Porte-empreintes individuels en prothèse adjointe complète - Cahiers de Prothèse n° 107 du 01/09/1999
 

Les cahiers de prothèse n° 107 du 01/09/1999

 

Prothèse amovible complète (ou totale)

Christophe Rignon-Bret  

Assistant hospitalier-universitaire
10, rue de Liège
75009 Paris

Résumé

La conception et le réglage des PEI en prothèse complète sont directement liés aux techniques d'empreintes utilisées. Celles-ci sont nombreuses et variées afin de répondre aux différentes situations cliniques susceptibles d'être rencontrées dans le traitement de l'édenté total. Cela nécessite, pour chacune d'entre elles, certains critères de réalisation des PEI ainsi qu'une méthode de réglage simple, rigoureuse et efficace pour réussir dans les meilleures conditions des empreintes fonctionnelles contribuant au succès du traitement prothétique. Enfin, le réglage des porte-empreintes duplicata des prothèses bien conçues est évoqué. Ces derniers constituent les porte-empreintes physiologiques idéaux pour réaliser des empreintes de complément en vue d'élaborer de nouvelles prothèses.

Summary

Individual impression trays in complete denture. 2nd part: adjustment

The conception of impression trays in complete denture is directly linked to the choice that is done among all the functional impression techniques, which are both numerous and varied. This results in different types of impression trays. Almost all are realized on models coming from mucostatic primary impressions which do not take into account the functional movements of the patients. Whatever their conception criteria are, those impression trays, built in the laboratory, must be adjusted at the clinic so as to become physiological and thus allow the elaboration of secondary or complementary impressions in optimum conditions. Thus, the impression trays are adjusted in order to ensure a facial aesthetical support prefiguring the future prosthesis and so as not to interfere with the buccal or lingual functional movements. The aim of this article is the implementation of a simple, rigorous and efficient method of adjustment. It is adapted to different types of impression trays, which are realized according to the specific clinical situations that are met. Finally, the adjustment of the duplicata impression trays of well done prostheses is evoked. The latters constitute the ideal physiological impression trays in order to realize complementary impressions aimed at elaborating new prostheses.

Key words

complete denture, dental impression technique, duplicata tray, individual impression tray

La plupart des porte-empreintes individuels (PEI), utilisés en prothèse complète sont élaborés sur des modèles issus d'empreintes primaires mucostatiques ne prenant pas en compte les mouvements fonctionnels des patients. Cela signifie que - quels que soient leurs critères de conception largement développés précédemment dans la première partie (cf. n° 106, pages 65-75) - ces PEI sont amenés à être modifiés en clinique pour devenir physiologiques. En effet, ils doivent être réglés afin d'offrir un soutien esthétique facial préfigurant la future prothèse et de manière à ne pas interférer avec le jeu musculaire fonctionnel périphérique ou lingual. Cette seconde partie permet d'atteindre ces objectifs en proposant une méthode de réglage simple et efficace, adaptée aux différents types de PEI ainsi qu'aux situations cliniques particulières pour lesquelles ils ont été conçus.

Réglage de la morphologie du bourrelet de soutien

Le premier travail du clinicien lors du réglage du PEI est d'apporter toutes les modifications nécessaires au bourrelet préfigurant l'arcade de façon à assurer le soutien esthétique optimum au repos, de face comme de profil, en accord avec le patient. Le volume, l'orientation et la situation du bourrelet sont travaillés au « cutter », au papier de verre ou remodelés après réchauffage à la torche de Hanau. L'objectif est de fournir à la musculature paraprothétique un soutien comparable à celui de la future arcade dentaire lorsque sera effectué l'ensemble des mouvements fonctionnels (fig. 1). De plus, la hauteur du bourrelet est soigneusement réglée en fonction de la situation du bord libre de la lèvre et du futur plan prothétique. En effet, un bourrelet trop haut risque d'entraîner des bords sous-étendus. À l'inverse, des bords sur-étendus peuvent être provoqués par un bourrelet trop court autorisant des mouvements de plus grande amplitude. Ce réglage prend une acuité particulière à la mandibule où la morphologie du bourrelet influence de manière prépondérante la réalisation correcte des mouvements fonctionnels linguaux [1, 2].

Réglage des bords du PEI

Le deuxième travail du praticien, une fois le soutien esthétique facial assuré, est le réglage minutieux des bords du PEI pour que ceux-ci n'interfèrent pas sur le jeu extrême de la musculature fonctionnelle. La chronologie du réglage des bords est importante, car des interférences multiples peuvent agir sur la stabilité et la rétention du PEI. Toute surextension ou surépaisseur est repérée, puis corrigée par meulage à l'aide d'une fraise de gros diamètre tournant lentement.

Au maxillaire

Le patient étant détendu, les surextensions et surépaisseurs vestibulaires des bords du PEI sont recherchées en bouche. Le réglage concerne d'abord la hauteur des bords de manière à ce que la ligne de réflexion muqueuse soit visible et n'interfère pas avec les bords du porte-empreinte maintenu en place lorsque la musculature au repos des lèvres et des joues est tendue à l'horizontale à l'aide d'un miroir dentaire (fig. 2 et 3). Le réglage se poursuit en épaisseur de façon à harmoniser, au niveau des bords, le soutien esthétique facial appréhendé lors du réglage du soutien du bourrelet. Ainsi, un bord trop épais provoquant des distensions disgracieuses est réduit en épaisseur [3, 4]. Néanmoins, ces bords doivent offrir un support efficace pour les matériaux d'enregistrement du joint périphérique. Aussi, lorsqu'ils sont fins et laminés, ils sont légèrement épaissis. Au niveau des freins et des brides, les bords largement dégagés sont amincis de façon à améliorer leur libre jeu fonctionnel (fig. 4). On vérifie que la limite postérieure s'établit très légèrement en arrière de la ligne de flexion du voile et recouvre les replis muqueux tendus par les ligaments ptérygo-mandibulaires.

À ce stade, le PEI doit pouvoir rester en place, au repos, sur sa surface d'appui. S'il n'est pas retenu, il faut suspecter un mauvais réglage de la hauteur des bords vestibulaires ou une erreur d'empreinte primaire (sous-extension importante ou compression avec déplacement d'une zone de la surface d'appui par le porte-empreinte du commerce qui provoque un effet de ressort) [5]. Une série de tests mécaniques [3-6], associée à des mouvements et des mimiques est alors classiquement évoquée pour mettre en évidence les interférences du jeu fonctionnel de la musculature périphérique et des organes paraprothétiques sur les bords du PEI :

• le patient est invité à ouvrir la bouche au maximum comme s'il simulait le bâillement, puis à faire des mouvements de latéralité. Si le PEI est désinséré, la zone à rectifier se situe au niveau para- ou rétro-tubérositaire [5] (fig. 5). L'instabilité peut provenir soit d'une surextension vestibulaire ou postérieure à cet endroit soit d'une surépaisseur des bords qui interfère avec la face interne du processus coronoïde de la mandibule et mobilise le PEI dans les mouvements de diduction ;

• diverses mimiques sont ensuite demandées au patient pour actionner les muscles peauciers impliqués dans la mobilisation du vestibule jugal, tout particulièrement les muscles buccinateur et releveur de l'angle de la bouche [7]. Il s'agit de simuler le rire forcé et, si une instabilité est décelée, elle concerne des surextensions des bords dans la région prémolaire et molaire [5] (fig. 6) ;

• afin de contrôler le réglage dans la zone du vestibule antérieur, le patient est prié de réaliser une protraction des lèvres en mimant le baiser ou le sifflement. Ce sont les muscles peauciers responsables de la mobilisation du vestibule labial qui sont activés et principalement l'orbiculaire des lèvres [7]. Les corrections à apporter en cas de désinsertion du PEI sont localisées à la région antérieure et au niveau du frein médian [5] (fig. 7) ;

• enfin, le bord postérieur du PEI est réglé de façon à recouvrir la zone du joint postérieur, mais doit permettre également les mouvements fonctionnels du voile du palais (élévation, abaissement, vibration) [5, 8] (fig. 8). La ligne de vibration antérieure du voile, décrite par Silverman située à la jonction palais dur-palais mou, est localisée à la palpation avec un brunissoir [9] et peut être matérialisée en faisant souffler par le nez, narines pincées [8]. Il faut vérifier l'extension du PEI dans cette région, bouche ouverte, en repérant et matérialisant au crayon à l'aniline la ligne de vibration postérieure du voile que Silverman met en évidence par la prononciation claire et prolongée de « Ah » [5, 8].

Dans les cas fortement résorbés, l'élaboration d'un PEI à bords épaissis est indiquée. Ceux-ci sont forcément en surextension et peut-être en surépaisseur, car l'empreinte est prise au repos sans animation fonctionnelle de la musculature. Le réglage physiologique des bords du PEI est avantageusement complété par l'utilisation en plusieurs étapes de matériau polyéther de haute viscosité (Permadyne® haute viscosité de Espe) et moyenne viscosité (Impregum® de Espe) [10, 11]. L'objectif est de déceler toute interférence fonctionnelle à l'aide du matériau polyéther qui peut être déposé sans s'écouler (à la spatule ou au mélangeur automatique) sur toute la périphérie du PEI et modelé aux doigts humides. Une fois le PEI mis en bouche, les mouvements fonctionnels extrêmes sont demandés au patient, puis la polymérisation du produit est attendue bouche entrouverte, en position de repos. Ce type de matériau permet l'enregistrement précis de la limite fonctionnelle sans surextension ni surépaisseur, garant d'une sustentation et d'une rétention optimales [10, 12]. Ces possibilités s'expliquent par les propriétés thixotropiques de ces matériaux qui les rendent aptes à mouler les volumes déterminés par la physiologie en adaptant leur comportement aux forces développées par la musculature para-prothétique [10]. Ces propriétés leur permettent d'une part d'objectiver les surextensions et les surépaisseurs en s'éliminant complètement lorsqu'il y a une interférence entre le bord du PEI et la musculature périphérique (fig. 9) et, d'autre part, de combler les zones laissées libres par ce même jeu [10]. De plus, ils autorisent des corrections aisées par soustraction à la fraise résine (fig. 10). L'opération est renouvelée une ou plusieurs fois avec le même produit ou avec un polyéther de viscosité plus basse jusqu'à l'obtention d'un réglage parfait du PEI correspondant à la réalisation concomitante d'un joint satisfaisant [11] (fig. 11).

À la mandibule

Le réglage du PEI mandibulaire débute en vestibulaire et s'apparente à celui réalisé au maxillaire, c'est-à-dire en écartant délicatement à l'horizontale la lèvre inférieure et les joues avec un miroir d'examen pour repérer et corriger d'éventuelles interférences de la limite de réflexion muqueuse avec le bord du porte-empreinte [3, 4, 13] (fig. 12 et 13). Le patient est ensuite invité à ouvrir la bouche au maximum tandis que les doigts du praticien maintiennent le PEI. Dans la région des poches de Fish, les bords disto-vestibulaires du porte-empreinte sont contrôlés de telle sorte qu'ils n'interfèrent pas avec les insertions et le libre jeu musculaire des fibres antérieures des muscles masséter et zygomatico-mandibulaire situé plus en dedans (fig. 13 et 14). Le contrôle se poursuit postérieurement au niveau des trigones qui doivent être recouverts sans comprimer ni entraver le passage du ligament ptérygo-mandibulaire. Ce dernier n'est en réalité qu'un repli fibreux correspondant à l'arête du dièdre formé par les muscles buccinateur et constricteur supérieur du pharynx [14, 15]. Toutes les surextensions repérées au niveau des zones incriminées sont corrigées par meulage.

Plus délicat est le réglage des bords linguaux du PEI qui nécessite une bonne connaissance anatomo-physiologique et une certaine expérience. Dans le but d'effectuer correctement ce réglage, il est nécessaire de rappeler les travaux de Schreinmakers [9] qui a décrit la façon dont se déplacent les lignes de tension du plancher de la bouche lors de l'activité musculaire de cette région (fig. 15). De la position de repos jusqu'à la contraction maximale avec protraction extrême de la langue, ces lignes de tension sont presque superposables dans la région antérieure jusqu'à la région des futures prémolaires. Elles divergent par contre fortement vers l'arrière à mesure que l'influence dominante antérieure du muscle génio-glosse, le plus puissant de la langue, s'amenuise. Le plancher de la bouche est alors principalement, dans cette région plus postérieure, sous l'influence des forces développées par l'activité du muscle mylohyoïdien. Au repos, les faisceaux postérieurs de ce dernier sont en position basse ce qui correspond à la position enregistrée lors de l'empreinte primaire au plâtre et reproduite sur le modèle sur lequel est confectionné le PEI (fig. 16). Le réglage du porte-empreinte doit autoriser la position haute du plancher lors de l'ensemble des mouvements linguaux fonctionnels extrêmes [2, 9]. L'enveloppe de ces mouvements est sous la dépendance des possibilités de déplacement limite imposées par le bourrelet préfigurant l'arcade alvéolo-dentaire. Là encore, il est souhaitable de distinguer les situations cliniques fortement résorbées de celles présentant de bonnes surfaces d'appui. En effet, dans la première situation correspondant à des crêtes plates ou même négatives, les limites linguales du PEI devant permettre les mouvements extrêmes sont situées au niveau ou très légèrement en deçà des insertions musculaires situées au sommet de la crête. Par contre, dans les autres cas possédant un relief crestal favorable, les bords linguaux du PEI vont alors dépasser de façon variable la ligne mylohyoïdienne (ligne oblique interne) à condition de respecter le cône fonctionnel d'activité et la tension musculaire du mylohyoïdien (fig. 17).

Sur le plan pratique, quel que soit le cas, il est intéressant de réaliser une palpation digitale par l'intermédiaire des index, au niveau du versant lingual de l'ensemble de la table interne de la crête résiduelle, tout particulièrement dans la région des niches rétro-molaires, afin d'apprécier la tonicité musculaire ainsi que l'amplitude d'élévation du plancher buccal lors des mouvements linguaux extrêmes.

De nombreux auteurs [3, 4, 6, 13] ont décrit pour ces réglages des tests très élaborés et complexes alors qu'il est possible de les aborder cliniquement suivant une méthodologie simple, mais rigoureuse.

Le PEI étant maintenu en place dans la cavité buccale par une légère pression des index du praticien sur les bourrelets au niveau molaire, une série de mouvements fonctionnels linguaux est demandée au patient suivant une chronologie précise. L'analyse des sollicitations déstabilisantes ressenties lors de ces mouvements, associée aux informations fournies par la palpation guide la topographie des zones à retoucher au niveau des bords linguaux du PEI (fig. 18 et 19).

Tout d'abord, une vérification de l'échancrure du bord du PEI autorisant un libre jeu du frein lingual est entreprise en bouche à l'aide d'un miroir d'examen.

Ensuite, il est possible de résumer simplement à quatre mouvements linguaux, le réglage des bords linguaux du PEI :

• mouvement n° 1 (fig. 18, 19 et 20) : faire toucher, bouche ouverte, la papille rétro-incisive au palais avecla pointe de la langue. Cela provoque une élévation de l'ensemble du plancher buccal et, de façon prépondérante, dans la zone antérieure située en avant des molaires. L'importance du soulèvement du PEI laisse alors préjuger de l'ampleur des corrections à apporter dans cette zone ;

• mouvement n° 2 (fig. 18, 19, 21) : faire exécuter des mouvements latéraux à la langue, c'est-à-dire placer la pointe de celle-ci à l'intérieur des joues à droite et à gauche. Si le PEI est mobilisé, les zones d'interférence sont alors situées au niveau des molaires, principalement du côté opposé au déplacement. En effet, les lignes de tension résultant de l'action de la musculature linguale impliquée dans ce mouvement sont plus basses et s'exercent avec moins d'intensité du côté du déplacement ;

• mouvement n° 3 (fig. 18, 19, 22) : faire tirer la langue vers l'avant comme pour humecter la lèvre inférieure, puis la tirer au maximum à l'extérieur de la cavité orale.

Les corrections à apporter sont alors localisées :

- soit dans la région du frein lingual si celui-ci n'avait pas été suffisamment libéré ;

- soit dans les zones postérieures situées en arrière des dernières molaires, à proximité de l'angle disto-lingual du PEI.

• Enfin, le réglage de la partie distale des bords linguaux du PEI concerne surtout l'activité du constricteur supérieur du pharynx lors de la phase pharyngée de la déglutition (fig. 18, 19, 23). Le patient doit pouvoir déglutir sans gêne la salive et confirmer la stabilité du PEI lors de cette fonction. Cette manière de procéder permet de déceler et de corriger une éventuelle surextension ou surépaisseur importante. Cependant, le réglage précis de cette zone lors de la déglutition est difficile à apprécier. Il est préférable de laisser le PEI déborder le bord interne du trigone et éventuellement de contrôler l'absence d'interférence à l'aide d'un polyéther, en s'assurant de l'absence d'un bord laminé après polymérisation du matériau, sinon l'opération est à renouveler (fig. 24).

Par la suite, ce sont surtout les qualités des matériaux d'empreintes qui sont exploitées grâce à des techniques d'empreintes adaptées. Les qualités spécifiques requises pour ces enregistrements sont une cinétique de prise relativement lente et linéaire permettant de faire renouveler l'ensemble des mouvements fonctionnels, y compris la déglutition, plusieurs fois. Les polysulfures ou les cires thermoplastiques à température buccale satisfont à ces impératifs.

Un éventuel contrôle de l'ajustage des bords linguaux du PEI peut également être effectué en employant des matériaux tels que les polyéthers déjà évoqués (fig. 24) ou encore des silicones (Pressure spot indicator de Coltène) ou des cires (Disclosing wax de Kerr) destinés à révéler surextensions et surépaisseurs. Ils sont alors déposés sur les bords linguaux du PEI et tous les mouvements linguaux extrêmes sont demandés au patient. Les zones d'interférences en surextension ou surépaisseur apparaissent alors avec l'élimination du matériau et sont corrigées.

Il est essentiel de distinguer les mouvements fonctionnels demandés au patient pour le réglage des bords du PEI de ceux demandés et exécutés lors de l'empreinte fonctionnelle [12, 13, 17, 16] et qui doivent suivre une chronologie précise. En effet, l'ordre des mouvements effectués par la musculature périphérique et linguale va exercer un balayage orienté des excès de matériau d'empreinte pour façonner le modelage des bords et des retours de l'empreinte.

Adaptation du PEI pour la réalisation d'empreinte en pression « occlusale »

Dans les cas où des empreintes faisant intervenir la pression occlusale sont indiquées, par exemple, la technique de Fripp [18] ou la technique semi-intégrale de Devin [19], un réglage du bourrelet suivant les règles classiquement établies en prothèse complète s'avère nécessaire [20, 21]. Le PEI est adapté selon les critères standard, puis un rapport intermaxillaire précis et répétitif, à une dimension verticale correctement établie, est enregistré [20, 21] en utilisant les porte-empreintes comme de simples bases d'occlusion [22]. L'utilisation d'un matériau d'enregistrement du rapport intermaxillaire présentant une rigidité après la prise (pâte thermoplastique ou résine chémopolymérisable) est indispensable pour permettre la réalisation d'une empreinte fonctionnelle sollicitant les forces « occlusales » développées et contrôlées par le patient.

Porte-empreinte duplicata des prothèses

Le PEI idéal est celui qui constitue une réplique exacte de la prothèse terminée, bien conçue (fig. 25 et 26). Les conceptions et les techniques de réalisation de ces porte-empreintes duplicata (PED) des prothèses ont été largement décrites par J. M. Rignon-Bret [17, 23] (fig. 27). Ce type de PEI représente, en effet, le meilleur porte-empreinte physiologique pour réaliser des empreintes de complément en vue d'élaborer une nouvelle prothèse qui réponde aux exigences particulières de certains patients. Il peut s'agir d'améliorer certains détails d'ordre esthétique ou phonétique ou, tout simplement, de prévoir la réalisation d'un deuxième jeu de prothèse.

Les empreintes de complément bénéficient alors, grâce aux porte-empreintes duplicata, de l'intégration acquise suite au port d'une prothèse bien conçue, parfaitement équilibrée et donnant déjà satisfaction à l'intéressé sur les plans esthétique et fonctionnel. De plus, elles peuvent prendre en compte les effets d'une pression « occlusale » s'effectuant à partir d'un rapport intermaxillaire parfaitement accepté.

Le PED peut être réalisé en résine chémopolymérisable blanche [23], mais l'association d'une plaque base transparente avec des dents en résine dentine [17] présente des avantages supplémentaires (fig. 28) :

• utilisation transitoire comme prothèse de secours :

- en cas d'incident comme une fracture de dent ou de la base de la prothèse d'usage ;

- lorsqu'une réfection totale des bases prothétiques est indiquée ;

• visualisation au travers de la base transparente des zones de pression excessives sur les surfaces d'appui ainsi que la qualité du joint postérieur (fig. 29) ;

• amélioration de l'approche esthétique et des corrections souhaitées qui sont alors simplement transférées au laboratoire de prothèse par un tracé au crayon sur les dents couleur ivoire du PED ;

• enfin, simplification du montage des dents au laboratoire qui est plus facile qu'avec des dents transparentes pour visualiser et établir les contacts occlusaux sur articulateur entre les dents du PED et les dents prothétiques antagonistes dans les cas de prothèses totales bimaxillaires.

Le PED permet, en une seule séance clinique, d'obtenir l'ensemble des données nécessaires à la réalisation de nouvelles prothèses (empreinte, rapport intermaxillaire, esthétique) [23]. En effet, depuis la pose des prothèses, toutes les retouches effectuées sur ces dernières, que ce soit au niveau occlusal ou sur les bases prothétiques, sont également reportées sur le PED. Elles sont exécutées suivant une méthodologie et une chronologie identiques et légèrement par excès [23]. Au stade de l'empreinte, il est souhaitable de vérifier les bords du porte-empreinte et d'améliorer les joints à l'aide de matériau polyéther comme évoqué précédemment (fig. 30). En fonction de l'ajustage du PED, il convient alors d'employer une quantité de matériau adapté et une viscosité moyenne ou basse pour le réglage des bords et la réalisation des joints (fig. 31).

Dans le cas d'une prothèse bi-maxillaire, l'enregistrement complémentaire des joints doit d'abord être entrepris au maxillaire en utilisant comme antagoniste le PED mandibulaire. Cela permet de tenir compte, lors de l'enregistrement fonctionnel, du déplacement vers l'avant induit par les contraintes exercées sur les surfaces d'appui maxillaire sous l'effet des sollicitations occlusales, lorsque le patient est guidé et maintenu en occlusion dans le bon rapport. Une fois l'empreinte maxillaire réalisée, celle-ci est replacée en bouche pour prendre l'empreinte fonctionnelle mandibulaire. Les empreintes effectuées, un enregistrement de l'occlusion, obtenu par l'intermédiaire d'un articulé de Tench utilisant de la pâte de Kerr grise, permet le contrôle du rapport intermaxillaire ainsi que la mise en articulateur des modèles secondaires issus de ces empreintes [23].

Conclusion

En prothèse complète, les techniques d'élaboration et de réglage clinique des PEI sont aussi nombreuses et variées que les différentes techniques d'empreintes utilisées. Cela impose certains critères de réalisation des PEI adaptés à chaque situation clinique et la mise en œuvre d'une méthode de réglage simple, rigoureuse et efficace permettant de réaliser dans des conditions optimales des empreintes secondaires ou de complément. Le PEI a donc pour objectif, après avoir été correctement réglé en bouche, de simuler le volume de la future prothèse afin de replacer les organes para-prothétiques et la musculature périphérique dans une position physiologique tout en servant de support au matériau d'empreinte lors des enregistrements fonctionnels.

Remerciements à Messieurs Claude Audoux et Roger Lerpscher pour les travaux de laboratoire.

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