Réalisation d'un porte-empreinte individuel exploitant la mise en condition tissulaire - Cahiers de Prothèse n° 113 du 01/03/2001
 

Les cahiers de prothèse n° 113 du 01/03/2001

 

Prothèse amovible complète (ou totale)

Vincent Jardel *   Gérard Derrien **  


* MCU-PH
** PU-PH
UFR d'Odontologie
22, avenue Camille-Desmoulins
29285 Brest Cedex

Face aux impératifs complexes imposés par le traitement d'un édentement total, la mise en condition est une étape incontournable. À cet effet, l'utilisation d'une résine à prise retardée [1] permet, sur une prothèse d'usage ou sur une prothèse de transition, de redéfinir progressivement le volume et le modelé corrects des bords. Elle doit être associée au rétablissement de la fonction occlusale et de l'esthétique, à l'aide d'une...


Face aux impératifs complexes imposés par le traitement d'un édentement total, la mise en condition est une étape incontournable. À cet effet, l'utilisation d'une résine à prise retardée [1] permet, sur une prothèse d'usage ou sur une prothèse de transition, de redéfinir progressivement le volume et le modelé corrects des bords. Elle doit être associée au rétablissement de la fonction occlusale et de l'esthétique, à l'aide d'une résine chémo-polymérisable placée sur les arcades dentaires. Ce rétablissement participe au maintien des tissus périphériques et à la stabilisation de l'articulation temporo-mandibulaire dans une position d'équilibre fonctionnelle. La rétention et la stabilisation de la future prothèse seront ainsi améliorées [2]. La mise en condition devient tissulaire, occluso-fonctionnelle et esthétique.

Classiquement celle-ci est suivie d'une empreinte primaire soit au plâtre, soit à l'alginate, en fonction de l'examen clinique, pour enregistrer la totalité des surfaces exploitables sans interférer avec les tissus périphériques [1, 3-6].

Le but de cet article est de proposer une approche différente ; exploitant la mise en condition tissulaire, occluso-fonctionnelle et esthétique comme première étape du traitement et permettant de réaliser le porte-empreinte individuel (PEI) destiné à l'empreinte secondaire. Un cas clinique d'édentement total bimaxillaire permet d'illustrer cette technique temps par temps.

Phase préliminaire

Ces coupes anatomiques frontales de cadavre porteur de prothèses permettent d'objectiver les rapports tissulaires d'une prothèse complète bimaxillaire (fig. 1 et 2). En présence d'une prothèse aux bords sous-étendus, l'exploitation optimale des zones anatomiques favorables à la rétention et à la stabilisation prothétique est obtenue avec de la résine souple à prise retardée, modelée sous pression occlusale.

Dans un premier temps, la prothèse d'usage maxillaire du patient est réadaptée par adjonction de résine chémopolymérisable (Méliodent®) au niveau des tubérosités droite et gauche et suppression de la partie métallique de la ventouse (fig. 3 et 4). La mise en condition débute alors par le rebasage de cette prothèse d'usage avec une résine souple à prise retardée (FITT) régulièrement renouvelée (fig. 5). Simultanément au remodelage des bords, une réadaptation occluso-fonctionnelle [7] et esthétique des arcades dentaires est effectuée par adjonctions successives de résine chémopolymérisable (Texton®) (fig. 6, 7 et 8). Le rétablissement de rapports occluso-fonctionnels, en relation centrée à une dimension verticale d'occlusion correcte, assure un modelage physiologique sous pression occlusale de la résine FITT. Ainsi réadaptée sur une période de 6 à 8 semaines, cette prothèse devient une prothèse de réhabilitation (PR) se substituant à l'empreinte primaire (fig. 8). À la fin de cette période, lorsque la prothèse de réhabilitation est parfaitement intégrée par le patient, la résine FITT non renouvelée pendant 15 jours dans l'intrados de la prothèse devient lisse et ferme. Elle offre une empreinte dynamique des surfaces prothétiques compatibles avec le jeu des organes périphériques.

Phase d'élaboration du PEI

Le moulage primaire est constitué en remplissant (par bourrage) l'intra-dos de la PR avec un silicone de haute viscosité (Putty-Soft, Elite® H-D) (fig. 9). Ce matériau présente une grande plasticité en début de polymérisation qui évite la déformation des bords lors du bourrage ; en revanche, en fin de prise, il devient rigide. Le socle du moulage est ensuite réalisé, par adjonction de plâtre (Snow white Plaster® n° 2) dans des rétentions créées au préalable dans le silicone (fig. 10 et 11). Ce moulage primaire (fig. 11) permet la réalisation d'un PEI en résine chémopolymérisable (Candulor® C-Plast) dont le volume des bords occupe l'intégralité du vestibule (épaisseur et profondeur) (fig. 12). Ce PEI est surmonté d'un bourrelet en résine réplique de l'arcade dentaire de la prothèse de réhabilitation maxillaire. Lors de la phase d'empreinte secondaire, il s'engrènera avec la prothèse de réhabilitation mandibulaire, en relation centrée et à la dimension verticale établie lors de la mise en condition tissulaire, occluso-fonctionnelle et esthétique.

Phase d'empreinte

Les bords de ce PEI (fig. 13) peuvent être ajustés avec de la pâte thermoplastique (pâte de Kerr rouge) au niveau du joint postérieur [3, 6] et, éventuellement, des zones paratubérositaires (fig. 14). La prothèse de réhabilitation mandibulaire est placée en bouche pour permettre une empreinte sous pression occlusale dans des conditions identiques au modelage par la résine FITT. Un mince film de pâte d'oxyde de zinc Eugénol® (Impression Paste) assure l'empreinte secondaire, anatomo-fonctionnelle, compatible avec le jeu physiologique des tissus péri-prothétiques [4, 5] (fig. 15). Le volume global de l'empreinte secondaire est ensuite utilisé pour confectionner la base prothétique (fig. 16). Il convient de noter la similitude des bords et des surfaces prothétiques entre la prothèse de réhabilitation (fig. 5), l'empreinte (fig. 15) et la base (fig. 16).

Ce procédé clinique peut être appliqué de la même façon à la mandibule. Les séquences de réalisation du moulage primaire et du PEI sont identiques à celles mises en œuvre au maxillaire (fig. 17, 18 et 19). Lors de la phase d'empreinte, le marginage se limite ici à l'enregistrement du joint sublingual à l'aide d'une pâte thermoplastique (pâte de Kerr grise) (fig. 20). L'empreinte secondaire anatomo-fonctionnelle (fig. 21) de la surface d'appui est obtenue à l'aide d'une pâte d'oxyde de zinc Eugénol® dont l'épaisseur, très fine, est contrôlée.

Cas clinique

L'utilisation d'anciennes prothèses inadaptées (fig. 22) comme vecteurs de la mise en condition facilitent l'intégration fonctionnelle (fig. 23), esthétique (fig. 24) et psychologique des nouvelles prothèses élaborées.

Conclusion

En prothèse totale, la mise en condition tissulaire à l'aide d'une résine à prise retardée, associée à une réadaptation occluso-fonctionnelle et esthétique, permet le repositionnement des tissus dans une situation favorable, proche de l'équilibre neuro-musculaire et parfaitement intégrée par le patient. L'exploitation globale de cette phase assure une prise en compte du travail acquis et évite les écueils d'une empreinte primaire. Le PEI réalisé sur le moulage issu de la réplique de l'empreinte fonctionnelle avec la résine à prise retardée constitue le vecteur de choix pour l'empreinte secondaire qui bénéficie directement de l'étape de mise en condition. Son réglage, son marginage et la phase d'empreinte secondaire sont simplifiés par rapport à la technique classique. L'intégration de la nouvelle prothèse, réplique de la prothèse de réhabilitation, s'effectue sans difficulté.

bibliographie

  • 1 Lejoyeux J, Lejoyeux R. Mise en condition en prothèse amovible. Paris : Masson, 1993.
  • 2 Hue O, Bertereche MV. Les extrados prothétiques en prothèse adjointe totale. Rôles et réalisations cliniques. Act Odonto Stomatol 1992;177: 179-201.
  • 3 Rignon-Bret C. Porte-empreintes individuels en prothèse adjointe complète. 2e partie : Réglage. Cah Prothèse 1999;107:17-28.
  • 4 Postaire M. Empreintes secondaires mandibulaires avec joint périphérique aux polyéthers. Réalités Cliniques 1997;8(4):383-388.
  • 5 Rignon-Bret JM, Rignon-Bret C. Traitement des cas de promandibulie et de forte résorption chez l'édenté total. Réalités Cliniques 1997;8(4):435-450.
  • 6 Rignon-Bret C. Porte-empreintes individuels en prothèse adjointe complète. 1re partie: Conception. Cah Prothèse 1999;106:65-75.
  • 7 Mariani P. Principes et méthodologie des corrections occlusales par meulages en prothèse totale. Réalités Cliniques 1997;8(4):409-422.