Antibioprophylaxie per os en chirurgie paro-implantaire - JPIO n° 1 du 01/02/2005
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2005

 

Articles

N. LAKHSSASSI *   P. CAMPAN **   J. GAINET ***   M. SIXOU ****  


*Groupement de recherche clinique d'évaluation des thérapeutiques odontologiques
Laboratoire d'épidémiologie des maladies infectieuses
Faculté de chirurgie dentaire, Université Paul-Sabatier
**Département de chirurgie buccale
Faculté de chirurgie dentaire, Université Paul-Sabatier
***Département de parodontologie
Faculté de chirurgie dentaire, Université René-Descartes
****Groupement de recherche clinique d'évaluation des thérapeutiques odontologiques
Laboratoire d'épidémiologie des maladies infectieuses
Faculté de chirurgie dentaire, Université Paul-Sabatier

Résumé

Chez les patients sains, l'antibioprophylaxie en chirurgie paro-implantaire et buccale a pour principal but de prévenir la survenue d'une infection postopératoire locale, au niveau du site chirurgical.

Cet article passe en revue les particularités de la chirurgie paro-implantaire et buccale chez les patients sains. L'incidence des infections postopératoires pour chaque type de chirurgie est discutée afin de poser l'indication d'une antibioprophylaxie adaptée.

Aucun consensus ne peut pour l'instant être établi concernant la nécessité d'une antibioprophylaxie systématique avant chaque acte de chirurgie paro-implantaire. Cependant, lorsqu'elle est jugée utile, voire nécessaire, l'antibioprophylaxie la plus communément admise reste celle de l'endocardite bactérienne : 2 à 3 g d'amoxicilline 1 heure avant l'acte opératoire.

Si l'antibiothérapie préventive dite « de couverture » doit nécessairement être bannie de la pratique quotidienne, des études prospectives, randomisées et en double aveugle doivent être entreprises afin d'obtenir plus de précisions concernant les interventions à risque en chirurgie paro-implantaire et buccale.

Summary

In healthy patients, the main reason for using antibiotics in periodontal and oral implant surgery is to prevent infection at the surgical site.

This article reviews the particular features of periodontal, implant and oral surgery in healthy patients. The incidence of postoperative infections for each type of surgical intervention is discussed in order that appropriate antibiotic prophylaxis may be prescribed in each situation.

Until now, there has been no consensus concerning the systematic pre-operative prescription of antibiotics in periodontal and implant surgery. Nevertheless, when necessary, the most appropriate antibiotic prophylaxis for bacterial endocarditis is still 2 or 3 gr of amoxycillin 1 hour before surgery.

Routine antibiotic cover should be eliminated from daily practice but prospective, randomised double blind studies should be undertaken to obtain more accurate data regarding operations at risk in oral, periodontal and implant surgery.

Key words

Antibiotic, antibiotic prophylaxis, periodontal surgery, implant surgery, oral surgery, local postoperative infection

Introduction

Les actes de chirurgie sont très nombreux dans le traitement et la réparation des lésions liées aux maladies parodontales : lambeau d'assainissement, lambeau de Widman modifié, élongation coronaire, greffe gingivale épithélio-conjonctive, greffe de conjonctif enfoui, lambeau déplacé latéralement ou coronairement, amputation radiculaire, régénération tissulaire ou osseuse guidée… Une fois la maladie parodontale stabilisée, voire éradiquée, se pose le problème du remplacement des dents perdues. Le recours à la chirurgie implantaire est ainsi devenu de plus en plus fréquent de nos jours. Toute chirurgie peut théoriquement être suivie d'une infection postopératoire locale. L'antibioprophylaxie est définie comme étant la prescription d'un antibiotique avant l'intervention chirurgicale en question, à dose massive et unique de préférence, quand on s'attend à l'apparition probable d'une infection postopératoire.

Avant de décider d'instaurer une antibioprophylaxie, tout acte chirurgical doit être classé selon la terminologie classique d'Altemeier. L'incidence des infections postopératoires n'est en effet pas comparable d'une catégorie à l'autre, allant de moins de 5 % pour la « chirurgie propre » à plus de 30 % pour la « chirurgie sale » (Bergogne-Bérézin et Dellamonica, 1995). La chirurgie paro-implantaire est une chirurgie de classe II, dite « propre contaminée ». Théoriquement, elle relèverait donc par principe de l'antibioprophylaxie.

Incidence des infections postopératoires en chirurgie parodontale

En chirurgie plastique parodontale, les infections postopératoires sont rares à moins d'un problème spécifique (Miller et Sauvan, 1996). En prescrivant un antibiotique, Bruno (1994), contrairement à Dal Pra et Strahan (1972), ne note aucune réduction significative de la douleur et de l'inflammation postopératoires. Dans une étude rétrospective menée à grande échelle, Pack et Haber (1983) avaient eux aussi conclu que les infections postopératoires en chirurgie parodontale étaient rares. Hokoyd (1971), Ruben et al. (1972) et De Marco et Kluth (1972) se prononcèrent du même avis.

Dans une étude prospective randomisée, menée en double aveugle et ayant intéressé 19 patients devant subir des interventions de chirurgie parodontale (lambeaux d'assainissement), Pendrill et Reddy (1980) n'ont relevé aucune différence significative entre le groupe témoin (placebo) et le groupe ayant reçu de la phénoxyméthylpénicilline (pénicilline V) en postopératoire pendant 5 jours. Le taux d'infections postopératoires était de 20 % dans les deux groupes. Seule la douleur postopératoire était moins importante chez les patients ayant reçu la pénicilline. Bien qu'aucune précision n'ait été donnée concernant la dose quotidienne prescrite en postopératoire uniquement, les auteurs concluaient que la prescription systématique de pénicilline à chaque intervention de chirurgie parodontale n'était pas nécessaire. Une étude prospective concernant 207 sujets chez lesquels 220 interventions de chirurgie parodontale ont été réalisées (lambeaux d'assainissement, gingivoplasties, greffes gingivales, chirurgie osseuse, amputations radiculaires…) a montré qu'avec ou sans prescription postopératoire d'antibiotiques (concernant respectivement 82 et 138 interventions), le taux de complications infectieuses postchirurgicales restait le même, voisin de 3,6 % (Tseng et al., 1993). Toutes ces interventions chirurgicales avaient été réalisées dans des conditions d'asepsie rigoureuses. Les antibiotiques utilisés étaient soit l'amoxicilline (4 x 250 mg/j pendant 3 jours), soit l'érythromycine pour les patients allergiques aux pénicillines (4 x 250 mg/j pendant 3 jours), la première prise ayant eu lieu juste après l'intervention.

En ce qui concerne l'utilisation des membranes en chirurgie paro-implantaire, les données sont différentes : elles changent en effet quand il s'agit de la pose de biomatériaux. À ce sujet, les conclusions de Nowzary et Slots (1994) sont intéressantes. Même si leur étude prospective n'a intéressé que 23 patients, chez lesquels 11 régénérations tissulaires guidées (RTG) et 16 régénérations osseuses guidées (ROG) ont été réalisées à l'aide de membranes non résorbables (polytétrafluoro-éthylène expansé), ces deux auteurs soulignent « l'importance d'assurer la maîtrise ou l'élimination des pathogènes parodontaux sur les membranes » pour espérer obtenir un gain d'attache et/ou une régénération osseuse satisfaisants. Cette étude a mis en évidence une corrélation inversement proportionnelle entre la titration bactérienne (nombre de bactéries) et le gain d'attache : 80 % des dents dont les membranes contenaient 8 moins de 10 bactéries montraient un gain d'attache de 3 mm au minimum, tandis que toutes les dents dont les membranes contenaient 8 plus de 10 bactéries présentaient soit une perte d'attache (50 %), soit un faible gain, allant de 1 à 2 mm (50 %). De même, 90 % des sites implantés dont les membranes étaient restées stériles montraient une régénération osseuse complète, alors que 87 % des sites implantés en contact avec des membranes infectées présentaient toujours des défauts osseux. Certaines bactéries, fréquemment isolées à partir de ces membranes infectées, semblent être particulièrement nuisibles à la régénération tissulaire : Porphyromonas gingivalis, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Prevotella intermedia, Peptostreptococcus micros et Campylobacter rectus. Des facteurs de virulence spécifiques semblent expliquer cette inhibition de la régénération tissulaire (collagénases et autres enzymes protéolytiques, produits de catabolisme acides, lipopoly-saccharides, inhibiteurs fibroblastiques…). Par contre, Nowzary et Slots (1994) rapportent que les sites opératoires en contact avec des membranes infectées où prédominaient Streptococcus viridans et Actinomyces sp. montrent une bonne régénération. Ces deux genres bactériens sont souvent compatibles avec une bonne santé parodontale et n'entraîneraient que des parodontites peu agressives (Slots, 1977). Pour expliquer ces échecs en RTG et/ou ROG, plusieurs hypothèses peuvent être émises :

- les bactéries pathogènes à l'origine des lésions profondes de la furcation sont très difficiles à éradiquer aussi bien mécaniquement que chimiquement. Elles constitueraient un réservoir pouvant recontaminer la membrane ainsi que la poche parodontale (Sbodorne et al., 1990) ;

- les racines dentaires elles-mêmes peuvent jouer le rôle de réservoir bactérien, l'éradication bactérienne peut s'avérer difficile (Adriaens et al., 1988) ;

- les pathogènes parodontaux peuvent contaminer la membrane à partir de dents voisines atteintes de parodontite (Quirynen et Listgarten, 1990).

La question de l'antibioprophylaxie en RTG et/ou ROG ne peut se poser et n'a de sens que lorsque le praticien est certain d'avoir stabilisé la maladie parodontale. En effet, tant que la flore bactérienne pathogène (P. gingivalis, P. intermedia, A. actinomycetemcomitans, P. micros, C. rectus, Fusobacterium nucleatum…) est présente, l'antibioprophylaxie restera inefficace. Nous sommes alors devant une indication d'antibiothérapie curative qui, instaurée pendant 10 à 21 jours, pourra réduire voire éradiquer cette flore (Slots et Rams, 1990). De même, si l'application locale de métronidazole (gel) améliore le gain d'attache de 30 % (Sander et al., 1992), elle reste sans aucun effet sur les membranes contaminées par des streptocoques bêta-hémolytiques (Flynn et Slots, 1993) et par les autres pathogènes anaérobies facultatifs (Rams et Slots, 1992).

Un prélèvement bactérien effectué de 3 à 4 semaines avant la mise en place de la membrane paraît nécessaire chaque fois qu'un doute demeure quant à la persistance d'un foyer parodontal infectieux. En cas d'absence de pathogènes parodontaux, l'antibioprophylaxie instaurée en préopératoire n'aura pour véritable objectif que de réduire les risques de contaminer la membrane par les bactéries de la flore commensale (aéro-anaérobies à Gram positif essentiellement).

Une récente étude prospective de Nowzary et al. (1995) a pu confirmer le fait qu'une prescription d'amoxicilline-acide clavulanique (500 mg en préopératoire et 2 x 500 mg/j pendant 8 jours) amenait une réduction importante (facteur 10) du nombre de bactéries ayant contaminé des membranes utilisées en vue de RTG.

Incidence des infections postopératoires en chirurgie buccale

Les études prospectives randomisées, menées en double aveugle, intéressant un échantillon important et concernant l'incidence des infections postopératoires en chirurgie buccale ne sont pas nombreuses. Cependant :

- Cruse et Foord (1980) rapportent, dans une étude prospective portant sur 62 939 interventions, toutes chirurgies confondues, un taux de complications infectieuses global de 4,7 %, variant de 1,5 % pour la chirurgie propre à 40 % pour la chirurgie infectée et s'élevant à 7,7 % pour la chirurgie « propre contaminée » (9 370 cas) ;

- selon Heimdahl et Nord (1990), l'incidence des infections postopératoires en chirurgie buccale serait de l'ordre de 4 % sauf quand il s'agit de l'extraction chirurgicale de la troisième molaire mandibulaire où ce taux atteindrait 37 % ;

- Larsen (1992) confirme ces derniers chiffres en citant quatre auteurs selon lesquels l'incidence des complications infectieuses après extraction chirurgicale de la dent de sagesse mandibulaire est comprise entre 20 et 30 % (alors qu'elle ne serait que de 1 à 3 % pour toutes les autres extractions). Ce même auteur, dans une étude prospective ayant intéressé 138 dents de sagesse mandibulaires incluses ou enclavées, retrouve une incidence d'alvéolites postextractionnelles comprise entre 16 % (lorsque le chirurgien est expérimenté) et 38 % (lorsqu'il est débutant), la moyenne se situant aux alentours de 21 %. Cette étude prospective a fait ressortir comme facteur de risque important l'intoxication tabagique : 44 % chez les fumeurs contre 10 % pour les non-fumeurs. L'âge des patients, leur sexe et l'utilisation de contraceptifs oraux ne semblaient pas constituer des facteurs de risque significatifs ;

- Le Toux (1993) rapporte que les infections postopératoires à 3 semaines (cellulite du 21e jour) existent dans 2 à 5 % des cas de germectomie de dents de sagesse mandibulaires. Aucun cas n'a été répertorié après extraction de dents au maxillaire.

Incidence des infections postopératoires en chirurgie implantaire

En ce qui concerne les problèmes infectieux postopératoires en chirurgie implantaire, deux points méritent d'être signalés d'emblée : la contamination iatrogène peropératoire et le forage osseux intempestif sans irrigation efficace. Ce dernier, à haute vitesse, crée des zones d'ostéo-nécrose favorisant la croissance bactérienne. De même, la pose d'un implant dans des conditions ne respectant pas l'antisepsie préopératoire et peropératoire augmenterait le risque d'infections postopératoires.

Si Adell et al. (1988) et Zeitoun et al. (1989) exigent une asepsie peropératoire parfaite (bloc opératoire aseptisé) pour éviter toute surinfection, Scharf et Tarnow (1993) rapportent des taux de succès identiques chez des patients implantés selon les conditions d'asepsie rigoureuse (Adell et al., 1988) ou selon les conditions dites de « propreté » chirurgicale (l'intervention ayant lieu sur le fauteuil dentaire, dans la salle de soins habituelle mais avec des précautions concernant l'antisepsie du champ opératoire).

Baumgarten et Chiche (1995) pensent que ces complications infectieuses peuvent être en rapport avec une contamination externe ou une infection initiale du site implantaire.

Christiansen (1991) rapporte un cas d'abcès évoluant à bas bruit en ostéite importante, à la suite de la pose d'implants transmandibulaires. La patiente fut hospitalisée pendant 35 jours.

Par suite d'une étude clinique récente, Peterson (1996) suggère une antibioprophylaxie courte en chirurgie implantaire : il affirme qu'une antibioprophylaxie étalée dans le temps n'est pas nécessaire lors de la mise en nourrice d'implants dentaires. Il propose ainsi la prophylaxie anti-infectieuse suivante : 2 g de pénicilline per os administrés 1 heure avant l'acte chirurgical.

Gynther et al. (1998) confirment ces résultats lors d'une étude clinique rétrospective ayant concerné 279 patients (et 1 454 implants Brånemark). Aucun d'eux ne souffrait de pathologie en relation avec une immunodéficience systémique ou locale. Le groupe test (147 patients, 790 implants) a reçu une antibioprophylaxie à base de phénoxyméthylpénicilline étalée sur 10 jours : 1 g 1 heure avant l'acte opératoire, puis 1 g toutes les 8 heures pendant les 10 jours suivants. Le groupe témoin (132 patients, 664 implants) n'a reçu aucune médication préopératoire ou postopératoire. Les 279 patients ont cependant reçu une prophylaxie antiseptique locale préopératoire (bain de bouche de 5 ml de solution polyvidone iodée, 73 mg/ml). Tous ont été revus pour examen clinique de contrôle 7 jours après l'intervention. Les auteurs n'ont relevé aucune différence significative concernant l'incidence des infections postopératoires entre les deux groupes (aussi bien à 7 jours que beaucoup plus tard). Ils en concluent que l'antibioprophylaxie n'offre aucun avantage pour le patient en chirurgie implantaire courante.

Contrairement aux résultats de Peterson (1996) et de Gynther et al. (1998), Dent et al. (1997), dans une étude prospective randomisée et comparative ayant intéressé 800 patients (2 641 implants Core-Vent®), affirment que la prescription préopératoire d'antibiotiques réduit de manière significative le taux d'échecs de l'ostéo-intégration (89,5 % des échecs ont été rencontrés chez les patients n'ayant pas reçu d'antibioprophylaxie préopératoire, contre 10,5 % chez ceux en ayant reçu une). Les β-lactamines (pénicilline et dérivés) ont été les antibiotiques les plus utilisés (75 %). Cette étude n'a pas décelé de différence entre le groupe qui recevait l'antibioprophylaxie selon les critères de Peterson (de 2 à 3 fois la dose thérapeutique standard 1 heure avant l'intervention) et ceux de l'American Heart Association (3 g d'amoxicilline 1 heure avant l'acte opératoire puis 1,5 g 6 heures après). Par contre, elle a pu démontrer que la prescription postopératoire d'antibiotiques, comparée à l'absence de prescription postopératoire, ne réduisait pas le taux d'échecs de l'ostéo-intégration (respectivement 2,7 et 2,9 % d'échecs). Les auteurs en ont conclu que, pour réduire le taux d'échecs en chirurgie implantaire, il était souhaitable d'administrer des antibiotiques à dose appropriée en préopératoire. Ils n'ont cependant pas précisé ni la molécule ni les modalités de prescription qui resteront à la discrétion du chirurgien.

Quel antibiotique en chirurgie paro-implantaire ?

Il n'existe à ce jour aucun consensus concernant l'antibiotique de choix en antibioprophylaxie des infections postopératoires en chirurgie buccale et paro-implantaire. Cependant, pour beaucoup d'auteurs, l'amoxicilline (β-lactamine) posséderait une multitude de caractéristiques pharmacocinétiques, toxicologiques, écologiques et bactériologiques (spectre d'activité) lui permettant d'être retenue comme l'antibiotique de première intention en prophylaxie anti-infectieuse en chirurgie buccale. C'est en effet un antibiotique bactéricide temps-dépendant, inhibant l'adhésion bactérienne, peu toxique pour l'organisme, ayant une bonne biodisponibilité per os, ne détruisant pas la flore de barrière en cure courte et possédant un spectre d'activité adapté (antistreptococcique). L'association amoxicilline-acide clavulanique n'est pas justifiée en première intention.

Autre β-lactamine, la pivampicilline (ProAmpi®, bioprécurseur de l'ampicilline) est une bonne solution de remplacement à l'amoxicilline. Si leurs indications, contre-indications, effets indésirables et propriétés pharmacodynamiques sont quasiment semblables, la pivampicilline entraînerait toutefois moins de troubles digestifs que l'amoxicilline.

En cas d'allergie aux β-lactamines, trois molécules sont fréquemment citées dans les publications médicales comme solutions de rechange : clindamycine (macrolide apparenté), érythromycine (macrolide) et pristinamycine (synergistine).

Le métronidazole (nitro-5 imidazolé) ne possède aucune activité contre les streptocoques aéro-anaérobies, qui constituent les bactéries le plus souvent en cause dans les infections postopératoires en chirurgie buccale et paro-implantaire (Peterson, 1990 ; Dent et al., 1997). Il doit être réservé, en association avec l'amoxicilline, la clindamycine, l'érythromycine ou la pristinamycine, aux interventions où l'on craint une surinfection aux bacilles à Gram négatif anaérobies, et/ou aux cocci à Gram positif anaérobies (Vidal 2002, tableaux 1 et 2).

Chez les patients sains, et en l'absence d'un consensus sur l'antibioprophylaxie en chirurgie buccale, beaucoup de chirurgiens adoptent celui de l'endocardite bactérienne. Cette modalité de prescription, conforme aux principes de Pallasch (1989a et 1989b), de Peterson (1990), de l'AHA (Dajani et al., 1990, 1994 et 1997) et de l'ANDEM (1995 et 1996), demeure à ce jour la plus séduisante et la plus largement recommandée en chirurgie paro-implantaire (tableaux 3 et 4).

Conclusion

De toutes ces études, aux résultats très controversés, aucun consensus ne peut être tiré concernant l'incidence des infections postopératoires en parodontologie. Mais au vu du risque infectieux potentiellement plus important, la pose d'un biomatériau exigerait la prescription d'un antibiotique (Nowzary et al., 1995). L'utilisation de l'antibioprophylaxie en chirurgie buccale et paro-implantaire demeure donc discutable. Des études cliniques de qualité, prospectives, randomisées et en double aveugle devraient être menées afin d'obtenir plus de renseignements sur l'incidence des infections postopératoires dans ce domaine. En France, une étude prospective est en cours. Coordonnée depuis Toulouse, elle intéressera 3 UFR d'odontologie et plus de 1 000 patients sains devant subir une chirurgie buccale ou paro-implantaire en dehors de toute infection locale. Deux groupes de patients sont prévus : le premier recevra une antibioprophylaxie juste avant l'intervention, le second un placebo. Les patients seront suivis pendant les 21 jours qui suivront la chirurgie afin de déceler une éventuelle infection postopératoire. Les résultats de cette étude ambitieuse devront être publiés d'ici 2 à 3 ans. En pratique, la décision de prescrire une antibioprophylaxie demeure à la discrétion du chirurgien. Celui-ci aura à juger, en fonction de son expérience, le risque de voir se déclarer une infection postopératoire. Mais quelle que soit sa décision, les modalités de prescription de l'antibioprophylaxie se doivent de respecter les règles édictées par l'ANDEM et l'American Heart Association.

Un brossage bucco-dentaire et un bain de bouche préopératoires à base de chlorhexidine, d'hexétidine ou de polyvidone iodée participent amplement à la réduction de la charge bactérienne (Sixou et Hamel, 2002). Il ne faut pas en minimiser le rôle dans la diminution des infections postopératoires (Larsen, 1991).

L'antibiothérapie dite « de couverture » est une prescription empirique, coûteuse et dangereuse de par la pression de sélection qu'elle engendre sur les flores bactériennes, modifiant ainsi leur effet de barrière. Encore largement utilisée (Dupon et al., 1994), cette modalité de prescription, étalée sur 5 à 8 jours à partir de la veille de l'intervention, ne possède aucune base scientifique ou rationnelle (Styger-Morin et al., 1987 ; Duval et Soussy, 1990). Elle ne constitue pas une véritable antibioprophylaxie, administration unique préopératoire ou peropératoire d'un antibiotique antiadhésif à dose bactéricide. Il est temps de délaisser cette prescription empirique au profit d'une antibioprophylaxie réfléchie (Pallasch, 1993 ; Lakhssassi et al., 2004).

En ce qui concerne les différentes modalités de prescription de l'antibioprophylaxie, celles relatives à la prévention de l'endocardite bactérienne demeurent les plus consensuelles (ANDEM, 1995 et 1996 ; Dajani et al., 1997). Cependant, le consensus français de l'antibioprophylaxie de l'endocardite bactérienne (mars 1992) est en cours de révision par le Groupe de travail des experts de la révision des recommandations sur la prophylaxie de l'endocardite bactérienne. Ces experts publieront bientôt leurs conclusions et devraient théoriquement instaurer une prescription unique et préopératoire de 2 g d'amoxicilline, rejoignant ainsi les dernières recommandations de l'American Heart Association.

Au vu de la dose et du rythme d'administration très particuliers utilisés en antibioprophylaxie, il serait judicieux que les firmes pharmaceutiques mettent sur le marché plus de conditionnements adaptés à l'antibiothérapie préventive en chirurgie buccale et paro-implantaire. Ceci permettrait de réduire considérablement le coût de cette prescription.

Nous retiendrons que le choix de la molécule est primordial en antibioprophylaxie. L'antibiotique utilisé doit avoir une demi-vie courte (de 1 à 2 heures) afin d'avoir une faible incidence sur la flore. Il doit posséder une action antiadhésive sur la paroi bactérienne afin de prévenir la première étape de tout processus infectieux : l'adhésion. Bactéricide de préférence, sa toxicité doit aussi être la plus faible possible. Pour ces raisons, l'amoxicilline (et la pivampicilline) demeure à ce jour l'antibiotique de choix pour l' antibioprophylaxie en chirurgie buccale et paro-implantaire (Lakhssassi et al., 2004).

Demande de tirés à part

Michel SIXOU : Groupement de recherche clinique d'évaluation des thérapeutiques odontologiques - Laboratoire d'épidémiologie des maladies infectieuses - Faculté de chirurgie dentaire - 3, chemin des Maraîchers - 31062 TOULOUSE CEDEX - FRANCE.

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