Occlusion en prothèse et réalité clinique quotidienne - Cahiers de Prothèse n° 112 du 01/12/2000
 

Les cahiers de prothèse n° 112 du 01/12/2000

 

Occlusodontie

Jean-Charles Kohaut  

Docteur en chirurgie dentaire, DU Occlusodontie
4, avenue Georges Mandel
75116 Paris

Résumé

Si des critères occlusaux sont nécessaires dès la mise en place d'un simple amalgame, les reconstructions prothétiques imposent au patient une nouvelle intercuspidie maximale dont les caractéristiques devront être choisies par le praticien. Les moyens utilisés pour transmettre les informations au laboratoire sont analysés de façon à adopter une démarche clinique efficace et simple.

Summary

Prosthetic occlusion and daily clinical reality. Theory, practice and good sense. Simplicity and accuracy

If some occlusal criteria are necessary as soon as a simple amalgam is set up, the prosthetic restorations impose a new maximum intercuspation, whose characteristics must be chosen by the practitioner. The means that are used to convey the information to the laboratory are analyzed in order to adopt an efficient and simple clinical procedure.

Key words

articulators, centric occlusion, jaw relations, occlusal antomy

Toute prothèse doit s'intégrer dans une structure complexe que constitue l'appareil manducateur. Des renseignements doivent être recueillis par le praticien sur les différentes parties des organes concernés. Ces renseignements qualitatifs ou quantitatifs permettent d'évaluer l'état de santé des différentes parties anatomiques ainsi que leur capacité à effectuer et à supporter les fonctions qui leur sont imparties [1].

Cette analyse préalable oriente en effet les choix thérapeutiques du praticien, en particulier sur le plan occlusal. Par exemple, un état parodontal fragile peut amener à modifier la répartition des guidages dentaires pour répartir les charges sur un plus grand nombre de dents. Des signes de souffrance articulaire (claquements, crépitations) conduiront à vouloir protéger l'ATM et, par conséquent, à établir des rapports occlusaux privilégiant le calage postérieur. Un asynchronisme ou une asymétrie entre les masséters droits et gauches peut amener, par exemple, à vérifier ou à modifier l'orientation du plan d'occlusion dans le plan frontal.

Ces choix évitent donc toute démarche stéréotypée.

Mettre en place une prothèse sans avoir tenté d'évaluer l'état de santé du système dans lequel elle vient se placer est une démarche médicalement inconséquente. Même si la tendance actuelle, faute de références scientifiques validées, tend à minimiser le rôle de l'occlusion dans l'apparition ou l'entretien des dysfonctions de l'appareil manducateur [2], le praticien doit assumer des choix [3]. En son temps, Raymond Leibovitch disait : « Ne pas opter pour un concept occluso-prothétique, c'est de toute façon faire un choix occlusal pour son patient. » Cette phrase reste d'actualité même si les concepts ont évolué. En termes plus actuels, on peut dire que « ne pas tenir compte des signes de dysfonction chez un patient constitue un choix fonctionnel pour celui-ci ».

Les questions principales qui se posent au praticien pour que le système continue à fonctionner sans risque de dégradation sont les suivantes :

- La position mandibulaire qui sera déterminée par l'engrènement final que j'ai établi est-elle « bonne » dans le plan frontal, vertical et horizontal ?

- La qualité et la précision de l'engrènement que j'ai établi sont-elles suffisantes pour apporter le confort à mon patient ?

- Les déplacements mandibulaires à partir de l'engrènement que j'ai imposé à mon patient sont-ils facilement réalisés et bien tolérés ?

Position de référence/position de reconstruction

L'occlusion d'intercuspidie maximale (OIM) est une position fondamentale. Quelle que soit l'évolution de la denture, un individu présente une OIM qui aura été maintenue au prix de modifications adaptatives plus ou moins sévères (fig. 1). Il faut porter un jugement qualitatif ou quantitatif sur cette position dite habituelle ou de convenance. Des déplacements dentaires, des déplacements articulaires, des usures ou d'autres signes de souffrance (musculaires, parodontaux, posturaux) peuvent être impliqués dans le maintien de cette position de maximum de contacts.

Sur le plan qualitatif, l'examen clinique rapporte essentiellement des symptômes douloureux, traduction de l'énergie excessive dépensée par le système pour accéder à cette position et la maintenir. Sur le plan quantitatif, la radiologie (téléradiographie de profil, radiographie de face) donne des distances ou des angles rapportés à différents plans ou points crâniens de référence. Des décalages dentaires ou squelettiques peuvent être ainsi codifiés.

Tôt ou tard, la question du positionnement relatif des moulages du patient se posera au praticien pour étudier, comprendre et reconstruire la denture. L'OIM (engrènement dentaire rigide) situe dans l'espace la mandibule par rapport au crâne.

Comme les ATM ne sont pas des articulations rigides semblables aux boules métalliques des articulateurs, tous déplacements (étirements, compressions, latéropositions) susceptibles d'être causés par le maintien de cette position d'intercuspidie maximale sont à évaluer. Il est donc nécessaire d'avoir une position de référence, cette position de référence pratique cliniquement correspond à la position de relation centrée [4].

Position de référence ne veut pas dire position de reconstruction.

(Il existe toujours une confusion autour de la relation centrée, car elle a été un temps considérée comme une position de reconstruction obligatoire parce qu'elle avait été nécessaire à la réussite clinique de cas « prestigieux ». Ces succès indéniables concernaient des cas de grandes reconstructions non représentatifs de la majorité des situations cliniques rencontrées. La parfaite maîtrise artisanale des étapes de fabrication et l'immense qualité des pièces prothétiques exécutées participaient autant à la réussite clinique que l'utilisation de la relation centrée.) Pour évaluer une position entre deux éléments, il faut avoir un repère externe au système ; la relation centrée est ce repère, un peu à la manière de ce que tout le monde comprend dans d'autres domaines (fig. 2a et 2b).

Une position mandibulaire et donc condylienne d'usage, idéale et universelle ne semble pas exister. La bonne position pour la mandibule est celle qui est bien tolérée par le patient. Cela implique que des changements de position soient réalisables et envisagés dans le cadre d'une reconstruction prothétique… Les modifications de l'occlusion pouvant avoir des conséquences si diverses et si déroutantes en fonction des individus, le choix thérapeutique de cette position reste cependant un défi. Néanmoins, une analyse clinique bien menée justifie certaines démarches de traitement.

Position mandibulaire dans le sens antéro-postérieur

La position mandibulaire de fin de traitement peut être établie en avant de la position mandibulaire initiale - l'ORC ou l'OIM initiale maintenant la mandibule dans une position trop rétruse avec persistance de certains signes et symptômes - (fig. 3, 4, 5, 6, 7 et 8) :

- il existe des signes ou des symptômes de compression articulaire - que le ménisque soit en bonne ou mauvaise position - avec douleurs localisées à l'ATM en fin de fermeture (mastication douloureuse sur aliments durs, sensation d'inconfort en occlusion, sensation de soulagement en légère propulsion, diminution de l'interligne articulaire sur scanner, avec ou sans signes de dégénérescence arthrosique, etc.) ;

- il existe des signes et/ou des symptômes de luxation discale réversible (si la luxation est unilatérale, le patient aura tendance à vouloir avancer un seul condyle, entraînant une avancée avec une composante latérale ; si la luxation est bilatérale, on aura une avancée purement sagittale) ;

- il y a une faible hauteur clinique des dents postérieures associée à une supraclusion avec ou sans signes articulaires ;

- il existe des signes et/ou des symptômes d'arthrose ou de luxation discale irréversible. Comme dans le cas de la luxation discale réversible, l'avancée peut comporter une composante latérale en fonction de l'atteinte d'un ou des deux condyles.

Notons que dans le cas d'atteinte articulaire, luxation réversible, irréversible ou de type arthrosique, une composante purement verticale d'abaissement peut être réalisée (cale postérieure en urgence (fig. 8), gouttière d'abaissement). Cette manœuvre, souvent bénéfique en urgence, constitue parfois une alternative à la décompression par avancée mandibulaire.

Les différentes situations évoquées concernent des changements de position relativement faibles, au maximum 2,5 à 3 mm. Ces déplacements engagent l'ensemble du corps mandibulaire.

Dans certains cas de malocclusions sévères, le recours à la chirurgie orthognatique permet de modifier de façon plus importante la position relative des 2 arcades. Ce recours à la chirurgie orthognatique est envisagé dans 2 types de situations :

- un décalage squelettique dépassant les possibilités de correction orthodontique (fig. 9, 10, 11 et 12) (pas de croissance, support parodontal très affaibli, ancrage insuffisant, etc.) ;

- un décalage squelettique qui pourrait être corrigé uniquement en orthodontie, mais sans améliorer, voire en aggravant le déséquilibre facial existant [5].

Les situations classiquement rencontrées sont :

- les classes III ;

- les grandes classes II ;

- les béances antérieures ;

- les excès ou les déficits verticaux excessifs ;

- le syndrome de Brodie…

La chirurgie maxillo-faciale est justifiée si le patient en retire un bénéfice. Même si une fonction améliorée apporte confort et bien-être, il semble que pour de nombreux patients, le gain esthétique leur donne une plus grande satisfaction. Il ne faut toutefois pas sacrifier l'esthétique à la fonction. (Il est à noter que lors de la chirurgie, en particulier lors d'une avancée mandibulaire, seule la partie horizontale de la mandibule portant les dents est avancée. Il n'y a en principe pas de déplacement des têtes condyliennes par rapport au crâne. Il ne devrait pas y avoir non plus de déplacement des pièces intracapsulaires entre elles. Or, le contrôle de la position condylienne pendant la pause des plaques d'ostéosynthèse est extrêmement difficile. Cette difficulté pourrait être à l'origine de désordres intracapsulaires après chirurgie.)

La possibilité de construire une occlusion prothétique en avant de l'OIM existante au départ, en ayant des chances raisonnables de voir la situation se maintenir dans le temps, dépend de l'amplitude de l'avancée réalisée (2,5 mm semble un maximum). Le maintien de la nouvelle position dépend également des capacités d'adaptation neuromusculaires et ligamentaires [6]. Des articulations un peu lâches avec une musculature naturellement détendue sont des facteurs favorables. La diminution d'une inflammation préexistante par l'action mécanique de décompression favorise également l'adaptation musculaire. Notons que dans tous les cas, une période de test est nécessaire pendant plusieurs semaines . Il est préférable d'effectuer un test avec des dents provisoires ou avec des cales collées plutôt qu'avec une gouttière de repositionnement qui modifie, de par sa seule présence (encombrement, instabilité, modification de la morphologie occlusale et de la proprioception), le comportement occlusal du patient.

La position de fin de traitement peut être établie en arrière de la position mandibulaire initiale (fig. 13, 14 et 15) :

- s'il existe des surcharges sur les dents antérieures, apparition de diastèmes au niveau des incisives (fig. 16, 17, 18 et 19) (cas d'effondrements postérieurs, cas de proglissement) ;

- s'il existe un décalage ORC/OIM important entraînant un inconfort ou une imprécision de l'occlusion associée éventuellement à des symptômes musculaires ;

- s'il existe une asymétrie et/ou asynchronie des élévateurs, en particulier dans le cas de position excessivement avancée et latéralisée de l'OIM.

Notons que des éléments de l'analyse occlusale peuvent être en contradiction (signes d'arthrose au niveau articulaire et surcharges des dents antérieures, par exemple). Des compromis doivent donc être trouvés et, dans ces différentes situations, la période de test trouve toute sa valeur.

Position mandibulaire dans le sens vertical

La position mandibulaire dans le sens vertical revient à déterminer la DVO. Par le passé, on estimait que faire varier la DVO pouvait induire une symptomatologie complexe. Lors des 12e journées internationales du CNO consacrées à ce thème La dimension verticale : mythes et limites, certaines conclusions se faisaient jour :

- un certain degré de récidive survient effectivement après augmentation de la DVO ;

- la DVO ne revient pas à la valeur initiale quand - comme en chirurgie ou dans les expériences sur les animaux - celle-ci est augmentée d'emblée de plusieurs millimètres. Le degré de récidive, dû aussi bien à un remodelage osseux qu'à une ingression des dents, ne peut être corrélé qu'à un degré d'augmentation et survient surtout dans les premiers mois ;

- une augmentation de la DVO ne semble pas perturber la fonction masticatoire.

Par ailleurs, lors de cette même réunion, il a été rapporté que la position mandibulaire avec un minimum d'activité électromyographique s'obtient avec un espace interocclusal d'environ 10 mm, soit beaucoup plus important qu'il ne l'est dans la position posturale. Cela démontre que la position posturale ne correspond pas au degré minimal de l'activité électro-myographique. En conclusion, la littérature démontre que la DV peut être changée sans l'apparition de toute cette symptomatologie reportée dans la littérature anecdotique. Hélas, la recherche n'a pas donné de réponses précises pour pouvoir établir quelle est la DVO correcte et/ou de combien la DVO peut être modifiée sans danger de complications.

Vu les limitations de toutes les méthodologies décrites, la détermination de la DV doit donner une hauteur qui satisfasse les critères suivants :

- la présence d'un espace interocclusal en position posturale ;

- l'absence de contacts entre les arcades dentaires durant l'activité phonique ;

- une apparence agréable de l'étage inférieur du visage.

Dans certaines situations cliniques (abrasions dentaires avec perte de dimension verticale, courbes occlusales perturbées), l'augmentation de hauteur s'avère être une facilité prothétique dont il ne faut pas se passer.

Position mandibulaire dans le plan frontal (fig. 20, 21, 22 et 23)

Le décalage des milieux (points interincisifs) est un élément à prendre en compte. Ce décalage peut être la conséquence d'un problème dentaire, mais peut être également le fruit d'une latéroposition mandibulaire. La reconstruction prothétique peut être l'occasion d'un recentrage mandibulaire si des signes ou symptômes musculaires et/ou articulaires sont présents du côté mandibulaire dévié.

Si le contrôle de la position des dents antérieures dans le plan frontal est chose aisée (évaluation du sourire), l'orientation des groupes cuspidés est quasiment impossible à repérer sur le patient. Or, le « voilage » du plan d'occlusion n'est pas de nature à assurer une bonne répartition des contraintes occlusales. L'utilisation d'un plateau horizontal avec des repères millimétrés pourrait être une méthode de choix pour analyser et symétriser le plan d'occlusion. Les possibilités offertes par l'instrument de se référer à la téléradiographie guident le praticien dans le choix d'une correction (addition ou soustraction).

Qualité et précision de l'enregistrement

Le choix concernant la situation de la position mandibulaire une fois déterminé, la stabilité dans le temps des rapports établis dépend en partie de la précision et de la qualité de l'engrènement.

Morphologie occlusale (l'outil et la fonction)

Il est essentiel d'apprendre à porter une « vision fonctionnelle » sur l'anatomie dentaire et à reconnaître les signes qui témoignent de la capacité de ces dents à remplir leur rôle (fig. 24). Il faut, pour cela, imaginer que la dent est l'outil qui effectue la fonction, mais qui en supporte aussi les effets. L'anatomie occlusale est la partie active de l'instrument. L'inspection de la face occlusale donne de nombreux renseignements complétant ou expliquant certains signes collectés à distance. Des surfaces occlusales abrasées diminuent le calage mandibulaire, augmentent les activités musculaires, nécessitent la modification des cycles masticatoires, en sollicitant également le parodonte de façon plus sévère. Une facette sur la face externe d'une incisive mandibulaire expliquera l'augmentation de l'encombrement incisif par suite du déplacement de cette dent qui n'était pas calée sur son bord libre.

Afin de maîtriser ce que l'on pourrait appeler « la lecture occlusale », il convient de préciser quelles sont les structures particulières de cette anatomie et quels sont les rôles impartis à chacune d'entre elles [7]. Des structures anatomiques spécifiques accomplissent plus particulièrement chacune des fonctions mécaniques.

Structures statiques

Les structures statiques permettent le calage de la mandibule dans la position déterminée par l'OIM. Elles distribuent les forces engendrées par l'activité isométrique (tonique) des muscles élévateurs entre les organes dentaires antagonistes. Direction et intensité des forces musculaires transmises aux structures parodontales sont modifiées par l'anatomie de l'occlusion, la forme et la situation des contacts occlusaux. Les structures statiques participent donc à la stabilité de l'occlusion.

Ces structures statiques peuvent être systématisées. En ce qui concerne les dents cuspidées, ce sont : les fosses centrales ou marginales, les crêtes marginales et les cuspides d'appui. Au niveau des dents antérieures : les crêtes marginales et les cingulum des dents maxillaires, les bords libres incisifs et les pointes canines des dents mandibulaires.

Ces fonctions statiques nécessitent des contacts occlusaux.

On doit adjoindre à ces éléments ceux qui permettent le calage du bol alimentaire ou d'un aliment dur devant être brisé. Interviennent alors les reliefs des versants internes des tables occlusales.

Structures cinétiques

Les structures cinétiques prennent en charge le guidage de la mandibule lors de ses déplacements en occlusion. On doit inclure parmi ces structures les éléments qui permettent l'échappement des cuspides antagonistes lors des mouvements guidés par l'articulé.

Pour les dents antérieures, ce sont : les crêtes palatines incisives maxillaires et les bords libres des incisives mandibulaires. Les pointes canines mandibulaires glissent en diduction sur le volume convexe de la canine maxillaire. La pointe cuspidienne de la première prémolaire mandibulaire glisse sur le pan disto-palatin convexe de la canine maxillaire lors de la propulsion.

Au niveau des dents cuspidées, les versants internes des cuspides-guides et les versants externes des cuspides d'appui s'affrontent lorsqu'il existe une fonction de groupe postérieure. Les embrasures interdentaires et les sillons intercuspidiens autorisent le passage des cuspides mandibulaires sans interférences.

Les fonctions cinétiques nécessitent des contacts dentaires (contacts glissants) et des espaces interdentaires (échappement).

Structures dynamiques

Les structures dynamiques permettent l'incision, la dilacération, le broiement, puis l'échappement du bol alimentaire.

L'incision se réalise par l'affrontement des bords libres et des pointes canines mandibulaires et maxillaires dans diverses positions de latéralité, de latéro-propulsion ou de propulsion de la mandibule.

Les arêtes triangulaires des tables occlusales cuspidées, les reliefs convexes des crêtes marginales réalisent le broiement des aliments. Les sillons principaux et secondaires des dents cuspidées, les embrasures, les dépressions des faces palatines des dents antérieures permettent l'échappement des particules alimentaires comprimées, puis brisées et insalivées.

Les fonctions dynamiques peuvent s'accomplir sans contacts entre les dents antagonistes. Des proximités occlusales suffisent. Ce sont, en outre, les fonctions dont la diminution ou la disparition provoque le moins de désordres fonctionnels.

Nature des matériaux

En dehors de la morphologie, le choix des matériaux de reconstruction est à prendre en compte. Si la résistance à l'abrasion (tabl. I) est un élément important pour la pérennité des rapports établis, il convient de noter que plus le matériau choisi est dur, plus la précision des réglages est nécessaire. Par ailleurs, dans le cas de patients présentant une tendance à l'hyperfonction nocturne, l'utilisation de matériaux aux caractéristiques mécaniques proches ou identiques évite toute altération importante des courbes d'occlusion. (Dans les cas de grincement nocturne sévère, la plus parfaite des constructions prothétiques ne peut résister dans le temps. Le port d'une gouttière nocturne de protection est indispensable. Le patient doit en être averti au départ du traitement.)

Déplacements mandibulaires

Une fois l'OIM établie, les mouvements mandibulaires doivent pouvoir se faire de façon ample et symétrique. Les avantages d'un guide antérieur efficace ne sont jamais remis en cause.

Dans la mesure du possible, les guidages seront donc impartis aux dents antérieures. Chez un même patient, les guidages droits et gauches peuvent être pris en charge par des dents différentes sans qu'aucun dysfonctionnement n'existe. Néanmoins, la prise en charge des latéralités par la canine reste une facilité prothétique qu'il faut utiliser. (Une valeur intrinsèque faible de cette dernière ou de son parodonte incite à rechercher une participation d'autres dents.)

Moyens de reproduction de la position et des mouvements

Pour réaliser la prothèse, le prothésiste de laboratoire devra être en possession de moulages de travail qu'il pourra situer et déplacer de façon répétée selon les critères établis précédemment. La précision et la quantité d'informations nécessaires dépendent de certaines caractéristiques de la construction prothétique envisagée.

Différents types d'articulateurs

Il existe différents types d'instruments classés selon leur degré de « performance », de l'occluseur à l'articulateur complètement adaptable. L'articulateur est une réplique mécanique reproduisant, avec plus ou moins de fidélité, l'enveloppe, des mouvements mandibulaires du patient. Néanmoins, le choix de l'appareil le mieux adapté aux besoins du prothésiste est guidé en sachant que :

- tous les appareils permettent de maintenir les moulages maxillaire et mandibulaire dans une position statique précise ;

- seuls les articulateurs utilisables avec un arc facial permettent de situer correctement les moulages dans l'espace pour définir l'orientation d'un plan d'occlusion prothétique ;

- seuls les articulateurs utilisables avec arc facial et possibilité de programmation des déterminants postérieurs effectuent des mouvements se rapprochant de ceux du patient.

Différents moyens de programmation

Il existe trois méthodes d'enregistrement des valeurs de programmation (cires de latéralité, enregistrements graphiques, enregistrements électroniques) ainsi qu'une possibilité de régler arbitrairement les déterminants postérieurs. La programmation consiste à régler les déterminants postérieurs, pente condylienne, angle de Bennett.

On pourrait penser qu'il est toujours nécessaire de programmer l'articulateur avec des valeurs les plus proches possible de celles du patient. En pratique, la précision de la programmation dépend des objectifs recherchés dans l'utilisation de l'articulateur. Un montage en articulateur destiné à une analyse occlusale ne nécessite pas les mêmes besoins qu'un montage en articulateur, destiné à réaliser un bridge complet. Les enregistrements graphiques des déplacements condyliens montrent qu'au départ du mouvement, la pente condylienne est d'environ 60. Si l'articulateur est arbitrairement réglé à 40 lors des mouvements, l'abaissement du moulage mandibulaire est moins important sur l'instrument que dans la bouche du patient. Si des interférences sont recherchées, leur mise en évidence est ainsi facilitée. De même, en augmentant l'angle de Bennett sur l'instrument, les possibilités de déplacement latéral sont plus importantes sur l'articulateur que sur le patient, l'instrument balayant un champ plus large que celui susceptible d'être balayé par le patient. Là encore, certaines interférences sont plus facilement mises en évidence. En revanche, la diminution de la pente condylienne et l'augmentation de l'angle de Bennett pour une construction prothétique de grande étendue conduiraient à réaliser des dents certes sans interférences, mais de morphologie plate peu efficace sur le plan masticatoire et inapte à maintenir une OIM définie et précise. Dans ce cas, des enregistrements plus fidèles à ceux du patient sont recommandés.

Informations à transmettre au laboratoire

En fonction de la situation de la construction prothétique

Dans le cas d'une reconstruction postérieure, les notions de calage sont essentielles. La précision du rapport intermaxillaire est importante, de même que l'orientation du plan d'occlusion dans les différents plans de l'espace. En revanche, la reproduction des déplacements est de moindre importance, sauf dans les cas d'insuffisance de guidage antérieur, puisque les éléments postérieurs risquent, à ce moment-là, de se substituer ou de participer aux guidages.

Dans le cas d'une reconstruction antérieure, l'esthétique et la fonction sont testées par les dents provisoires. L'utilisation de la table incisive et la possibilité de faire glisser les moulages lors des différents mouvements excentrés permettent au prothésiste d'affiner la hauteur et la concavité palatine des éléments prothétiques afin d'harmoniser l'ensemble des éléments de guidage. Dans ce cas, l'enregistrement des déterminants postérieurs (angle de Bennett, pente condylienne) ne constitue pas un apport indispensable.

En fonction de l'importance de la construction prothétique

Dans le cas de reconstructions unitaires ou de faible étendue, la reconstruction s'inscrit généralement dans l'occlusion existante. L'orientation des moulages dans l'espace n'est pas nécessaire. L'utilisation d'un arc facial ne se justifie pas, un mordu s'avère souvent suffisant. Seule l'utilisation d'un système de fixation est nécessaire pour les moulages sectoriels (occluseur).

Dans le cas d'empreintes de toute l'arcade, l'intercuspidie est retrouvée par affrontement des moulages. Pour de faibles déplacements, le prothésiste utilise les guidages dentaires lors de déplacements des moulages l'un par rapport à l'autre. En revanche, pour une reconstruction étendue, le plan d'occlusion doit être déterminé avec soin. Il faut donc pouvoir situer les moulages dans l'espace (par rapport au crâne). Un arc facial est nécessaire. Les valeurs des déterminants postérieurs des patients sont enregistrées. Si une arcade complète est à reconstruire, le moulage maxillaire est avantageusement mis en articulateur selon l'axe charnière réel, ce qui permet de jouer avec la dimension verticale en minimisant les risques d'erreurs [9]. Des cires ou de la résine placée directement sur les préparations permettent d'enregistrer les rapports maxillo-mandibulaires. Si les secteurs édentés sont importants, des maquettes d'occlusion sont parfois nécessaires pour améliorer la stabilité des moulages.

Application clinique : tableaux des éléments à fournir

Pour chaque travail prothétique, il faut donc choisir un simulateur, un moulage de travail, un moulage antagoniste (complet, sectoriel) ainsi qu'une technique d'enregistrement (mordus, cires, etc.).

Vu l'immense diversité des situations cliniques, il est délicat d'établir des généralités. Toutefois, le tableau II regroupe celles qui sont le plus caractéristiques.

Conclusion

Avant toute décision prothétique, il faut porter un jugement sur la valeur fonctionnelle de l'OIM que présente le patient, cela pour savoir si la reconstruction à venir peut s'inscrire dans cette occlusion sans en changer les caractéristiques. Si cela n'est pas le cas, une nouvelle OIM de confort ou thérapeutique est à créer par des moyens simples (reconstructions occlusales) ou plus complexes (orthodontie, chirurgie). Dans cette perspective, l'articulateur est toujours un bon moyen d'analyse et parfois le seul pour maintenir des rapports occlusaux particuliers (ORC, repositionnement). Ses qualités les plus intéressantes ne résident pas dans la sophistication des réglages condyliens qu'il autorise. (Cette croyance induisait que la programmation était forcément indispensable et complexe, ce qui est en partie à l'origine de sa disgrâce.) La vision tridimensionnelle, la précision et la reproductibilité des rapports dentaires statiques qu'il maintient sont ses principales qualités.

Si les rapports d'occlusion et l'instrument qui permet de les maintenir sont nécessaires, une vision structurée de l'anatomie occlusale est indispensable pour réaliser pratiquement et finalement les éléments prothétiques.

Bibliographie

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