesthetic pre-evaluative temporary (APT) technique. Int J Periodontics Restorative Dent 2012;32:625-635.
  • [4] Gurel G. Porcelain laminate veneers: minimal tooth preparation by design. Dent Clin North Am 2007;51:419-431, ix.
  • [5] Gurel G. Les facettes en céramique. De la théorie à la pratique. Quintessence Internationale, 2005.
  • [6] Degrange M. Les systèmes adhésifs amélo-dentinaires. Réal Clin 2005;16:351-364.
  • [7] Etienne O. Les facettes en céramique. Coll. Mémento. Éditions CdP, 2013.
  • [8] Etienne O, Anckenmann L. Restauration esthétiques en céramique collée. Éditions CdP, 2016.
  • [9] Magne P, Magne M. Use of additive waxup and direct intraoral mock-up for enamel preservation with procelain laminate veneers. Eur J Esthet Dent 2006;15:17-24.
  • [10] Magne M, Douglas W. Additive contour of procelain veneers: a key element in enamel preservation, adhesion, and esthetics for aging dentition. J Adhes Dent 1999;1:81-92.
  • [11] Salehi A. La facette en céramique : une préparation contrôlable. Info Dent 2017;5:33-36.
  • [12] Serfaty R, Toledano C, Etienne O. Facettes en céramique collée : préparation pragmatiques mais toujours a minima. Le fil dentaire 2013.
  • [13] Arif R, Dennison JB, Garcia D, Yaman P. Gingival health of porcelain laminate veneered teeth: a retrospective assessment. Oper Dentist 2019 ; janv 23.