La fonction thérapeutique de la prothèse provisoire fixée dans les grandes restaurations - Cahiers de Prothèse n° 104 du 01/12/1998
 

Les cahiers de prothèse n° 104 du 01/12/1998

 

Prothèse fixée

Jean-Claude Thépin *   Xavier Ravalec **  


* Maître de conférences
à l'UFR d'odontologie de Rennes -
praticien hospitalier

31ter, avenue Victor-Hugo
56000 Vannes
** Ancien assistant à l'UFR
d'odontologie de Rennes -
ancien praticien hospitalier - attaché universitaire

26, rue du Champ-Marqué
35760 Saint-Grégoire

Résumé

La prothèse provisoire fixée est encore trop souvent perçue par les patients comme un élément supplémentaire coûteux et, par conséquent, inutile. Cependant, son intérêt dans la conduite de la thérapeutique prothétique est aujourd'hui reconnu. C'est particulièrement le cas dans les grandes restaurations qui impliquent des traitements pluridisciplinaires uni-maxillaires complets ou bimaxillaires. Le rôle thérapeutique de la prothèse temporaire prend alors tout son sens. Les auteurs en soulignent à la fois l'objectif majeur qu'est la réhabilitation pérenne d'un appareil manducateur fonctionnel et, simultanément, la restauration et la préservation des structures dentaires et parodontales ainsi que la satisfaction des exigences esthétiques. Ils attirent l'attention sur la complexité d'une corrélation optimale de tous ces impératifs et dénoncent les risques encourus à négliger cette étape essentielle de la temporisation.

Summary

The therapeutic function of the provisional fixed denture in important restorations

The provisional fixed denture is too often seen by patients as an additional expensive, and henceforth useless element. However, its significance in the forwarding of the prosthetic therapeutics is nowadays acknowledged. It is especially the case in important restorations implying complete uni-maxillary or bi-maxillary pluridisciplinary treatments. The therapeutic role of the provisional denture is then totally meaningful. The authors underline there both the prime goal aiming at the durable rehabilitation of a functional manducatory denture, and simultaneously, the restoration and preservation of the dental and periodontal structures as well as the satisfaction of the aesthetical requirements. Stemming from the prospective ceraplastics which is a real therapeutic proposition, the provisional denture is an essential clinical test. Almost all these odontological disciplines are directly implemented or tremendously facilited by its action. Moreover, its corrections and adaptations actively take part in the restoration of the oral health. The preservation of the therapeutic or referential mandibulo-cranial relationship, the preservation or restoration of the occlusal vertical dimension and of the Spee curve as well as the restoration of the conditions of the normocclusion are the major goals of the stabilizing occluso-functional therapeutics. But the orthodontics or even the orthognatic surgery, periodontal and muco-gingival therapeutics, endodontics, moreover implantology, as well as the search for an optimal prophylactic and anatomo-aesthetic integration are jointly concerned. The realization and the provisional prosthetic strategy must also meet the strict criteria. The authors put to the fore the complexity of an optimal correlation between all these requirements, and they denounce the risks that would occur if this essential stage of temporization was neglected.

Key words

pluridisciplinary fixed prosthetic therapy, provisional fixed denture, provisional fixed occluso-prosthetic stabilization

Alors qu'elle ne fait qu'une récente et timide apparition dans les textes conventionnels des organismes de protection sociale de notre pays, la prothèse provisoire fixée est trop souvent perçue par les patients comme un élément supplémentaire coûteux et, par conséquent, inutile dès lors qu'elle ne s'adresse pas exclusivement aux dents les plus antérieures. Il nous semble pourtant impensable de laisser sans protection des dents préparées durant la thérapeutique prothétique ou de n'accorder que des vertus esthétiques à ces restaurations transitoires.

Tout comme la prothèse d'usage, la prothèse provisoire fixée permet de restaurer les dents délabrées, de remplacer les dents absentes, de restaurer la fonction, de restaurer l'esthétique et enfin d'assurer la contention. Cependant, sa fonction thérapeutique est dépendante de deux facteurs :

- la durée d'application, qui permet de distinguer des prothèses immédiates, transitoires ou temporaires ;

- l'étendue du traitement.

Si la prothèse provisoire immédiate est plus particulièrement destinée à traiter l'urgence alors que la prothèse transitoire est d'un usage relativement limité dans le temps, l'une et l'autre n'en doivent pas moins respecter les exigences techniques et biologiques de toute prothèse fixée. Mais leur conception n'en fait pas pour autant des éléments prépondérants de la thérapeutique prothétique.

Au contraire, la prothèse temporaire est élaborée à partir d'une démarche analytique et synthétique qui conduit à la construction d'une simulation de traitement en un matériau aisément manipulable, la cire. Il s'agit de la céraplastie prospective, trop approximativement nommée wax-up ou improprement cire diagnostique. C'est en fait une véritable proposition thérapeutique faite à l'appareil manducateur du patient, laquelle est ensuite transposée dans les conditions cliniques au travers de la prothèse temporaire qui en est l'exact reflet. Cette dernière constitue ainsi un test clinique dans les domaines occluso-fonctionnel, anatomo-esthétique ou encore anatomo-prophylactique et contribue activement au retour à la santé bucco-dentaire en facilitant ou en participant à la mise en œuvre des traitements préprothétiques et prothétiques.

Lors des grandes restaurations qui impliquent le traitement pluridisciplinaire d'arcades dentaires complètes, voire des traitements bimaxillaires, le rôle thérapeutique de la prothèse temporaire prend tout son sens tant l'objectif est plus souvent la réhabilitation pérenne d'un appareil manducateur fonctionnel que la simple reconstruction de dents délabrées ou le remplacement de dents absentes. Il est alors bien illusoire d'envisager le succès de tels travaux sans le recours à la prothèse temporaire [1, 2].

Les aspects thérapeutiques pluridisciplinaires de la prothèse temporaire

C'est la quasi-totalité des disciplines de l'odontologie qui peut être soit directement mise en œuvre, soit grandement facilitée par l'entremise de la prothèse provisoire. Si les thérapeutiques occluso-fonctionnelles stabilisatrices prennent une part essentielle dans la conduite de ces grandes restaurations, la recherche d'une intégration anatomo-esthétique ou anatomo-prophylactique optimale, les thérapeutiques parodontales [2-4] et muco-gingivales, l'endodontie, l'orthodontie ou encore l'implantologie peuvent plus ou moins tirer parti de la mise en place de prothèses temporaires. L'observation des résultats acquis doit alors permettre au praticien de faire évoluer sa proposition thérapeutique en adaptant progressivement ses prothèses jusqu'au retour à une santé jugée durable [5].

Prothèses temporaires et réhabilitations occluso-fonctionnelles

Qu'il s'agisse d'une restauration destinée à un patient exempt de troubles cranio-mandibulaires (TCM) ou au contraire destinée à assurer la stabilisation des résultats d'une thérapeutique symptomatique de dysfonctionnement de l'appareil manducateur (DAM), les objectifs prothétiques sont de quatre ordres :

• conserver la relation mandibulo-crânienne. Avec ou sans traitement, elle peut être physiologique : c'est la position de référence dite relation centrée. Elle peut aussi être déterminée par analyse : c'est la position condylienne thérapeutique ;

• conserver ou restaurer la dimension verticale d'occlusion (DVO) ;

• conserver ou restaurer le plan d'occlusion et surtout ses courbes (Spee et Wilson) après avoir déterminé la position de l'incisive mandibulaire, puis de l'incisive maxillaire ;

• restaurer les conditions d'une normocclusion exigeante, c'est-à-dire :

- rechercher la stabilité occlusale au travers de contacts dento-dentaires uniformément répartis ;

- n'autoriser ni aire de liberté ni proglissement à partir de l'occlusion de relation centrée (ORC) ou de l'occlusion de relation condylienne thérapeutique (ORCT) qui doivent constituer l'occlusion habituelle et l'occlusion d'intercuspidie maximale (OIM) du patient ;

- restaurer un guide antérieur fonctionnel, c'est-à-dire n'autoriser aucune interférence, travaillante ou non travaillante, en latéralité comme en propulsion.

On conçoit aisément que ces thérapeutiques délicates requièrent une temporisation suffisante au constat de la stabilisation et de la pérennité des résultats acquis après la mise en fonction des conditions déterminées et proposées à l'appareil manducateur du patient. La prothèse provisoire temporaire trouve là une de ses indications majeures. Sa conception comme sa réalisation sont soumises aux mêmes exigences que la prothèse d'usage.

La céraplastie prospective dont elle est la réplique doit intégrer toutes les informations et directives thérapeutiques issues du bilan dentaire, parodontal, ostéo-articulaire, psychique et comportemental ainsi que d'une analyse occlusale méthodique, avec examen occlusal, analyse instrumentale (axiographie et MPI), analyse céphalométrique et imagerie. Ses objectifs sont triples [6] :

- centrage des condyles dans les fosses mandibulaires ;

- calage occlusal parfaitement stable ;

- guidage harmonieux.

Elle ne peut se concevoir sans le recours à un articulateur semi-adaptable (ASA) et un montage des modèles le plus souvent en axe réel.

Maintien de la relation mandibulo-crânienne

Si la précaution d'un montage des modèles en axe réel est vivement recommandée dans les cas de grandes restaurations en relation centrée chez des patients exempts de TCM, elle est impérative dès lors que le patient a fait l'objet d'un traitement dysfonctionnel. La détermination de la relation intermaxillaire est aussi plus complexe.

Les pathologies musculaires, réversibles cèdent généralement facilement à un traitement par orthèse de myo-résolution et impliquent des restaurations en relation centrée [7]. Au contraire, la fréquence des récidives dans le traitement des pathologies articulaires inspire la modestie. La position condylienne thérapeutique déterminée ne correspond bien souvent qu'à un centrage sagittal et frontal des condyles dans les fosses mandibulaires, situation d'équilibre à partir de laquelle le patient ne ressent généralement plus de gêne fonctionnelle. Que cette programmation axiale, issue de l'analyse, soit directement effectuée sur le simulateur (fig. 1a et 1b) ou qu'elle soit obtenue par enregistrement intrabuccal, puis transférée lors du montage du modèle mandibulaire, elle doit faire l'objet de la plus grande minutie. La conception et la technique de réalisation des prothèses temporaires doivent ensuite permettre, lors de leur insertion en bouche, un strict maintien de cette situation axiale déterminée. Un contrôle a posteriori, par l'imagerie et l'axiographie, relève de la plus élémentaire prudence.

Restauration de la DV et de la courbe d'occlusion sagittale

La céphalométrie est un élément essentiel de l'analyse dès lors que la téléradiographie permet d'y intégrer le centre de rotation du condyle et le plan de référence axio-orbital (PAO). Elle permet l'appréciation et/ou la détermination :

- de la DVO, de la position de l'incisive mandibulaire et de son bord incisif ;

- de la position de l'incisive maxillaire et de la pente incisive qui est corrélée à la pente condylienne [8]. Une constante de + 10 degrés est attribuée à la valeur issue de l'axiographie. Elle est ensuite diminuée ou majorée de 3 degrés selon que chacun des trois facteurs que sont l'inclinaison du plan d'occlusion, de la pente cuspidienne et la courbe de compensation est respectivement inférieur ou supérieur à la moyenne ;

- de la courbe sagittale de compensation ou courbe de Spee dans la-quelle est inscrit le plan d'occlusion.

La décision d'une modification de la DVO et de son amplitude fait intervenir d'autres facteurs tels que les tests phonétiques, l'analyse du visage et les rapports DVO/couronne clinique et couronne clinique/racine clinique. La prothèse temporaire permet ainsi l'évaluation et le réglage des rapports entre la fonction, l'esthétique et la préservation des structures parodontales [2]. La conservation ou la modification de la courbe d'occlusion sagittale dépend également de l'analyse céphalométrique [9]. La règle de la tangente permet d'optimiser les contraintes occlusales exercées sur les dents postérieures, là où elles sont maximales, en les verticalisant. De ce point de vue, le point de contact idéal le plus postérieur se situe à l'intersection du grand axe de la dent support la plus distale et de sa perpendiculaire passant par le centre de rotation condylien. Les forces y seront parallèles à l'axe de la dent. Afin de souscrire à la même règle, les faces occlusales de toutes les autres dents devront être situées sur l'unique courbe passant par le centre de rotation du condyle, le point de contact le plus postérieur et le bord de l'incisive mandibulaire. Il s'agit de la courbe d'occlusion sagittale idéale (fig. 2). Certaines architectures faciales ne permettent pas d'obtenir ces conditions optimales qui impliquent parfois un allongement coronaire déraisonnable des molaires mandibulaires. Le compromis retenu n'en doit pas moins tendre vers cet objectif.

Mais l'épreuve de la prothèse temporaire peut prévenir les erreurs néfastes. C'est particulièrement le cas dans le domaine de la phonétique, où dimension verticale, plan d'occlusion, anatomie palatine et situation du bord libre des incisives maxillaires sont étroitement liés [10] dans la détermination des espaces phonétiques et du respect de la position naturelle de la langue, lors de la prononciation de phonèmes tels que « Te » et « De ». Le « M » détermine la position de repos mandibulaire et permet d'évaluer l'exposition des incisives dans cette position. « F » et « V » déterminent l'axe vestibulaire du tiers incisif maxillaire et sa relation avec la lèvre inférieure [5]. Le « S », enfin, détermine la dimension verticale phonétique.

Restauration de la normocclusion

La restauration de la normocclusion selon les critères définis précédemment souscrit aux conditions de traitement des malocclusions par la prothèse fixée. Qu'il s'agisse de supraclusies, surplombs, bouts à bouts, articulés inversés, béances, encombrements ou grosses dysharmonies dento-dentaires ou dento-maxillaires, le traitement prothétique présente des limites infranchissables. Au-delà, le recours préalable à l'orthodontie, voire à la chirurgie orthognatique, est incontournable.

La mise en conformité des exigences fonctionnelles et de la situation optimale des faces occlusales avec la réalité de la position et de l'axe des dents supports sur l'arcade constitue la principale difficulté de la thérapeutique prothétique. Toute la subtilité de la céraplastie prospective s'affirme lors du traitement des cas limites où l'anatomie, l'axe et la hauteur coronaire des dents doivent être en harmonie avec les exigences occlusales, phonétiques, esthétiques et prophylactiques. Le test clinique de la prothèse temporaire est là encore essentiel et de nombreuses corrections sont généralement inévitables pour obtenir une situation acceptable. À l'extrême, la prothèse temporaire peut mettre en évidence la nécessité de reconsidérer totalement la proposition thérapeutique (fig. 3a, 3b, 3c, 3d, 3e, 3f, 3g et 3h).

Enfin, elle peut aider à déterminer et tester les besoins de contention des dents supports. La contention est une thérapeutique occlusale et non parodontale et les deux idées qui s'en dégagent, répartition des forces occlusales et neutralisation des forces non axiales [11], répondent parfaitement aux situations limites évoquées précédemment. Si la solidarisation systématique des éléments prothétiques n'est pas souhaitable, diverses indications peuvent, de proche en proche, contraindre à étendre la solidarisation à l'ensemble de l'arcade reconstruite. C'est le cas de :

- la neutralisation des forces s'exerçant sur des dents versées ou en malposition ;

- la présence de prothèses plurales à pont destinées au remplacement des dents absentes ;

- la recherche d'un contact occlusal très excentré ;

- la prévention d'une mobilisation accidentelle de dents au parodonte très diminué.

Conception et réalisation de la prothèse temporaire

La conception, la réalisation et la mise en place de la prothèse temporaire doivent répondre à des critères rigoureux. Seules une parfaite fidélité de reproduction de la céraplastie prospective et une mise en place appropriée peuvent permettre de préserver la position condylienne ou position axiale déterminée et les conditions statiques de la normocclusion que sont stabilité occlusale et absence d'aire de liberté ou de proglissement. Toute correction clinique est illusoire alors que dans les cas de restauration en relation centrée, une simple équilibration aux dépens de la résine acrylique peut suffire à compenser un éventuel décalage survenu lors de la mise en place. Contrairement aux dents naturelles, la technique est d'ailleurs réversible, puisque l'adjonction de résine autorise toutes les corrections, de l'inocclusion localisée à l'augmentation de la DVO.

Après une simulation de la préparation des dents sur les modèles, la céraplastie prospective fait appel aux techniques bien connues de construction des faces occlusales par addition de cire. La restauration débute par les dents antérieures. Les incisives mandibulaires, d'abord, lorsqu'elles sont concernées par les besoins prothétiques, puis les incisives maxillaires en respectant la situation optimale du bord libre, la forme du cingulum et la pente incisive. Suivent ensuite les canines, la pente fonctionnelle des antérieures maxillaires définie par rapport au plan axio-orbital étant restituée à l'aide d'une table incisive mécanique orientable. La construction des secteurs cuspidés doit permettre la restauration de la courbe sagittale d'occlusion selon le principe de la tangente et l'usage d'un gabarit issu de l'analyse céphalométrique est nécessaire. Le tripodisme excessif des gnathologistes, de Lundeen ou l'occlusion organique de Thomas ont cédé la place à une occlusion plus réaliste, basée sur le constat d'un tripodisme naturel limité aux premières molaires et privilégiant l'occlusion dynamique [12], voire l'occlusion fonctionnelle [13], pour une fonction optimisée. Toutefois, le guidage vers une occlusion d'intercuspidie maximale parfaitement stable et invariable est indispensable au centrage condylien selon les conditions axiales retenues.

La méthode la plus connue pour transposer la céraplastie prospective en prothèse temporaire est aussi une des plus complexes par sa séquence clinique, mais des plus rigoureuses et fiables par son résultat. Elle a été largement diffusée depuis le début des années 1970 par Yuodelis [1, 3]. Elle consiste à prendre l'empreinte de chaque arcade construite en cire et y déposer un solide fil métallique de renfort opacifié ou une tresse de matériau synthétique de type kevlar [14], puis à y couler un dégradé de résines choisies à partir d'une teinte de base appropriée. L'arcade acrylique qui en résulte est ensuite polie, puis très largement évidée en prenant grand soin de préserver le bord cervical des cupules ainsi obtenues [3, 15] (fig. 4a et 4b). Celui-ci sert de repère de positionnement et de réglage de la hauteur coronaire et, par voie de conséquence, de moyen de contrôle de la DVO lors de la séquence clinique. Au cours de cette dernière, un rebasage des cupules sur les dents préparées est effectué avec le même dégradé de résines, non sans avoir au préalable protégé leurs extrados par un badigeonnage de vaseline. Après polymérisation, la pièce prothétique est déposée, puis soigneusement polie après que les excès ont été éliminés en respectant scrupuleusement le rebord cervical.

La technique peut être quelque peu améliorée, principalement dans le domaine de l'insertion des cupules avant le rebasage et de la fidélité du transfert de la situation axiale thérapeutique et de reproduction des conditions occlusales déterminées :

- un surdimensionnement de la périphérie aux collets des dents intéressées par la céraplastie permet de compenser la soustraction réalisée lors du polissage précédant l'évidement de la résine ;

- lors de la simulation de préparation des dents préalable à la céraplastie, des gorges de positionnement sont pratiquées dans le plâtre des modèles préparés et des duplicatas sont fabriqués. L'empreinte de la céraplastie est réalisée avec un élastomère lourd, renforcée et investie de résine, puis positionnée sous pression sur le duplicata. La résine est polymérisée dans une enceinte sous atmosphère (fig. 5a, 5b et 5c). Cette méthode facilite grandement l'évidement des cupules et améliore leur insertion ;

- la stricte correspondance du bord cervical des cupules avec le rebord gingival, garante de la conservation des relations programmées sur le simulateur, est réglée au niveau de quelques supports stratégiquement choisis. Après contrôle de l'absence de perturbation à l'insertion, la réalisation de petites cales acryliques dans les intrados correspondants permet d'assurer le guidage et le calage des cupules.

Toutefois, la fastidieuse finition qui s'ensuit peut être dissuasive.

Une seconde méthode, particulièrement intéressante du point de vue de la fidélité de conservation des conditions axiales et occlusales thérapeutiques, est celle décrite par Orthlieb [16] (fig. 6a et 6b). Des chapes unitaires en résine acrylique autopolymérisable sont réalisées en clinique sur chacune des dents supports préparées. Elles présentent des tables occlusales planes sur lesquelles quelques gouttes de résine de type Duralay seront déposées afin de permettre l'enregistrement des relations intermaxillaires déterminées. Des empreintes de situation sont coulées et les modèles montés en axe réel sur un simulateur. La céraplastie prospective est effectuée par-dessus les chapes, les tables acryliques servant de base à la construction des faces occlusales. Puis des clés sont réalisées et la cire est éliminée. De la résine thermopolymérisable est placée dans les clés et pressée sur les chapes. Après cuisson, les prothèses provisoires sont équilibrées sur l'articulateur, puis finies et polies.

Il apparaît clairement que l'objectif essentiel de ces deux techniques de confection des prothèses temporaires reste la recherche d'une parfaite précision d'insertion et de positionnement afin de garantir la fidélité de transfert des rapports occlusaux déterminés. Cet impératif impose incontestablement une phase clinique. En effet, les variations dimensionnelles des résines et surtout les imprécisions liées à l'empreinte ne permettent pas aux prothèses exclusivement réalisées au laboratoire de rivaliser dans ces domaines avec les techniques décrites. Elles doivent préalablement être rebasées, ce qui en limite l'avantage et pose à nouveau le problème du repérage de leur position, le rebord gingival ne pouvant plus jouer ce rôle.

Enfin, on constate que, malgré des problèmes aisément contournables de polymérisation perturbée par les ciments provisoires à base d'eugénol lors des rebasages ultérieurs, la résine acrylique et ses dérivés les plus récents demeurent les matériaux de choix. Ils présentent un éventail de teintes variées et semblent les plus appropriés à la réalisation de prothèses temporaires esthétiques, imposées par la durée des traitements de grande étendue [14, 17, 18].

Prothèse temporaire et stratégie prothétique

L'aspect occluso-fonctionnel étant généralement essentiel dans les grandes restaurations, nous préconisons, pour notre part, de procéder le plus rapidement possible à la conception et à la mise en fonction des prothèses temporaires. Les thérapeutiques associées peuvent ensuite être conduites selon le protocole établi et la prothèse d'usage réalisée à l'issue du test clinique de la temporisation [3]. D'autres, au contraire, préfèrent effectuer tous les soins endodontiques avant la temporisation pour des raisons techniques liées à la pose de la digue. Ensuite, lors de la préparation des dents, des reconstructions corono-radiculaires de type inlay-core sont réalisées sur les dents traitées, par-dessus lesquelles la prothèse provisoire est mise en place.

Si cette technique présente l'avantage de protéger les dents dépulpées, elle contraint à décider un peu vite du traitement de dents que l'on pourrait peut-être conserver vitales. De plus, à l'issue du test clinique de la prothèse temporaire, l'axe des inlays peut se révéler inadéquat, obligeant à les desceller et à les remplacer.

Orthlieb distingue deux étapes :

- la prothèse provisoire de première intention, de conception traditionnelle [19], au cours de laquelle sont conduits les traitements pluridisciplinaires préprothétiques ;

- la prothèse temporaire, réalisée dans les conditions décrites précédemment. Cette démarche coûteuse privilégie l'aspect occlusal de la réhabilitation, mais allonge d'autant la durée du traitement en retardant le début du test clinique fonctionnel. De plus, les thérapeutiques préprothétiques ne sont pas menées dans les conditions optimales de restauration, ne pouvant être corrélées à la proposition thérapeutique définie par la céraplastie.

Chacun choisira sa solution en pleine connaissance des avantages et des inconvénients. Il nous apparaît d'ailleurs que la combinaison des deux méthodes décrites peut se révéler idéale. Le recours à des coiffes immédiates transitoires, pour aboutir au plus vite à la mise en place de la prothèse temporaire conçue selon Orthlieb doit autoriser une conduite plus bénéfique des thérapeutiques associées, toutes étroitement liées. Il est toutefois essentiel de se souvenir que les manipulations répétées, et en particulier scellements et rebasages, sont source d'erreurs quant au positionnement des prothèses et doivent être effectuées avec la plus extrême minutie. Pour conclure quant à la fonction thérapeutique de la prothèse temporaire dans le domaine occluso-fonctionnel, on comprend qu'elle soit primordiale et qu'elle doive faire l'objet d'autant de soins que la prothèse d'usage, dans sa conception, sa réalisation, son adaptation, mais également sa fiabilité dans le temps. Or, si l'abrasion des faces occlusales est généralement peu sensible, il existe des patients à risques. Tout comme les parodontopathes, certains patients para-fonctionnels constituent un réel danger pour la pérennité de nos restaurations, et en particulier pour la prothèse temporaire. C'est le cas des bruxomanes [20, 21], mais surtout des patients qui présentent une hyperactivité masséterine et exercent un serrage des dents relativement statique mais quasi permanent, en développant des forces occlusales considérables. Nous avons tous, dans notre exercice, fait l'expérience de ces malades qui reviennent chaque semaine avec des prothèses provisoires fracturées. Plutôt que de s'épuiser inutilement à réparer, il est de loin préférable de concevoir d'emblée des prothèses temporaires à faces occlusales métalliques coulées, qui assurent simultanément protection, rigidité et maintien des conditions occlusales déterminées (fig. 7a, 7b et 7c). Il va de soi que la prothèse d'usage doit faire l'objet des mêmes précautions et que le matériau céramique doit être protégé et limité aux secteurs les plus esthétiques.

La prothèse temporaire, alliée de l'orthodontie

La mise en place de la prothèse temporaire à l'issue de l'orthodontie afin de contenir les dents déplacées constitue l'aspect principal de sa participation à cette thérapeutique. A priori incompatibles simultanément, les deux techniques peuvent cependant entretenir des rapports étroits :

- en présence d'altérations coronaires périphériques et autres maladies de l'émail, la thérapeutique orthodontique préprothétique ne peut être menée qu'après mise en place de prothèses temporaires de première intention [22] ;

- d'autres situations complexes impliquent, lors de la simulation préalable, la réalisation d'une céraplastie prospective sur l'une des deux arcades et d'un « set-up » sur l'autre (fig. 8a et 8b). Après la mise en place des deux dispositifs, l'arcade prothétique sert de guide au traitement antagoniste. Des élastiques, atouts techniques majeurs de cette thérapeutique plus ingénieuse qu'orthodoxe, peuvent même être tendus de l'une à l'autre, l'ancrage prothétique constituant un point d'appui fiable du fait de son aspect fréquemment plural [23] ;

- l'association unimaxillaire céraplastie - « set-up » conduit à des dispositifs intra-arcades localisés. Collés sur les coiffes acryliques, ils autorisent le déplacement d'une ou plusieurs dents, d'une racine ou encore l'extrusion forcée d'un élément dentaire ou radiculaire (fig. 9a, 9b, 9c, 9d, 9e et 9f) ;

- enfin, des dispositifs intraprothétiques de type ressort permettent le déplacement soit par simple rotation autour de l'hypomoclion soit par translation d'une racine après section ou amputation corono-radiculaire (fig. 10a, 10b et 10c).

Prothèses temporaires, thérapeutiques parodontales et muco-gingivales

Si la prothèse temporaire ne peut prétendre jouer un rôle actif sur la cicatrisation parodontale, une morphologie prothétique favorisant l'accès à l'hygiène, un ajustage et une finition cervicale minutieuse sont autant de facteurs favorisant un retour à la santé des tissus de soutien. Mais il suffit d'avoir pu apprécier une seule fois la facilité d'exécution d'une intervention parodontale dans un secteur aux dents préparées - et donc exemptes de point de contact après dépose de la prothèse provisoire - pour comprendre l'intérêt de réaliser ces traitements après la mise en place de la prothèse temporaire [2, 3]. La stabilisation par une prothèse provisoire plurale peut cependant se révéler sécurisante dans le cas d'interventions concernant des secteurs aux dents fortement mobiles et assurer leur protection pendant la cicatrisation jusqu'au retour à une mobilité permanente réduite et acceptable.

Ces remarques ne sont pas réservées aux grandes restaurations et restent valables quelle que soit l'étendue de la thérapeutique prothétique. Par contre, et bien que la contention soit avant tout une thérapeutique occlusale, l'aspect plural de la prothèse provisoire de grande portée et son caractère temporaire lui confèrent un intérêt non négligeable dans le domaine de la parodontologie. En effet, une des indications majeures de la contention prothétique n'est pas la stabilisation des dents à la mobilité accrue permanente, excessive et, à terme, condamnées, mais la prévention d'une mobilisation accidentelle des dents au parodonte trop diminué [11, 24]. Cette indication reste valable pour la prothèse temporaire comme pour la prothèse d'usage et les habitués des grandes restaurations savent quel enthousiasme et quelle satisfaction durable peut apporter le traitement prothétique d'importantes alvéolyses horizontales lorsqu'il est bien mené et qu'une parfaite maintenance est assurée [2, 3].

Le traitement prothétique des lésions inter-radiculaires, imposant sections et amputations corono-radiculaires, oblige également à recourir à la contention. De plus, l'architecture prothétique, parfois complexe, qui en résulte doit répondre à des exigences prophylactiques draconiennes. Le test clinique est primordial et l'adaptation architecturale inévitable.

Dans le domaine muco-gingival, des corrections plus ou moins importantes peuvent s'avérer nécessaires à l'harmonie des formes et de l'alignement des collets et des papilles, en rapport avec l'anatomie cervicale des dents et l'harmonie des embrasures (fig. 11a, 11b, 11c, 11d, 11e, 11f, 11g, 11h et 11i). La symétrie est une notion souvent oubliée et pourtant inséparable de l'harmonie et de l'esthétique dans l'espèce humaine.

Enfin, à l'issue des traitements parodontaux et muco-gingivaux, la temporisation doit laisser s'opérer la stabilisation de l'espace biologique et du maintien des rapports gingivo-dentaires, conditions indispensables pour des restaurations esthétiques durables.

Endodontie et prothèse provisoire sont-elles incompatibles ?

Comme pour l'accès au champ d'intervention en parodontologie, il nous semble avantageux de pouvoir travailler sur des dents préalablement préparées, la visibilité et l'accès à la chambre pulpaire comme à l'entrée des canaux s'en trouvant grandement facilités. Cependant, l'absence de rétention périphérique d'une dent préparée peut être un obstacle à la mise en place de la digue. Bien que cet écueil puisse être rapidement surmonté par collage de deux gouttes de composite, destinées à retenir le latex et aisément éliminées en fin de séance clinique, le problème reste entier lorsque le délabrement coronaire est plus important et se situe au niveau du rebord gingival.

On l'a vu précédemment, cet inconvénient peut amener à reconsidérer la stratégie prothétique et à effectuer tous les soins endodontiques avant la temporisation. Mais, si le choix systématique de dépulper les dents supports vitales n'est pas souhaitable, le thérapeute sera toujours confronté aux impondérables et contraint à procéder secondairement au traitement de dents prévues pour être conservées vitales. Ainsi, bien que discipline très spécifique, l'endodontie n'en entretient pas moins des rapports étroits avec la prothèse provisoire.

L'essayage, précieux atout de l'esthétique

Notre propos n'est pas ici de traiter de l'esthétique. Cependant, il nous semble tout aussi prétentieux qu'hasardeux de prétendre réussir, sans essayage, une restauration à la fois esthétique et fonctionnelle lorsque l'on ne dispose plus de repère, les dents étant souvent toutes préparées dans les grandes réhabilitations [25]. Les spécialistes de la prothèse amovible totale le savent bien. Ils tirent parti du bourrelet d'occlusion pour déterminer et enregistrer nombre d'informations indispensables à la réussite telles que la forme de l'arcade, la situation des milieux, l'axe, la longueur et la largeur des dents, la situation du bord incisif, etc.

La prothèse temporaire acrylique constitue un atout précieux de cette phase analytique et expérimentale. Modifiable à l'infini, rapidement et simplement, au fauteuil comme au laboratoire, par addition comme par soustraction, elle permet également d'analyser, d'adapter, puis de tester l'axe d'émergence, l'anatomie cervicale en fonction de la forme du feston gingival et de la papille, l'harmonie des formes et la symétrie, mais aussi la teinte et ses subtilités [26]. Des corrections muco-gingivales, déjà évoquées précédemment, peuvent s'avérer nécessaires. Enfin, la fonction phonétique ne doit pas être oubliée. Dépendante de la DVO, du plan d'occlusion, de l'anatomie palatine des dents et des pontics, des embrasures parfois excessives et de la situation du bord incisif, elle doit intégrer les exigences esthétiques et prophylactiques. Malgré un grand pouvoir d'adaptation des patients en ce domaine, son réglage peut se révéler d'une extrême délicatesse (fig. 12a, 12b, 12c, 12d, 12e et 12f)

Prothèse provisoire et conception prophylactique des dents

La pérennité des travaux prothétiques fixés, quelle que soit leur portée, dépend essentiellement de la santé des tissus parodontaux et, par conséquent, de l'élimination des produits bactériens accumulés au niveau de la zone cervicale. Les efforts du thérapeute doivent porter sur trois points :

- le joint dento-prothétique qui détermine le joint de ciment, surface éminemment favorable à l'adhésion bactérienne. Dans le domaine de la prothèse provisoire acrylique, seule sa réalisation clinique peut lui assurer la finesse souhaitée. Un strict polissage des extrados prothétiques est également de règle [1, 27] ;

- l'architecture prothétique dont on a vu précédemment qu'elle peut atteindre une complexité excessive et qu'elle doit être simplifiée jusqu'à remettre en cause la stratégie thérapeutique et privilégier l'ouverture des embrasures (fig. 13a, 13b, 13c, 13d, 13e et 13f). L'usage des brosses, brossettes, fils et autres outils de la maintenance peut en être grandement facilité. La présence de ce matériel dans les laboratoires est d'ailleurs indispensable au choix du meilleur compromis esthétique et prophylactique [15] ;

- l'harmonie d'alignement des collets et des axes d'émergence ainsi que la symétrie anatomique des faces proximales au niveau des embrasures gingivales sont autant de conditions favorables à l'élimination des produits bactériens (fig. 13a, 13b, 13c, 13d, 13e et 13f). Les encombrements, versions et autres malpositions constituent des conditions d'hygiène difficiles où la thérapeutique orthodontique est généralement plus appropriée.

Ainsi, dans bien des domaines, l'harmonie des arcades est un objectif prépondérant des grandes restaurations.

Prothèse temporaire et implants

Élément révolutionnaire et aujourd'hui courant de l'arsenal thérapeutique prothétique, l'implant, par la conduite de sa thérapeutique et par sa spécificité, ne peut se concevoir sans le recours à la prothèse provisoire temporaire. Reculant les limites de la prothèse fixée, l'implant permet, dans le cadre des grandes restaurations, de réduire l'usage frustrant des techniques combinées et de modifier radicalement la conception prioritairement amovible de certains cas d'édentements importants, voire totaux.

La temporisation s'exprime diversement selon les conditions et l'avancement de la thérapeutique [28] :

- fixée ou amovible, elle peut servir de référence à la conception du guide chirurgical (fig. 11a, 11b, 11c, 11d, 11e, 11f, 11g, 11h et 11i, 14a, 14b et 14c) ;

- durant la phase d'intégration, elle peut également, en fonction de l'importance et de la situation de l'édentement, être fixée ou amovible ;

- il en est de même après le deuxième temps chirurgical, c'est-à-dire la découverte des implants et avant la mise en fonction ;

- elle deviendra enfin exclusivement fixée lors de la mise en fonction (fig. 15a, 15b, 15c, 15d, 15e, 15f, 15g et 15h).

Le concept progressif de cette mise en charge, préconisé par nombre d'auteurs, apparaît aujourd'hui discutable quant à son aspect préventif et atténuateur des forces occlusales par utilisation de matériaux résineux. Il n'en souligne pas moins l'indispensable sentiment de prudence qui doit guider les pas du thérapeute. L'usage de prothèses acryliques semble, en effet, devoir être contesté à moyen comme à long terme [29] et la littérature fait état de restaurations conduites avec succès sans le recours à la prothèse provisoire [30]. Mais, la complexité de la thérapeutique occluso-fonctionnelle des grandes restaurations, particulièrement en présence de TCM, impose une phase d'essai. C'est également le cas de leur traitement pluridisciplinaire ou de la gestion esthético-gingivale délicate des éléments implanto-supportés.

La temporisation prend une nouvelle fois tout son sens expérimental. Le test clinique qu'elle autorise est essentiel dans le domaine occlusal, où l'absence de résilience implantaire implique une stratégie spécifique, dépendante de la quantité et de la situation des implants par rapport aux supports naturels, mais aussi de la résilience physiologique des dents sous l'effet des forces occlusales. La présence majoritaire et stratégique des implants est sans conséquence occlusale pour les dents naturelles qui se trouvent protégées des contraintes verticales. La situation inverse oblige à limiter l'intensité de participation des éléments implanto-supportés lors de forces occlusales légères, afin de leur éviter un traumatisme néfaste lors de l'amortissement axial des forces occlusales intenses par les dents. Les situations intermédiaires sont plus délicates à régler, et particulièrement les cas aux supports de nature asymétrique. Enfin, la connexion des éléments dento- et implanto-supportés, longtemps décriée, doit s'inspirer tout autant des exigences occlusales décrites précédemment que des règles de la contention et peut s'avérer aussi bénéfique que nécessaire.

La prothèse temporaire assure bien d'autres fonctions. Il en est ainsi du réglage souvent difficile de l'anatomie coronaire en fonction des impératifs esthétiques et des rapports gingivo-implantaires [31] ou bien du simple maintien du ciment chirurgical au niveau des zones d'interventions muco-gingivales péri-implantaires. Mais la subtilité des exigences occlusales et fonctionnelles suffit à mettre en évidence l'importance thérapeutique de la prothèse temporaire. Les odontologistes ne peuvent l'ignorer sans accroître singulièrement leurs risques d'échecs en matière de restaurations implanto-supportées ou à supports mixtes.

Conclusion

Pour être pleinement efficace, la thérapeutique prothétique conduite tout au long de la temporisation doit s'attacher à constituer une source de données à l'intention du thérapeute et du prothésiste. Les modèles de la version finale des prothèses provisoires, témoins des adaptations et remodelages successifs, sont montés alternativement sur l'articulateur, en face des modèles de travail destinés à la réalisation de la prothèse d'usage afin de servir de référence.

Si nous avons, au cours de cette étude, privilégié l'aspect éminemment occluso-fonctionnel du rôle thérapeutique de la prothèse provisoire dans les grandes restaurations, nous avons considéré qu'il était hors de propos de développer davantage le concept plus général de la réhabilitation de l'appareil manducateur et avons, au contraire, voulu en souligner le caractère pluridisciplinaire incontestable.

L'exercice des grandes restaurations, plus que tout autre domaine de l'odontologie, est rarement confronté aux situations idéales. L'origine plurifactorielle des pathologies bucco-dentaires impose la recherche permanente du meilleur compromis, c'est-à-dire du meilleur résultat pour le moindre coût thérapeutique. Si la réhabilitation d'une fonction harmonieuse optimisée constitue le principal objectif, la restauration et la préservation simultanée des structures dentaires et parodontales ainsi que la satisfaction des exigences esthétiques légitimes relèvent souvent de la gageure.

Les nombreuses occasions de se fourvoyer dans la conduite de ces travaux importants, ou même de moins ambitieux, devraient pousser à la prudence et interdire de négliger l'usage de la prothèse temporaire, d'autant qu'en odontologie, les problèmes évoluent en général lentement et silencieusement et que le temps est nécessaire à leur observation.

La prothèse provisoire constitue ainsi la phase essentielle de la thérapeutique prothétique et il serait souhaitable que notre profession en prenne enfin conscience.

Remerciements : les auteurs remercient vivement M. Jean-Michel Souchet, prothésiste dentaire à Lorient, pour son concours passionné et dévoué de longue date et la réalisation technique de la majorité des travaux présentés. Ils remercient également M. le Professeur Jean-Claude Quemar, chef du service de réhabilitation fonctionnelle odontologique du Centre de soins dentaires du CRHU de Rennes ainsi que l'ensemble de l'équipe du laboratoire de prothèse conduite par M. Yves Gastard.

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