Cinématique des rapports occlusaux en prothèse amovible partielle - Cahiers de Prothèse n° 112 du 01/12/2000
 

Les cahiers de prothèse n° 112 du 01/12/2000

 

Prothèse amovible partielle

Marcel Begin  

MCU-PH
71, rue de Rennes
75006 Paris

Résumé

L'équilibre d'une PAP sur ses surfaces d'appui nécessite l'établissement d'un concept occluso-prothétique adapté au cas clinique. Certaines règles concernant les contacts occlusaux en OIM et les guidages à établir en propulsion et en diduction sont définies en tenant compte de plusieurs paramètres : l'arcade antagoniste, la valeur parodontale des dents restantes et leur répartition sur l'arcade, l'étendue de l'édentement. En prothèse composite, les apports de la prothèse fixée au schéma occlusal sont décrits et l'influence du choix des dents prothétiques sur la pérennité occlusale est mise en évidence.

Summary

Kinematics in jaw relationships in removable partial denture

The balance of a removable partial denture on its supporting surfaces demands the setting-up of an occluso-prosthetic concept adapted to the clinical case. Certain rules concerning the occlusal contacts in centric occlusion and the guidings to be establised in protrusion and diduction are defined according to several parameters : the antagonistic arch, the periodontal value of the remaining teeth and their dispatching on the arch, the widespreading of the edentulous area. In composite prosthesis (fixed and removable prosthesis), the contributions of the fixed prosthesis to the occlusal outline are described and the influence of the choice of prosthetic teeth on the occlusal durability is pulled to the fore.

Key words

composite prosthesis, gnathic kinematics, occluso-prosthetic concept, removable partial denture, protrusion/lateral excursion

La réussite d'un traitement par prothèse amovible partielle (PAP) dépend à la fois de l'équilibre de la prothèse sur ses surfaces d'appui et du maintien de la santé tissulaire des structures anatomiques concernées par la rétention prothétique [1].

La stabilité d'une PAP requiert :

• un état satisfaisant des surfaces d'appui obtenu grâce à une prothèse transitoire de traitement permettant d'obtenir une mise en état des tissus d'appui à l'aide d'une résine à prise retardée (Fitt®, Hydrocast®, Viscogel®,etc.) associée ou non à une rééducation neuro-musculaire et neuro-articulaire ;

• une conception du châssis adaptée au type d'édentement ;

• une empreinte secondaire prenant en compte la différence de dépressibilité tissulaire et permettant un enregistrement précis de la ligne de réflexion muqueuse et de la morphologie des tissus paraprothétiques ;

• une occlusion et un concept occluso-prothétique adaptés au cas clinique en réponse aux questions suivantes :

- doit-on établir l'occlusion d'intercuspidie maximale (OIM) en relation centrée (RC) ?

- doit-on établir un guidage antérieur ? Est-ce possible ?

- doit-on établir une fonction canine ? Est-ce possible ?

• un choix et un montage des dents assurant la pérennité du schéma occlusal retenu.

L'objectif de cet article est de définir, en fonction des différentes situations cliniques, quels schémas occluso-prothétiques doivent être retenus pour assurer la stabilité de la PAP au cours des différentes fonctions.

Concepts occluso-prothétiques

En prothèse, certains concepts occluso-prothétiques font référence.

Prothèse fixée

Deux écoles ont influencé les conceptions actuelles en définissant les schémas occlusaux à obtenir [2-7].

L'école gnathologiste [8, 9]

• En OIM, des rapports cuspides-fosses (une dent sur une dent) assurent la stabilité de la position mandibulaire qui s'effectue en RC.

• En propulsion, un guidage antérieur assure l'absence de contact postérieur.

• En diduction, une fonction canine du côté travaillant assure l'absence de contact du côté non travaillant.

L'école fonctionnaliste [3, 7]

• En OIM, des rapports cuspides-crêtes marginales (une dent sur deux dents) assurent la stabilité de la position mandibulaire qui s'effectue en RC. De légers déplacements sagittaux et frontaux sont tolérés.

• En propulsion, un guidage antérieur assure l'absence de contact postérieur.

• En diduction, une fonction de groupe du côté travaillant assure l'absence de contact du côté non travaillant.

Actuellement, ces données théoriques doivent être adaptées au cas clinique, avec pour objectif d'assurer, par les dents postérieures et leur rôle de calage, la stabilité de l'occlusion d'intercuspidie maximale, que ce soit par contact une dent sur une dent ou une dent sur deux dents.

En l'absence de pathologie, la position de référence dépend du nombre de dents restantes et de leur répartition sur l'arcade. L'OIM (relation dentaire) est retenue comme position de référence lorsque le nombre de dents restantes est suffisant pour assurer un calage occlusal stable et, en particulier, en présence de contacts postérieurs fiables. « L'idéal est d'avoir des contacts nombreux, punctiformes, répartis sur les dents cuspidées, égaux en intensité et qui s'exercent selon l'axe des dents [10]. »

Lorsque le nombre de dents restantes est insuffisant pour assurer un calage stable, dans les cas d'édentement de grande étendue ou en l'absence de dents postérieures capables d'assurer un rôle de calage, la relation centrée, position articulaire obtenue par manipulation, est à retenir comme position de référence.

Quelle que soit la position de référence, le guidage en propulsion par les dents antérieures (faces palatines des incisives et des canines maxillaires) doit conduire à l'absence de contacts postérieurs.

Lors de la diduction, le mouvement frontal de latéralité travaillante est guidé soit par la face palatine de la canine maxillaire, soit par un groupe de dents comprenant la face palatine de la canine et les versants internes des cuspides vestibulaires des prémolaires et molaires maxillaires. Le guidage travaillant doit conduire, du côté travaillant, à l'absence de contact des dents ne participant pas à ce guidage et à l'absence de tout contact dentaire du côté non travaillant [11].

Prothèse amovible complète (PAC)

En prothèse amovible complète, l'occlusion intégralement équilibrée selon Gysi est le schéma occlusal de référence [12-16].

• En OIM, des contacts simultanés bilatéraux sont nécessaires pour assurer la stabilité des prothèses sur les surfaces d'appui (fig. 1a et 1b).

• En propulsion, ce concept se caractérise par des contacts généralisés qui s'établissent, d'une part, entre les bords libres des incisives et canines mandibulaires et les faces palatines du secteur incisivo-canin maxillaire et, d'autre part, entre les pans mésiaux des cuspides mandibulaires et les pans distaux des cuspides maxillaires. Il convient d'obtenir au minimum un trépied constitué par un contact interincisif antérieur et des contacts entre les deuxièmes molaires antagonistes (fig. 1c).

• En diduction, ce concept se caractérise également par la nécessité d'obtenir un trépied avec, du côté travaillant, des contacts entre les pointes cuspidiennes vestibulaires et linguales des prémolaires et molaires antagonistes et, du côté équilibrant, par des contacts entre les cuspides d'appui maxillaires et mandibulaires (fig. 1d).

Prothèse amovible partielle (PAP)

En prothèse amovible partielle, il n'y a pas de concept occluso-prothétique spécifique. Différents paramètres doivent être pris en compte pour établir le schéma occluso-prothétique [17-19] :

- l'arcade antagoniste : en présence de deux prothèses antagonistes, celle dont l'équilibre est le plus instable dicte le schéma occluso-prothétique à établir ;

- la valeur parodontale des dents restantes : la participation d'une dent à un mouvement excentré de la mandibule est directement liée à sa valeur parodontale ;

- l'étendue de l'édentement : lorsque l'édentement est de petite étendue, la possibilité de ne faire participer que les dents restantes aux guidages mandibulaires est réelle. Elle s'amenuise quand l'édentement est plus étendu. Ce paramètre est à conjuguer avec le suivant ;

- la répartition des dents restantes : à lui seul ce paramètre conditionne les schémas occluso-prothétiques envisageables.

Compte tenu de ces données et du risque, pour une PAP en déséquilibre occlusal, de provoquer des tractions nocives sur les dents restantes et d'accélérer la résorption des crêtes, certaines règles générales peuvent être dégagées.

Règles générales

Occlusion en OIM

Des contacts bilatéraux simultanés sont nécessaires et concernent à la fois les dents restantes et les dents prothétiques.

Occlusion en propulsion et en diduction [17-19]

En propulsion et en diduction, pour assurer la stabilité prothétique, il faut trois contacts prothétiques non alignés ou aucun. Le guidage doit être assuré par au moins trois dents prothétiques non alignées ou bien uniquement par des dents naturelles :

- si les contacts s'établissent sur les seules dents restantes, ils ne sont pas déséquilibrants pour la PAP ;

- si les contacts s'établissent à la fois sur les dents restantes et sur les dents prothétiques, ils ne sont en général pas déséquilibrants pour la PAP ;

- si les contacts s'établissent sur les dents prothétiques uniquement, selon leur répartition, ils peuvent être déséquilibrants.

L'idéal est de n'avoir aucun contact sur la prothèse mais il faut pour cela que la répartition et la santé parodontale des dents restantes soient favorables.

Contacts occlusaux en propulsion

Faut-il éviter les contacts postérieurs ou les rechercher [17-20] ?

En propulsion, la présence de contacts postérieurs est subordonnée à la qualité du guide antérieur :

- les contacts postérieurs sont à éviter si les contacts prothétiques antérieurs ne sont pas déséquilibrants et si les dents antéro-inférieures et antéro-supérieures sont de valeur suffisante pour assurer le guidage. Pour cela, il faut un recouvrement incisif suffisant et une courbe occlusale peu accentuée dans le plan sagittal [21] ;

- les contacts postérieurs sont à rechercher si les contacts prothétiques antérieurs sont déséquilibrants ou si les dents antérieures sont absentes ou de faible valeur parodontale. Pour cela, un faible recouvrement incisif est nécessaire, associé à une accentuation de la courbe occlusale dans le plan sagittal pour obtenir des contacts postérieurs.

Exemples cliniques

• Guidage antérieur en propulsion

• 1er cas (fig. 2a, 2b, 2c, 2d, 2e et 2f) : édentement maxillaire bilatéral encastré (fig. 2a) et édentement mandibulaire bilatéral encastré (fig. 2b), support parodontal des dents restantes satisfaisant :

- en OIM, des contacts bilatéraux simultanés ont été établis sur les dents naturelles et sur les dents prothétiques (fig. 2c) ;

- le guidage de la mandibule en propulsion est assuré par les dents antérieures naturelles sans interférence au niveau des dents postérieures (fig. 2d).

• 2e cas (fig. 3a, 3b, 3c, 3d, 3e et 3f) : édentement maxillaire bilatéral postérieur (fig. 3a et 3b) et édentement mandibulaire bilatéral postérieur (fig. 3c), support parodontal des dents restantes satisfaisant :

- en OIM, des contacts bilatéraux simultanés ont été établis sur les dents naturelles et sur les dents prothétiques (fig. 3d) ;

- le guidage de la mandibule en propulsion est assuré par les dents antérieures naturelles sans interférence au niveau des dents postérieures. L'importance du volume de la crête maxillaire et des tubérosités associée à un espace prothétique réduit a conduit au choix d'un plan de référence occlusal en situation basse avec des courbes fonctionnelles peu marquées (fig. 3e).

• Recherche de contacts postérieurs en propulsion

Différentes raisons peuvent conduire le praticien à indiquer la recherche de contacts postérieurs en propulsion :

- soulager les dents antérieures restantes ;

- stabiliser une PAC antagoniste ;

- stabiliser une PAP restaurant un édentement antérieur de grande étendue.

• 1er cas (fig. 4a, 4b, 4c et 4d) : édentement maxillaire bilatéral postérieur et édentement mandibulaire bilatéral postérieur (fig. 4a), support parodontal des dents restantes affaibli :

- en OIM, des contacts bilatéraux simultanés ont été établis sur les dents naturelles et sur les dents prothétiques (fig. 4b) ;

- en propulsion, deux solutions sont envisageables :

- soit solidariser l'arc antérieur (attelle, bridge) qui guidera alors le mouvement de propulsion, les dents postérieures perdant leur contact en propulsion ;

- soit rétablir des contacts postérieurs pour soulager les dents antérieures.

Dans le cas présent, compte tenu de la réduction du support parodontal et du peu de dents restantes, l'établissement de contacts postérieurs prothétiques est rendu nécessaire en propulsion (fig. 4c).

• 2e cas (fig. 5a, 5b et 5c) : édentement mandibulaire bilatéral postérieur et édentement complet du maxillaire (fig. 5a) :

- en présence d'un édentement complet de l'arcade antagoniste, quels que soient l'édentement partiel et son étendue, la PAC, prothèse à l'équilibre le plus instable, impose le choix du schéma occlusal à établir, à savoir le montage généralement équilibré selon Gysi ;

- la stabilité prothétique est assurée en OIM par des contacts simultanés bilatéraux (fig. 5b) et en propulsion par des contacts généralisés (fig. 5c).

• 3e cas (fig. 6a et 6b) : édentement mandibulaire bilatéral postérieur associé à un édentement antérieur et à un édentement maxillaire complet (fig. 6a) : afin de conserver l'équilibre prothétique mandibulaire en propulsion, il est nécessaire d'assurer un calage occlusal postérieur. Pour cela, il faut accentuer les courbes occlusales.

Lorsque le maxillaire est restauré par une PAC ou par une PAP de classe 1, cette intervention est aisée (fig. 6b). En revanche, elle se révèle parfois difficile ou impossible par les seules améloplasties lorsque le maxillaire est denté ; des coronoplasties additives telles que des onlays ou des couronnes peuvent être alors nécessaires [22, 23].

• 4e cas (fig. 7a, 7b, 7c, 7d, 7e et 7f) : édentement maxillaire antérieur de grande étendue (fig. 7a) et édentement mandibulaire bilatéral encastré (fig. 7b) :

- en OIM, des contacts bilatéraux simultanés ont été établis sur les dents naturelles et sur les dents prothétiques (fig. 7c) ;

- en propulsion, un seul contact antérieur serait déstabilisant pour la PAP. Il y a nécessité d'obtenir des contacts postérieurs sur les taquets occlusaux afin de stabiliser la prothèse (fig. 7d).

Ces aménagements destinés à obtenir des contacts postérieurs favorisent des forces tangentielles qui peuvent être défavorables pour les dents postérieures restantes. En outre, les coronoplasties destinées à établir les courbes occlusales nécessaires à ces contacts postérieurs ainsi que celles destinées aux taquets occlusaux peuvent imposer des préparations tissulaires et/ou des restaurations importantes. Ces inconvénients sont à mettre en balance avec le fait que, s'il n'existe pas de contact postérieur, il se produit une traction nocive sur les dents postérieures par l'intermédiaire des crochets [17].

En propulsion

• Si les dents antérieures maxillaires et mandibulaires sont de bonne valeur, un guidage antérieur est souhaitable. Pour cela, il faut :

- un recouvrement incisif suffisant ;

- des courbes occlusales peu accentuées.

• Si les dents antérieures sont absentes ou de faible valeur, des contacts postérieurs sur la PAP sont nécessaires. Pour cela, il faut :

- un faible recouvrement incisif ;

- des courbes occlusales accentuées dans le plan sagittal.

Contacts occlusaux en diduction

Faut-il éviter les contacts non travaillants ou les rechercher [17- 20] ?

Lors de la diduction, la présence de contacts non travaillants est directement dépendante de la situation et de la qualité des contacts du côté travaillant.

Contacts du côté travaillant

Si la valeur parodontale des canines est bonne ou s'il existe une attelle ou un bridge intéressant la canine, une fonction canine est recherchée.

Si les canines sont déficientes, il faut établir une fonction de groupe :

- soit sur les dents naturelles ;

- soit à la fois sur les dents naturelles et prothétiques ;

- soit, dans certains cas extrêmes, uniquement sur les dents prothétiques.

Contacts du côté non travaillant

Compte tenu de ces données, certaines règles peuvent être dégagées pour le côté non travaillant.

Des contacts non travaillants sont évités quand les contacts travaillants s'effectuent sur les dents naturelles (fonction canine ou fonction de groupe de dents naturelles) et ne sont donc pas déséquilibrants pour la PAP. Pour cela, le recouvrement canin ou cuspidien doit être suffisant et la courbe occlusale doit être peu accentuée dans le plan frontal (fig. 2e et 2f).

Des contacts non travaillants ne sont pas recherchés quand les contacts travaillants se répartissent entre les dents restantes et les dents prothétiques. La recherche de contacts non travaillants est fonction de l'état parodontal des dents restantes guidant la diduction et de l'importance des aménagements occlusaux nécessaires à l'obtention de ces contacts non travaillants.

Pour le cas clinique présenté (fig. 7a, 7b, 7c, 7d, 7e et 7f), la prise en charge des mouvements de diduction est assurée du côté travaillant à la fois par les dents naturelles couronnées et les dents prothétiques. Le rapport des crêtes maxillaire et mandibulaire ne permet pas d'obtenir des contacts occlusaux sur les dents prothétiques de la prothèse amovible du côté non travaillant. L'équilibre de la prothèse est assuré par un contact entre les taquets occlusaux de la PAP maxillaire et la cuspide d'appui de 47.

Des contacts non travaillants sont recherchés quand les contacts travaillants existent uniquement sur les dents prothétiques (fig. 4d) ou lorsque la prothèse antagoniste est une prothèse complète (fig. 5b et 6b). Cela nécessite un faible recouvrement canin, une faible profondeur cuspidienne et une courbe occlusale accentuée dans le plan frontal. Ce qui prime, c'est l'équilibre prothétique : il faut rechercher des contacts non travaillants sur la prothèse sinon l'instabilité prothétique provoquera une traction sur les dents restantes par l'intermédiaire des crochets.

Remarque : dans les cas d'édentements bilatéraux postérieurs bimaxillaires, pour obtenir un contact non travaillant, il suffit d'orienter ad linguam les dents prothétiques lors de leur montage. Dans certains cas d'édentements unimaxillaires postérieurs, pour obtenir un contact non travaillant, il est nécessaire d'accentuer la courbe de Wilson en réalisant des coronoplasties sur les dents restantes de l'arcade concernée par l'édentement et de l'arcade antagoniste, coronoplasties qui peuvent être des reconstructions dont l'importance est à évaluer avant toute décision [17].

En diduction

• Du côté travaillant :

- si la valeur parodontale des canines est bonne, une fonction canine est recherchée ;

- si les canines sont déficientes, une fonction de groupe est recherchée.

• Du côté non travaillant :

- des contacts non travaillants sont évités si les contacts travaillants s'effectuent sur les dents naturelles ;

- des contacts non travaillants ne sont pas recherchés si les contacts travaillants s'effectuent à la fois sur les dents naturelles et les dents prothétiques ;

- des contacts non travaillants sont recherchés si les contacts travaillants s'effectuent uniquement sur les dents prothétiques.

Concepts occlusaux et prothèse composite

En PAP, les coronoplasties occlusales des dents restantes permettent d'établir un schéma occlusal favorable à l'équilibre de la prothèse. Leur champ d'application limité à l'épaisseur d'émail est réduit.

En prothèse composite, la réalisation d'éléments fixés dont la morphologie occlusale répond parfaitement au schéma occluso-prothétique retenu contribue à améliorer l'équilibre de la prothèse amovible et a un rôle nettement positif. Pour un résultat optimal et pour que les relations clinique- laboratoire soient efficaces, le projet prothétique global doit être matérialisé d'emblée grâce aux moulages d'étude mis en articulateur et à un montage directeur global orientant les différentes indications prothétiques : préparations dentaires, inlay-cores, céramo-métalliques fraisées.

Pour atteindre cet objectif, à chaque étape prothétique, il faut transférer le montage directeur sur le moulage de travail concerné. Ce transfert peut se faire en utilisant la technique du montage directeur polymérisé [24] ou en adaptant le montage directeur initial sur les moulages de travail successifs, après enregistrement du RIM à l'aide d'une base d'occlusion stabilisée.

Quels sont les apports de la prothèse composite au schéma occlusal ?

• Restauration d'un guidage antérieur en propulsion et en diduction. Un recouvrement incisivo-canin assurant un guidage antérieur précis, efficace, sans interférence postérieure est à rechercher à chaque fois que la présence, la situation et le support parodontal des dents antérieures le permettent. La prothèse composite, grâce à la restauration des faces palatines et des faces occlusales des dents restantes, facilite l'élaboration de ce concept occluso-prothétique. Cet intérêt s'ajoute aux intérêts physiologiques, mécaniques et esthétiques abordés par ailleurs [25] (fig. 8a, 8b, 8c et 8d). Un point particulier est illustré par la figure 3b qui représente un cas de prothèse composite comprenant un bridge fraisé de 16 à 23, avec 23 en extension (fig. 3f). Outre les avantages, d'une part, de reporter distalement la fausse gencive et, d'autre part, de pouvoir inclure dans 23 la partie femelle d'un attachement glissière, cette conception permet de faciliter au laboratoire la réalisation du schéma occlusal et de rétablir un guidage canin sur le bridge, donc sur les dents naturelles restantes. La présence d'un grand arc de stabilisation représenté par le bridge de 16 à 23 autorise cet écart aux principes guidant la conception des bridges et des châssis dans les cas d'édentement postérieur en extension. Il faut noter que les autres solutions prothétiques consistant à remplacer 23 par la prothèse amovible auraient soulevé des problèmes d'ordre esthétique (rétention sur 22) et occlusaux plus difficiles à résoudre.

• Grande liberté dans le choix de la surface et de la situation des taquets occlusaux afin de répondre au schéma occlusal choisi (fig. 9a, 9b et 9c).

• Utilisation d'un appui radiculaire pour améliorer la stabilité de la PAP. La possibilité de conserver, en présence d'un édentement antérieur de grande étendue ou postérieur en extension, un appui radiculaire contribuant à la sustentation, voire à la rétention si l'état parodontal le permet, peut conduire à simplifier le concept occlusal classiquement admis dans ces cas d'édentement (fig. 10a, 10b, 10c, 10d et 10e).

Dans les cas où un guidage antérieur est impossible à établir, la prothèse composite permet, par une orientation des surfaces occlusales des dents traitées par des couronnes fraisées, d'obtenir un équilibre occlusal favorable à la fois à la pérennité des dents restantes et à l'équilibre de la PAP.

Dans l'exemple d'un édentement antérieur maxillaire de grande étendue associé à un édentement bilatéral encastré mandibulaire (fig. 7a, 7b, 7c, 7d, 7e et 7f), le schéma occlusal est dicté par la PAP maxillaire dont l'équilibre est le plus instable. Les dents restantes maxillaires, présentant un support parodontal favorable, recevront des couronnes fraisées jumelées sur 16-17 d'une part et sur 26-27 d'autre part. Ces couronnes sont parfaitement intégrées dans le schéma occlusal prévu lors de l'étape préprothétique et matérialisé par le montage directeur global (wax-up, montage des dents prothétiques). Elles permettent d'obtenir en propulsion et en diduction une stabilité de la PAP.

La présence de taquets occlusaux bien situés et de dimension importante ainsi qu'une orientation favorable des faces occlusales ont permis d'établir des contacts répartis à la fois sur les dents prothétiques, les taquets occlusaux et les couronnes.

Deux facteurs pérennisent les facteurs occlusaux statiques et cinématiques établis lors de la réalisation de la PAP. Il s'agit d'une conception rigide du châssis, d'un choix et d'un montage des dents adaptés au cas clinique. Une défaillance de l'un de ces deux facteurs aurait pour conséquence une surcharge des dents restantes et une résorption accélérée des surfaces d'appui ostéomuqueuses.

La prothèse composite permet :

- de rétablir des courbes occlusales et des angulations cuspidiennes en cohérence avec le schéma occlusal retenu ;

- d'établir un arc de contention permettant, dans les cas d'édentement postérieur, de restaurer un guidage antérieur ;

- de distribuer les taquets occlusaux et d'augmenter leur surface afin de répondre au schéma occlusal retenu ;

- de s'affranchir d'un axe de rotation dans les édentements postérieurs en extension et les édentements antérieurs de grande étendue.

Choix des dents prothétiques

Seuls le matériau et les dimensions des dents prothétiques concernent l'occlusion.

Matériau

Dents en porcelaine

Leurs qualités sont indéniables en ce qui concerne l'esthétique, leur état de surface lisse et de très faible porosité, leur dureté de surface et leur résistance à l'abrasion. Elles sont donc indiquées pour maintenir les rapports occlusaux et participer ainsi à la pérennité de l'équilibre occlusal.

Dents métalliques massives ou contre-plaques

Coulées en même temps que le châssis, elles sont indiquées quand l'espace prothétique est faible (supraclusie incisive, infragnathie molaire) (fig. 11a, 11b, 11c et 11d). Leur élaboration nécessite un prémontage pour valider cliniquement le rapport intermaxillaire enregistré et le montage des dents antérieures lorsqu'il s'agit de contreplaques.

Dents en composite ou en résine

Elles sont indiquées lorsque l'espace prothétique est insuffisant pour monter des dents en porcelaine, lorsque les secteurs édentés présentent des crêtes flottantes non opérables chirurgicalement, lorsque le patient est atteint de la maladie de Parkinson ou lorsqu'il s'agit d'un édentement intercalaire de très faible étendue (une ou deux dents).

Dimensions

Que ce soit pour une selle encastrée ou pour une selle en extension, le choix se fait en fonction du volume disponible (hauteur, largeur vestibulo-linguale et distance mésio-distale), de la morphologie et de la situation des dents antagonistes. Dans les cas d'édentements de très grande étendue, une réduction des tables occlusales est indiquée dans le sens vestibulo-lingual, sans toutefois affecter le rôle de calage en OIM.

Remarque : pour une selle en extension, la distance mésio-distale disponible pour le montage est limitée postérieurement par la partie antérieure de la tubérosité au maxillaire et du trigone à la mandibule [26].

Dans le cas particulier des édentements mandibulaires uni- et bilatéraux postérieurs en extension, le montage 3HM d'Ackerman est recommandé :

- H = hétéronombre : on ne remplace jamais la 3e molaire, et une prémolaire mandibulaire peut être supprimée (classe II d'Angle) ;

- H = hétéromorphie : diminution des diamètres vestibulo-lingual et mésio-distal ;

- H = hétérotopie : parfois la 2e molaire est remplacée par une prémolaire ;

- M = médiane : pression maximale exercée au niveau médian de la selle en OIM.

Ce type de montage où les dimensions des dents prothétiques sont réduites permet d'éviter tout risque debasculement et de diminuer la pression sur les crêtes édentées (fig. 3c).

Le montage est validé cliniquement, puis la polymérisation est réalisée avec rigueur afin de contrôler au mieux les modifications occlusales qui pourraient se produire par rétraction de la résine. Lors de l'insertion, la précision des rapports est contrôlée et, si nécessaire, une équilibration est entreprise.

Conclusion

Les rapports occlusaux statiques et cinématiques contribuent à l'équilibre de la PAP sur sa surface d'appui. La pérennité de ces rapports nécessite des visites de contrôle régulières pour assurer le maintien de la stabilité occlusale et celui de l'adaptation des selles sur leur surface d'appui.

Un contact non contrôlé sur une dent prothétique peut, par un effet de levier, entraîner une surcharge des dents restantes, une résorption des surfaces d'appui ostéo-muqueuses et une sensation d'inconfort nuisant à l'intégration prothétique.

La responsabilité du traitement occlusal incombe au praticien (rapport intermaxillaire exact, conception du châssis et choix du concept occlusal adaptés au cas clinique) qui déléguera avec discernement le montage des dents prothétiques au prothésiste (précision des courbes, des contacts occlusaux et de l'angulation cuspidienne). La réussite est le résultat d'une collaboration bien comprise entre le chirurgien-dentiste et le prothésiste.

Les cas présentés dans cet article ont été réalisés par les laboratoires :

- G.H. et J. Guerrero pour la prothèse fixée ;

- PBM 92 et Connexion pour les châssis ;

- Guy Pennequin pour le montage des dents prothétiques.

Nous les remercions pour la qualité de leur travail.

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