Prothèse fixée
Attaché hospitalier,
Département d'odontologie conservatrice, Paris VII
Président de la Société française de dentisterie
19, avenue d'Eylau
75116 Paris
La reconstitution des dents antérieures dépulpées pose un défi au praticien. Ainsi, le succès clinique dépend de ses connaissances des nouveaux matériaux et de son sens aigu de l'observation. Les types de reconstitution corono-radiculaire sont nombreux tant au niveau de la couronne périphérique (CCM, CCM à armature réduite et céramo-céramique) qu'au niveau de la reconstruction corono-radiculaire (technique directe avec tenon fibré, inlay-core esthétique, inlay-core métallique). En fonction du délabrement corono-radiculaire de la dent, de l'exigence esthétique du cas clinique et des problèmes de bio-compatibilité ou de corrosion, le praticien choisit la technique la plus appropriée, ce qui lui permet d'atteindre les objectifs biologiques, biomécaniques et esthétiques d'une restauration du secteur antérieur.
The reconstitution of endodontically-treated fore teeth is a challenge for the practitioner. Thus, the clinical success depends on the knowledge of new materials and on the sharp sense of observation. There are numerous types of post and core reconstitutions at the level of the peripheric crown (CCM, CCM with limited frame and ceramo-ceramic) as well as of the post an core restoration (direct technique with fibre post, aesthetical inlay-core, metal inlay-core). Considering the post and core decay of the tooth, the aesthetic demands of the clinical case and the problems of biocompatibility or corrosion, the practitioner chooses the most appropriate technique, which allows him to reach his biological, bio-mechanical and aesthetic goals of a restoration of the fore section.
La restauration d'une dent unitaire dans le secteur antérieur, fronton du sourire et de la personnalité, focalise les préoccupations et les exigences esthétiques de nos contemporains. Pour répondre avec succès à cette demande de plus en plus forte, le praticien doit contrôler les nombreux éléments de la chaîne prothétique. Il doit d'abord maîtriser les paramètres biologiques, biomécaniques et analyser les problèmes esthétiques avant d'arrêter son choix du type de restauration.
Les développements toujours plus rapides de la technologie offrent un éventail très large de possibilités qui risquent de perturber le praticien (fig. 1). Le choix du type de reconstitution est une décision thérapeutique qui résulte de l'analyse de la situation clinique [1]. La préparation de la dent, dans un second temps, doit prendre en compte les impératifs de mise en œuvre nécessaires au travail du céramiste à la fois copiste et créateur. De plus, les nouvelles techniques de communication facilitent la relation indispensable du praticien avec le laboratoire.
Cet article tente de répondre aux préoccupations du praticien en faisant le point sur les différentes expressions cliniques des couronnes à vocation esthétique et des infrastructures à ancrage radiculaire. Les critères de choix thérapeutiques sont ensuite donnés en fonction des situations cliniques le plus fréquemment rencontrées.
Les principales familles de couronnes actuellement à la disposition du clinicien concernent [2, 3] :
- la couronne céramo-métallique (CCM) ;
- la CCM à armature réduite [2] ;
- la couronne entièrement en céramique [2, 4, 5].
Les couronnes céramo-métalliques ont déjà une longue histoire de succès cliniques. Elles ont rendu de grands services autant sur le plan fonctionnel qu'esthétique. Cependant, leur armature métallique ne laisse pas passer la lumière et ces couronnes présentent une certaine opacité.
Pour tenter de résoudre le problème de la zone grise cervicale et favoriser la circulation de la lumière dans la zone gingivale, le céramiste suisse W. Geller a proposé, dans les années 80, la technique de chape à armature réduite [3]. Un peu plus tard, les couronnes entièrement en céramique à haute résistance mécanique ont apporté une solution esthétique encore plus favorable, surtout sur dents vivantes. Elles apportent une translucidité supérieure à celle des CCM, particulièrement lorsqu'elles sont utilisées sur une reconstitution sous-jacente non métallique (fig. 2a, 2b et 2c).
Chaque couronne est indissociable d'une reconstruction corono-radiculaire qui assure la rétention et la résistance sans compromettre le résultat esthétique [2, 6] :
- reconstitution directe ;
- inlay-core à vocation esthétique [1, 7] ;
- inlay-core métallique.
Dans les cas de faibles pertes de substance, une reconstruction directe est possible. Le matériau de reconstitution est un composite qui répond aux exigences mécaniques demandées. Il est foulé dans la cavité et nécessite l'utilisation d'un tenon, indispensable dans le secteur antérieur [8]. Lorsque le délabrement est trop important, une technique indirecte doit être réalisée.
Un inlay-core esthétique utilise non pas un matériau métallique mais des matériaux comme le zircone, la céramique renforcée à la leucite, l'alumine ou les composites de laboratoire [6]. Cela apporte un léger éclaircissement de la teinte de la racine, ce qui peut être utile lorsque la gencive est très fine (fig. 3, 4, 5a et 5b).
Trois paramètres majeurs sont à considérer pour orienter le praticien dans sa décision thérapeutique :
- le délabrement corono-radiculaire de la dent ;
- les exigences esthétiques spécifiques du cas clinique et du patient (teinte, type de gencive, caractérisations) ;
- les problèmes de biocompatibilité, de corrosion et d'allergie [9].
Le tableau I résume les différentes situations cliniques et les choix thérapeutiques associés.
Les structures anatomiques coronaires et radiculaires forment le guide majeur dans la décision thérapeutique. Lorsqu'il reste, après préparation du logement canalaire, un collier périphérique de dentine suffisant (au moins 1 mm d'épaisseur et environ 2 mm de hauteur) sur toute la circonférence et que la limite de ce collier périphérique est à distance du parodonte marginal (plus de 1 mm), on réalise le moignon prothétique par technique directe [10, 11].
Le tenon choisi répond aux critères mécaniques et esthétiques déjà cités. Les tenons en zircone sont à éviter parce qu'ils sont trop rigides et très difficiles à retirer [8, 12]. On utilise des tenons en carbone depuis les années 80. Ils répondent parfaitement aux critères mécaniques (module d'élasticité = 120 Gpa) mais donnent une légère ombre grise qui peut influencer la teinte de la racine si le parodonte est très fin [6, 13-15]. Pour palier cet inconvénient, de nouveaux tenons ont été mis sur le marché récemment. Il s'agit de tenons en résine époxy et en fibres de verre, de silice ou de quartz (ex. : Luscent®, Dentatus ; Endo-light post®, Bisco ; ParaPost®, Coltène Whaledent). Ils possèdent des modules d'élasticité plus proches de celui de la dentine [8]. Leur comportement sous contraintes mécaniques est très différent de celui d'un tenon métallique qui provoque des contraintes importantes dans la zone cervicale. On les utilise avec des colles composites qui donnent des valeurs d'adhérence suffisantes pour assurer la rétention de la supra-structure lorsqu'elles sont associées à des adhésifs amélo-dentinaires, garants de l'étanchéité. La partie coronaire est reconstituée avec un matériau composite. Les étapes de collage d'un tenon en fibres/ époxy sont illustrées par un exemple clinique (fig. 6a, 6b, 6c, 6d, 6e et 6f).
Les limites dentinaires restent à distance du parodonte marginal (plus de 1 mm), et la forme générale du logement corono-radiculaire est anti-rotationnelle. La technique directe de reconstitution n'est plus indiquée. Cependant, on peut encore réaliser un moignon corono-radiculaire de façon indirecte qui répond aux critères esthétiques et mécaniques déjà indiqués précédemment.
Les règles de préparation canalaire sont guidées par l'économie tissulaire. On évide au minimum le canal afin de ne pas fragiliser plus la racine [1, 6, 7]. S'il reste des parois de dentine suffisamment résistantes, on utilise un tenon en carbone ou en fibres de verre (ou quartz)/ époxy que le prothésiste de laboratoire associe à un inlay-core en alumine-zircone (In-Ceram®, Vita) ou en composite de laboratoire. Ces tenons ont les propriétés physico-mécaniques requises pour absorber les chocs et résister à la fatigue. De plus, ils sont faciles à retirer. La restauration est d'un meilleur pronostic si le tenon n'est pas en contact direct avec la couronne sus-jacente.
Les tenons en fibres de verre (ou silice ou quartz)/époxy ont été fabriqués pour améliorer le résultat esthétique mais leur efficacité n'est réelle que dans les cas de gencives fines. Les tenons en carbone peuvent être utilisés dans toutes les autres situations cliniques [8].
Plus la dent est délabrée, plus il faut faire appel au collage pour assurer la rétention [16]. Ce collage sur la dentine d'une dent dépulpée est difficile car la dentine est moins perméable et les tubuli sont moins nombreux. Il faut utiliser un système adhésif adapté à l'humidité présente dans un canal. Pour cela, les systèmes automordançants donnent des résultats satisfaisants (ex. : Panavia F®, Dental Emco, Cavex) [16].
Le choix entre la couronne entièrement en céramique et la CCM à armature réduite dépend des critères déjà cités (teinte, corrosion) et de l'habileté du prothésiste dans l'une ou l'autre de ces techniques (fig. 7a, 7b et 7c).
Il n'y a pas assez de support dentinaire dans la zone cervicale, et une partie des limites est juxta-ou sous-gingivale.
Si on utilise un tenon fibré (carbone ou autre), les contraintes exercées pendant la mastication risquent de provoquer une fracture de la dent à l'extrémité du tenon. Ces conditions cliniques sont assez défavorables au collage et nécessitent un sertissage périphérique de la limite de préparation [10, 11].
L'inlay-core est indispensable avec un tenon métallique parce qu'il supporte mieux que les tenons fibrés les contraintes obliques supportées par une dent antérieure. On a essayé de céramiser ces moignons pour améliorer le résultat esthétique mais le moignon métallique sous-jacent risque d'être visible sous la couronne tout céramique.
Lorsque l'esthétique est primordiale (teinte claire, gencive fine), ce type d'inlay-core offre au céramiste un peu plus d'espace pour réaliser la stratification.
Le collage est délicat dans ces conditions cliniques où l'excès d'humidité est difficile à contrôler. On utilise une colle chémo-polymérisable aux propriétés adhésives intrinsèques (ex. : Super-Bond®, Morita ; Panavia F®, Cavex). Le scellement de l'inlay-core et de la couronne est d'une réalisation plus facile qu'un collage. Les meilleures valeurs d'adhérence ont été obtenues avec des ciments verres ionomères renforcés à la résine (Fuji Plus®, GC ; Vitremer Cem®, 3M) [16].
Dans cette situation clinique de fort délabrement, pour obtenir un résultat esthétique, l'indication la plus favorable est la CCM à armature réduite (fig. 8 et 9).
La reconstitution des dents antérieures dépulpées pose un défi au chirurgien-dentiste. L'observation et l'analyse clinique ainsi que la mise à jour de la connaissance des nouveaux matériaux sont indispensables à la décision thérapeutique. Les tenons fibrés apportent des réponses aux contraintes mécaniques exercées sur la dent dépulpée mais ils ne sont pas utilisables lorsque la dent est très délabrée. Les couronnes entièrement en céramique améliorent la transmission de la lumière surtout si le support sous-jacent contribue à l'esthétique. La couronne céramo-métallique garde toutefois de nombreuses indications. Elle n'est pas encore obsolète et satisfait très souvent les exigences esthétiques du patient et du clinicien.