Comment évaluer un test diagnostique - Cahiers de Prothèse n° 115 du 01/09/2001
 

Les cahiers de prothèse n° 115 du 01/09/2001

 

DENTISTERIE FONDÉE SUR DES PREUVES

Steven E. Eckert *   Gary R. Goldstein **   Sreenivas Koka ***  


* DDS, MS - Assistant Professor
Mayo Graduate School of Medecine
Mayo Clinic
Rochester, Minn. (États-Unis)
** DDS - Professor - Director
Advance Education Program in Prosthodontics
College of Dentistry
New York University
New York, N. Y. (États-Unis)
***DDS, MS, PhD - Associate
Professor
College of Dentistry
University of Nebraska
Medical Center
Lincoln, Nebraska (États-Unis)

Résumé

L'établissement d'un diagnostic précis permet au clinicien de développer des plans de traitement qui, fondés sur les meilleures preuves disponibles, répondent au mieux aux besoins et aux désirs du patient. Bien souvent un diagnostic est établi uniquement à l'aide de découvertes cliniques, mais dans certaines situations, des tests doivent être réalisés pour aider à le déterminer. Lorsque des tests diagnostiques sont indiqués, il est indispensable que le clinicien comprenne la valeur des résultats du test. Les faux résultats, qu'ils soient positifs ou négatifs, font qu'il est impossible de se reposer uniquement sur les résultats du test. Le clinicien doit connaître la probabilité que des résultats spécifiques puissent établir ou confirmer avec véracité un diagnostic. Une fois les résultats obtenus, il doit également être capable de prendre des décisions éclairées s'appuyant sur des facteurs de risque.

Summary

How to evaluate a diagnostic test

Establishment of an accurate diagnosis allows the clinician to develop treatment plans that, based on the best available evidence, most appropriately meet the patient's needs and desires. Often a diagnosis is established using clinical findings only, but in other situations tests must be performed to aid in determination of a diagnosis. When diagnostic tests are indicated, it is imperative that the clinician understands the value of test results. False results, either positive or negative, make it impossible to rely solely on test results. The clinician must understand the likelihood that specific results truly establish or confirm a diagnosis and must be able to make sound decisions based on risk factors once the results are obtained.

Key words

diagnostic test, likelihood ratio, negative predictive value, positive predictive value, sensitivity, specificity

L'utilisation de tests en dentisterie a pour but d'établir, de confirmer ou de rejeter l'impression clinique d'un diagnostic. Tous les tests ne sont pas équivalents dans leur capacité à établir un diagnostic : certains tests donnent des résultats positifs alors qu'il n'y a aucune pathologie (faux positif) ou des résultats négatifs alors qu'il y a une pathologie (faux négatif). En utilisant des calculs mathématiques simples, il est possible de déterminer à quel point un test peut établir de façon fiable la présence ou l'absence de maladie. Cet article décrit les concepts de sensibilité, spécificité, valeur positive prévisible, la valeur négative prévisible et les rapports de vraisemblance à travers l'analyse d'un article cliniquement pertinent, portant sur la coloration in vivo des carcinomes buccaux. Il décrit également des méthodes d'analyse de la littérature, afin de déterminer si un test procure des informations diagnostiques constructives.

Les traitements médicaux et dentaires sont dispensés pour correspondre à une entité pathologique spécifique. Plus le diagnostic de cette maladie est précis, plus l'intervention thérapeutique sera adaptée. Ainsi, la précision et l'exactitude d'un diagnostic sont d'une importance capitale pour le patient et pour le clinicien.

Comment établiton un diagnostic ? Un patient peut présenter des caries dentaires évidentes, mais il faut se rappeler que ceci constitue déjà un diagnostic plus qu'un simple examen. Le diagnostic est basé sur les faits qui sont réunis et analysés durant l'examen du patient. La preuve peut prendre la forme de modifications observées au niveau de la teinte de la dent, d'un ramollissement de la surface dentaire ou de la cavitation existante sur la dent. L'expérience clinique peut donner l'impression que le processus est simple, presque intuitif. Il est toutefois admis que de nombreux facteurs sont à envisager avant de poser le diagnostic. Bien que cet exemple requière peu d'outils ou de tests, d'autres diagnostics peuvent ne pas être aussi évidents.

Les tests diagnostiques deviennent plus utiles lorsque le nombre de maladies potentielles dans une liste de diagnostics différentiels augmente. Prenons comme exemple l'observation clinique d'une lésion blanche de la muqueuse buccale. Cette description peut être comparée à un spectre de diagnostics, allant d'une variation de l'anatomie normale à la présence d'une tumeur maligne. Le clinicien a clairement besoin d'informations supplémentaires pour établir un diagnostic. L'anamnèse et l'examen physique procurent une pléthore d'informations, mais peuvent être nécessaires des tests définitifs pour aboutir à des conclusions spécifiques. Les radiographies, la cytologie, la biopsie, les ponctions et la température corporelle du patient sont des éléments qui peuvent tous être utilisés pour aider à établir un diagnostic.

Le choix de tests diagnostiques appropriés peut mener à un diagnostic plus précis, plus tôt dans la prise en charge du patient, avec un coût inférieur par rapport à celui engendré par des tests inappropriés. Les méthodes utilisées pour aider le clinicien à identifier le bon test sera d'un grand bénéfice. Étant donné la possibilité actuelle d'accès à Internet, des recherches effectuées dans la littérature pour identifier les sources d'information sur différents tests constituent une méthode performante pourtant mener à des réponses concluantes.

Scénario clinique

Imaginez que 2 patients se présentent dans un cabinet avec une lésion blanche de la muqueuse buccale. Le premier est une femme de 33 ans. Cette patiente, en bonne santé, fait du sport tous les jours et évite la consommation d'alcool et de tabac. Le deuxième patient est un homme de 75 ans, retraité, avec un passé de diabète de type 2. Cet homme a suivi avec succès un programme pour arrêter de fumer, il y a environ 10 ans. Cliniquement, leurs lésions semblent similaires. Cependant, le clinicien préfère éviter de faire une biopsie de ces lésions et se demande s'il existe des méthodes non invasives pour déterminer la présence ou l'absence de malignité. Pour trouver une réponse, le clinicien choisit de faire une recherche dans la littérature afin de déterminer s'il existe un moyen d'évaluation qui permette d'éliminer la nécessité d'une biopsie.

Recherche bibliographique

Dans le cadre d'une recherche bibliographique, le choix des mots clés limite le nombre d'articles « ciblés » que l'on peut trouver. Par exemple, la recherche du terme « oral cancer » donne 1 919 références possibles, alors que l'ajout du seul mot « detection » réduit le résultat de la recherche à 713 références. Parce que le clinicien souhaite envisager des alternatives à la biopsie, la recherche peut ensuite être encore limitée, en ajoutant les termes de « vital staining ». À travers une série de recherches, chacune plus restreinte que la précédente, le clinicien parvient à sélectionner des références qui ne sont pas apparentées.

En utilisant cette méthode de recherche, une liste de 14 articles est établie. Une revue des titres permet au clinicien de réduire encore plus la recherche jusqu'à l'obtention de seulement un à deux articles à examiner. Dans le cas présent, un article intitulé « Test au bleu de toluidine pour détecter un carcinome de la cavité buccale : une évaluation » semble procurer des informations valables. Cependant, cet article a été publié en 1972 et le résumé n'est pas disponible [1]. La récupération de l'article auprès d'une librairie médicale permet au clinicien de déterminer dans quelle mesure il peut être appliqué à ses propres patients.

L'article révèle que le bleu de toluidine, un colorant du noyau, acidophile et métachromatique, a une affinité préférentielle pour les cellules cancéreuses qui apparaissent contrastées par rapport aux cellules normales de la muqueuse. L'application de bleu de toluidine à un tissu suspect conduit à une coloration lorsqu'il y a un carcinome. Cet article porte sur l'évaluation de 1 190 patients présentant des lésions suspectes de la cavité buccale, en vue de déterminer des résultats positifs ou négatifs de malignité. Une biopsie est ensuite effectuée pour confirmer l'impression clinique après coloration des tissus vivants.

Questions pertinentes

Une fois qu'un article pertinent est analysé, le clinicien se trouve face au dilemme suivant : faut-il « croire » ou non les résultats de l'étude. Jaeschke et al. [2] suggèrent que le clinicien doit chercher à répondre à des questions qui vont l'aider à discerner le niveau de pertinence des informations fournies par l'étude, et, de se demander, de quelle utilité elles peuvent être pour soigner ses patients. Ces questions font références à la validité, aux résultats et à la significativité de l'étude.

Les résultats de l'étude sont-ils valables ?

Lorsqu'un test diagnostique est proposé, les résultats de ce test doivent être vrais, pertinents pour le groupe de patients auquel il va s'appliquer. Il doit être suffisamment bien compris pour être exécuté correctement et significatif pour le patient donné auquel le test est administré. Avant d'appliquer un nouveau test, le clinicien doit en déterminer la valeur et la pertinence pour son propre exercice.

Y a-t-il eu une comparaison indépendante, en aveugle, avec une référence standard ?

Pour qu'un test diagnostique soit valable, il doit être comparé à une référence standard reconnue. Si le clinicien ne peut accepter la référence, l'utilité du test est alors moindre. Pour l'étude sur le bleu de toluidine, la référence standard est une biopsie, qui est considérée comme le « gold standard » en médecine. Le clinicien peut se poser une autre question : si le « gold standard » existe, pourquoi le remplacer ? Là encore, le scénario clinique offre une réponse valable. Si le nouveau test est moins onéreux et moins invasif, il offre des avantages majeurs pour le patient. Cependant, le standard de référence est souvent controversé ou inexistant pour les nouvelles technologies. Le lecteur doit comprendre que l'absence d'une référence standard ne réduit pas nécessairement le potentiel de ce test. Cela signifie seulement que l'obligation du chercheur d'apporter la preuve est plus forte et que les cliniciens doivent attendre la parution d'études qui confirment ces résultats, avant d'intégrer le test dans leur exercice clinique.

Dans l'étude portant sur le bleu de toluidine (BT) [1], le lecteur n'a pas d'informations sur les examinateurs : il ignore si ces derniers travaillent « en aveugle », à savoir si les individus effectuant le diagnostic histologique connaissent les résultats du procédé de coloration. Un autre point important est lié à la fiabilité des examinateurs. Le lecteur est informé qu'un certain nombre de nouveaux cliniciens ont reçu une formation préalable sur le protocole de l'étude et qu'ils sont initialement supervisés par un confrère plus expérimenté. Cependant, on ignore si le degré d'interprétation d'un examinateur sur les résultats de la coloration doit s'accorder avec celle d'un autre (fiabilité interexaminateurs) ou si le même examinateur doit présenter la même évaluation sur la même coloration à deux reprises (fiabilité intra-examinateurs). Cette information est importante : le fait d'ignorer à quel degré les résultats de l'étude sont reproductibles rend en effet le lecteur moins confiant par rapport à ces résultats.

Pour déterminer la crédibilité des informations, la recherche et les méthodes d'analyse des données doivent être évaluées. Les données ont-elles été fournies, puis analysées avec l'intention de minimiser les biais potentiels liés aux chercheurs ? Deux guides fondamentaux édités par Jaeschke et al. [2] permettent à un clinicien d'évaluer la validité des résultats des études. Ces recommandations examinent l'échantillon de l'étude et la description des méthodes utilisées pour effectuer et évaluer le test.

Les sujets de l'étude sont-ils comparables aux patients de mon cabinet ?

Si les populations de patients du cabinet sont semblables à celle de l'étude et que les critères d'inclusion et d'exclusion sont acceptables, le lecteur peut alors être confiant que les résultats du test seront similaires à la fois pour la population étudiée et pour ses patients. Si les patients du clinicien sont différents de la population de l'étude, prudence et discernement seront de rigueur.

Les méthodes utilisées pour effectuer le test ont-elles été suffisamment détaillées pour leur permettre d'être reproductible ?

Un test diagnostique est inutile si l'on ne comprend pas comment il faut l'utiliser. L'auteur se doit de décrire dans le plus grand détail comment le test a été effectué, comment le patient a été traité, et quel a été le matériel utilisé. Ceci revêt une importance toute particulière car des décisions thérapeutiques ultérieures peuvent découler des résultats.

Quels sont les résultats de l'étude ?

Les résultats de l'étude définissent l'utilité du test diagnostique. Pour les cliniciens, le test doit permettre d'établir correctement la présence ou l'absence de maladie chez un patient. Aucun test n'est absolument précis. Heureusement, il y a un certain nombre de méthodes mathématiques qui définissent la « qualité diagnostique » d'un test. Ces méthodes et ces définitions qualitatives doivent être comprises par le clinicien parce qu'elles peuvent l'aider à déterminer la valeur d'inclusion du test dans l'élaboration du diagnostic. Les méthodes principales pour déterminer la qualité diagnostique d'un test sont : le calcul de la sensibilité, la spécificité, la valeur positive et les rapports de vraisemblance.

Sensibilité et spécificités

Les tableaux I et II montrent que le bleu de toluidine a une sensibilité (vrai positif/[vrai positif + faux négatif]) de 86 % et une spécificité (vrai négatif/[faux positif + vrai négatif]) de 76 %, quand on cherche la présence de cellules squameuses de carcinome buccal chez les patients inclus dans cette étude. La sensibilité est la proportion de patients malades qui sont identifiés par le test. Lorsque la sensibilité est élevée, il y a un taux élevé de vrai positif et un taux réduit de faux négatif. Ainsi, un résultat négatif à un test hautement sensible est un indicateur relativement fiable de l'absence de maladie. La spécificité est la proportion de patients non malades qui sont identifiés par le test. Une spécificité importante équivaut à un nombre élevé de résultats vrais négatifs et peu de résultats faux positifs. Lorsqu'un test présente des résultats hautement spécifiques dans une réponse positive, il y a de fortes chances pour que la maladie soit présente, parce que les faux positifs sont rares [3].

Bien que les valeurs de sensibilité et de spécificité offrent une méthode simplifiée pour évaluer l'utilité d'un test diagnostique, elles ne sont pas à toute épreuve. Le tableau I révèle que la sensibilité (a/[a + c]) et la spécificité (b/[b + d]) sont calculées à l'aide de la partie verticale du tableau. La sensibilité peut être interprétée comme étant la fréquence à laquelle un résultat de test positif est obtenu, lorsque la maladie est présente ; la spécificité peut être interprétée comme étant la fréquence à laquelle un résultat de test négatif est obtenu, lorsque la maladie est absente. Ces mesures sont utiles lorsque la prévalence d'une maladie - qui peut être définie comme « la proportion d'individus malades dans une population » - est relativement élevée. Lorsque la prévalence de la maladie est relativement faible, la sensibilité et la spécificité sont moins utiles. Cependant, deux autres mesures alternatives, la « valeur positive prévisible » (VPP) et la « valeur négative prévisible » (VNP) peuvent s'avérer plus utiles lorsque la prévalence de la maladie est faible.

La VPP (vrai positif/[vrai positif + faux positif]), et la VNP (vrai négatif/[faux négatif + vrai négatif]), sont calculées en utilisant les colonnes horizontales du tableau I : (VPP = a/[a + b] et VNP = d/[c + d]. La VPP peut être interprétée comme étant la fréquence à laquelle la maladie est présente, lorsqu'un résultat de test est positif ; la VNP peut être interprétée comme étant la fréquence à laquelle la maladie est absente, lorsqu'un résultat de test est négatif. Dans l'étude sur le bleu de toluidine ( tableaux I et II ), la VPP est de 0,76 et la VNP de 0,86. Les valeurs prévisibles vont se modifier à mesure que les prévalences de la maladie varient. Par conséquent, elles sont potentiellement plus significatives dans leur capacité à discriminer un test, lorsqu'une maladie présente une faible prévalence dans la population générale plutôt qu'une haute prévalence dans la même population [4]. Cependant, l'environnement dans lequel les résultats du test sont obtenus peut restreindre l'utilité des VPP. Par exemple, il apparaît que les VPP calculées à partir de tests diagnostics appliqués en exercice privé sont moins fiables que lorsqu'elles sont calculées à partir de tests appliqués dans des hôpitaux universitaires.

L'étude sur le bleu de toluidine met en évidence un nombre de patients chez qui le test était non concluant. Ces patients ont été décrits comme exhibant des résultats « suspects ». Lorsque la sensibilité et la spécificité sont évaluées, il faut créer un tableau 2 par 2. Cependant, cet article présente des données qui ne s'intègrent pas parfaitement dans un tel tableau, parce que le résultat non concluant du test introduit un autre niveau de classification diagnostique. Il y a trois résultats de test possibles : positif, négatif et suspect. Autre exemple d'une telle situation : la parodontite. En dentisterie, on pourrait préférer classer une maladie parodontale en légère, modérée ou avancée parce que, là encore, le traitement pour chaque scénario est différent.

Rapports de vraisemblance (ou ratios de vraisemblance)

Les mesures de sensibilité, de spécificité, de VPP et de VNP nécessitent que les données soient organisées à l'intérieur du tableau 2 par 2 décrit ci-dessus et présentées dans les tableaux I et II . Les données qui ne s'inscrivent pas dans ce format de tableau requièrent une forme d'analyse différente. Jaeschke et al. [2] proposent que le calcul des rapports de vraisemblance (RV) comme une solution à ce problème. On peut alors utiliser les données émanant de n'importe quel format (2 par 2 ou 2 par 3 ou 2 par 4). En réalité, les auteurs suggèrent que l'utilisation des RV offre une meilleure méthode au clinicien pour déterminer si un résultat positif ou négatif, obtenu à partir d'un test diagnostique, est significatif. Par définition, un RV est une mesure qui montre la vraisemblance de n'importe quel résultat diagnostique pouvant apparaître en présence ou en l'absence d'une maladie. De façon conceptuelle, le RV représente le rapport entre la probabilité qu'un résultat de test donné se produise lorsque la maladie-cible est présente (vrai positif) et la probabilité que le résultat du même test se produise dans les cas où la maladie-cible est absente (faux positif).

En ce qui concerne l'étude sur le BT [1], le tableau III présente l'ensemble des résultats (positif, négatif et suspect) relevés par les auteurs. Pour un test positif, le RV est calculé en répondant à deux questions. Tout d'abord, quelle est la probabilité d'avoir un résultat de test positif au bleu de toluidine sur des lésions qui sont cancéreuses ? Le tableau III montre que sur 535 lésions cancéreuses, 415 se sont révélées positives (415/535 = 0,775). Ensuite, quelle est la probabilité d'avoir un résultat de test positif au bleu de toluidine sur des lésions qui ne sont pas cancéreuses ? Là encore, d'après le tableau III , 655 lésions étaient non malignes. Pourtant, 131 se sont révélées positives (131/655 = 0,200). Le rapport de ces deux probabilités représente le RV pour une coloration positive : il équivaut à 0,775 divisé par 0,200 soit 3,88.

On peut calculer les RV pour n'importe quel niveau d'un test diagnostique, quel que soit le nombre de niveaux. Dans le cas présent ; il y a deux autres niveaux de coloration, à savoir : « négatif » et « suspect ». Chaque calcul permet d'obtenir un rapport de probabilité établissant la classification de tests diagnostiques spécifiques pour des lésions qui sont cancéreuses et la probabilité d'obtenir la même classification de tests diagnostiques pour des lésions qui ne sont pas cancéreuses (tabl. III). Pour une coloration négative, la probabilité d'obtenir un test négatif chez des patients qui ont un cancer est de 66/535 (0,123) et la probabilité d'obtenir un test négatif chez des patients qui n'ont pas de cancer est de 418/655 (0,638), avec un RV global de 0,19 pour obtenir une coloration négative. Pour une coloration suspecte, la probabilité d'obtenir un résultat de test suspect chez des patients qui ont un cancer est de 54/535 (0,101) et la probabilité d'obtenir un résultat de test suspect chez des patients qui n'ont pas de cancer est de 106/655 (0,162), avec un RV de 0,62 pour une coloration suspecte.

Ces rapports révèlent qu'un résultat de test spécifique peut provenir de quelqu'un qui a réellement la maladie recherchée par le test. Les RV nous permettent de voir la valeur diagnostique relative des différentes classifications d'un test.

Après avoir calculé les RV, comment utiliser les valeurs pour déterminer l'utilité de n'importe lequel des résultats diagnostiques (positif, négatif ou suspect) - tel qu'il se rapporte à la présence ou à l'absence d'une lésion cancéreuse ? L'un des moyens d'interpréter un RV est de considérer qu'un RV de 1 consiste en la probabilité pour qu'un patient ait une maladie pour laquelle il ou elle est testé, est semblable avant le test (probabilité pré-test) et après le test (probabilité post-test). Le patient n'est pas plus avancé après le test qu'avant et le clinicien n'est pas plus proche d'un diagnostic qu'avant l'utilisation du test. On pourrait certainement se demander si ce test est utile à des fins diagnostiques. Les tests diagnostiques qui ont des RV supérieurs à 1 augmentent la probabilité pour que la maladie-cible soit présente. Pour les résultats négatifs et suspects de l'étude sur le BT, les deux RV sont inférieurs à 1. En interprétant les RV négatifs et suspects inférieurs à 1, la probabilité que le patient ait un cancer avant le test (probabilité pré-test) est diminuée après les résultats des tests au BT (probabilité post-test).

Lorsque l'on considère les RV calculés pour le test au BT, le RV pour un test positif est de 3,88. Un autre moyen d'interpréter cette valeur est de déduire qu'une coloration positive a environ 3,9 fois plus de chances d'être obtenue sur des lésions cancéreuses que sur des lésions qui ne le sont pas. Pour une coloration négative, le RV est de 0,19, ce qui indique qu'une coloration négative a environ 5 fois moins de chances de se produire sur une lésion non cancéreuse que sur une lésion cancéreuse. Une coloration négative est un meilleur indicateur de lésion non cancéreuse qu'une coloration positive ne l'est pour une lésion cancéreuse. Pour une coloration suspecte, le RV est de 0,62. Cela montre qu'un test suspect ne permet pas au clinicien de modifier la probabilité prétest de la présence d'une lésion cancéreuse (tableau IV).

Afin d'apprécier pleinement l'utilisation des tests diagnostiques et des RV, le clinicien doit comprendre le concept des probabilités prétest et posttest. Le concept est connu des dentistes, mais la terminologie n'est pas toujours aisée. Déceler une certaine maladie chez un patient résulte de l'évaluation clinique de signes et de symptômes. L'amplitude des signes et des symptômes et le niveau d'expérience propre au clinicien, expriment une « probabilité » que la maladie existe. Dans de nombreuses situations, plus la probabilité de maladie est élevée, plus le clinicien sera enclin à commander un test diagnostique pour confirmer ou exclure la maladie. La probabilité pré-test de diverses maladies est spécifique à chaque maladie, spécifique aux signes et aux symptômes de cette maladie et spécifique au contexte dans laquelle on la découvre.

Par exemple, un patient qui consulte pour une douleur au quadrant maxillaire droit, est évalué cliniquement afin d'isoler les dents maxillaires droites qui présentent d'importantes restaurations, des caries avérées et une sensibilité à la percussion et aux variations de température. À mesure que les multiples découvertes cliniques deviennent positives pour une dent particulière, la probabilité augmente pour que cette dent particulière soit responsable. Cette probabilité pré-test élevée cautionne le test diagnostique suivant, à savoir une radiographie rétro-alvéolaire. Le clinicien peut choisir de prendre des radiographies de tout le quadrant maxillaire, mais la probabilité pré-test est la plus élevée pour une dent spécifique. Si la radiographie de la dent symptomatique révèle une image périapicale radioclaire, la probabilité post-test est encore plus élevée que la probabilité pré-test pour que cette dent soit responsable de la douleur du patient.

Lorsque l'on considère l'utilisation du BT comme outil diagnostique pour dépister un cancer buccal, la probabilité pré-test pour une jeune femme qui ne fume pas et ne boit pas d'alcool, est significativement moins importante que la probabilité pré-test pour un homme plus âgé, consommateur d'alcool et fumeur. Notre expérience clinique et la littérature dentaire existante nous offrent la perspicacité pour estimer les probabilités pré-test de bas en haut de l'échelle ; et nous pouvons même être capable d'estimer une probabilité numérique. La médecine, grâce au nombre croissant de tests diagnostiques disponibles et de données démographiques sur les maladies, a calculé les probabilités pré-test pour de nombreuses maladies. Ces valeurs ont été publiées dans des journaux et sur Internet. Le calcul ou l'estimation des valeurs de probabilité pré-test est nécessaire pour obtenir les RV dans les diagnostics. Jaeschke et al. [2] recommandent un guide d'interprétation des RV tels qu'ils se rapportent aux modifications des probabilités pré-test, afin d'obtenir une probabilité post-test de la maladiecible (tabl. IV). Ce guide aide le clinicien à déterminer dans quelle mesure l'amplitude des divers RV doit ou ne doit pas influencer la prise de décision clinique.

Il est peu probable qu'aucun test ou association de tests puisse déterminer de façon certaine un diagnostic à 100 %. Le clinicien est invariablement conduit à s'appuyer sur une information diagnostique provenant d'une quantité de sources variables, avant de décider, finalement, quelle sera la probabilité de tel ou tel diagnostic posé. Pour le patient présentant un cancer buccal, de nombreuses autres sources sont disponibles, comme les anamnèses médicale et dentaire du patient, les antécédents familiaux, l'usage de tabac et son ancienneté, l'âge, les activités, les impressions retenues de l'examen intrabuccal du clinicien, l'examen radiographique, les erreurs systématiques inhérentes à la formation du clinicien ainsi que les expériences du clinicien antérieures à l'examen du patient. En utilisant des informations de toutes les sources, le clinicien génère des diagnostics différentiels qui représentent ces maladies/troubles avec la plus haute probabilité de présence.

Ce n'est pas au lecteur de réaliser des calculs mathématiques. Cette tâche incombe à l'auteur de l'article. Les auteurs doivent effectuer les calculs appropriés afin de permettre au clinicien de se faire une opinion juste quant à l'applicabilité du test.

Les résultats vont-ils m'aider dans les soins prodigués à mes patients ? Les résultats sont-ils applicables à mon patient ?

Un test diagnostique ne sera utile que dans la mesure où il fait la différence entre les diverses phases de la maladie au sein d'une population qui est représentative de l'exercice clinique du lecteur. Si l'échantillon est peu représentatif de l'ensemble des patients examinés dans l'exercice clinique du lecteur, les résultats de l'étude deviennent alors significativement moins représentatifs. Dans l'étude sur le BT [1], l'échantillon était constitué d'un nombre relativement important de patients (1190). Cependant, cette étude ne donne pas d'information pertinente supplémentaire quant à l'aspect démographique des patients. Combien de sujets sont des hommes et combien sont des femmes ? Quel est l'âge moyen des sujets ? De telles questions ainsi que toutes celles qui pourraient influencer la significativité des résultats doivent être prises en considération. Pour prendre un exemple extrême, si 90 % de l'échantillon était constitué d'hommes de plus de 70 ans, quelle est la valeur des résultats de l'étude pour une jeune femme qui présente une lésion suspecte ?

Mon patient sera-t-il plus avancé à la suite du test ?

La réponse à cette question dépend du test. Si c'est un test rapide, peu onéreux, non invasif, avec une haute sensibilité, la réponse est oui, à condition qu'il y ait un test d'exclusion ou de confirmation disponible reconnu. Si un test de confirmation n'est pas disponible ou impossible à réaliser, la réponse n'est pas aussi claire. Par exemple, si l'on utilise un test de coloration pour détecter des caries, il est impossible de réaliser une confirmation histopathologique du résultat. La confiance dans le test est impérative : un faux positif obligerait à éliminer de la dentine saine et un faux négatif permettrait de laisser en place une carie résiduelle. Dans le scénario clinique que nous vous avons proposé, il existe un standard de référence. Malheureusement, la biopsie est un procédé plus invasif, plus douloureux et plus onéreux. De plus, il est possible que la zone biopsiée puisse contenir du tissu non cancéreux et que des cellules malignes éventuellement présentes dans une autre zone de la lésion ne soient pas décelées. C'est pourquoi certains chirurgiens préfèrent éliminer la totalité de la lésion chez les patients présentant une probabilité pré-test élevée [4]. La valeur fondamentale d'un test est de savoir s'il apporte un supplément d'information qui n'est pas facilement disponible et si cette information améliore le traitement du patient [2].

Titre original : How to evaluate a diagnostic test. J Prosthet Dent 2000;83(4):386-391. Traduit et reproduit avec l'aimable autorisation de Mosby. Merci de ne pas reproduire, quel qu'en soit le motif, sans l'autorisation de l'éditeur.

bibliographie

  • 1 Vahidy NA, Zaidi SH, Jafarey NA. Toludine blue test for detection of carcinoma of the oral cavity : an evaluation. J Surg Oncol 1972;4: 434-438.
  • 2 Jaeschke R, Guyatt GH, Sackett DL. Users' guides to the medical literature III. How to use an article about a diagnostic test B. What are the results and will they help me in caring for my patients ? The Evidence-Based Medicine Working Group. JAMA 1994;271:703-707.
  • 3 Brunette DM. Critical thinking : understanding and evaluating dental research. Chicago : Quintessence, 1996:99-112.
  • 4 Sackett DL, Richardson WS, Rosenberg W, Haynes RB. Evidence-based medicine : how to teach and practice EBM. New York : Churchill Livingstone, 1997:58, 118.

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