La préparation des surfaces d'appui : rôles de la prothèse complète amovible transitoire - Cahiers de Prothèse n° 104 du 01/12/1998
 

Les cahiers de prothèse n° 104 du 01/12/1998

 

Prothèse amovible complète (ou totale)

Claire Lassauzay *   Jean-Luc Veyrune **   Jacques Lescher ***  


* Assistant, MCU-PH
** Assistant, MCU-PH
Service Prothèse
Faculté de chirurgie Dentaire
11, boulevard Charles De Gaulle
63000 Clermont-Ferrand

Résumé

Les surfaces d'appui des prothèses complètes amovibles sont soumises à de nombreuses agressions qui altèrent leur qualité et surtout leur capacité à supporter les prothèses. L'origine des problèmes rencontrés est multiple, se situant aux niveaux muqueux, fibromuqueux et osseux, mais également aux niveaux pathologique ou médicamenteux. Les prothèses complètes amovibles transitoires sont un élément prépondérant de la mise en condition tissulaire en redonnant aux tissus de soutien un environnement favorable à leur bonne santé, en orientant la cicatrisation après une chirurgie préprothétique, en étant support des résines retard ou des médications à action locale. L'utilisation de prothèses amovibles transitoires, associées ou non à des résines retard, permettra de résoudre la majorité des problèmes rencontrés au niveau des tissus de soutien. Dans les cas de pathologies plus sévères de la cavité buccale (lésions cancéreuses, xérostomie, irradiation), l'indication de leur utilisation ainsi que la décision d'appareiller seront soumises à l'approbation des praticiens qui ont en charge ces maladies et leur traitement.

Summary

Preparation of the bases: roles of the transitional removable full denture

The joint full denture bases undergo numerous strains which alter their quality and especially their ability to support those prostheses. The origin of the encountered problems is located on the mucous, fibromucous and bone levels as well as on the pathological and medicinal levels. The transitional removable full dentures are a preponderant element for the tissue conditioning. They give back to the support tissues the occlusal environment favourable to their good health. They go with the preprosthetic surgery by favouring and orientating healing. They serve as a support for tissue conditioner or for medication with local action meant to treat the different pathologies which affect the support tissues. The use of transitional full dentures whether they are associated to tissue conditioner or not will enable to solve the majority of the problems encountered on the support tissues. In the case of more serious pathologies of the oral cavity (cancerous lesions, xerostomy, radiation), the indication to use them as well as the decision to put a denture will be through the approval of the practitioners who are in charge of these diseases and of their treatment.

Key words

bases, full denture, tissue conditioner, transitional denture

Ni la prévention, ni la progression des moyens techniques de restauration et/ou de remplacement des dents ne permettent d'éviter, à terme, la prothèse complète amovible à bon nombre de nos patients. L'allongement de la durée de vie de la population n'est pas étrangère à ce phénomène. Les prothèses transitoires totales, soit immédiates soit issues d'anciennes prothèses ou évoluant en fonction des ultimes extractions, sont un élément déterminant de la bonne intégration de nos prothèses dites définitives. Nous définirons les différents objectifs de ce type de prothèses ainsi que leur intérêt dans la préparation préprothétique et l'adaptation anatomo-fonctionnelle de nos restaurations. En l'illustrant de cas cliniques, nous décrirons plus précisément les indications et les techniques de préparation des tissus de soutien à l'aide de ces prothèses de mise en condition.

Objectifs d'une prothèse complète amovible transitoire

Les objectifs, classés selon leur importance à nos yeux, sont au nombre de cinq :

- mise en condition neuromusculaire et neuroarticulaire ;

- préparation des surfaces d'appui ;

- pérennisation des fonctions ;

- prothèse de diagnostic ;

- mise en condition psychologique.

Mise en condition neuromusculaire et neuroarticulaire

La conservation ou la reconstitution d'un environnement occlusal physiologique accepté est un des objectifs essentiels des prothèses transitoires. La mise en place de déterminants occlusaux correctement évalués (dimension verticale, relation centrée, plan d'occlusion, intercuspidie maximale) induit une véritable rééducation neuromusculaire et neuroarticulaire. Grâce à cela, on obtient une répartition des charges occlusales, tant sur le plan statique que dynamique, indispensable à la mise en condition tissulaire (fig. 1 et 2).

Préparation des surfaces d'appui

Il faut rendre aux surfaces d'appui toute leur capacité à soutenir les bases prothétiques et à participer à leur rétention :

- en regagnant et en exploitant au maximum l'espace passif utile [1, 2] ;

- en améliorant la fibro-élasticité des tissus de revêtement ;

- en remodelant les contours ostéo-muqueux des sites extractionnels ou post-chirurgicaux. Il s'agit de donner ou de rendre au tissu de revêtement de la surface d'appui un comportement compatible avec la restauration prothétique (fig. 3).

Pérennisation des fonctions

En pérennisant les fonctions de mastication, phonation et esthétique, ces prothèses favorisent les rapports sociaux affectifs de nos patients et, par là même, leur bon équilibre psychologique.

Prothèse de diagnostic

Véritables « patrons » des réalisations définitives, ces prothèses transitoires sont un moyen unique d'enregistrement des réactions du patient aux propositions fonctionnelles et esthétiques qui lui sont faites. Elles permettent au praticien d'évaluer l'ensemble des difficultés techniques présentées par le traitement en cours.

Mise en condition psychologique

Les prothèses totales transitoires contribuent, pour l'essentiel, à établir une communication susceptible d'optimiser les rapports praticien patient [3].

Indications des prothèses totales amovibles transitoires

Nous distinguons deux grandes indications :

- les patients édentés non appareillés : ils nécessitent la réalisation d'une prothèse complète amovible évolutive qui permettra de créer une situation plus favorable à la réalisation d'une prothèse convenable tant sur le plan des rapports intermaxillaires que de la qualité des surfaces d'appui. Elle joue alors, pleinement, le rôle de prothèse de diagnostic ;

- les patients présentant des prothèses de conception erronée, instables et traumatisantes, risquant de compromettre le bon déroulement de la réalisation de la nouvelle prothèse : ce sont, le plus souvent, les prothèses d'usage existantes qui vont être modifiées afin de remplir le rôle de prothèses transitoires, dans la mesure où les rapports intermaxillaires sont satisfaisants ou peuvent être aisément et rapidement modifiés.

Pathologies des tissus de soutien et conduite à tenir

L'origine des problèmes rencontrés au niveau des surfaces d'appui est de trois ordres :

- muqueuse et fibromuqueuse ;

- osseuse ;

- pathologique ou médicamenteuse.

La conduite à tenir fait intervenir trois techniques :

- chirurgie préprothétique ;

- résines retard ou bases souples ;

- médications.

Anomalies muqueuses et fibromuqueuses

Ce sont :

Les hyperplasies vraies

Elles siègent dans les zones de réflexion muqueuse ou sur les versants des crêtes. Leur étiologie est souvent d'origine traumatique, provoquée par le port d'une prothèse mal équilibrée ou inadaptée (entraînant des surcharges occlusales et une sollicitation anarchique de la fibromuqueuse) (fig. 4 et 5).

Les crêtes flottantes

Elles sont souvent dues à la persistance d'un bloc incisivo-canin mandibulaire, opposé à une prothèse complète amovible maxillaire, entraînant dans le secteur antérieur une surcharge occlusale. La muqueuse est désinsérée du périoste sous-jacent et elle permet la mobilisation de la prothèse lors des mouvements de mastication (fig. 6).

Les trigones rétromolaires et les tubérosités flottants

Elles trouvent leur origine dans un recouvrement prothétique insuffisant.

Les diapneusies

Ce sont des hernies muqueuses qui se sont développées près de prothèses mal ajustées (fig. 7).

Les brides et les freins importants

Les brides sont généralement présentes dans le vestibule. Plus ou moins dépressibles, elles gardent une tonicité qui repousse les prothèses ; elles sont fréquemment le siège de blessures. Elles peuvent être d'origine cicatricielle consécutive à une intervention chirurgicale et rendent alors très difficile la réalisation prothétique (fig. 8 et 9).

Les altérations muqueuses liées aux systèmes de rétention ou de décharge

La muqueuse s'est invaginée dans les décharges présentes dans l'intrados prothétique maxillaire (fig. 10 et 11).

Quelles sont les conduites à tenir face à ces anomalies ?

• Modification des prothèses d'usage

Il s'agit de supprimer ou de corriger, dans un premier temps, les distorsions occlusales, en particulier les contacts occlusaux antérieurs, mais aussi une dimension verticale erronée ou une mauvaise orientation du plan d'occlusion [3] (fig. 12).

On peut aussi rectifier la situation des bords prothétiques en regard des blessures, augmenter la surface des bases prothétiques qui sera étendue à la totalité de la surface d'appui exploitable (fig. 13, 14, 15 et 16).

• Les résines retard et les bases souples

Il existe un grand nombre de résines retard. Leur composition et leur préparation, en particulier le ratio poudre/liquide, influencent les propriétés physico-chimiques de ces matériaux et modifieront les indications de leur utilisation [4]. Certaines seront plus adaptées à la réalisation d'empreintes tertiaires qu'à la mise en condition tissulaire.

Grimonster [5] établit le cahier des charges d'un conditionneur tissulaire. Pour lui, il doit :

- disposer d'un haut fluage initial pour mouler les tissus ;

- gélifier relativement lentement ;

- répartir uniformément les pressions ;

- absorber une partie des contraintes occusales ;

- continuer à fluer pour s'adapter aux modifications de forme des tissus.

Il faut donc qu'il soit relativement flexible et peu élastique. Toujours ® d'après Grimonster, le Coe-Confort® (GC) et le Viscogel® (De Trey Dentsply) sont considérés comme étant les meilleurs conditionneurs tissulaires et SR Ivoseal® (Ivoclar) avec le Fitt® de Kerr seraient plutôt des matériaux d'empreintes fonctionnelles. Ces propos sont confirmés par les études de De Mot et al. [6] pour qui le Viscogel® apparaît être le meilleur conditionneur de tissus en raison de sa plasticité au cours des premières heures, suivie d'un comportement élastique durant une longue période. Ces matériaux permettent aux tissus de retrouver des caractéristiques histologiques, anatomiques et physiologiques se rapprochant le plus de la normale. L'utilisation des résines retard est limitée dans le temps en raison de leur colonisation par de nombreux micro-organismes, Streptococcus mutans et Candida albicans notamment, et doivent donc être fréquemment remplacées [7]. Cette colonisation est beaucoup plus importante que pour les résines conventionnelles [8].

Les matériaux souples permanents, quant à eux, demandent un traitement particulier au laboratoire. Ils seront plutôt utilisés pour répondre à certaines conditions cliniques particulièrement défavorables, telles que des crêtes extrêmement résorbées recouvertes d'une muqueuse très fine qui sera sujette au pincement par la prothèse. L'utilisation de ces matériaux est développée par Montal et al. [9].

• La chirurgie préprothétique

Elle devient nécessaire :

- quand les corrections prothétiques et l'utilisation des résines retard n'ont pas amené d'amélioration au niveau des lésions ;

- quand l'obstacle muqueux s'oppose à l'insertion de la prothèse ;

- quand l'obstacle muqueux compromet la rétention, la sustentation ou la stabilité de la prothèse, comme pour les fibromuqueuses flottantes entraînant une mobilité. Il convient toutefois d'être réservé dans l'indication de la chirurgie, une crête flottante assurant parfois une certaine adhésion de la prothèse. Lorsque la chirurgie préprothétique s'impose, elle ne doit pas être trop mutilante et il faut éviter les résections intempestives qui réduisent dramatiquement la profondeur des vestibules ;

- quand les brides et les freins interfèrent sur la stabilité de la base prothétique. Le praticien devra effectuer une résection des brides et des freins en cause et, dans quelques cas, l'intervention sera complétée par un approfondissement vestibulaire ;

- quand l'obstacle muqueux n'est pas compatible avec l'orientation du plan d'occlusion : grosses tubérosités fibreuses compromettant le montage des secteurs cuspidés.

Dans tous les cas, immédiatement après l'acte chirurgical, la prothèse complète amovible transitoire peut être rebasée à l'aide de ciment chirurgical (Coe-Pack® de GC) ou de Viscogel®.

Anomalies osseuses

Elles consistent en :

- la persistance de fragments dentaires, de dents incluses, de dents résiduelles ;

- la présence de contre-dépouilles ;

- les irrégularités de la crête : elles sont sources de douleurs chroniques et d'inconfort dans le port des prothèses. Ces irrégularités sont la conséquence de la persistance de l'os interdentaire après l'avulsion des dents. La muqueuse recouvrant ces spicules osseux est fine, sensible, prise en étau entre l'os et la base prothétique ;

- la présence de tori : il s'agit d'ex-croissances osseuses, localisées au maxillaire au niveau de la suture de la voûte palatine, sur le versant lingual de la crête alvéolaire à la mandibule. La muqueuse qui les recouvre est généralement fine et sensible à la pression.

Quelles sont les conduites à tenir face à ces anomalies ?

• Les dents et racines incluses

La grande majorité des dents incluses doivent être extraites, surtout chez le sujet jeune. Pour les sujets âgés, si la zone ne présente pas d'image radiologique pathologique et si la perte osseuse consécutive à l'avulsion est importante, l'abstention peut être de mise, à condition d'assurer une surveillance radiologique régulière.

Les fragments dentaires et les dents résiduelles sont extraits et une chirurgie de régularisation modérée des crêtes est effectuée si nécessaire.

• Les contre-dépouilles

La règle voudrait que l'on intervienne seulement lorsque les contre-dépouilles sont bilatérales, une tubérosité de contre-dépouille unilatérale étant considérée comme un moyen de rétention supplémentaire d'une prothèse insérée obliquement.

• Les irrégularités des crêtes

La zone correspondant au niveau de l'intrados de la base prothétique est soulagée et éventuellement une résine retard mise en place jusqu'au remaniement osseux. En cas d'échec de ce premier traitement, l'indication de chirurgie est posée par une régularisation de crête (fig. 17, 18 et 19).

• Les tori

En présence de blessure du torus ou d'inconfort au niveau de cette zone, l'intrados de la prothèse complète amovible est retouché afin d'éliminer la compression de la muqueuse.

La chirurgie s'impose pour les tori maxillaires :

- quand le torus s'étend au-delà de la limite du voile, interdisant la réalisation d'un joint postérieur efficace ;

- quand le torus est si volumineux que le surcontour consécutif à l'épaisseur de la base prothétique perturbe la phonation [10, 11].

Lésions d'origine pathologique ou médicamenteuse

Nous décrirons :

• les muqueuses sèches hypersensibles : il s'agit d'une atteinte directe ou indirecte des glandes salivaires se manifestant par un déficit salivaire partiel ou total. Elle a trois origines :

- physiologique (patient âgé, femme ménopausée) ;

- pathologique (hypertension artérielle, diabète, syndrome de Gougerot-Sjögren, sclérodermie) ;

- thérapeutique (radiothérapie cervico-faciale, médicaments neuropsychotropes, certains antihypertenseurs, diurétiques, antiarythmiques, antiulcéreux anticholinergiques, les opiacés).

Pour ces patients, l'absence ou la diminution du film salivaire entraîne une hypersensibilité et un dessèchement des muqueuses. Cette situation clinique va rendre pénible le port des prothèses et compromettre leur adhésion à la muqueuse [12] ;

• les muqueuses candidosiques : la candidose est une mycose buccale causée par le candida (Candida albican principalement). C'est une levure saprophyte de la flore de la muqueuse buccale, qui peut dans certaines circonstances devenir pathogène [13] ;

• les muqueuses présentant des lésions précancéreuses : le lichen plan est une lésion blanche presque sans relief, généralement asymptomatique, mais qui peut être parfois à l'origine de légers picotements. Les kératoses tabagiques se présentent sous forme d'un voile blanc nacré. La lésion est lisse ou striée et ne peut être éliminée par grattage [14, 15] ;

• les muqueuses présentant des lésions pigmentées : les angiomes sont des tumeurs bénignes des vaisseaux sanguins ou lymphatiques ;

• les lésions pigmentées :

- le mélanome bénin se traduit par des taches hyperpigmentées, bien délimitées, planes ou peu surélevées. La coloration varie du brun au noir. La surface est en général lisse, parfois rugueuse ou papillomateuse ;

- le mélanome malin est une tumeur maligne développée aux dépens des mélanocytes isolés ou faisant partie d'un nævus nævo-cellulaire [16] ;

• les muqueuses irradiées : la radio-thérapie utilisée dans le traitement des tumeurs malignes peut provoquer des lésions superficielles et profondes. Les lésions muqueuses sont la règle ; nous nous trouvons en présence de radiomucites [17] ;

• les muqueuses greffées : il s'agit ici de greffe de peau.

Quelles sont les conduites à tenir face à ces anomalies ?

• Les muqueuses sèches hypersensibles

Dans ces cas, l'utilisation d'une prothèse complète ne sera d'aucun secours si ce n'est de juger de l'incidence réelle du déficit salivaire sur la tenue de la future prothèse (rôle de prothèse diagnostique). Les sialagogues (dihydroergotamine, teinture de Jaborandi, Sulfarlem S25®) peuvent être prescrits pour les patients dont les glandes salivaires ont gardé un potentiel sécrétoire. L'utilisation de substituts salivaires peut également apporter un certain confort aux patients atteints d'asialie. Ces médications ne sont cependant que des palliatifs [15, 18].

• Les muqueuses candidosiques

Le rebasage des prothèses totales amovibles transitoires est réalisé à l'aide d'une résine retard (Viscogel® de Detrey-Dentsply, F.I.T.T de Kerr et Hydrocast® de Kay See Dental MFG Co) associée à un antifongique. Selon Catalan (1984), le mélange d'un de ces matériaux avec la nystatine serait le plus efficace du point de vue clinique et thérapeutique. Ce matériau doit être changé tous les cinq à sept jours. Ce traitement peut être complété par l'utilisation d'antifongique pendant 15 jours soit sous forme de bains de bouche (Hibident®, Bétadine®), de produits à action locale (Fungizone®, Mycostatine®) ou générale (Daktarin®, Mycostatine®, Triflucan®).

Quand l'inflammation a disparu, il est indispensable d'effectuer un rebasage en résine thermopolymérisable de la prothèse complète amovible transitoire afin de limiter la colonisation microbienne des prothèses [19].

Les muqueuses présentant des lésions précancéreuses et/ou pigmentées

Il conviendra de travailler en liaison avec le médecin qui a en charge ces lésions. Celui-ci, dans le cas de mélanome malin par exemple, peut interdire la réalisation de toutes prothèses. Dans tous les cas, la prothèse réalisée ne devra provoquer aucune effraction de la muqueuse en regard de ces lésions [15].

Les muqueuses irradiées

Il conviendra d'attendre un temps suffisamment long après les dernières séances de radiothérapies avant de réaliser une prothèse amovible. Les spécialistes s'accordent pour une temporisation de huit à douze mois. Dans certains cas, en fonction de l'état des muqueuses, cette période de mise au repos peut durer quelques années. Dès lors, l'utilisation de prothèses totales transitoires n'est pas d'actualité. Lorsque l'autorisation d'appareiller sera donnée par le radiothérapeute, la tolérance des prothèses devra être parfaite. Les résines molles seront proscrites (elles favorisent la prolifération bactérienne) et toutes les surfaces de la prothèse seront lisses, parfaitement polies. En cas de lésion muqueuse, il faut immédiatement procéder aux retouches nécessaires et attendre la cicatrisation muqueuse avant de remettre la prothèse en bouche [15, 17].

Les muqueuses greffées

Une réhabilitation prothétique sur une muqueuse greffée peut débuter trois mois après l'intervention. Aucune précaution particulière ne s'impose à condition que tous les moyens assurant une grande stabilité à la prothèse soient mis en œuvre. (fig. 20).

Conclusion

En prothèse complète amovible, tout traitement devrait commencer par une mise en condition de l'ensemble de l'environnement prothétique. L'absence de réhabilitation ou le port, pendant de nombreuses années, d'une prothèse qui n'est pas périodiquement adaptée à l'évolution des structures anatomiques qui la supportent impliquent qu'avant son renouvellement soit effectuée une mise en condition musculaire, articulaire et tissulaire. Dans la plupart des cas, l'utilisation d'une prothèse transitoire bien équilibrée au plan occlusal et rebasée avec une résine retard suffira à redonner aux tissus de soutien des caractéristiques histologiques, anatomiques et physiologiques se rapprochant le plus de la normale. Par contre, le chirurgien-dentiste se trouve plus démuni lorsque des pathologies générales influent sur la qualité des tissus de soutien. Les grandes sécheresses buccales, comme celles des patients présentant un syndrome de Gougerot-Sjögren, trouveront peu d'améliorations dans les traitements médicamenteux proposés. Dans de tels cas, nous devons nous attendre, outre les difficultés techniques, à de nombreuses doléances de la part de patients qui ne comprennent pas toujours le rapport entre leur manque de salive et l'impossibilité de leur fournir une prothèse fonctionnelle. De toutes les façons, face aux répercussions buccales de pathologies générales ou de leur traitement (irradiation), le chirurgien-dentiste devra travailler en étroite collaboration avec le praticien qui en a la charge.

Les principales présentations commerciales disponibles sont : Coe-Soft® (GC), Lynal® (Caulk), Soft Liner® (GC), Softone® (Bosworth), Veltec® (Teledyne).

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