Corrélations interbactériennes au sein du biofilm sous-gingival - JPIO n° 4 du 01/11/2014
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/2014

 

La sélection

Yves Reingewirtz  

But de l'étude

D'étroites corrélations ont été établies entre espèces bactériennes et signes cliniques de la maladie ou de la santé parodontale. En se fondant sur l'analyse de plus de 6 000 tests d'identification, les auteurs de ce travail ajoutent à la connaissance des bactéries impliquées dans l'équilibre écologique celle des corrélations susceptibles d'exister entre elles, que ce soient les espèces dites bénéfiques ou...


But de l'étude

D'étroites corrélations ont été établies entre espèces bactériennes et signes cliniques de la maladie ou de la santé parodontale. En se fondant sur l'analyse de plus de 6 000 tests d'identification, les auteurs de ce travail ajoutent à la connaissance des bactéries impliquées dans l'équilibre écologique celle des corrélations susceptibles d'exister entre elles, que ce soient les espèces dites bénéfiques ou parodontopathogènes.

Matériel et méthode

Plus de 12 000 tests d'identification bactérienne ont été collectés, les uns (6 308) prélevés avant traitement, les autres (6 576) avant chirurgie mais après thérapie initiale. Les tests (ADD Advanced Dental Diagnostics, Malden, Pays-Bas) permettent d'identifier 20 espèces bactériennes par PCR. Un test de corrélation positif et négatif représentant une corrélation positive ou négative entre les bactéries a pu être établi, et les corrélations bactériennes avec la profondeur de poches ont été enregistrées.

Résultats

Si la prévalence et l'abondance (présence quantitative) de certaines bactéries augmentent avec la profondeur de poche (Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythia, Treponema denticola, Prevotella intermedia, Peptostreptococcus micra, Eubacterium nodatum), l'opposé est également vrai avec d'autres espèces davantage présentes au niveau des poches réduites (< 3 mm) et étroites (Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Prevotella nigrescens, Campylobacter gracilis, Eikenella corrodens, Capnocytophaga sp., Streptococcus sp. Actinomyces sp.). D'autres bactéries enfin demeurent stables entre les différents niveaux de poches (Fusobacterium nucleatum, Campylobacter rectus, Veillonella parvula). Des corrélations significatives ont été mises en évidence entre les bactéries, avec par exemple une augmentation de P. gingivalis lorsque étaient présents T. forsythia et T. denticola, ou une forte interdépendance entre ces deux dernières espèces ; inversement, plusieurs bactéries bénéfiques montrent de fortes corrélations avec d'autres bactéries bénéfiques.

Conclusion

Une meilleure connaissance des corrélations interbactériennes doit permettre de mieux cibler les traitements et de conduire, davantage qu'à une large éradication bactérienne, au rétablissement d'un nouvel équilibre bactérien.

Commentaires

Cette vaste étude rétrospective confirme les résultats présentés par Socransky* en corrélant des complexes bactériens aux signes cliniques de la parodontite. Mais en établissant des liens significatifs privilégiés entre les espèces bénéfiques ou entre les espèces anaérobies, elle apporte un éclairage nouveau aux théories de l'origine de l'apparition des parodontites : apparition due à une perturbation de l'hôte pour les uns, d'origine environnementale pour d'autres ; le déséquilibre possible et probable entre les espèces bénéfiques et pathogènes, ou les liens privilégiés susceptibles d'être établis entre ces dernières peut être le facteur déclenchant de la parodontite. Cette étiologie ouvre la voie à une approche thérapeutique plus affinée, non seulement lutter contre les bactéries pathogènes, mais également prévenir leurs associations (et les conditions locales qui favorisent celles-ci) ou favoriser les unions des espèces bénéfiques.

* Socransky SS, Haffajee AD, Cugini MA, Smith C, Kent RL. Microbial complexes in subgingival plaques. J Clin Periodontol 1998;25:134–144.