Chirurgie orthognatique segmentaire pour le rétablissement de l'espace prothétique - Cahiers de Prothèse n° 107 du 01/09/1999
 

Les cahiers de prothèse n° 107 du 01/09/1999

 

Prothèse maxillo-faciale

Stéphane Desboeuf *   Bernard Fleiter **  


* Docteur en chirurgie
dentaire
Service d'odontologie
Hôpital Charles Foix
12, rue Fouilloux
94200 Ivry-sur-Seine
** Docteur en chirurgie dentaire
Maître de conférences des universités (Paris V)
21, rue Fabre d'Églantine
75012 Paris

Résumé

La gestion d'un traitement global repose à la fois sur une réflexion du diagnostic, du pronostic et de la motivation du patient. Dans la plupart des cas, les thérapeutiques orthodontiques et prothétiques sont retenues pour traiter des cas dits « complexes ». Une thérapeutique pluridisciplinaire, faisant intervenir une thérapeutique chirurgicale d'ostéotomie segmentaire (Schuchardt), permet de corriger certaines dysmorphoses squelettiques ou dento-alvéolaires. Cette décision chirurgicale doit être envisagée après un diagnostic et un pronostic précis, mais aussi une donnée capitale : une interrelation odontologiste-patient-chirurgien-prothésiste.

Summary

Segmental orthognatic surgery for prosthetic rehabilitation

The global treatment of a patient consists in a reflexion on the diagnosis, the pronostic and the motivation of the patient. In most cases, orthodontic and prosthetic therapeutics are used for the treatment of complex cases. A pluridisciplinary therapeutic, using a surgical intervention-osteotomy, helps to correct some squelletical or dento-alveolar dysmorphoses. This surgical decision must be envisaged after a reliable diagnosis and prognosis and although a main data : the relationship between practitioner-patient-surgeon-dental technician.

Key words

patient's motivation, prosthetic rehabilitation, segmental orthognatic surgery, treatment planning

Il est souvent difficile d'apprécier les conséquences fonctionnelles d'une dysmorphose squelettique ou d'une anomalie dento-alvéolaire. La prise de décision de traitement est guidée par l'impotence fonctionnelle et les risques d'évolution de celle-ci. En présence de limitation fonctionnelle importante ou de risque de perte d'intégrité des dents et des tissus de soutien, nous pourrons apprécier l'intérêt d'un traitement visant à restituer des conditions biomécaniques favorables passant, dans un certain nombre de situations, par des modifications anatomiques et l'élimination des interférences occlusales. Les thérapeutiques orthodontiques et prothétiques sont souvent retenues dans ces conditions. Mais, il arrive de mettre en œuvre des thérapeutiques pluridisciplinaires, en particulier des thérapeutiques chirurgico-prothétiques, avec ou sans orthodontie, pour prendre en charge des situations complexes. Il faut aussi évaluer la détermination et la motivation du patient: il n'existe pas de chirurgie miracle. La chirurgie n'est qu'un moyen thérapeutique. C'est l'odontologiste qui prend la responsabilité de prescrire ou non la chirurgie . Le but de cet article est de montrer, au travers d'un cas clinique, l'intérêt de la chirurgie orthognathique segmentaire (décrite par Schuchardt). L'actualisation des procédures de prévision de mouvement et de contention fait de cette technique ancienne une démarche clinique qui reste toujours utilisée comme outil thérapeutique destiné à corriger les dysmorphoses.

La chirurgie orthognatique dans le plan de traitement

Les difficultés de la chirurgie orthognathique se situent tout autant sur le plan strictement chirurgical que sur l'organisation des séquences en collaboration avec l'ensemble de l'équipe thérapeutique (chirurgien-dentiste, parodontiste, orthodontiste, chirurgien orthognathique, kinésithérapeute, psychologue). Le diagnostic doit être précis, il faut comparer les différentes options thérapeutiques, faire un pronostic et établir un plan de traitement détaillé, en évaluant le bénéfice et les risques liés aux différentes interventions. La chirurgie orthognathique segmentaire est une intervention de chirurgie osseuse qui permet le déplacement d'un groupe de dents et de son support osseux au sein d'une arcade dentaire. Le déplacement peut s'effectuer dans toutes les directions de l'espace et, en particulier, dans le plan frontal et dans le plan sagittal : transversalement et verticalement. Cette chirurgie peut être ou non associée à de l'orthodontie post et pré-opératoire.

Il faut expliquer le traitement au patient et l'informer le plus largement, car l'acte chirurgical n'est pas anodin et présente certains risques (liés à l'anesthésie générale et aux séquelles postopératoires). C'est au patient de valider la proposition thérapeutique et de marquer son assentiment : il doit prendre lui-même rendez-vous avec le chirurgien, auquel il revient de donner les précisions sur l'intervention et de décrire le travail effectué. La chirurgie orthognathique n'a de sens que si elle s'intègre dans la prise en charge globale des fonctions de l'appareil mandicateur. La décision finale appartient au patient lui-même : il doit se sentir libre de son choix et être pleinement motivé. Les changements de profil faciaux sont parfois non souhaités par les patients. Il s'agira d'évaluer précisément sa motivation et, dans bon nombre de cas, de savoir surseoir aux changements mal compris et non souhaités.

Exemple clinique

Mlle I…, âgée de 22 ans, en bonne santé, un peu inquiète, redoute le dentiste plus que les soins dentaires. Elle a subi un certain nombre d'expériences décourageantes alors qu'elle était adolescente : nombreuses extractions difficiles, incompréhension face aux soins subis… Elle vient consulter, car elle prend conscience de l'importance de ses délabrements dentaires et désire compenser ses édentements. L'entretien clinique a permis d'évaluer son haut degré de motivation [1-3], sa disponibilité de temps et sa situation socio-économique. En effet, elle est étudiante et ne dispose pas de ressources importantes.

Examens cliniques et paracliniques (fig. 1a, 1b, 1c et 1d)

• Sur le plan général : la patiente est en bonne santé et ne présente pas de pathologie, ni de contre-indication à l'anesthésie générale.

• Sur le plan dentaire :

- nombreux foyers infectieux et des lésions carieuses importantes ;

- dents délabrées à l'état de racines.

• Examen occluso-statique :

- faible recouvrement incisif ;

- courbe d'occlusion non fonctionnelle ;

- inversé d'articulé au niveau 27/38 ;

- égression de 16 ;

- égression de 25, 26, 27 accompagnée de l'os alvéolaire ;

- édentement de classe III mod. 1 mandibulaire (46, 36, 35 absentes) non compensé ;

- édentement de classe III max. (15) non compensé.

• Examen fonctionnel dynamique

- diduction droite : fonction canine avec interférence non travaillante ;

- diduction gauche: fonction de groupe ;

- propulsion : limitée par l'interférence 16/47.

Objectifs du traitement

Les objectifs du traitement sont de rétablir la santé de la sphère orale et peuvent se résumer ainsi :

- supprimer l'infection des tissus dentaires et péridentaires ;

- maintenir, restaurer, améliorer la fonction orale, l'aspect de la denture, la résistance et l'intégrité des organes dentaires, le confort bucco-dentaire et prévenir des récidives lésionnelles.

La prise en charge des lésions dento-parodontales est engagée initialement. Nous décidons de retarder la réfection des éléments prothétiques sur 11 et 21.

Le but de ce propos est de discuter et d'évaluer la faisabilité des moyens thérapeutiques afin de traiter la dysmorphose dento-alvéolaire du secteur 2. L'égression de 25, 26, 27 et de l'os alvéolaire sous-jacent complique la réalisation prothétique (espace prothétique insuffisant, interférence non travaillante en diduction et propulsion, facteur de risque pour les éléments dentaires compte tenu de l'âge de la patiente).

La malocclusion n'est plus aujourd'hui considérée comme facteur étiologique des dysfonctions temporo-mandibulaires et/ou de maladies parodontales, mais constitue pour le moins une difficulté dans la réalisation des mouvements fonctionnels de fermeture, d'accès à l'occlusion d'intercuspidation maximale et à la diduction. La difficulté de ce traitement réside dans l'évaluation des dysfonctions occlusales et de l'intérêt que pourrait représenter leur traitement tout comme le risque qui pourrait être engendré par l'abstention thérapeutique. Tout changement par rapport à une situation initiale, jugée dysfonctionnelle sur le plan dentaire et/ou musculo-articulaire, doit aboutir à une situation présentant toutes les garanties de santé et de fonctionnalité. Ainsi, les modifications occlusales entreprises devront restituer des courbes occlusales harmonieuses et recréer des structures dentaires statiques et dynamiques susceptibles d'organiser cette fonction.

L'activité neuro-musculaire est directement dépendante de la stabilité de l'occlusion d'intercuspidation maximale. Ainsi, nous rechercherons des contacts occlusaux nombreux, répartis sur toute l'arcade, égaux en intensité, simultanés et distribuant les contraintes selon le grand axe radiculaire des dents. Les facteurs de prise de décision de traitement sont :

- le jeune âge de la patiente (22 ans) ;

- l'importance des édentements mandibulaires ;

- les difficultés rencontrées dans les mouvements fonctionnels du fait des interférences en diduction et en propulsion.

Trois options thérapeutiques sont envisageables :

- une prothèse conjointe autorisant la compensation des édentements et l'harmonisation des courbes occlusales (bridge 48, 45 et 34, 37 ; couronnes : 15, 16, 25, 26, 27). Cette démarche nécessite, après la réalisation d'un montage prospectif, la dépulpation des dents et l'allongement des couronnes cliniques ;

- l'orthodontie associée à la prothèse conjointe dont l'objectif serait l'ingression des dents dans le secteur 2 et le positionnement des dents support de bridge mandibulaire selon un axe favorable ;

- la chirurgie orthognathique sectorielle limitée au secteur 2.

Choix thérapeutique

• la solution de prothèse conjointe est une thérapeutique exigeante, onéreuse et entraînant une mutilation irréversible. La dépulpation de 25, 26, 27 mutilante sur le plan dentaire et la déshydratation résultante (diminution de 9 % d'eau) induisent une fragilité des dents sur le plan mécanique et un risque de fracture à long terme [4-7] ;

• l'orthodontie, dans cette situation, n'est pas adaptée pour obtenir l'ingression du secteur 2 en raison de l'importance du mouvement à réaliser et de la migration de l'os alvéolaire qui a accompagné les dents lors de leur égression [8-11] ;

• la chirurgie orthognathique constitue le moyen le plus économique sur le plan biologique et financier pour la patiente [12-14] (fig. 2a, 2b et 2c). Cette dernière solution est envisageable compte tenu de la forte participation et motivation de la patiente prête à supporter sur le plan psychologique une intervention de cette nature.

Moyens thérapeutiques

Référence occlusale (fig. 3a et 3b)

L'occlusion d'intercuspidation maximale initiale, compte tenu de la malocclusion et de l'édentement, constitue une situation d'adaptation. Nous ne pouvons utiliser cette intercuspidation maximale du fait :

- de l'instabilité et de l'imprécision de celle-ci ;

- du décalage existant entre l'occlusion d'intercuspidation maximale et l'occlusion de relation centrée ;

- du positionnement progressivement excentré de l'occlusion d'intercuspidation maximale au cours du temps.

Nous avons donc besoin d'un référentiel extradentaire afin de positionner les deux arcades sans tenir compte des phénomènes d'adaptation (migration, abrasion) (fig. 4a, 4b et 4c).

L'occlusion de relation centrée permet d'enregistrer et de reproduire une situation occlusale neutre indépendante des dents où le condyle mandibulaire occupe une position haute en coaptation avec le disque articulaire dans la fosse mandibulaire [15]. L'analyse occlusale et l'harmonisation des contacts occlusaux en occlusion de relation centrée détermine une position stable d'intercuspidation maximale. La position de référence peut dans ce cas être utilisée en position thérapeutique, ce qui simplifie le transfert de la relation mandibulo-maxillaire de la clinique à l'atelier de prothèse.

Deux jeux d'empreintes à l'alginate sont réalisés, l'occlusion est enregistrée avec une cire de relation centrée selon la méthode de P. Dawson [16]. Les deux modèles maxillaires sont montés sur un articulateur semi-adaptable (simulant les mouvements limites mandibulaires) avec le même arc facial et la même cire de relation centrée ; ils sont parfaitement interchangeables.

Prévoir le déplacement

La difficulté est de bien définir le déplacement du fragment intéressé. Son positionnement doit correspondre précisément au plan d'occlusion déterminé par la technique du drapeau (Broadrick) [17-20]. Contrairement à l'approche prothétique, on ne pourra pas dans la démarche chirurgicale tester l'acceptation biologique par des étapes de transition. Le patient ne pourra pas tester sa proposition thérapeutique. C'est pour cela que chaque étape de laboratoire doit être effectuée avec une extrême précision.

L'immobilisation et le contrôle du positionnement du segment

L'immobilisation et le contrôle du positionnement du segment sont assurés par des gouttières en métacrylate estampées à chaud qui prennent appui sur les portions de la denture, qui n'ont pas été concernées par l'ostéotomie, ainsi que sur la partie dentée à impacter. Les mini-plaques de contention en titane pourront être placées dans cette situation sans ligature intermaxillaire. Cette technique offre l'avantage d'un plus grand confort pour le patient en postopératoire puisqu'elle autorise une alimentation quasi normale immédiatement après l'intervention, ce qui permet d'étendre les indications de cette chirurgie, mieux tolérée pour le patient.

On réalise deux types de gouttières :

• une gouttière dite chirurgicale aide le chirurgien à objectiver la position du fragment dans la position décidée ;

• une gouttière de libération postchirurgicale qui a un double avantage :

- assurer partiellement la contention en répartissant les contacts sur l'ensemble de la denture lors des mouvements fonctionnels ;

- améliorer le confort du patient.

Ces gouttières sont réalisées au laboratoire sur l'un des jeux de modèles corrigés et montés sur articulateur. Elles doivent pouvoir être mises en place facilement et n'autoriser aucun déplacement du fragment.

Planification du traitement

Les deux modèles montés sur l'articulateur semi-adaptable mettent en évidence une courbe d'occlusion non harmonieuse avec dans le secteur 2 une égression associée à une migration de l'os alvéolaire (fig. 3a, 3b et 3c).

Préparation des modèles en plâtre

La prévision de traitement est objectivée par le modèle corrigé représentant la situation finale. Cette préévaluation sert non seulement de fil conducteur tout au long de la réalisation, mais également d'outil permettant la réalisation des gouttières chirurgicales et de libération. Le but de la technique est d'obtenir un modèle démontable sur lequel peuvent alternativement se succéder la situation initiale et la situation corrigée correspondant à l'ostéotomie sectorielle.

Le modèle d'étude maxillaire est mis en die avec un trait de scie entre 23-24 et 24-25 de façon à ce que les fragments puissent être retirés et remis en place avec la même précision (fig. 5a et 5b). Une clé en silicone haute viscosité, placée au niveau de l'édentement 35-36 permet d'objectiver la courbe d'occlusion « idéale » selon la technique du drapeau. Un duplicata du segment à impacter sera fixé sur la clé en silicone. Un nouveau pin, placé dans la gaine est solidarisé au duplicata. Ainsi, un modèle transformable est obtenu.

Réalisation des gouttières (fig. 6a et 6b et fig. 7)

Les gouttières chirurgicales et de libération sont réalisées à l'aide de plaques de métacrylate thermoformées sur des modèles corrigés et dupliqués avant l'intervention chirurgicale.

La gouttière chirurgicale présente une petite fenêtre occluso-vestibulaire au niveau du segment à impacter. Cette ouverture permet au chirurgien, au moment de l'intervention, de pouvoir juger si les dents sont parfaitement appliquées dans la gouttière (fig. 6a et 6b).

La gouttière de libération en résine dure sera placée à l'issue de la phase chirurgicale. Elle recouvre la totalité des faces occlusales de l'arcade ainsi que le tiers des faces vestibulaires, assurant ainsi la rétention. Les contacts sont répartis sur la totalité de la surface. Elle cherche à obtenir la mise au repos des muscles masticateurs. La surface occlusale uniformément lisse, sans concavité, doit établir, en occlusion d'intercuspidation maximale, des contacts simultanés avec toutes les cuspides antagonistes et guider l'ensemble des déplacements mandibulaires (fig. 7).

Intervention chirurgicale [21-23]

Cette ostéotomie segmentaire maxillaire a pour objectif la modification de la courbe de Spee : ingression de 25, 26, 27 et de l'os alvéolaire sous-jacent (fig. 8). L'intervention débute par un trait d'incision vestibulaire horizontal à 6 mm au dessus des apex dentaires (fig. 9a). Elle s'étend de l'incisive latérale à la tubérosité. Le périoste est décollé jusqu'à la suture ptérygo-maxillaire. Puis, la fibromuqueuse est décollée verticalement, de façon à former un tunnel en regard du trait d'ostéotomie antérieur. Au dessus des apex, à 6 mm environ, une série de perforations rapprochées (fig. 9b) est effectuée à partir de 24-25 :

- s'étendant horizontalement jusqu'au niveau de la tubérosité ;

- verticalement entre les racines 24-25

Ces perforations sont réunies avec un ciseau très fin (fig. 9c). La suture ptérygo-maxillaire est repérée, puis disjointe avec un ciseau courbe ou un ciseau contre-courbé de Couly.

Par le tunnel vestibulaire, sous-muqueux vertical, les perforations sont également réunies par un ostéotome fin. Les trois côtés du rectangle que l'on se propose de déplacer étant sectionnés, il ne reste plus qu'à faire l'ostéotomie de la voûte palatine. Celle-ci est amorcée avec un ciseau courbe introduit par l'ostéotomie vestibulaire horizontale et guidée par un doigt appliqué sur la voûte palatine [21].

En appliquant aux groupes de dents des mouvements de bascule, de haut en bas et de dedans en dehors, la voûte se fracture au voisinage de la cloison inter-sinuso-nasale (fig. 9d). Le déplacement de tout le fragment est alors possible. La réduction du déplacement s'effectue en réséquant le fragment des parois externes et postérieures de la tubérosité pour permettre l'ascension du fragment, objectivée par l'établissement des contacts entre la gouttière chirurgicale et l'ensemble du groupe à impacter [21].

La contention est assurée par une plaque vissée [24] en titane (fig. 9e). La plaque est façonnée de façon à épouser parfaitement l'anatomie de la tubérosité. Elle doit être neutre. Lorsque la contention est terminée, la muqueuse est suturée par un surjet.

La gouttière de libération est essayée et réglée en bouche (on peut retirer le pack utilisé lors de l'anesthésie générale pour faciliter les manipulations de fermeture en relation centrée). La patiente ressort du bloc opératoire avec sa gouttière. Elle doit la porter constamment pendant quatre semaines (fig. 8).

Une semaine après l'intervention, un contrôle est effectué pour :

• vérifier l'efficacité de la gouttière de libération :

- en relation centrée: les contacts sont simultanés, répartis, égaux en intensité ;

- lors des mouvements :

a. de propulsion : désocclusion sans contact postérieur ;

b. de latéralité : absence de contact non travaillant.

• prescrire, le cas échéant, une kinésithérapie maxillo-faciale [25] dont le but est de lever les contractures musculaires d'immobilisation et de maintenir une mobilité mandibulaire fonctionnelle. Cette kinésithérapie maxillo-faciale consiste en une mobilisation passive (découvrir l'ensemble des mouvements articulaires sans composante musculaire) et en une mobilisation active (mettant en jeu l'activité musculaire de la patiente). Ce travail personnel engage la patiente à respecter le rythme de six séances de dix minutes par jour pendant les quatre semaines du port de la gouttière. Le praticien indique sur le dossier médical, selon le principe du diagramme de Farrar [26], l'évolution des mesures en ouverture et en diduction droite et gauche maximales.

La compensation de l'édentement mandibulaire est obtenue, dans un premier temps, par une prothèse amovible partielle (fig. 10a et 10b) qui sera remplacée par deux bridges 37-36-35-34 et 45-43 secondairement. Cependant, l'intervention chirurgicale doit être suivie rapidement d'une reconstruction prothétique afin d'éviter la récidive de l'égression dento-alvéolaire, car la plaque titane de contention du fragment se situe au niveau de l'os basal et ne permet pas d'empêcher la migration de l'os alvéolaire.

Conclusion

La précision des déplacements dento-alvéolaires autorisés par la technique de Schuchardt associée à la réalisation de gouttières chirurgicales réduit considérablement les interventions prothétiques. De ce point de vue, cette chirurgie préprothétique va dans le sens de l'économie tissulaire et peut, à juste titre, être discutée et proposée en alternative dans les situations de dysmorphose.

Cette intervention moyennement invasive présente néanmoins des risques qu'il s'agit d'évaluer et de préciser aux patients :

- liés à l'anesthésie générale ;

- hémorragiques ;

- infectieux (ostéites, nécrose).

Le succès thérapeutique à long terme est basé tant sur la précision des actes chirurgicaux sur l'organisation et la chronologie des séances que sur la motivation, la participation et l'évaluation du profil psychologique du patient.

Remerciements au Dr Claude Lévy qui a réalisé l'intervention chirurgicale.

bibliographie

  • 1 Valentin CM. Du plan au programme de traitement : méthodes et stratégie. Réalités Cliniques 1995;6(1):7-23.
  • 2 Valentin CM. Du plan au programme de traitement : cas clinique. Réalités Cliniques 1995;6(1):25-31.
  • 3 Valentin CM, Dowek D, Fleiter B. Pertinence et fiabilité de l'examen clinique dans les désordres temporo-mandibulaires. Réalités Cliniques 1996;7(2):177-196.
  • 4 Dejou J, Laborde G, Camps J, Proust JP. Comportements biomécaniques de la dent dépulpée. Réalités Cliniques 1990;1(2):185-194.
  • 5 Ross IF. Fracture susceptibility of endodontically-treated teeth. J Endodont 1980;6:560-565.
  • 6 Sarfati E, Decloquement C. Les préparations corono-radiculaires sur dents dépulpées. Réalités Cliniques 1996;7(4):433-446.
  • 7 Standlee JP, Caputo AF. Biomechanics. J of the Californian Dental Association 1988;16:49-58.
  • 8 Baron R. Les bases cellulaires du remaniement osseux adulte. Orthodont Franç 1986;57(2):371-377.
  • 9 Bassigny F. Les résorptions radiculaires après déplacements orthodontiques : certitudes et incertitudes, les facteurs de risques. Orthodont Franç 1995;66(3):539-552.
  • 10 Markostamos K. Déplacement orthodontique face à l'os compact et à l'os spongieux. Différences des réactions tissulaires avec deux forces différentes. Orthodont Franç 1992;62(3):875-891.
  • 11 Melsen B, Melsen F. Biologie de l'os en relation avec le traitement orthodontique chez l'adulte. Orthodont Franç 1986;57(2):403-419.
  • 12 Tulasne AF. Repositionnement chirurgical des molaires extrusées. Réalités Cliniques 1990;1(4):337-344.
  • 13 Wolford lM, Cottrell DA. Altered orthognathic surgical sequencing and modified approach to model surgery. J Oral Maxillofac Surg 1994;52(10):1010-1020.
  • 14 Wolford LM, Chemello PD, Buschang PH. Occlusal plane alteration in orthognatic surgery. Part II : long-term stability of results. Am J Orthod Dentofac Orthop 1994;106(4):434-440.
  • 15 Laplanche O, Duminil G. Positon de références ? Choix, acquisition, maintien. Collège national d'occlusodontologie. XIVe journées internationales, Paris, 1997.
  • 16 Dawson PE. Les problèmes de l'occlusion. Évaluation, diagnostic et traitement. Paris: Éditions CdP, 1992.
  • 17 Barety J, Lefèvre M. Comment utiliser un montage directeur lors de l'élaboration d'une prothèse composite. La pratique dentaire 1987;2:31-55.
  • 18 Lefèvre M, Naveau HP, Garnier B. Le drapeau : un moyen simple pour retrouver une courbe d'occlusion idéale. Tonus Dentaire 1989;147:11-13.
  • 19 Orthlieb JD. La courbe de Spee : un impératif physiologique et prothétique. Cah Prothèse 1983;44:89-116.
  • 20 Tirlet G, Robert C, Barety J. Restauration d'une courbe occlusale : la technique drapeau. Réalités Cliniques 1993;44(2):199-210.
  • 21 Benoist M. Traité de technique chirurgicale stomatologie et maxillo-faciale. Tome 1. Chir Orthognath Paris : Masson, 1988:167-170.
  • 22 Deboise A. Technique en chirurgie maxillo-faciale. Ellipse, 1993.
  • 23 Merville LC, Vincent JL. Dysmorphies maxillo-mandibulaires, chirurgie correctrice. Paris: Doin, 1991.
  • 24 Emparanza A. L'utilisation de plaques vissées en chirurgie orthodontique à propos de 132 cas. Orthodont Franç 1992;63(2):541.
  • 25 Psaume Vandebeek D, Benoist M. Principes et applications de la kinésithérapie maxillo-faciale. Paris : Éditions techniques, Encycl Med Chir Stomatologie 1990;22014 T-10, 2.
  • 26 Farrar B, William L, Mc Carty JR. A clinical outline of temporomandibular joint. Diagnosis and treatement. Normandie study group for TMJ dysfonction, Montgomery (USA), 1982.