Les bonnes pratiques en implantologie: Données acquises et données actuelles - JPIO n° 1 du 01/02/2018
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2018

 

Article

Patrick MISSIKA 1 / Patrick SIMONET 2  

1 MCU – PH Université de Paris VII Garancière
Professeur Associé Tufts University Boston
Expert près la Cour d'Appel de Paris
Expert National agréé par la Cour de Cassation
Président de la Compagnie Nationale des Experts Judiciaires en Odonto-Stomatologie 2 Docteur en chirurgie dentaire
Master of science de l'université du Michigan, Ann Arbor (États-Unis)
Membre associé de l'Académie nationale de chirurgie dentaire
Expert près la cour d'appel de Paris

Résumé

Résumé

Ce que l'on dénomme bonnes pratiques en implantologie consiste en une démarche systématique du praticien dite académique et qui associe des éléments cliniques, d'imagerie et un plan de traitement prothétique fondé sur la mise en place d'implants, sur l'information du patient et sur son consentement éclairé.

Summary

Abstract

What is call good clinical practice in implantology is the application of a systematic walk called academic which consider clinical evaluation, X rays et CBCT, treatment prosthetic planification based on implant placement, information of the patient and his agrement.

Key words

Good practice, Malpractice, academic walk, patient agreement

Le premier point qui paraît peut-être évident aujourd'hui est que le traitement implantaire est essentiellement un traitement prothétique et donc que la démarche thérapeutique doit être axée sur ce traitement.

Cette démarche doit associer :

1. Une consultation et un entretien permettant de déterminer les besoins et les souhaits du patient ainsi que son état de santé général qui pourrait constituer une contre-indication aux implants.

2. Un examen clinique pour appréhender les facteurs liés à l'édentement, à l'état des dents bordant l'édentement en cas d'édentement partiel, à l'espace interarcade, au volume osseux palpable, à l'hygiène buccale... (fig. 1).

3. Des empreintes et modèles d'étude permettant de réaliser une cire ajoutée de diagnostic (wax-up) ou un montage directeur, puis un guide radiologique (fig. 2 et 3). Ce guide sera porté pendant les différents examens d'imagerie, panoramique, téléradiographie ou scanner (fig. 4). Il est également possible de faire une simulation de positionnement des implants à partir d'un logiciel de planification Simplant® Nobel Clinician® Expertease® (fig. 5).

4. Muni de l'ensemble de ces éléments, le praticien pourra établir son plan de traitement implantaire et établir son devis. Il peut également utiliser un logiciel de simulation implantaire permettant de visualiser sur écran informatique la position souhaitée des implants, leur axe d'insertion et leur longueur et leur diamètre en fonction des impératifs anatomiques.

5. Les autres possibilités thérapeutiques devront être expliquées au patient avec leurs avantages et leurs inconvénients.

6. Un temps de réflexion raisonnable de 2 semaines environ devra être accordé au patient avant d'entreprendre le traitement, sauf en cas d'urgence.

7. La mise en place chirurgicale des implants doit être effectuée avec un guide chirurgical, selon le projet prothétique, sauf en cas de mise en place immédiate après extraction (fig. 6 à 8).

8. La réalisation prothétique doit respecter les règles d'empreinte, d'insertion passive des armatures, de vissage contrôlé avec clé dynamométrique. L'occlusion des prothèses sur implants doit faire l'objet d'une attention particulière (fig. 9 à 12).

9. Des contrôles cliniques et radiographiques doivent impérativement être instaurés.

10. Une maintenance régulière doit être mise en place avec contrôle du niveau d'hygiène buccale du patient (fig. 13 et 14). Si plusieurs praticiens interviennent dans le traitement implantaire, le patient doit être informé au début du traitement, d'une part, de la répartition exacte des différentes phases du traitement et, d'autre part, de celui qui sera en charge de la maintenance.

Le devoir d'information apparaît comme un élément fondamental dans les procédures récentes.

Une assignation récente de deux praticiens a été provoquée uniquement par le fait que le premier praticien a décidé en cours de traitement de confier la partie prothétique à son associé sans que la patiente en ait été prévenue au début du traitement.

Or, comme chacun le sait, c'est au praticien de faire la preuve qu'il a rempli son devoir d'information depuis l'arrêt de la Cour de Cassation de février 1997.

La preuve de l'information donnée par le praticien à son patient va donc, sur un plan pratique, être apportée par plusieurs éléments.

– En premier lieu par les notes inscrites sur la fiche médicale du patient lors des consultations précédant la mise en œuvre du traitement. En effet, si deux ou trois rendez-vous sont consignés sur la fiche médicale, on peut légitimement penser que des explications ont été données au patient.

– Ensuite, un plan de traitement détaillé, étape par étape, avec la durée prévue pour chaque étape est également un élément de preuve. Ce plan de traitement peut comporter plusieurs options thérapeutiques.

– Les courriers éventuels aux correspondants sont également un élément de preuve, de même que des brochures d'information remises au patient sur les traitements envisagés.

– Enfin le devis clair, compréhensible, constitue également une preuve de l'information.

L'informatique peut également s'avérer être un outil utile pour apporter la preuve que le praticien a rempli son devoir d'information. Le programme Dental Pad® permet d'envoyer par mail au patient la synthèse des propositions thérapeutiques, la solution privilégiée et conseillée par le praticien, des documents d'explication et des illustrations ou des animations en 3D et de recevoir en retour par un simple clic du patient un accusé de réception précisant que le patient :

1. a bien reçu le mail ;

2. a ouvert les fichiers joints ;

3. a bien compris les explications et le plan de traitement.

Une fois en possession de tous ces éléments concernant le traitement proposé, son coût précis et global et les traitements alternatifs possibles dans son cas, le patient est en mesure de donner son consentement éclairé.

Il est hautement souhaitable de formaliser ce consentement par un document signé par le patient (fig. 15).

Une question se pose souvent à l'Expert, en France notamment : le scanner est-il un examen obligatoire dans le traitement implantaire ?

En fait, le scanner n'est pas obligatoire dans toutes les situations où le praticien peut évaluer le volume osseux disponible et les organes anatomiques à protéger par d'autres examens. Par exemple, pour une extraction-implantation immédiate d'une monoradiculée, une radiographie panoramique, un cliché rétro-alvéolaire et la mesure de la racine extraite sont des éléments suffisants hors des zones anatomiques à risque.

En revanche, toute intervention sur une zone à risque, par exemple au-dessus du nerf alvéolaire inférieur, nécessite la prescription d'un scanner ou d'un cone beam dans le cadre de l'obligation de moyens car le risque de lésion irréversible du nerf est majeur.

Il faut préciser ici que la prescription du scanner ne suffit pas, il faut bien sûr être capable de l'interpréter. Le chirurgien dentiste ou le stomatologiste ne peut en aucun cas se reposer sur les mesures effectuées par le radiologue.

Le devis est il obligatoire ?

Un grand nombre de praticiens sont réticents à proposer à leurs patients un devis écrit et encore plus réticents à le faire signer. Pourtant, le devis est une obligation incontournable définie dans la convention avec les caisses d'assurance maladie pour tout acte inscrit à la nomenclature mais faisant l'objet d'un dépassement d'honoraires, par exemple les actes de prothèse avec entente directe, et pour tout acte dit hors nomenclature ou non remboursable, traitement de parodontie ou d'implantologie.

Les conflits portent souvent sur l'échec du traitement implantaire mais il faut reconnaître que, derrière ce conflit, apparaît une contestation des honoraires réclamés par le praticien.

Il apparaît comme une évidence que la production d'un devis clair, détaillé et signé par le praticien et par le patient, constitue le moyen le plus sûr d'éviter un conflit sur les soins concernés par le traitement et le montant des honoraires correspondant.

Dans le cadre de l'expertise judiciaire, un patient ayant signé un devis clair et détaillé aura des difficultés à convaincre l'expert qu'il n'était pas d'accord avec le traitement réalisé ou avec le montant des honoraires.

Les magistrats sont également attentifs au délai dont a disposé le patient pour accepter le traitement proposé, surtout s'il s'agit d'un traitement prothétique important faisant appel à des implants.

Les magistrats considèrent qu'un délai de 2 semaines est raisonnable, sauf situation d'urgence bien entendu.

Il est évident que le traitement d'un patient édenté complet par la pose d'implants et d'une prothèse implanto-portée ne constitue en aucun cas une situation d'urgence !

En revanche, une fracture radiculaire ayant provoqué une infection justifiant l'extraction et la mise en place d'un implant constitue une situation d'urgence.

Les choix thérapeutiques doivent s'inscrire dans le cadre des « données médicales avérées » selon la terminologie définie dans la loi Kouchner du 4 mars 2002, pour évoquer ce que l'on nommait jusqu'alors « données acquises de la science médicale », ce dernier terme étant encore couramment employé dans la majorité des missions d'expertise.

On comprend aisément que les praticiens auront intérêt à utiliser des moyens thérapeutiques ayant fait leurs preuves et d'éviter ceux obsolètes, marginaux ou d'avant-garde n'ayant fait l'objet d'aucune étude clinique ou de publication scientifique.

La grande difficulté pour répondre à cette question est liée au fait qu'il n'existe aucun ouvrage de référence énumérant les thérapeutiques qui seraient conformes aux « données acquises de la science médicale ».

On peut dire que, pour qu'une technique fasse partie des « données acquises de la science médicale », il faut :

– qu'elle ait fait l'objet d'études cliniques ;

– qu'elle ait fait l'objet de publications scientifiques dans des revues à comité de lecture ;

– qu'elle soit enseignée dans des facultés de chirurgie dentaire ;

– qu'elle fasse l'objet d'un consensus de la communauté scientifique, ce dernier point ne paraissant pas facile à mettre en évidence tant sont nombreuses les divergences de point de vue.

Pour éviter toute ambiguïté, il convient de distinguer une notion voisine, les « données actuelles de la science médicale » qui diffèrent sensiblement des données acquises.

Les données actuelles concernent des techniques qui sont pratiquées par des cliniciens expérimentés mais qui n'ont pas encore été validées par des études cliniques randomisées et publiées dans des revues avec un comité de lecture.

La mise en place d'implants dans les dents incluses fait partie des données actuelles de la science et non des données acquises.

La chirurgie implantaire doit-elle être pratiquée dans un bloc opératoire ou dans une salle dédiée ?

Il n'existe aucun texte réglementaire imposant cette contrainte.

On pourrait même s'interroger sur les raisons qui justifieraient cette obligation spécifique à l'implantologie et ne l'imposeraient pas à la chirurgie buccale ou parodontale.

Il faut cependant moduler cette analyse, d'une part, en fonction de l'obligation de sécurité-résultat en matière d'asepsie et, d'autre part, en distinguant la pose des implants elle-même de la chirurgie pré-implantaire, du comblement de sinus ou d'une greffe d'apposition. Pour ces chirurgies à risque infectieux élevé, la HAS recommande une salle dédiée ou un bloc opératoire.

La traçabilité

Parmi les obligations récentes s'inscrit la traçabilité :

– des trousses chirurgicales utilisées avec la date de stérilisation ;

– des trousses implantaires utilisées avec la date de stérilisation ;

– des dispositifs médicaux, matériaux de substitution osseux ou membranes.

La fiche médicale du patient doit donc comporter tous ces éléments ainsi que tous les actes effectués dans leur ordre chronologique et, bien sûr, un compte rendu opératoire.

Peut on utiliser sans risques des implants dits low cost ?

La question se pose plutôt en termes d'études cliniques.

Le système implantaire doit avoir fait l'objet d'études longitudinales d'au moins 5 ans et publiées dans une revue scientifique.

Le TGI de Paris a retenu, dans un jugement de 2009, la responsabilité d'un praticien qui, entre autres négligences et non-respect des bonnes pratiques implantaires, avait utilisé des implants n'ayant fait l'objet d'aucune étude clinique.

En conclusion

Il faut retenir que la pratique implantaire est aujourd'hui parfaitement codifiée.

Les praticiens doivent se conformer aux bonnes pratiques, en particulier en ce qui concerne le projet prothétique pré-implantaire, l'imagerie, la pose chirurgicale des implants, la réalisation prothétique et la mise en œuvre de la maintenance.

Cette démarche, qui associe modèle d'étude, cire ajoutée de diagnostic, guide radiologique puis guide chirurgical, est l'élément qui manque le plus souvent dans les dossiers d'expertise soumis aux experts par les tribunaux.

Le respect des bonnes pratiques, dont la tenue exemplaire des dossiers médicaux avec l'imagerie, permet un exercice plus serein de l'implantologie et évite le plus souvent d'être confronté à la contestation des patients.