Chirurgie guidée : revue des bases fondamentales et principes actuels - JPIO n° 2 du 01/05/2017
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 2 du 01/05/2017

 

Article

Bernard CANNAS 1 / Renaud NOHARET 2  

1- Docteur en chirurgie dentaire
Sapo implant
Exercice privé exclusif en implantologie orale, Trilport (France)2- Docteur en chirurgie dentaire
Ancien interne en odontologie
MCU-PH
Docteur de l'université de Lyon
Exercice libéral, Lyon

Résumé

Résumé

La chirurgie guidée a beaucoup évolué au cours des dernières années grâce au développement de l'informatique et à la puissance des ordinateurs. L'ensemble de la chaîne de traitement repose sur la transposition d'un projet prothétique sur l'imagerie sectionnelle. Selon les dernières évolutions, il n'est plus nécessaire de placer un guide d'imagerie au cours de l'examen d'imagerie (cone beam ou scanner). Effectivement, le projet prothétique pourra être intégré dans un second temps à l'imagerie sectionnelle (temps différent de l'acquisition radiologique). La numérisation des modèles (modèle initial et modèle avec wax-up) et l'empreinte optique (fichiers .stl) peuvent être indexées directement sur les fichiers DICoM du cone beam ou du scanner. Cette conception du projet prothétique est réalisée soit de manière conventionnelle, puis numérisée au laboratoire de prothèses, soit de manière totalement numérique grâce aux logiciels de planification ou de laboratoire (flux numérique complet).

De plus, la chirurgie guidée permet de réduire le temps d'intervention et les suites postopératoires et, selon des études récentes, il a été prouvé qu'elle est deux fois plus précise que la chirurgie à main levée.

Summary

Abstract

For the past few years, guided surgery has known a great evolution thanks to softwares development and more powerful computers. The complete treatment flow is based on the transfer of a diagnostic wax-up to cross sectional imaging. With last innovations in guided surgery, a surgical radiographic guide is not longer needed during CBCT imaging. The diagnostic wax-up can be added afterwards to the cross sectional images. Digitalization of the plaster cast with wax-up or digital impression (.stl files) are matched with scanner or CBCT images (DICoM). Fabrication of the diagnostic wax-up can be done either in a conventional way with a scanned cast or in a complete digital way with computer softwares for a complete digital workflow.

Furthermore, guided surgery has many advantages: decreases time of surgery, less post-op complications and, according to recent studies, is two times more accurate than conventional surgery.

Key words

Guided surgery, accuracy, prosthetic project, matching of models, radiographic template.

Introduction

La chirurgie guidée a été proposée il y a maintenant plus de 15 ans (Van Steenberghe et al., 2002). Elle est issue d'une réflexion essentiellement chirurgicale. En effet, le premier objectif était de faciliter l'acte chirurgical en réalisant, entre autres, des chirurgies minimalement invasives. Ces chirurgies guidées peuvent être considérées comme moins invasives si elles sont réalisées sans lambeau, mais aussi comme plus rapides avec ou sans lambeau. Ainsi, ces chirurgies plus rapides et moins invasives réduisent les suites opératoires (Hultin et al., 2012), simplifiant alors la chirurgie et son suivi. Le second objectif était de réaliser des chirurgies plus précises que les chirurgies à main levée, ce qui a effectivement été montré (Jung et al., 2009 ; Noharet, 2014 ; Schneider et al., 2009 ; Vercruyssen et al., 2015 ; Van Assche et al., 2010, 2012). Très rapidement, la technique de chirurgie guidée a pris en compte la prothèse (Cannas et Gillot, 2008). Il est nécessaire d'insister sur le fait que la première réflexion liée à la chirurgie guidée doit être le bon positionnement des implants mais en fonction de la future prothèse. La précision dans la position implantaire est la garantie d'une réalisation prothétique aisée. Cette démarche concourt à la sécurité et à la longévité du traitement prothétique réalisé.

Le concept général de la chirurgie guidée peut être divisé en quatre étapes dépendantes les unes des autres : l'imagerie sectionnelle et le projet prothétique, la planification chirurgicale numérique, la conception éventuelle d'une prothèse immédiate et, enfin, la chirurgie réalisée avec un guide chirurgical, lien entre l'imagerie sectionnelle et le projet prothétique. Les dernières évolutions du concept général portent surtout sur les nouveaux outils de transfert du projet prothétique (Cannas et al., 2014, 2015).

Principes de la chirurgie guidée

Concepts généraux

Imagerie

Historiquement, les traitements chirurgicaux étaient réalisés avec très peu d'examens radiologiques préopératoires. Le Pr Brånemark a décrit la première méthode de validation du traitement implantaire avec des techniques d'imagerie bidimensionnelle (orthopantomogramme et téléradiographie de profil). Cette méthode était initialement destinée aux patients édentés complets. Ces examens bidimensionnels, ne pouvant être la stricte reproduction de la réalité tridimensionnelle des patients, ne donnaient qu'un aperçu de la zone anatomique à opérer. Cela imposait ainsi au chirurgien une grande improvisation pendant l'acte opératoire du fait du manque d'informations préalables.

Ces limitations ont amené les chirurgiens implantaires à suivre les évolutions de l'imagerie conventionnelle vers l'imagerie tridimensionnelle, sous réserve des doses d'irradiation qui doivent respecter un des principes de base de la protection contre les rayonnements ionisants dit ALARA (as low as reasonably achievable) : la dose d'irradiation doit être « aussi basse qu'il est raisonnablement possible ».

L'avènement des examens tridimensionnels a été une révolution majeure en imagerie générale mais aussi en imagerie maxillo-faciale. Ces examens sont à ce jour de deux types : la tomodensitométrie et la tomographie volumique à faisceau conique.

La tomodensitométrie (CT-scan, computerized tomography scan) fait appel aux rayons X et repose sur l'absorption différentielle du rayonnement par les différentes structures anatomiques traversées. La technique du dentascanner passe par la réalisation de coupes axiales (perpendiculaires à l'axe du corps) selon un plan parallèle au plan occlusal. Seules ces coupes, directement réalisées sur le patient, sont irradiantes. Les autres images – reconstructions bidimensionnelles (encadrées de bleu ou de jaune) ou tridimensionnelles – ne sont que le fruit de calculs informatiques (fig. 1).

Avec la tomographie volumique à faisceau conique (CBCT, cone beam computed-tomography), le faisceau de rayons X traverse l'objet à explorer avant d'être analysé après atténuation par un système de détection. Plusieurs centaines d'analyses (prises de vue) sont réalisées dans les différents plans de l'espace, permettant, après transmission des données à un ordinateur, la reconstruction volumique d'un cube contenant l'objet (ici, les maxillaires).

L'implantologie est une indication pour ces deux types d'examens : il s'agit de préciser, dans le cadre d'un bilan pré-implantaire, le volume osseux disponible. Cette évolution de l'imagerie est évidemment à associer à celle de l'informatique et des logiciels. Initialement, cela nécessitait de grosses unités informatiques et des logiciels coûteux ; aujourd'hui, cela passe par l'utilisation de simples ordinateurs personnels. Cette évolution a été également bénéfique pour la représentation tridimensionnelle des données du scanner (fig. 2).

Dans le cadre de la chirurgie guidée, le projet prothétique doit être replacé sur l'imagerie sectionnelle soit avec un guide d'imagerie conçu avant l'examen, soit par un recalage des modèles après l'examen. L'évolution de ces techniques a totalement modifié les protocoles de transfert

Planification

La réalisation d'examens tridimensionnels transmis sur des supports bidimensionnels (feuille argentique, feuille de papier...) limite considérablement l'optimisation et par conséquent l'intérêt de tels examens. Il apparaît donc que la méthode d'utilisation et de retranscription des données est capitale. Avec l'avènement des logiciels informatiques, l'exploitation réelle et pleine des données est possible. L'outil informatique a en effet considérablement évolué depuis de nombreuses années et fournit de réelles informations tridimensionnelles. L'obtention de ces images tridimensionnelles passe donc par le traitement des données DICoM (digital imaging and communications in medicine) acquises lors de la réalisation de l'examen. Les images au format DICoM accompagnant les dossiers médicaux sont lisibles par tout matériel informatique compatible et remplacent le transfert des clichés par courrier.

Ces données DICoM doivent donc être gérées par des logiciels réservés à ce genre de format d'images et d'applications. Il est important de posséder un ordinateur capable de traiter ce type de données tant dans la mémoire vive que sur la carte graphique. Il est possible de tourner, translater, agrandir le volume osseux concerné et de le voir dans tous les sens de l'espace. Il existe à ce jour de nombreux logiciels avec des caractéristiques variables (ouvert/fermé, possibilité de modification des données d'acquisition) et des outils plus ou moins présents en fonction du logiciel (mesure des distances et des angles, simulation d'implants, simulation des trajets nerveux, mise en valeur des cavités ou d'un volume additionnel, extraction de volume tridimensionnel, coloration de surface/volume). Enfin, la possibilité ou non de réaliser des guides chirurgicaux reste une caractéristique fondamentale de ces différents logiciels.

L'avènement des examens tridimensionnels dans un premier temps puis de l'informatique dans un second temps permet une optimisation clinique des données préchirurgicales obtenues. Cette source d'informations et leur interprétation complète permettent une réelle anticipation du geste chirurgical, des actes préalables et des suites potentielles. Les moyens diagnostiques sont réels dans cette situation précise : ils permettent d'assurer une qualité de diagnostic et de traitement. L'association de moyens permet donc un diagnostic fiable et une planification préalable de haute qualité et prévisible. Toutefois, il s'agit ensuite de transférer les éléments obtenus de l'ordinateur au patient. Pour cela, la conception puis l'usinage de guides chirurgicaux assurent le transfert du placement chirurgical des implants vers le patient mais aussi vers le laboratoire de prothèses.

Prothèse

La prothèse préchirurgicale est réalisée pour une mise en charge immédiate ou mise en esthétique immédiate. Le modèle de laboratoire est issu du guide chirurgical. La pose d'une prothèse d'usage est possible lorsque les critères sont favorables mais reste exceptionnelle dans la pratique quotidienne. La prothèse provisoire est plus ou moins aboutie afin de corriger la variation possible de la position des implants par rapport à la planification. La validation de la position finale des implants est fixée à la fin de la chirurgie par différentes méthodes de transfert du double scanner ou de l'indexation des modèles. Le projet prothétique replacé sur l'imagerie sectionnelle est à la base de la conception de cette prothèse au travers du guide chirurgical ou des modèles scannés au laboratoire de prothèses.

Chirurgie

Le protocole de guidage chirurgical des implants est possible grâce aux guides chirurgicaux qui transfèrent la planification vers la chirurgie.

Pour cela, la chirurgie guidée utilise deux types de guides :

– le guide pour un guidage complet de l'implant (full guided) qui, outre le placement précis des implants, permet de préparer une prothèse préchirurgicale (fig. 3) ;

– le guide pour un guidage uniquement du forage (pilot guided). Avec ce type de guide, le placement de l'implant est réalisé à main levée. Il ne permet pas le transfert de la planification au laboratoire de prothèses. En général, il est plutôt réservé aux édentements unitaires et partiels de petite étendue (fig. 4a et b).

La conception des guides chirurgicaux est faite soit à partir de l'enveloppe du guide d'imagerie préalablement scanné selon la technique du double scanner, soit directement sur le modèle de laboratoire numérisé. La précision des modèles initiaux est la clé du succès de ces techniques. Après réception des guides chirurgicaux, leur ajustage doit être contrôlé sur les modèles qui ont été scannés et sur le patient afin d'éviter toute déviation lors de la mise en place des implants.

Apport de la chirurgie guidée

Pourquoi utiliser la chirurgie guidée ?

Très tôt, la chirurgie guidée a été utilisée pour simplifier le geste chirurgical grâce à des cylindres de forage puis au guidage du placement des implants. Le but était d'être le plus précis et le plus rapide possible ainsi que le moins invasif possible.

Les premières applications ont d'abord concerné l'édentement complet car l'absence de repères et la difficulté de stabilité des premiers guides rendaient le geste chirurgical plus complexe et imprécis. Les premiers guides étaient à appui osseux. L'intrados du guide était ajusté directement sur l'os et stabilisé après la levée d'un lambeau. La conception du guide était réalisée à partir de la reconstruction 3D de l'os (fichiers .stl convertis à partir des DICoM). Une chirurgie plus invasive avec des lambeaux étendus était nécessaire pour contrôler la bonne position du guide sur l'os.

À partir de 2004, la technique du double scanner a permis de réaliser des guides à appui muqueux pour une chirurgie sans lambeau (Gillot et Cannas, 2005 ; Jacobs et al., 1999 ; Van Steenberghe 2005). L'intrados du guide d'imagerie permettait de modéliser très précisément le guide chirurgical. La dernière génération de guides est générée à partir de modèles de laboratoire numérisés (cf. infra). La dernière évolution utilise l'empreinte optique obtenue avec une caméra intrabuccale. Le flux numérique complet permet la transposition du projet numérique virtuel directement sur le logiciel de planification pour générer le guide chirurgical (Cannas et al., 2014).

La précision est mesurée par la déviation de la position des implants entre la planification et la position post-chirurgicale. La recherche de la précision est nécessaire à toutes les étapes et demande l'application précise des protocoles également à toutes les étapes :

– conception et mise en place du guide d'imagerie ;

– mise en place et fixation du guide chirurgical ;

– mise en place des implants grâce aux cylindres de guidage ;

– mise en place de la prothèse.

Précision : études et recherches

Édentement complet

Trois publications issues de deux études présentent les résultats sur la précision. Elles sont fondées sur l'application du protocole de chirurgie NobelGuide® sur 17 cadavres et 145 implants au maxillaire et à la mandibule (Petersson et al., 2010 ; Kero et al., 2010 ; Gillot et al., 2014).

Dans la première partie (Petersson et al., 2010), les conclusions de la recherche montrent une différence moyenne significative entre la planification informatique des implants et leur position après la chirurgie. La mesure est faite à partir de l'apex de l'implant et de celui de l'hexagone, d'une part, et de la variation de l'angle entre la simulation et la chirurgie d'autre part :

– au maxillaire, 1,02 mm (apex)-0,87 mm (hexagone)-2,31o (angulation) ;

– à la mandibule : 1,16 mm (apex)-1,06 mm (hexagone)-2,68o (angulation).

La variation est en moyenne de 1 mm et de 2,50o.

La seconde partie de l'étude (Kero et al., 2010) montre que les variations géométriques du placement des implants dépendent de l'anatomie individuelle des mâchoires et de la capacité de placer le guide chirurgical usiné par CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) dans la bonne position. Une autre conclusion très intéressante montre que les implants courts (inférieur à 10 mm) offrent une meilleure précision que les implants longs (13 mm et plus).

Une deuxième étude a mesuré la précision d'une chirurgie à main levée fondée sur une planification informatique préalable rigoureuse (Gillot et al., 2014). Cinq chirurgiens expérimentés ont planifié des implants sur 5 cadavres édentés complets puis les ont posés les implants en utilisant des guides chirurgicaux standard. Les résultats montrent une différence statistiquement significative entre la planification et la position des implants placés à main levée pour les cinq chirurgiens participant à l'étude :

– au maxillaire :

• chirurgie guidée, 1,02 mm (apex)-0,87 mm (hexagone)-2,31o (angulation),

• chirurgie à main levée, 1,89 mm (apex)-1,56 mm (hexagone)-7,85o (angulation) ;

– à la mandibule :

• chirurgie guidée, 1,16 mm (apex)-1,06 mm (hexagone)-2,68o (angulation),

• chirurgie à main levée, 2,78 mm (apex)-2,2 mm (hexagone)-6,82o (angulation).

La comparaison entre ces deux études montre que la chirurgie guidée est deux fois plus précise que la chirurgie à main levée et confirme l'intérêt de son application clinique. Ces résultats montrent également que, même en respectant scrupuleusement le protocole, elle ne permet pas d'assurer la transposition exacte de la position des implants.

En complément de ces deux études, Moraschini et al. ont publié une revue systématique concernant le traitement implantaire complet par chirurgie guidée et sans lambeau (Moraschini et al., 2015). Cette revue permet de mettre en évidence non seulement le fort taux de succès de cette technique (97,2 %, impliquant de fait une précision du positionnement implantaire dans l'os) mais également la nécessité d'une courbe d'apprentissage pour la maîtrise de l'outil et, donc, l'obtention de traitements précis dans leur exécution.

Édentement partiel

Le traitement implantaire dans la zone maxillaire postérieure a aussi été étudié sur des sujets anatomiques (Noharet, 2014 ; Noharet et al., 2014 ; Van Assche et al., 2010). L'objet de l'étude était la précision implantaire en fonction de la technique de transfert chirurgical (chirurgie guidée ou à main levée), et ce selon les références du traitement sous-sinusien (implants courts et angulés).

Les protocoles des deux types de traitements ont été réalisés (avec notamment un scanner préopératoire) de façon stricte. Les sujets anatomiques ont été scannés une seconde fois pour une comparaison des données entre la planification et la position réelle des implants. Il est étonnant et perturbant de constater que sur l'indication précise choisie, le système de chirurgie guidée est au minimum deux fois plus précis que la méthode humaine seule. La précision est effectivement doublée avec des guides de chirurgie guidée dits statiques, et ce quelle que soit la variable choisie (apex implantaire, col implantaire, angulation implantaire).

Ces résultats chez l'édenté tant complet que partiel montrent comment optimiser la précision du placement des implants en prenant en compte le fait que ces études ont été réalisées sur des cadavres dans des conditions plus difficiles qu'en clinique. Il faut :

– veiller à la qualité des empreintes initiales, tant pour un double scanner que pour une indexation des modèles ;

– bien contrôler le parfait placement du guide d'imagerie (muqueux ou dento-muqueux) ou du montage directeur sur les modèles à indexer ;

– bien vérifier l'adaptation des guides chirurgicaux sur le patient, mais aussi sur les modèles de laboratoire ;

– privilégier les implants de longueur moyenne (10 mm) ou courts.

Aspects cliniques de la chirurgie guidée

Transfert des données prothétiques

La prothèse a toujours été la finalité de la technique implantaire. Cet outil doit être en corrélation avec la biologie (volume osseux et muqueux) et les impératifs prothétiques (esthétique et fonction).

L'examen tridimensionnel, demandé comme examen complémentaire en implantologie orale, doit permettre non seulement de voir les structures anatomiques (os, cavités, vaisseaux et nerfs) mais également de prévisualiser la prothèse finale. Cela signifie que cet examen n'est demandé qu'une fois le plan de traitement prothétique établi. Ce projet prothétique radiologique a pris différentes formes au fil des années : billes de métal, gutta-percha, dents radio-opaques. Aujourd'hui, les nouveaux moyens technologiques font abandonner ces techniques souvent rudimentaires.

Les deux outils principaux permettant actuellement de visualiser le projet prothétique sur l'imagerie tridimensionnelle sont le double scanner et l'indexation des modèles.

Double scanner

La technique a été initialement décrite par Verstreken (Verstreken et al., 1998). Elle consiste à réaliser deux scanners : l'un du patient avec son projet prothétique (du type appareil amovible, appelé donc guide radiologique) et l'autre du projet prothétique seul.

Avant cela, il est nécessaire de vérifier que le guide radiologique est :

– parfaitement adapté au niveau muqueux afin de s'assurer de sa bonne position lors de l'examen radiologique. Si une prothèse existante doit être utilisée comme guide, elle doit être rebasée ou refaite intégralement ;

– parfaitement stabilisée sur l'arcade antagoniste par l'intermédiaire d'un indice occlusal (le plus souvent en silicone extra-dur de classe A) ;

– porteur de repères radio-opaques (des billes prêtes à être insérée dans la prothèse ou la création de cavités dans la résine remplies de gutta-percha).

Après la réalisation des deux scanners, deux jeux de DICoM sont donc obtenus : le premier correspondant au patient porteur de son guide et le second au guide seul. L'ensemble des données peut ensuite être intégré dans l'ordinateur et lu avec un logiciel adapté (NobelClinician®, SIMPLANT®...). En effet, ce logiciel va tout d'abord extraire un volume osseux (le patient) et des points radio-opaques dans le premier jeu de DICoM. Dans le second jeu de DICoM, il va extraire ces mêmes points ainsi que le volume du guide (dissociable aisément car la seconde acquisition a été réalisée dans un milieu contenant de l'air, contrairement à la première où le guide était porté en bouche). Le logiciel va superposer, grâce aux différents points radio-opaques, le volume de la prothèse (et donc la position des dents) sur le volume osseux du patient (fig. 5 à 7).

Une fois l'acquisition des données réalisées, les implants sont planifiés en fonction du projet prothétique. Sur les logiciels tridimensionnels décrits, la prothèse est apparente (pleine ou en transparence) ou masquée, ce qui facilite une planification implantaire en fonction non seulement de la biologie osseuse mais également de la future prothèse.

Cette technique est valable pour les différents types d'édentements (unitaires, partiels, complets). Elle nécessite des étapes de laboratoire plus ou moins importantes. En effet, il est relativement rare que la prothèse amovible existante corresponde parfaitement au projet prothétique final. De fait, des séances de préparation seront indispensables et donc associées à un coût de laboratoire.

Indexation des modèles

Avec cette méthode différente, le patient passe son examen tridimensionnel sans dispositif particulier. Des DICoM seront obtenus. Parallèlement, des empreintes (à l'alginate) sont réalisées puis coulées. Le prothésiste réalise le projet prothétique au laboratoire et, après validation, un scannage des modèles et du wax-up, ou montage des dents, afin d'obtenir des fichiers .stl (ce format est utilisé dans les logiciels de stéréolithographie) du modèle initial et du modèle avec le projet prothétique. Le format de fichier .stl ne décrit que la géométrie de surface d'un objet en 3D. Il ne comporte notamment pas d'informations sur la couleur, la texture ou les autres paramètres habituels d'un modèle de conception assistée par ordinateur (Cannas et al., 2014).

Toujours à l'aide de logiciels de planification (NobelClinician®, SIMPLANT®, SMOP®...), une indexation des modèles est faite. Elle correspond à une superposition des fichiers DICoM (représentant l'os) et .stl (représentant les modèles). Certains logiciels proposent une indexation automatique et d'autres une indexation manuelle. Quelle que soit la méthode choisie, le processus est identique : l'alignement des modèles se fait par superposition des reliefs remarquables telles les pointes cuspidiennes. Il est toutefois indispensable de vérifier le bon alignement des données .stl sur le volume osseux et dentaire afin d'éviter toute déviation. Une indexation manuelle est nécessaire si le logiciel ne peut pas superposer les volumes.

De grandes précautions doivent être prises lors des prises d'empreinte afin que le recalage des modèles soit simple et précis (fig. 8 et 9).

Dans les situations où plusieurs modèles doivent être indexés de façon manuelle, les reliefs cuspidiens peuvent évidemment être utilisés sur les différents modèles. Toutefois, une méthode plus simple permet aussi d'utiliser des reliefs géométriques sur le socle. Pour cela, des duplicatas à partir d'un moule en silicone sont créés afin de donner une base commune aux différents modèles et, donc, les mêmes formes géométriques indexables facilement et aisément.

Une fois ces étapes d'alignement réalisées, la planification implantaire est réalisée, toujours régie par les mêmes principes (biologie et fonction). L'avantage de cette méthode est la réduction des séances de préparation, avant l'imagerie 3D (cone beam ou scanner) Si le projet prothétique est « simple », seuls des moulages (initial et avec le projet) seront nécessaires, diminuant ainsi le coût laboratoire.

Transfert de la chirurgie à la prothèse

La chirurgie guidée dans son ensemble est fondée sur le transfert de données : le projet prothétique vers l'imagerie sectionnelle, puis la situation chirurgicale vers le laboratoire de prothèses. Lors de cette dernière étape, le guide chirurgical sert de lien avec le laboratoire de prothèses afin de réaliser une prothèse préchirurgicale.

La précision et la simplification du transfert des informations vers le laboratoire sont la clé de la préparation de la prothèse préchirurgicale. Le principe est de fournir au laboratoire, avant la chirurgie, un modèle de travail placé sur articulateur et intégrant le projet prothétique, la seule information manquant au laboratoire étant la position précise des implants ou des piliers après la chirurgie afin de corriger les variations dues à la chirurgie guidée.

Ce transfert d'informations est réalisé par différentes méthodes :

– le guide chirurgical (fig. 10) ;

– des clés de validation des cylindres provisoires sur la prothèse provisoire (fig. 11) ;

– la réalisation d'une empreinte optique à la fin de la chirurgie (fig. 12).

Conclusion

La chirurgie guidée est fondée sur un principe fondamental : le transfert du projet prothétique vers l'imagerie. La technique de transfert a considérablement évolué grâce aux nouveaux outils numériques, permettant aujourd'hui de réaliser ce transfert après les examens d'imagerie grâce à l'indexation des modèles. La recherche de la précision du placement des implants et de la pose d'une prothèse immédiate impose le respect strict des protocoles et, notamment, l'enregistrement des dents, des muqueuses ainsi que du projet prothétique, wax-up ou montage.

Les résultats des études montrent que la chirurgie guidée, même en respectant scrupuleusement le protocole, ne permet pas d'assurer la transposition exacte de la position des implants mais, malgré tout, la chirurgie guidée est deux fois plus précise que la chirurgie à main levée. Le transfert de la position des implants après la chirurgie est donc nécessaire dans les protocoles de mise en esthétique ou en charge immédiate. Les outils numériques permettront d'appliquer un flux numérique complet à l'ensemble de la chaîne de traitement allant de l'empreinte optique pour la construction du projet prothétique au transfert de la position chirurgicale des implants (Cannas et al., 2015).

Remerciements

Concernant les recherches sur pièces anatomiques et les dissections anatomiques, nous remercions le Centre du Don des Corps de l'Université Paris Descartes (45, rue des Saints-Pères, Paris).

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