Recherche de cinq pathogènes parodontaux chez des patients porteurs de lésions endoparodontalesInvestigation of five periopathogens in patients with endo-periodontal lesions - JPIO n° 02 du 01/05/2011
 

Journal de Parodontologie & d’Implantation Orale n° 02 du 01/05/2011

 

Article

Andreea Cristiana DIDILESCU*   Darian RUSU**   Maria GREABU***   Alexandru-Andrei ILIESCU****   Gabriela BANCESCU*****   Andrei ANGHEL******   Florin LENGHEL*******   Stefan-Ioan STRATUL********  


*Département d’embryologie, Faculté
de médecine dentaire, Université
de médecine et de pharmacie Carol Davila,
Bucarest, Roumanie
**Département de parodontologie, Faculté
de médecine dentaire, Université
de médecine et de pharmacie Victor Babes,
Timisoara, Roumanie
***Département de biochimie, Faculté
de médecine dentaire, Université
de médecine et de pharmacie Carol Davila,
Bucarest, Roumanie
****Département de réhabilitation orale,
Faculté de médecine dentaire, Université
de médecine et de pharmacie Carol Davila,
Bucarest, Roumanie
*****Département de microbiologie orale,
Faculté de médecine dentaire, Université
de médecine et de pharmacie Carol Davila,
Bucarest, Roumanie
******Département de biochimie, Université
de médecine et de pharmacie Victor Babes,
Timisoara, Roumanie
*******Département de biochimie, Université
de médecine et de pharmacie Victor Babes,
Timisoara, Roumanie
********Département de parodontologie, Faculté
de médecine dentaire, Université
de médecine et de pharmacie Victor Babes,
Timisoara, Roumanie

Résumé

L’objectif de cette étude est de rechercher 5 pathogènes parodontaux (Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythia, Treponema denticola et Prevotella intermedia) dans des échantillons provenant de lésions endoparodontales.

Quarante et un patients sont évalués : 26 d’entre eux ont des dents présentant une nécrose pulpaire et 15 présentent des obturations canalaires incomplètes, associées à des lésions parodontales. Un examen clinique est réalisé, incluant des radiographies rétroalvéolaires et une analyse microbiologique des biofilms endodontiques et parodontaux. Une évaluation qualitative et semi-quantitative des bactéries est réalisée à l’aide d’un test génétique moléculaire.

Les espèces les plus prévalentes retrouvées dans les échantillons endodontiques sont T. forsythia (65,8 % des cas), P. gingivalis (61 %) et P. intermedia (46,4 %). Les échantillons parodontaux sont fréquemment positifs pour T. denticola (80,5 %), P. gingivalis (78 %), T. forsythia (73,2 %) et P. intermedia (65,8 %). T. forsythia et P. intermedia présentent une association positive dans les échantillons endodontiques, tout comme T. forsythia et P. gingivalis (test de corrélation de Spearman, p < 0,01). Les résultats suggèrent qu’au moins 3 des 5 espèces analysées peuvent jouer des rôles spécifiques dans la pathogenèse des lésions endoparodontales, respectivement P. gingivalis, T. forsythia et P. intermedia.

Summary

The objective was to investigate five periopathogens: Aggregatibacter actinomycetemcomitans (Aa), Porphyromonas gingivalis (Pg), Tannerella forsythia (Tf), Treponema denticola (Td), Prevotella intermedia (Pi), in samples from endo-periodontal lesions.

Forty-one patients, 26 of them presented with teeth having a necrotic pulp, and 15 with incomplete root canal fillings, combined with periodontal lesions, were investigated. A clinical examination was performed, together with periapical radiographs and microbiological investigation of the endodontic and periodontal biofilms. Qualitative and semi-quantitative evaluation of the bacteria was performed by a molecular genetic assay.

The most prevalent species found in endodontic samples were: Tf (65.8 % of the cases), Pg (61 %), and Pi (46.4 %). Periodontal samples were frequently positive for Td (80.5 %), Pg (78 %), Tf (73.2 %), and Pi (65.8 %). Tf and Pi had a positive association in endodontic samples, as well as Tf and Pg in periodontal samples (Spearman’s rank correlation test, p < 0.01).

The findings suggest that at least three of the five investigated species may play specific roles in the pathogenesis of endo-periodontal lesions: Pg, Tf, and Pi, respectively.

Key words

Periodontal pockets, periapical diseases, bacterial infection, polymerase chain reaction, DNA probes

Introduction

La pulpe dentaire est en relation étroite avec le ligament parodontal et les deux espaces sont reliés entre eux par le foramen apical, les canaux accessoires, et les tubuli dentinaires. Du fait de cette relation, les pathologies pulpaires peuvent influencer la santé parodontale et, en retour, une inflammation parodontale peut affecter la santé pulpaire. On estime que les problèmes pulpaires et parodontaux sont responsables de plus de 50 % de la mortalité dentaire (Chen et al., 1997).

Les infections du canal radiculaire sont à la fois mixtes et spécifiques avec une large prédominance de bactéries anaérobies strictes et facultatives. La proportion relative de bactéries anaérobies strictes augmente avec le temps, ainsi que le nombre total de bactéries (Sundqvist, 1992). Des associations spécifiques de bactéries peuvent se retrouver dans le canal dentaire et peuvent contribuer à des changements écologiques de la flore par différents mécanismes d’interaction (Brito et al., 2007). Les bactéries peuvent non seulement résider dans l’orifice canalaire mais également envahir les tubuli dentinaires, et ces structures peuvent agir comme un réservoir de réinfection dentaire et de future propagation systémique (Oguntebi, 1994 ; Peters et al., 2001). Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythia (auparavant T. forsythensis) et Fusobacterium nucleatum sont associées à la formation du biofilm extraradiculaire et à la parodontite péri-apicale réfractaire (Noguchi et al., 2005). La présence de T. forsythia, P. gingivalis et Treponema denticola a été démontrée dans des échantillons de canaux radiculaires prélevés chez des patients présentant des lésions carieuses, une nécrose pulpaire et des preuves radiologiques de perte osseuse périradiculaire (Siqueira et al., 2000). T. denticola est hautement associée à des infections endodontiques symptomatiques et à une résorption osseuse péri-apicale, alors que Enterococcus faecalis est associée à une parodontite apicale chronique asymptomatique et à des infections endodontiques secondaires (Rôças et al., 2004 ; Foschi et al., 2005). Des bactéries pigmentées noires ont été isolées d’abcès aigus d’origine odontogène, suggérant un rôle actif dans la pathogenèse de symptômes aigus (van Winkelhoff et al., 1985).

Par ailleurs, les infections parodontales sont dues à des micro-organismes colonisant la surface dentaire. Les bactéries vivantes, mourantes et mortes ainsi que leurs produits métaboliques constituent un biofilm résistant en se fixant sur la dent elle-même, sur les cellules épithéliales et sur le tissu exposé sous-jacent (Sundqvist, 1992). La maladie parodontale dépend de l’apparition d’un certain nombre de facteurs pour son déclenchement et sa progression, tels que la virulence des pathogènes parodontaux, les modifications de l’environnement local, la diminution des mécanismes de défense de l’hôte et la réaction inflammatoire de l’hôte. Aggregatibacter actinomycetemcomitans (anciennement Actinobacillus actinomycetemcomitans), P. gingivalis, T. forsythia, Prevotella intermedia, F. nucleatum, Campylobacter rectus, Eikenella corrodens, Peptostreptococcus micros et Eubacterium sont les agents étiologiques de la maladie parodontale les plus documentés (Socransky et Haffajee, 2003). Cependant, leur proportion dans le biofilm dentaire et leur virulence peuvent varier entre les individus atteints de maladie parodontale (Haffajee et al., 2004). Les interrelations entre la flore microbienne de la maladie parodontale et celle des maladies pulpaires ont déjà été décrites par le passé. Les profils des pathogènes parodontaux dans une atteinte concomitante de la pulpe et du parodonte d’une même dent ont été analysés par Rupf et al., qui notent une apparition régulière de pathogènes parodontaux hautement pathogènes dans les infections des canaux radiculaires (Rupf et al., 2000). Kobayashi et al. concluent que la poche parodontale des dents atteintes d’une parodontite avancée peut être une source possible d’infections radiculaires (Kobayashi et al., 1990). Par conséquent, une étude corrélative à la fois qualitative et quantitative des pathogènes putatifs sur des dents présentant simultanément des infections endodontiques et parodontales pourrait offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques et, de ce fait, un meilleur pronostic pour les dents concernées. Le but de cette étude transversale est de rechercher 5 pathogènes parodontaux dans des lésions endoparodontales. De plus, les associations possibles entre les espèces étudiées et les aspects cliniques ont été évalués.

Patients et méthode

Étude des patients

Quarante et un patients atteints de lésions endoparodontales ont été sélectionnés parmi ceux qui consultaient dans le Service clinique de la faculté de médecine dentaire, à Bucarest, et dans une clinique dentaire privée à Timisoara (Roumanie). Les examens oraux et les échantillonnages microbiologiques ont été réalisés par 2 praticiens calibrés (A. C. Didilescu et D. Rusu). L’étude a préalablement reçu l’accord du Comité d’éthique en recherche de la faculté de médecine dentaire de Bucarest. La participation était fondée sur la compréhension et le consentement écrit de chaque patient.

Sur les 41 sujets de l’étude, 26 présentaient des dents atteintes de nécrose pulpaire associée à une lésion parodontale et 15 des dents atteintes d’une infection canalaire résultant d’une obturation canalaire incomplète associée à une lésion parodontale. Les critères d’inclusion dans l’étude étaient constitués par la présence d’une nécrose pulpaire/obturation canalaire incomplète associée à une parodontite apicale chronique et des profondeurs de poches ≥ 4 mm, associées à une perte d’attache et à un saignement au sondage. Les patients ayant reçu un traitement antibiotique au cours des 3 mois précédents ont été exclus de l’étude.

Des échantillons par paires ont été prélevés en sous-gingival et dans les canaux radiculaires au niveau des dents sélectionnées pour l’étude.

Tous les cas qui correspondaient aux catégories de 2 classifications (Simon et al., 1972 ; Belk et Gutmann, 1990) – lésions endodontiques primaires avec atteinte parodontale secondaire, lésions parodontales primaires avec atteinte endodontique secondaire, lésions endoparodontales combinées vraies, lésions pulpaires et parodontales concomitantes – ont été inclus dans l’étude. Ici, la définition de Simon (Simon et al., 1972) a été complétée par la classification de Belk et Gutmann. Par conséquent, la catégorie « lésions pulpaires et parodontales concomitantes » a également été prise en compte et inclue. La stratification fondée sur la classification de Simon n’a pas été appliquée parce que la cause initiale de la lésion était inconnue.

Examens cliniques

Pour évaluer l’état parodontal, les mesures suivantes ont été enregistrées :

– profondeur de poche de sondage (PP). La sonde parodontale (PCP15 Hu-Friedy, Chicago, États-Unis) a été insérée parallèlement à l’axe vertical de la dent et déplacée de façon circonférentielle dans le sens des aiguilles d’une montre autour de chaque surface de la dent afin de détecter la zone de pénétration la plus profonde ;

– le niveau d’attache clinique (NAC), soit la distance de la jonction émail-cément à la base de la poche ;

– l’indice de plaque (IP). Les surfaces vestibulaires et linguales au niveau de la gencive marginale ont été enregistrées selon les scores de Silness et Löe (Silness et Löe, 1964). Il a été attribué à la quantité de plaque observée un score allant de 0 à 3. Seul le plus élevé a été noté, soit celui de la surface présentant la plus grande quantité de plaque ;

– la mobilité dentaire (degré 0 : mobilité normale ; degré I : légèrement que la normale ; degré II : modérément plus que la normale ; degré III : mobilité importante vestibulo-linguale et/ou mésio-distale, associée à un déplacement vertical) ;

– l’atteinte de la furcation, si elle était présente (stade I : perte osseuse débutante ; stade II : perte osseuse partielle ; stade III : perte osseuse totale avec une atteinte de la furcation de part en part ; stade IV : semblable au stade III, mais avec une récession gingivale exposant la furcation).

Pour évaluer l’état endodontique, les données suivantes ont été enregistrées : présence d’une pulpe nécrosée non traitée (fondée sur les tests de vitalité), présence/absence d’un traitement canalaire ; présence d’une lésion apicale ; sensibilité au test de percussion. L’échec du traitement canalaire a été déterminé sur la base d’un examen clinique et radiologique mettant en évidence des lésions apicales d’origine endodontique.

L’examen radiographique a été réalisé de façon à évaluer la perte osseuse parodontale, la qualité des obturations canalaires, les lésions péri-apicales et les atteintes de furcations.

Prélèvement des échantillons

Les échantillons parodontaux ont été prélevés comme suit ; la plaque supragingivale a été éliminée aux ultra­sons et avec une brossette rotative souple. Les sites parodontaux à prélever ont été séchés à l’air et isolés à l’aide de rouleaux de coton, et deux pointes en papier ont été utilisées pour prélever chaque poche parodontale. Au bout de 1 minute, elles ont été retirées, regroupées et immédiatement congelées à – 80 °C dans un cryotube stérile de 2 ml rempli de sérum physiologique tamponné au phosphate (PBS, 50 mmol de phosphate de potassium, 150 mmol de NaCl, pH 7,2). Les échantillons endodontiques ont été prélevés sous digue, comme cela a été décrit précédemment (Siqueira, 2000). Rapidement après le nettoyage et la décontamination de la dent et des tissus environnants, des préparations d’accès (canalaire) total ont été réalisées à l’aide de fraises stériles sans irrigation. Les obturations canalaires incomplètes ont été éliminées avec des instruments rotatifs. Les échantillons ont été initialement prélevés à l’aide d’une lime n° 15 de type K (Dentsply-Maillefer, Ballaigues, Suisse). La lime a été introduite jusqu’à environ 1 mm de l’apex dentaire et un léger mouvement de va-et-vient a été appliqué. Si le canal dentaire était sec, quelques gouttes de sérum physiologique ont été introduites à l’intérieur du canal. Le manche de la lime K a été sectionné avec une fraise diamantée et l’instrument a été transféré dans le cryotube. Ensuite, deux pointes en papier ont été placées au même niveau de façon à sécher les fluides du canal. Chacune d’elles a été maintenue en place durant 1 minute puis transférée dans le cryotube. Toutes les techniques ont été réalisées sous microscope à usage dentaire (Pico OPMI, Carl Zeiss, Allemagne). Les cryotubes ont été immédiatement congelés à – 80 °C. Tous les échantillons ont été transférés au Département de biochimie Victor Babes (université de médecine et de pharmacie, Timisoara) et conservés congelés jusqu’à leur analyse.

Évaluation microbiologique

Le Micro Kit QIAamp DNA (Qiagen GmbH, Hilden, Allemagne) a été utilisé pour l’extraction de l’ADN selon les recommandations du fabricant. La quantité d’ADN extraite a été déterminée en spectrophotométrie par la mesure de l’absorbance à 260 nm, et sa pureté a été déterminée par le rapport d’absorbance à 260 et 280 nm. L’évaluation qualitative et semi-quantitative des bactéries recherchées a été réalisée par un test moléculaire fondé sur une amplification multiplex avec des primers biotinylés et une hybridation inverse, à l’aide d’un kit du commerce (Micro-IDent®, Hain, Lifescience GmbH, Nehren, Allemagne). L’hybridation comprend les étapes suivantes : dénaturation chimique des produits d’amplification, hybridation des amplicons monobrins marqués à la biotine avec des sondes reliées à des membranes, lavage rigoureux associé à un conjugué couplé au complexe streptavidin/phosphatase alcaline permettant une coloration par la phosphatase alcaline. Un guide assure l’interprétation facile et rapide du schéma par bandes obtenu. La sensibilité du test d’hybridation ADN-ADN a été ajustée pour permettre de détecter 104 cellules bactériennes d’une espèce donnée (103 pour A. actinomycetemcomitans).

Les lectures ont été enregistrées et dotées du score suivant :

– 0, non détectées ;

– 1, charge bactérienne = 104 (103 pour A. actinomycetemcomitans) ;

– 2, charge bactérienne accrue, entre 104 et 105 (103- 104 pour A. actinomycetemcomitans) ;

– 3, charge bactérienne élevée, entre 105 et 106 (104- 105 pour A. actinomycetemcomitans) ;

– 4, charge bactérienne extrêmement élevée, > 107 (106 pour A. actinomycetemcomitans).

Analyse statistique

Les données sont exprimées en moyennes, écarts types (ET), marges et pourcentages, comme il convient. Les données d’hybridation ADN-ADN, exprimées en scores échelonnés de 0 à 4 (voir ci-dessus), sont utilisées pour calculer les niveaux et les prévalences des espèces bactériennes examinées. Le score 1 est utilisé comme valeur seuil pour différencier la détection (score 1 à 4) de l’absence de détection (score 0).

La présence/absence de chaque espèce bactérienne détectée dans les échantillons endoparodontaux et parodontaux est comparée à l’aide du test exact de Fisher. Le coefficient de corrélation de Spearman est utilisé pour comparer la quantité exprimée en score) des bactéries étudiées dans les échantillons provenant du canal radiculaire et des prélèvements parodontaux, et pour analyser les associations possibles entre les détections de pathogènes et les paramètres cliniques. Une valeur de p < 0,05 est considérée comme étant statistiquement significative.

Résultats

Les principaux résultats de l’étude sont résumés dans le tableau 1. Vingt-deux patients (53,7 %) présentaient un score IP de 1, 16 patients (39 %) avaient un score IP de 2 et 3 patients (7,3 %) avaient un score IP de 3. Une mobilité anormale était relevée chez 39 patients (95,1 %). Parmi les dents pluriradiculées, 24 présentaient une atteinte de la furcation avec un score moyen de 1,9 ± 0,9.

Les échantillons parodontaux étaient positifs pour A. actinomycetemcomitans chez 8 patients (19,5 %), pour P. gingivalis chez 32 patients (78 %), pour P. intermedia chez 27 patients (65,8 %), pour T. forsythia chez 30 patients (73,2 %) et pour T. denticola chez 33 patients (80,5 %). Les échantillons endodontiques étaient positifs pour A. actinomycetemcomitans chez 5 patients (12,2 %), pour P. gingivalis chez 25 patients (61 %), pour P. intermedia chez 19 patients (46,4 %), pour T. forsythia chez 27 patients (65,8 %) et pour T. denticola chez 16 patients (39,1 %). La prévalence de patients positifs pour les 5 bactéries testées, par scores, est illustrée dans le tableau 2.

La présence d’A. actinomycetemcomitans dans les échantillons endodontiques est significativement associée à celle de la même bactérie dans les échantillons parodontaux chez tous les patients (p = 0,003, n = 41, selon le test exact de Fisher) et chez les patients porteurs de pulpe nécrosée (p = 0,007, n = 26, selon le test exact de Fisher). T. forsythia et P. intermedia ont tous deux une corrélation positive (r = 0,52, p < 0,01, n = 41), ainsi que T. forsythia et P. gingivalis (r = 0,47, p < 0,01, n = 41) dans les échantillons endodontiques. Des corrélations positives ont également été trouvées entre T. forsythia et P. gingivalis (r = 0,53, p < 0,01, n = 41) dans les échantillons parodontaux.

Les résultats bactériens et les principaux aspects cliniques pour chaque patient sont présentés dans le tableau 3. La recherche d’éventuelles associations entre les espèces testées et les aspects cliniques, à l’aide du coefficient de corrélation de Spearman, ne révèle aucune relation significative entre la profondeur de poche au sondage et l’intensité de détection des pathogènes parodontaux exprimés par des scores, bien que l’on trouve une corrélation négative significative entre la profondeur de poche au sondage et la détection de T. forsythia dans les échantillons parodontaux (r = – 0,32, p < 0,05, n = 41). On note une association positive entre une mobilité anormale et la détection de P. gingivalis (r = 0,37, p < 0,05, n = 41) et de T. forsythia (r = 0.43, p < 0,01, n = 41) dans les échantillons parodontaux. Il n’y a pas de corrélation significative entre la sensibilité à la percussion et la quantité d’une espèce particulière de bactéries. Cependant, on retrouve T. forsythia dans 19 échantillons endodontiques chez des patients présentant une sensibilité à la percussion, P. gingivalis dans 17 échantillons, P. intermedia dans 15 échantillons, T. denticola dans 10 échantillons et A. actinomycetemcomitans dans 2 de ces échantillons.

Discussion

Les études microbiologiques similaires dans ce domaine sont transversales (Rupf et al., 2000 ; Kobayashi et al., 1990) étant donné qu’il est difficile de savoir quelle est la lésion initiale. Par conséquent, la présente étude a été conçue en étude transversale elle aussi. Les résultats montrent que 28 échantillons endodontiques sont positifs pour au moins 2 pathogènes parodontaux. Étonnamment, dans 2 cas sans traitement endodontique préalable, les échantillons parodontaux sont négatifs pour toutes les espèces testées, alors que les échantillons endodontiques sont positifs pour 2 espèces, suggérant que les infections endodontiques pourraient constituer un réservoir de pathogènes parodontaux.

Les infections endodontiques sont généralement polymicrobiennes et d’origine endogène. La plupart des études ont démontré que les pathogènes clés des maladies parodontales, tels que T. forsythia, P. gingivalis et T. denticola, sont également impliqués dans la pathologie endodontique (Siqueira et al., 2000 ; Foschi et al., 2005 ; Sunde et al., 2000 ; Rôças et al., 2001 ; Baumgartner et al., 2003). La microbiologie des infections endodontiques a été analysée par le passé uniquement par des méthodes de cultures, qui étaient traditionnellement considérées comme étant « la » référence, en dépit du fait qu’elles étaient très longues, onéreuses et de faible sensibilité. Les genres bactériens les plus prévalents qui ont été isolés dans des lésions périradiculaires par des méthodes de cultures sont Bacteroides, Eubacterium, Peptostreptococcus, Fusobacterium et Prevotella (Gatti et al., 2000). Certaines études ont montré que la moitié des phénotypes bactériens de la cavité buccale que l’on trouve chez les humains sont incultivables et ne peuvent être détectés qu’avec l’aide d’une amplification PCR du gène bactérien ARNr 16S ou 23S (Paster et al., 2001). Ainsi, la méthode associant la PCR avec une hybridation ADN semble être fiable, et beaucoup plus sensible que les méthodes de cultures.

On sait déjà que T. forsythia et T. denticola, deux espèces qui n’avaient encore jamais été citées parmi les agents étiologiques des infections endodontiques, peuvent être détectées dans les canaux radiculaires infectés avec l’aide de techniques moléculaires (Fouad et al., 2002). De même, de nombreuses espèces bactériennes anaérobies de la flore buccale sont délicates et peuvent être présentes en petite quantité dans les échantillons prélevés, élément qui peut conduire à des résultats faussement négatifs en utilisant la méthode des cultures. De nos jours, la plupart des chercheurs utilisent des techniques moléculaires pour détecter des pathogènes endodontiques et parodontaux, en raison de leur plus grande sensibilité. Par exemple, une équipe brésilienne a évalué la prévalence des espèces anaérobies pigmentées noires dans 100 cas d’infections endodontiques chroniques en utilisant la culture et la PCR : ils ont identifié P. gingivalis dans 43,3 % des échantillons par le test moléculaire, alors que les cultures étaient positives pour cette espèce dans seulement 27,3 % des cas (Tomazinho et al., 2007).

Dans notre étude, le Micro-IDent Test a été choisi comme test moléculaire génétique pour réaliser une identification combinée de 5 espèces de bactéries pathogènes parodontales : A. actinomycetemcomitans, représentant le complexe A. actinomycetemcomitans, P. intermedia (un membre du complexe orange) et les 3 membres du complexe rouge (P. gingivalis, T. forsythia et T. denticola). La même technique a été utilisée par une autre équipe (Lin et al., 2007), démontrant que sa sensibilité pour détecter les pathogènes parodontaux était plus élevée que les méthodes de cultures. Ces 5 espèces bactériennes sont considérées comme étant des pathogènes importants dans les infections aussi bien parodontales qu’endodontiques (Siqueira, 2008). Dans notre étude, il est particulièrement important de noter la forte prévalence, dans les échantillons endodontiques, de certaines espèces bactériennes qui sont difficiles à cultiver, telles que T. forsythia, qui est le pathogène le plus fréquemment détecté (65,8 %), et P. gingivalis (61 %). Elles sont suivies de près par P. intermedia (46,4 %) et T. denticola (39,1 %) dans les mêmes lésions. Les résultats confirment les observations précédentes à savoir que T. forsythia et T. denticola sont généralement détectées en association avec les espèces de bacilles à Gram négatif à pigmentation noire.

Il y a une corrélation statistiquement significative entre P. intermedia et T. forsythia (p < 0,01) dans les lésions endodontiques du groupe d’étude analysé durant cette recherche, qui est en accord avec d’autres observations (Siqueira et al., 2000). Dans notre étude, 19 des 28 patients présentant une sensibilité à la percussion (ce qui peut indiquer la présence d’une lésion apicale active) sont positifs pour T. forsythia dans les échantillons endodontiques, suivis de P. gingivalis, P. intermedia, T. denticola et A. actinomycetemcomitans. Des résultats comparables ont été obtenus par Siqueira et son équipe (Siqueira et al., 2000) qui trouvent que 4/9 dents présentant une sensibilité à la percussion sont positives pour T. forsythia dans des échantillons de canaux radiculaires. Une autre équipe de recherche brésilienne a analysé la corrélation entre les signes cliniques dans les infections endodontiques primaires et la présence de ces bactéries en utilisant la PCR. La totalité du complexe bactérien ainsi que T. forsythia, P. gingivalis, T. denticola seulement sont retrouvés dans respectivement 14, 22, 46 % et 38 % des cas symptomatiques analysés, et il en a été conclu que ces micro-organismes sont liés à l’étiologie des infections symptomatiques périradiculaires (Gomes et al., 2007).

Jung et al. trouvent que P. gingivalis est l’espèce la plus fréquemment détectée (environ 30 %) dans les échantillons prélevés au niveau des canaux radiculaires dans les cas d’infections endodontiques (Jung et al., 2001), l’identification ayant été réalisée par PCR pour le gène ARNr 16S suivie d’une hybridation par points (dot-blot hybridization). Ils mentionnent une association significative de cette espèce avec T. forsythia, alors qu’aucune souche de T. denticola n’a été détectée dans ces cas de parodontite apicale. Dans notre étude, nous retrouvons aussi la même association significative entre T. forsythia et P. gingivalis dans les échantillons.

Les résultats de cette étude montrent que, dans le cas des échantillons parodontaux, T. denticola est le micro-organisme principal le plus fréquent (80,5 %) parmi les 5 espèces de bâtonnets anaérobies à Gram négatif mentionnés plus haut, alors que P. gingivalis, T. forsythia et P. intermedia sont détectés dans respectivement 78, 73,2 et 65,8 % des échantillons parodontaux. Une étude récente a montré que T. denticola se révèle être plus pathogène comme agent étiologique seul (inoculum de 108) que T. denticola (inoculum de 1,33 × 108) associé aux autres bactéries du complexe rouge pour induire des infections endodontiques (entraînant par ailleurs des abcès oro-faciaux, une perte osseuse accrue et des manifestations systémiques) chez des souris immunodéficientes, en particulier si l’immunodéficience est sévère et associée (Foschi et al., 2006). D’autres observations indiquent une fréquence significativement plus faible du complexe rouge (8 %) que celle des 3 micro-organismes retrouvés en complexe unique : T. forsythia (26 %), P. gingivalis (30 %) et T. denticola (44 %) (Rôças et al., 2001).

On trouve une association positive entre une mobilité dentaire anormale et la détection de P. gingivalis et T. forsythia dans les échantillons parodontaux. Ces résultats, avec les hautes prévalences des mêmes micro-organismes détectés dans les lésions endodontiques, viennent compléter d’autres observations qui suggèrent que P. gingivalis et T. forsythia ne sont pas seulement des pathogènes virulents pour le parodonte, mais qu’ils sont également impliqués dans la pathogenèse des lésions périradiculaires (Siqueira et al., 2000).

Dans notre étude, A. actinomycetemcomitans est détecté en très faibles quantités dans les lésions à la fois endodontiques (12,2 %) et parodontales (19,5 %). Ces résultats ne sont pas surprenants étant donné qu’A. actinomycetemcomitans apparaît le plus souvent dans la parodontite agressive. Il est intéressant de noter qu’il y a une association positive entre la détection d’A. actinomycetemcomitans dans les échantillons parodontaux et endodontiques. Dans l’ensemble, les résultats mentionnés ci-dessus suggèrent que la présence d’A. actinomycetemcomitans est probablement moins importante dans l’étiologie des lésions endoparodontales. Ces résultats suggèrent qu’au moins 3 des 5 espèces recherchées peuvent jouer un rôle spécifique dans la pathogenèse les lésions endoparodontales : P. gingivalis, T. forsythia et P. intermedia respectivement. La forte prévalence de ces associations bactériennes dans les sites endodontiques et parodontaux confirme que les interrelations entre ces deux niches pourraient être considérées comme des voies importantes conduisant à des processus réfractaires ou récurrents des infections endodontiques ou parodontales. Il est important d’établir un diagnostic bactérien très précis et de tester les susceptibilités aux antibiotiques en présence d’affections endoparodontales qui ne répondent pas au traitement. De futures études sont nécessaires pour rechercher quels types clonaux de ces espèces sont les plus fréquemment impliqués dans les lésions combinées et pour établir le lien entre ces espèces bactériennes et les échecs thérapeutiques.

Remerciements

Cette étude a été financée par le Conseil roumain de recherche scientifique (CNCSIS), le Centre national roumain pour la gestion des programmes de recherche (CNMP) dans le cadre du projet de recherche 41-034, et par la Société européenne d’endodontie (ESE).

BIBLIOGRAPHIE

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