Extraction-implantation et mise en esthétique immédiates unitaires : principes biologiques pour une préservation tissulaire prévisibleExtraction with immediate single-implant placement and non-functional loading: biological principles for predictable tiss
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2015

 

Article

Thierry TAIEB *   Cédric FIÉVET **  


* 1Ancien AHU parodontologie Paris V, Ancien président SFPIO Paris, Exercice exclusif de la parodontie et de l'implantologie (Paris)
**2Ancien AHU parodontologie Paris V, Ancien président SFPIO Paris, Exercice exclusif de la parodontie et de l'implantologie (Chantilly)

Résumé

Les extractions-implantations immédiates unitaires dans les secteurs antérieurs au maxillaire montrent de très bons résultats cliniques à long terme. Néanmoins, le véritable défi n'est pas seulement la survie implantaire mais l'obtention d'un résultat esthétique.

Jusqu'à présent, la présence d'une corticale osseuse vestibulaire a été considérée comme un critère déterminant dans le choix de la technique. La présence d'un défaut de cette corticale, qui est par définition appelée à disparaître, a souvent justifié des reconstructions tissulaires péri-implantaires nécessitant plusieurs étapes et interventions.

À partir des années 2010, de nombreux articles scientifiques viennent recentrer les options thérapeutiques vers des techniques a minima qui respectent des principes biologiques incontournables : préservation de la vascularisation, stabilité primaire de l'implant, maintien du volume des tissus en place par des matériaux non résorbables, modelage des volumes tissulaires grâce à l'apport de la couronne provisoire immédiate et maturation guidée des tissus.

En nous appuyant sur ces principes biologiques et par le biais de cas cliniques, nous présentons une démarche clinique étape par étape avec plus de 9 ans de recul qui permet, par préservation tissulaire, d'obtenir des résultats immédiatement esthétiques et stables dans le temps.

Summary

Immediate single-tooth implant following tooth extraction in the anterior maxilla shows very good long-term clinical results. Nevertheless, the actual challenge is not only high implant survival but also aesthetic outcome.

Until now, the presence of a buccal alveolar cortical plate has been considered as a significant criterion in choosing the technique. A defect of this cortical plate, which is by definition bound to disappear, has often justified pre-implant reconstructive techniques requiring several stages and interventions.

Since the 2010s, numerous scientific articles have refocused the therapeutic options towards minimally invasive techniques which respect major biological principles : conservation of vascularisation, initial stability of the implant, preservation of the volume by not absorbable materials, modelling of the volume through the immediate provisional crown and guided tissue maturation.

Leaning on these biological principles and on clinical cases, we are developing a step-by-step clinical approach with more than 9 years hindsight. This tissue conservation approach leads to outcomes that are immediately aesthetic and stable in time.

Key words

Single tooth implant, extraction and immediate implant placement, bone xenograft, immediate non-functional loading, emergence profile

Introduction

Remplacer une dent du secteur antérieur maxillaire par une prothèse implanto-portée reste aujourd'hui un défi dans la pratique quotidienne.

Depuis les études chez l'animal d'Araujo et Lindhe (Araujo et Lindhe, 2005), il est confirmé que l'avulsion dentaire est suivie dans les 6 mois d'une importante résorption de la crête : réduction horizontale moyenne de 3,8 mm et réduction verticale moyenne de 1,24 mm (Tan et al., 2012).

Préserver et maintenir dans le temps les volumes de crêtes en conservant l'enveloppe de tissu osseux et de tissu mou, tel est l'objectif du plan de traitement pour un résultat esthétique et fonctionnel à long terme (Vignoletti et al., 2012).

Si on reprend la classification d'Hammerle et al., la pose de l'implant peut-être simultanée à l'avulsion (classe I), différée de 6 à 8 semaines pour attendre la fermeture des tissus mous (classe II) ou reportée de 3 mois (classe III) à 6 mois après cicatrisation osseuse (classe IV) (Hammerle et al., 2004).

Dans une approche conventionnelle, l'implantation immédiate (classe I) est habituellement réservée à des situations où la table osseuse vestibulaire est totalement ou partiellement préservée ; sinon, on opte pour une mise en place différée et des techniques de reconstruction osseuse exigeant une fermeture hermétique des tissus mous (fig. 1 à 6). Le placement immédiat d'un implant après extraction offre des avantages en termes non seulement de préservation des tissus durs et mous mais aussi de satisfaction des patients (Sanz et al., 2012).

L'extraction-implantation immédiate n'empêche pas la résorption de l'os fasciculaire (Botticelli et al., 2004a, 2004b) mais, associée à des comblements de matériaux peu résorbables, à des greffes de tissu mou et à une mise en esthétique immédiate à l'aide d'une restauration provisoire, c'est une technique de préservation de crête simplifiant les procédures, limitant les taux de morbidité et raccourcissant les délais de traitement (Cosyn et al., 2012). Cela reste toutefois à être confirmé par des études randomisées avec contrôles.

Avec un recul clinique de plus de 9 ans et en s'appuyant sur les données de la littérature scientifique disponibles à ce jour, nous présentons une approche chirurgicale a minima associée à une réalisation prothétique reposant sur des principes biologiques incontournables.

Extraction-implantation immédiate : approche chirurgicale a minima

Principe biologique 1 : préservation de la vascularisation

La première étape d'extraction est stratégique car on peut profiter à ce moment-là d'un pic ostéogénique postextractionnel immédiat. Elle est réalisée très délicatement pour préserver au maximum la paroi osseuse vestibulaire. L'utilisation d'instruments spécifiques comme des périotomes ou bien une technique de fraisage intraradiculaire à l'aide de fraises Zekria fines permet d'obtenir une extraction la plus atraumatique possible. Il est important de ne pas écraser les parois osseuses afin de garder l'apport vasculaire lié à l'ouverture des espaces médullaires.

Comme pour toute extraction, un curetage très minutieux de l'alvéole est indispensable. L'utilisation des curettes peut être complétée par une fraise boule afin d'éliminer tous les résidus de fibre desmodontale et de tissu de granulation.

Lorsque la présence d'os apical est suffisante, l'existence d'une infection péri-apicale n'augmente pas le taux d'échecs implantaires (Fugazzotto, 2012), contrairement à l'infection parodontale (Siegenthaler et al., 2007). En cas de fistule vestibulaire, le tissu bordant la lumière canalaire est éliminé au bistouri afin de retirer toute présence d'épithélium, puis il est suturé avec du fil 6/0 pour éviter une porte de sortie au matériau de comblement.

La vascularisation d'origine périostée représente 80 % de la vascularisation de l'os cortical (Bays, 1986). Afin d'éviter toute résorption osseuse réactionnelle de 0,2 à 0,8 mm (Bragger et al., 1992) qui fait systématiquement suite à une exposition osseuse chirurgicale, aucun lambeau de pleine épaisseur qui compromettrait la vascularisation sanguine d'origine périostée ne doit être levé (Tarnow et Chu, 2011). Blanco et al. et Fickl et al. ont d'ailleurs observé moins de résorption osseuse crestale après des extractions réalisées sans lambeau par rapport à des techniques avec lambeau de pleine épaisseur, même si les différences observées ne sont pas statistiquement significatives (Blanco et al., 2008, 2010 ; Fickl et al., 2011).

La vascularisation des papilles est préservée par l'absence d'incision et de décollement. Toute ouverture de papille entraîne un risque de perte osseuse proximale et une reconstruction imparfaite de la papille. On doit privilégier les techniques limitant le décollement de papille afin d'éviter une cicatrisation en cratère qui risque de compromettre le résultat esthétique (Cosyn et al., 2012).

Seul l'épithélium intrasulculaire et l'épithélium de poche sont éliminés avec une microlame ou une fraise boule diamantée.

Pour limiter la récession vestibulaire postextractionnelle, la mise en place d'une couronne provisoire immédiate est bénéfique si la stabilité primaire de l'implant est suffisante et le permet (De Rouck et al., 2009). Les récessions proximales sont affectées par l'absence de point de contact, la hauteur des septa osseux proximaux (Cosyn et al., 2012) et l'ouverture des papilles.

Cette technique de préservation tissulaire sans sutures permet d'obtenir une situation postopératoire esthétique immédiatement. Les tissus cicatrisent très rapidement et dans d'excellentes conditions (fig. 7 et 8 ). Ces éléments sont particulièrement appréciés des patients.

Principe biologique 2 : stabilité primaire de l'implant

Lorsque la technique d'extraction-implantation immédiate est envisagée, l'obtention de la stabilité primaire de l'implant est le paramètre le plus important à prendre en compte lors de l'analyse préopératoire.

Cette stabilité primaire est déterminée par la qualité et la quantité d'os sur le site implantaire, le dessin et la surface de l'implant ainsi que le protocole de forage (Sennerby et Roos, 1998).

Le torque final d'insertion est un élément important d'appréciation de la stabilité primaire qui, pour l'extraction-implantation immédiate unitaire avec mise en place d'une dent provisoire, doit être d'au moins 30 Ncm ou bien avoir un quotient de stabilité implantaire supérieur à 60 (Barewal et al., 2003). Ottoni et al. rapportent un taux d'échecs de 44 % pour des implants unitaires sans contacts occlusaux mais avec un torque final inférieur à 20 Ncm, alors qu'il n'est que de 4 % lorsque le torque final est supérieur à 32 Ncm (Ottoni et al., 2005).

La recherche d'un ancrage qui va être essentiellement apical oblige à trouver un axe plus palatin que la racine de la dent extraite. Le forage initial est la plupart du temps effectué le long de la paroi palatine de l'alvéole. Le sous-forage est presque systématique pour assurer une bonne stabilité primaire. Il ne doit toutefois pas être trop réduit car l'implant pourrait, par une trop grande compression, entraîner une nécrose osseuse péri-implantaire.

Il est important de noter que l'axe de l'implant lors de la phase initiale du vissage est beaucoup plus vestibulaire, voire perpendiculaire à la paroi osseuse, puis se redresse progressivement afin de revenir dans l'axe de forage préparé.

La position finale de l'implant dans le sens vestibulo-lingual laisse généralement un espace de plusieurs millimètres entre l'implant et la corticale vestibulaire lorsque celle-ci est encore présente. Le caillot formé dans les premières minutes se comporte comme un bouchon qui colle à la surface implantaire, évitant ainsi une contamination bactérienne. On bannira une position où l'implant est proéminent par rapport à la corticale vestibulaire des dents adjacentes.

Dans le sens vertical, la tête de l'implant devra se situer environ 3 mm plus apicalement que le rebord gingival libre vestibulaire (Saadoun et al., 1999 ; Botticelli et al., 2004c, Araujo et al., 2006).

En mésial et en distal, les septa osseux sont maintenus par la présence des dents adjacentes. Il est à noter que la perte d'attache sur les dents bordant l'édentement conditionne l'importance du comblement osseux cicatriciel. Cette position des septa proximaux est donc un élément clé du pronostic esthétique final.

Principe biologique 3 : maintien du volume des tissus vestibulaires

Si la réussite mécanique implantaire est obtenue par l'ancrage apical et les parois osseuses en contact avec les spires implantaires en assurant une stabilité initiale primaire puis une stabilité secondaire par ostéo-intégration, la réussite esthétique dépend du maintien du volume vestibulaire.

Après le vissage de l'implant dans l'alvéole et l'obtention de sa stabilité primaire, le matériau de comblement (os bovin déprotéinisé, Bio-Oss®) est mis en place dans l'espace vestibulaire entre l'implant et la corticale osseuse réduite ou intacte. Il est primordial d'avoir un matériau non résorbable ou à résorption très lente permettant la formation d'un caillot stable sous-gingival (Caneva et al., 2012). C'est pourquoi nous préconisons un compactage raisonnable du Bio-Oss® stoppé au niveau de la tête de l'implant (fig. 9 et 10 ).

La stabilité du caillot est obtenue en vestibulaire et en apical par la paroi osseuse ou gingivale qui n'a pas été décollée, en proximal par les parois osseuses, en lingual par l'implant qui présente une stabilité primaire et en cervical par la présence de la dent provisoire.

De notre point de vue, la présence partielle ou totale de la corticale vestibulaire n'a d'importance que dans sa participation éventuelle à la stabilité primaire de l'implant et dans son rôle à faciliter le compactage du matériau de comblement.

Même en l'absence d'une partie de la corticale vestibulaire, la réponse des tissus gingivaux est très favorable. En effet, le protocole réalisé permet de substituer à une surface radiculaire un caillot sanguin stable s'insérant entre les particules de Bio-Oss® sans avoir perturbé la vascularisation gingivale par des incisions ou des tensions liées à des sutures ou des tractions tissulaires.

Que l'on obtienne in fine du tissu osseux, un mélange d'os et de particules de Bio-Oss® ou bien du Bio-Oss® sous du tissu conjonctif en vestibulaire, la nature de ce volume n'a que peu d'importance dans le résultat esthétique final. L'important est le maintien du volume gingival vestibulaire en hauteur et en épaisseur (fig. 11 et 12 ).

Cette approche est très comparable à celle décrite dans une étude (Cosyn et al., 2011).

Tarnow et Chu ont réalisé une coupe histologique sur un implant qui a été placé dans une alvéole déshabitée avec un hiatus péri-implantaire important (4,2 mm horizontal) sans fermeture primaire du lambeau, ni greffe, ni membrane (Tarnow et Chu, 2011). Le résultat montre, lors de la biopsie au bout de 10 mois, un tissu osseux au contact de l'implant dès la première spire implantaire. Les auteurs émettent l'hypothèse que la cicatrisation de seconde intention a évité que le tissu conjonctif venant du lambeau ne colonise la surface implantaire, ce qui est habituellement le cas lorsqu'une fermeture primaire est recherchée. « Il est possible qu'un implant placé dans un site extractionnel sans fermeture des tissus mous puisse cicatriser avec un contact os-implant avant que les tissus mous interfèrent. »

Pour Becker et Goldstein, le placement d'os d'origine bovine dans les espaces adjacents aux implants améliore le contour des tissus mous même s'il n'est pas corrélé à une augmentation de l'ostéo-intégration et n'influence pas la survie des implants (Becker et Goldstein, 2008). Ces auteurs concluent qu'une technique chirurgicale peu invasive pour le placement des implants immédiats offre plusieurs avantages et devrait être indiquée dès que possible.

Après cicatrisation, lors de la réalisation prothétique finale, un greffon conjonctif enfoui sous un lambeau d'épaisseur partielle très localisé peut être éventuellement glissé en vestibulaire afin d'épaissir la gencive.

Le succès final du traitement passe par la préservation du volume tissulaire. La réalisation prothétique précoce joue un rôle aussi important que la chirurgie afin d'atteindre cet objectif de maintien des tissus mous.

Extraction-implantation immédiate : approche prothétique précoce

Principe biologique 4 : modelage du profil d'émergence par la provisoire

En plus de sa fonction esthétique, le rôle de la prothèse provisoire est de guider la cicatrisation, de soutenir et de modeler les tissus mous afin d'obtenir le meilleur profil d'émergence. Cette approche est confirmée par De Rouck et al. qui préconisent la mise en place d'une couronne provisoire immédiatement après la pose de l'implant pour limiter la perte muqueuse vestibulaire et, ainsi, éviter toute prothèse amovible au-dessus d'un implant enfoui (De Rouck et al., 2009).

Cosyn et al. ont observé, pendant une période de 3 ans, l'évolution de la gencive marginale sur des patients à biotype épais et sur 25 implants unitaires posés selon la technique d'extraction-implantation immédiate et mise en place d'une prothèse provisoire pendant 6 mois (Cosyn et al., 2011). Ils ont obtenu des résultats esthétiques très satisfaisants. Seulement 2 patients sur 25 ont présenté une récession vestibulaire supérieure à 1 mm (moyenne : 0,34 mm). Les papilles mésiales et distales sont restées stables et les scores esthétiques « rose » (PES, pink esthetic score) et « blanc » (WES, white esthetic score) ont été parfaits ou acceptables pour 19 des 25 patients. Ces résultats sont en accord avec ceux d'autres auteurs (Belser et al., 2009).

La couronne provisoire immédiate est très favorable pour les papilles mésiale et distale mais un peu moins bonne pour la gencive vestibulaire (Kan et al., 2007).

Lors de la réalisation de la couronne provisoire, nous ajustons l'adaptation cervicale par apports successifs de résine au pinceau puis à l'aide d'une fraise résine, nous modelons la zone cervicale pour venir guider la gencive marginale, obtenir sa tonicité et préfigurer le profil d'émergence de la future prothèse implanto-portée (Saadoun et Touati, 2007). Cependant, il est préférable de très légèrement sous-dimensionner la prothèse provisoire immédiate avec un profil d'émergence concave afin qu'elle n'exerce aucune compression sur la gencive marginale ; on évite ainsi toute compression tissulaire en vestibulaire pouvant, par une zone d'ischémie, accentuer cette récession. Elle assure ainsi sa fonction de protection et de maintien du matériau de comblement sans comprimer le rebord gingival (Euwe, 2010).

Après un polissage très soigneux, la prothèse provisoire est scellée avec un ciment provisoire fluide. Comme pour toute prothèse implanto-portée, l'insertion de la couronne doit se faire en douceur afin d'éviter un « effet piston » qui pourrait envoyer une fusée de ciment dans la zone sous-gingivale en voie de cicatrisation.

Lors de la réalisation prothétique finale, pour diminuer les risques d'une récession de la muqueuse vestibulaire, le profil sous-muqueux du pilier doit être concave au niveau vestibulaire. Cette concavité a de plus pour objectif d'épaissir la gencive marginale vestibulaire qui est ainsi plus stable car plus épaisse (Nozawa et al., 2006).

Principe biologique 5 : maturation tissulaire et protection des tissus

La protection du tissu osseux lors de la maturation tissulaire passe par l'absence de micromouvements de l'implant. Se pose alors le choix entre la mise en charge immédiate et la mise en esthétique immédiate.

Les forces exercées sur les implants en cours d'ostéo-intégration peuvent entraîner des micromouvements dépassant le seuil toléré par le processus de cicatrisation osseuse.

Selon Brunski, il existe une fourchette critique de l'amplitude qui varie de 50 à 150 μm (Brunski, 1988). Idéalement, cette amplitude doit rester en deçà de 100 μm pour ne pas interférer avec l'ostéo-intégration primaire. Cependant, cette fourchette doit être corrélée au dessin de l'implant et à la nature de la surface implantaire.

Il semble que la mise en place d'une couronne provisoire, qu'elle soit fonctionnelle ou non, n'ait pas d'effet négatif sur le taux de survie à 5 ans des implants par rapport à une technique plus classique de mise en charge retardée (Degidi et al., 2009 Lindeboom et al., 2006). Plus que la présence de contacts occlusaux, le facteur capital est en fait la stabilité primaire (QSI > 60) et le torque final d'insertion (> 32 N).

Dans le cas d'implants multiples, la connexion existant entre les implants permet, la plupart du temps, une rigidité finale de l'ensemble suffisante pour être à l'abri du phénomène de micromouvements.

Pour les implants unitaires, il est préférable de privilégier une mise en esthétique immédiate sans aucun contact occlusal pour être certain de ne pas dépasser l'amplitude maximale des micromouvements responsable de la non-ostéo-intégration.

Lors de la prise d'empreinte réalisée après 3 à 6 mois de maturation gingivale selon le type de parodonte, le transfert au laboratoire de l'anatomie transgingivale est un élément clé de la réussite esthétique finale. La gencive marginale ayant tendance à se contracter dès la dépose de la dent provisoire, une technique d'empreinte particulière sera nécessaire. Elle a pour objectif de soutenir le profil gingival pendant toute la phase d'empreinte et d'éviter ainsi l'enregistrement d'un profil d'émergence sous-dimensionné.

Cette prise d'empreinte se fait par l'intermédiaire d'un transfert d'empreinte anatomique. Celui-ci est réalisé en deux temps. Le premier temps consiste à enregistrer la partie sous-gingivale de la prothèse provisoire. La dent et le pilier provisoire sont placés sur une réplique d'implant. Le tout est maintenu dans un récipient rempli de silicone épais qui enregistre toutes les informations sous-gingivales. Le second temps consiste à modifier un transfert d'empreinte pick-up vissé sur la réplique d'implant en place dans le récipient. Une résine ou du composite fluide est utilisé pour combler l'espace vide entre le transfert et le volume dessiné par la dent et le pilier provisoires. Après polymérisation, le transfert anatomique est ensuite dévissé et ébarbé. Il sera vissé sur la tête d'implant sans interférer avec les dents voisines. Cette technique d'empreinte permet de préserver l'anatomie gingivale issue de la maturation tissulaire (Taieb et al., 2013).

Les figures 13 à 20 illustrent l'ensemble de ces étapes.

Discussion

La technique d'extraction-implantation immédiate unitaire dans les secteurs antérieurs raccourcit la durée des traitements, réduit leur prix et permet une bonne préservation des papilles ainsi qu'une temporisation plus confortable pour les patients. Néanmoins, la difficulté opératoire réserve cette technique à des cas bien sélectionnés et à des opérateurs expérimentés.

Dans leur revue systématique sur les taux de succès et de survie d'implants placés dans une alvéole d'extraction, Lang et al. répertorient 46 études prospectives avec un recul clinique moyen de 2,08 ans (Lang et al., 2012). Les taux de survie atteignent 98,4 % et confirment les chiffrent obtenus avec des techniques conventionnelles. Le principe d'ostéo-intégration n'est plus à démontrer. Les taux de succès sont plus difficiles à préciser car peu d'études tiennent compte des paramètres esthétiques essentiels dans les secteurs antérieurs (Cosyn et al., 2012). Les auteurs précisent toutefois qu'au bout de 1 an la perte osseuse marginale ne dépasse pas 1 mm. Quant aux tissus mous, après une rétraction dans les 3 mois suivant la mise en place de la restauration prothétique, on observe une stabilité des niveaux gingivaux au bout de 1 an (Small et Tarnow, 2000).

Le cas clinique suivant permet d'illustrer la comparaison des situations cliniques, radiologiques et scanner à moyen terme (fig. 21 à 26).

Des publications récentes confortent cette option thérapeutique simple mais très opérateur dépendante.

Benic et al. montrent qu'en dépit de l'utilisation de techniques de régénération osseuse guidée parfois source de complications et de morbidité, 30 % des implants à 7 ans ne présentent plus radiographiquement d'os vestibulaire (Benic et al., 2012). Ces sites même sans os vestibulaire au bout de 7 ans témoignent néanmoins d'un succès clinique d'intégration tissulaire. L'absence d'os vestibulaire est associée à un niveau muqueux de seulement 1 mm plus apical que les sites pourvus d'os vestibulaire.

Dans ces conditions, est-ce si important d'avoir du support osseux en vestibulaire des implants si le niveau gingival reste pratiquement le même ?

Une simplification (pour réduire le nombre d'interventions et les taux de morbidité) des procédures de placement des implants dans des volumes d'os réduits, notamment en vestibulaire, semble donc en train d'émerger dans des publications de référence.

Conclusion

Notre démarche clinique d'extraction unitaire et d'implantation immédiate dans le secteur maxillaire antérieur depuis 9 ans fait appel à un ensemble de facteurs et de principes biologiques déterminants pour le positionnement et la stabilité de la muqueuse péri-implantaire. Chez des patients avec un biotype épais, les éléments suivants paraissent indispensables : extraction atraumatique, absence de décollement tissulaire et d'incision des papilles, élimination de l'épithélium de poche, positionnement lingual de l'implant à 3 mm sous-gingival, stabilité primaire de l'implant, comblement vestibulaire à l'aide d'os bovin déprotéinisé compacté jusqu'au col implantaire, maintien du matériau par une couronne provisoire en sous-occlusion adaptée et non compressive, maturation tissulaire d'au moins 6 mois.

Conflits d'intérêt

Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêt concernant cet article

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