Étude in vitro de la résistance de trois résines pour bridges provisoires - Cahiers de Prothèse n° 115 du 01/09/2001
 

Les cahiers de prothèse n° 115 du 01/09/2001

 

Matériaux

Christophe Godet *   Emmanuel Castany **   Paul Tramini ***   Dominique Ségura ****  


* Assistant hospitalier
universitaire

** Assistant hospitalier
universitaire

*** MCU - PH
**** MCU - PH
Responsable de l'UF de prothèses
Service d'Odontologie, CHU de Montpellier
Université de Montpellier I
UFR d'odontologie
545, avenue du Professeur Viala
BP 4305
34193 Montpellier cedex 5

Résumé

La résistance mécanique est une des qualités principales exigée pour les bridges provisoires. La résistance à la flexion trois points s'étudie généralement sur des éprouvettes standardisées [6]. Cette régularité scientifique contraste avec l'unicité de chacun de nos cas cliniques. Pour cette raison, nous avons choisi d'effectuer une étude sur des éprouvettes originales. Si cette approche présente quelques imperfections, elle aura toutefois le mérite d'apporter à un certain académisme, une orientation clinique que côtoie au quotidien les praticiens que nous sommes. Trois résines provisoires ont été testées, une non prédosée (Unifast® de GC) et deux prédosées (Protemp® Garant de Espe, et Provipont® de Vivadent). Trois types de résultats ont été analysés : la force nécessaire pour entraîner la fracture des éprouvettes, l'enfoncement résultant de cette force et la nature de la fracture. Relativement à ces trois critères, notre expérimentation montre une supériorité de Provipont® (résine bisacryl) sur Protemp® Garant (résine diacrylate) et surtout sur Unifast® (polyméthacrylate de méthyle) en ce qui concerne la résistance à la compression. Toutefois, il faut remarquer que l'Unifast® est la seule résine qui permette des modifications et des réparations efficaces de nos bridges provisoires.

Summary

In vitro study on strength of three resins for provisional bridges : proposition for an experimental model close to the clinical situation

Studies about resistance to compression are usually carried out with standardised test tubes. This scientific regularity is in contrast with the specificity of each clinical situation. So, we carried out our study with original test tubes taken from a real provisional resin bridge. If our approach may give rise to some criticisms, it presents a clinical aspect, which differs from the usual experimental protocols. Three provisional resin crown materials were tested, one non-premeasured: Unifast® (GC), and two pre-measured : Protemp® Garant (Espe), and Provipont® (Vivadent). Two types of parameters were analysed: the necessary strength to fracture the test tubes and the nature of the fracture. This pilot study shows the superiority of Provipont® (bis acril resin) to Protemp® Garant (diacrylate resin), and especially to Unifast® (poly methacrylate methyl resin) about the resistance to compression. However, Unifast is much better to alter and restore provisional bridges.

Key words

non-premeasured resin crown material, premeasured resin crown material, provisional bridges, resistance to compression test

Nul ne conteste qu'aujourd'hui la prothèse provisoire fait partie intégrante de tout traitement prothétique. Cette étape incontournable trouve sa justification dans la thérapeutique préprothétique dont la durée peut s'avérer plus ou moins longue en fonction du cas clinique. Il n'est pas rare en effet de devoir effectuer des traitements préparatoires d'ordres endodontiques, parodontaux, orthodontiques ainsi que des modifications occlusales, avant la réalisation prothétique proprement dite.

La prothèse provisoire ou transitoire fixée, en particulier, permet d'offrir au patient une fonction et une esthétique acceptables durant la temporisation entre la situation initiale et une situation intermédiaire ou finale qui préfigure la réhabilitation permanente [1].

Le praticien doit donc se doter de matériaux, mécaniquement résistants, stables et durables [2] et en même temps modelables. Un grand nombre est commercialisé et beaucoup ont déjà fait l'objet d'études et d'analyses quant à leurs propriétés mécaniques. Cependant, les travaux qui sont cités dans la littérature sont essentiellement réalisés sur des éprouvettes standardisées selon des normes AFNOR, ISO [2-5] et ASTMD [6]. Toutefois, il existe des exceptions telle celle de Hung et al. [7] qui a utilisé des couronnes provisoires en résine acrylique pour tester les effets du thermocyclage et des forces occlusales sur les limites.

Par souci de faire une approche dans une certaine configuration clinique, il nous a semblé utile de tester in vitro certains matériaux grâce à des échantillons simulant une situation prothétique. Ceci a eu pour intérêt de comparer divers produits entre eux, mais aussi, d'établir une confrontation de ces mêmes matériaux testés selon des protocoles normalisés [5, 6].

Matériel et méthode

Les trois matériaux testés ont été choisis en raison de leur fréquente utilisation et des études déjà réalisées les concernant. Parmi ces produits, l'un est non prédosé et les deux autres prédosés (fig. 1). Il faut noter que la présentation des matériaux prédosés est un pistolet-seringue à mélange automatique et à embout à usage unique, qui permettraient de réduire la quantité de bulles d'air emprisonnées lors du mélange ; ce qui améliorerait par voie de conséquence les propriétés du matériau [8]. Ont donc été sélectionnés :

Unifast®(GC) : résine chémopolymérisable présentée sous forme d'un liquide et d'une poudre à doser et à mélanger manuellement (méthacrylate de méthyle et polyméthacrylate de méthyle) ;

Protemp®Garant (Espe) : résine de type diacrylate chémopolymérisable présentée dans un système de pistolet prédoseur avec embouts mélangeurs ;

Provipont®(Vivadent) : résine composite bisacrylique présentée aussi en pistolet prédoseur avec embouts mélangeurs, mais dont l'originalité est dans son double système de polymérisation. (chémopolymérisation de première intention complétée par une photopolymérisation).

Le modèle expérimental

Il a été élaboré à partir d'une situation clinique classique. Il s'agit d'un secteur dentaire maxillaire droit, comprenant les dents n° 14 à 18 : la 16 est absente et les 15 et 17 ont été préparées afin de recevoir un bridge de 3 éléments. Par le procédé de la cire perdue, un modèle en alliage Cr Co correspondant à cette situation clinique est réalisé (fig. 2). L'élaboration de ce modèle en métal s'est achevée par un polissage, suivi d'un surfaçage de sa base pour obtenir une stabilité parfaite sur une surface plane (fig. 3). La rigidité et la stabilité de cette pièce ne pouvaient donc pas influer sur les résultats.

Élaboration des échantillons de bridge

Afin de pouvoir effectuer une comparaison statistique des résultats, il était nécessaire de disposer d'un échantillonnage de bridges morphologiquement identiques. Un protocole permettant d'assurer une reproductibilité tridimensionnelle et de limiter au maximum toute retouche sur les échantillons a été établi :

- réalisation sur le modèle clinique en Cr Co d'une maquette de bridge réalisée par une technique de cire ajoutée (fig. 4) ;

- prise d'empreinte de l'ensemble modèle clinique en Cr Co et maquette de cire avec un silicone extradur (Silicodur® MS 31 de Suissor) (fig. 5), avec utilisation comme porte-empreinte d'un coffrage en plexiglas permettant un soutien et une répartition homogène du matériau d'empreinte ;

- désolidarisation du « porte-empreinte » en plexiglas et de la clé en silicone sans désinsertion du modèle clinique ;

- découpe de la clé en trois parties (occlusale, vestibulaire et linguale) permettant la désinsertion du modèle clinique sans entraîner ni déformation ni détérioration de la clé en silicone ;

- repositionnement précis des trois parties de la clé, cette opération étant rendue possible grâce d'une part à la nature du matériau (silicone extradur) et d'autre part à l'utilisation du coffrage « porte-empreinte » ;

- détermination, par des essais préliminaires, du volume de résine nécessaire et suffisant à la réalisation d'un bridge provisoire, ceci afin de limiter les retouches sur les échantillons ;

- élaboration des échantillons de bridges provisoires, par la technique d'isomoulage.

Tous les échantillons ont été réalisés à partir de la même clé en trois parties, en silicone extradur, afin de limiter au maximum les risques de variation morphologique d'un échantillon à l'autre. D'autre part, pour éviter toute contamination du matériau d'empreinte par des résidus de résine, les trois parties de la clé ont été soigneusement nettoyées à l'eau et au savon, puis séchées à l'air ambiant avant la confection d'un nouvel échantillon.

Le respect de ce protocole a permis d'obtenir des échantillons identiques tant au niveau :

- de la morphologie ;

- de la reproduction des embrasures ;

- de l'épaisseur de résine occlusale, axiale et cervicale.

Les seules retouches sur les échantillons se sont limitées à une élimination sommaire des excédents de résine en utilisant une fraise à résine en carbure de tungstène. Les échantillons ont ensuite été stockés à l'air ambiant (20 °C), puis testés au maximum 48 heures plus tard, en respectant l'ordre de leurs réalisations.

Plusieurs séries de bridges provisoires ont été préparées :

• Série A : huit échantillons de bridges en Unifast® avec saturation empirique du liquide par la poudre, mélange manuel, puis chémopolymérisation ;

• Série B : dix échantillons de bridges en Unifast® avec saturation du liquide par la poudre après dosage précis (± 0,1 g), mélange manuel, puis chémopolymérisation ;

• Série C : quinze échantillons de bridges en Protemp® Garant avec prédosage et automélange imposés par le kit du fabriquant, puis chémopolymérisation ;

• Série D : huit échantillons de bridges en Provipont® avec prédosage et automélange imposés par le kit du fabriquant. La chémopolymérisation de première intention qui confère au matériau une phase plastique illimitée a été complétée par une photopolymérisation.

Tests de flexion trois points

L'appareillage utilisé pour les tests de compression trois points est une machine d'essai Instron 1195. Les échantillons, placés à tour de rôle sur la matrice sont testés l'un après l'autre (fig. 6). Une force perpendiculaire leur est appliquée au niveau de la fosse centrale de l'intermédiaire de bridge. Son intensité est de 2KN et sa vitesse de traverse est constante (vt = 2 mm/min). Le site d'application du pointeau de la machine d'essai a été choisi arbitrairement en raison de sa localisation aisée et du fait qu'il s'agisse du lieu d'engrènement de la cuspide antagoniste théorique.

Trois types de résultats ont été étudiés :

- la force nécessaire pour entraîner la fracture des éprouvettes ;

- l'enfoncement résultant de cette force au niveau du bridge ;

- la nature de la fracture.

Les tests statistiques ont été réalisés au moyen du logiciel SAS 6.12® pour Windows, et les graphiques et diagrammes au moyen du logiciel Excel 2000® pour Windows. La procédure PROC GLM a été utilisée pour l'analyse de variance, ce qui a permis de comparer les forces moyennes dans les quatre groupes (lots A, B, C et D) ainsi qu'entre les groupes deux à deux. Les mêmes calculs ont été effectués avec les mesures d'enfoncement. L'analyse de la nature des traits de fracture a conduit à déterminer quatre autres groupes, selon le type de fracture. Les éventuelles différences entre ces quatre nouveaux groupes ont été testées relativement aux deux variables : forces de flexion et enfoncements. Les effectifs différents obtenus à l'intérieur de chaque lot proviennent essentiellement d'impératifs de disponibilité des matériaux et n'ont aucune incidence sur les tests statistiques.

Résultats

Les résultats, enregistrés sous forme de courbes sur imprimante, ont permis d'établir des tableaux récapitulatifs (tabl. I, II, III et IV).

Le premier matériau testé est l'Unifast®. À la lecture des tableaux de synthèse (tabl. I et II), il faut remarquer que la moyenne de la force nécessaire pour obtenir la fracture des bridges est inférieure pour la série A par rapport à celle de la série B. Ainsi, pour un dosage aléatoire de l'Unifast®, une force de 1183 ± 157 N/cm suffit pour entraîner la rupture de l'éprouvette (tabl. I et fig. 7) alors qu'un dosage rigoureux oblige l'application d'une force supérieure : 1380 ± 142 N/cm (tabl. II et fig. 8).

D'autre part, on observe trois types de traits de fractures (fig. 11) 1 :

- obliques de l'occlusal vers le cervical, et du mésial vers le distal (OMD, fig. 13 ) dans 50 % des cas pour le dosage aléatoire et 20 % des cas si l'on applique un dosage rigoureux ;

- longitudinaux du mésial vers le distal, au niveau occlusal (L, fig. 14 ) dans 25 % des cas pour le lot A et 40 % des cas pour le lot B ;

- un compromis des deux types précédents (OMD + L, fig. 13 et 14 ) dans 25 % des cas pour le lot A et 40 % des cas pour le lot B.

En ce qui concerne le Protemp® (tabl. III et fig. 9), la force moyenne qu'il a fallu appliquer a été de 1358 2 ± 168 N/cm . Pour ce matériau, la régularité des traits de fracture est mise en évidence (dans 100 % des cas) (fig. 11), puisque tous sont obliques de l'occlusal vers le cervical, et du mésial vers le distal (OMD, fig. 13).

Enfin, pour le Provipont® (tabl. IV, fig. 10), la valeur moyenne de la force est de 2182 ± 316 N/cm. Des fractures de deux ordres sont à noter (fig. 11) :

- obliques de l'occlusal vers le cervical, du mésial vers le distal (OMD, fig. 13) dans 62,5 % des cas ;

- éclatement en fragments multiples (EXP, fig. 15) dans 37,5 % des cas. Notons que c'est le seul matériau de ce comparatif à présenter ce type de fractures en plusieurs petits fragments.

Analyse de variance

Forces de flexion

Statistiquement, il existe une différence significative entre les quatre lots en ce qui concerne les forces de flexion (p < 0,001). Les comparaisons de groupes deux à deux (test de Scheffe) montrent que le lot D est différent des trois autres. On atteint une force de flexion nécessaire pour entraîner une fracture presque deux fois plus importante que dans le cas des trois autres lots. Cependant, les lots B et C présentent une force de flexion non statistiquement différente entre eux (p = 0,79). Quant au lot A, la force de flexion nécessaire est statistiquement inférieure à celle des trois autres groupes.

D'un point de vue des forces de flexion, les résultats statistiques peuvent se résumer par la hiérarchie suivante :

< Lot A (1183 ± 157 N/cm2) ;

< Lot B (1380 ± 142 N/cm2) et Lot C (1358 ± 168 N/cm2) ;

Enfoncements

Il existe bien sûr une corrélation négative, statistiquement significative, entre les forces de flexion et l'enfoncement (p < 0,001) : lorsque la force de flexion nécessaire à entraîner une fracture du matériau augmente, la mesure de l'enfoncement diminue d'autant. Ceci est en accord avec une des propriétés mécaniques bien connue : l'enfoncement, qui est lié à une faible dureté du matériau, inversement proportionnel à la résistance à la flexion. Les moyennes par lot des forces de flexion et de l'enfoncement sont représentées sur la figure 16 .

D'un point de vue de l'enfoncement, les quatre lots sont globalement différents (p < 0,001). Mais, les lots C et D ne sont pas statistiquement différents entre eux (p = 0,91). Le lot A est différent des trois autres, de même que le lot B. La hiérarchie suivante est donc obtenue :

< Lot A (3 ± 0,4 mm) ;

< Lot B (2,1 ± 0,4 mm) ;

< Lot C (1,6 ± 0,2 mm) et Lot D (1,7 ± 0,3 mm).

Nature des fractures

Les valeurs moyennes des forces de flexion et de l'enfoncement, selon la nature des traits de fracture, sont schématisées sur la figure 17 . Les groupes déterminés par les traits de fracture présentent une différence significative pour les forces de flexion (p = 0,001) et pour l'enfoncement (p = 0,016). Le groupe « EXP » est significativement différent des trois autres alors que les groupes « OMD », « L » et « L + OMD » ne sont pas significativement différents entre eux. Ceci confirme les corrélations entre :

- force de flexion et enfoncement ;

- entre le lot 4 (Provipont®) et le groupe « EXP » d'une part et entre les 3 autres lots (lots 1, 2 et 3) et les 3 autres types de fractures (« OMD », « L » et « L + OMD ») d'autre part.

Une première synthèse permet donc d'affirmer que dans le cadre de cette étude, de l'expérimentation ainsi que des résultats obtenus, le Provipont® présente des qualités supérieures aux deux autres matériaux. La résistance à la flexion du Provipont® est supérieure de 37,7 % à celle du Protemp® et de 45,7 % à celle de l'Unifast® dosée d'une manière idéale. En effet selon l'attention apportée à la manipulation de celle-ci, ses qualités varient de 14,2 %. Par ailleurs, à l'opposé des deux autres matériaux le Provipont® est le seul à présenter des risques d'éclatement.

Discussion

Tout d'abord, en ce qui concerne L'Unifast®, c'est un matériau qui se présente sous la forme d'un liquide et d'une poudre à mélanger. Même si le dosage est préconisé par le fabriquant, sa précision incombe au praticien. Or, après un bref sondage auprès de cliniciens expérimentés et d'étudiants à la faculté, rares sont ceux qui respectent le dosage recommandé par le fabriquant et nombreux sont ceux qui inversent le protocole de manipulation. Si l'on tient alors compte des résultats qui concernent les deux lots de bridges en Unifast® et, par conséquent, du fait que plus la précision du dosage augmente et plus les qualités mécaniques du produit s'en trouvent améliorées, il est logique de penser qu'une présentation prédosée de ce produit serait préférable. Par extrapolation, le prédosage d'un produit, limitant de fait l'empirisme clinique, offrirait la garantie d'une optimalisation de ses performances. Il va sans dire que cet aspect des choses ne doit pas occulter le fait que la possibilité de pouvoir doser à volonté les composants d'un matériau peut parfois offrir au praticien certains avantages. En effet, si le rapport polymère-monomère est invariable, à température égale, le temps de prise est constant. Or, le clinicien peut souhaiter au détriment des qualités mécaniques et, en connaissance de cause, allonger le temps de travail ou le raccourcir. Cela est possible en jouant sur ce rapport. On voit donc que si le prédosage est préférable en ce qui concerne les propriétés mécaniques, l'idéal serait d'avoir aussi la possibilité de choisir le type de manipulation (imposée ou non).

Si l'on confronte alors cette étude avec celle de Meyer et Belser [6] qui ont cherché à distinguer la résistance à la flexion trois points à 24 heures, puis à 7 jours des mêmes matériaux, mais sur des échantillons standardisés, il est intéressant de noter certains points dans les résultats. Si à 24 heures, les résistances des trois produits sont presque équivalentes, l'évolution à 7 jours montre une baisse des qualités mécaniques d'Unifast® de 13,6 % et une augmentation de 15,6 % de celles du Protemp® et de 6,2 % de celles du Provipont®. Il en résulte une supériorité de 35 % des Protemp® et Provipont® sur Unifast®. En revanche, la même étude a montré la très nette supériorité d'Unifast® après fracture et réparation de l'éprouvette.

D'autres études réalisées par Combe [9] et par Craig [10] sur des produits différents, mais de mêmes familles, ont démontré que les résines de type diacrylate (ex : Protemp®) possèdent des propriétés mécaniques supérieures aux résines de type polyméthacrylate de méthyle (ex : Unifast®)

Enfin, une autre étude de Koumjan et Nimmo [3] portant sur le Protemp® sous forme d'échantillons aux normes internationales, fait apparaître avant et après fracture et réparation, une diminution très importante de sa résistance de l'ordre de 85 %.

Dans un deuxième temps, à partir de ces données, il est possible de confronter les trois matériaux entre eux. Si une lecture rapide des résultats de cette expérimentation peut laisser supposer une supériorité du Provipont® sur le Protemp® et surtout sur l'Unifast®, une appréciation plus nuancée s'impose. Le Provipont®, même s'il offre dans l'absolu les meilleures performances, peut, en raison de ses risques d'éclatement, s'avérer techniquement très difficile, voire impossible à réparer. Il paraît donc souhaitable, compte tenu de la multiplicité des éclats et des différences de résistance après réparation étudiées par Mayer [6], de faire un nouveau bridge. Or, d'après Koumjian et Nimmo [3], le Protemp® ne se prêterait pas beaucoup plus à la réparation. En conséquence, si l'Unifast® n'offre pas une résistance optimale en première intention, sa réparation assez aisée et ses qualités quasi similaires avant et après réparation lui redonnent un grand intérêt par rapport aux autres. La nature même de l'Unifast® permet une meilleure coaptation de la résine rebasée avec le bridge fracturé.

Il faut également remarquer que Meyer et Belsrer [6], dans leur étude, confectionnent des éprouvettes standardisées en résine en forme de poutres (longueur : 60 mm - largeur : 25 mm - épaisseur : 15 mm) selon la norme américaine (référence : ASTM D790-80) pour les essais de résistance mécanique en flexion trois points. De plus, ces résines sont utilisées comme isolants électriques, à cause de l'absence d'une norme spécifique dans le domaine dentaire. Dans le cas de cette étude, les éprouvettes ont été réalisées à partir de données cliniques existantes, correspondant à une finalité esthétique, fonctionnelle et anatomique de l'élément prothétique transitoire. Les résultats sont cohérents avec ceux de Meyer et Belser : les résines bis-acryliques se fracturent sous des forces de flexion nettement plus importantes que les résines méthacrylate de méthyle.

Les résultats relatifs à la nature des traits de fracture pour chaque matériau peuvent en amener à la réflexion suivante : lorsque le matériau est plus souple, il a tendance à plus s'enfoncer et à se casser ainsi plus vite selon plusieurs types de traits de fracture (cas de Unifast®). Un degré de dureté supérieur correspond à des traits de fracture OMD ; les fractures longitudinales caractériseraient donc plutôt les matériaux moyennement tendres. Enfin, les matériaux les plus résistants aboutiraient dans un certain nombre de cas à des fractures en fragments multiples (cas du Provipont®).

Conclusion

Nous avons voulu par l'originalité des éprouvettes tests, apporter un sens plus clinique à ce type d'expérimentation. Les résultats observés rejoignent ceux de tests effectués avec des éprouvettes conventionnelles [6, 10, 11]. Cette étude montre finalement une résistance à la fracture supérieure pour les résines bis acrylique par rapport aux résines diacrylate et méthacrylate de méthyle. Mais, quel que soit le matériau, les fractures observées in vitro surviennent pour des forces normalement supérieures à celles rencontrées in vivo lors de la mastication [11]. De plus, la nature des traits de fracture indique que, pour les résines bis-acryliques, les problèmes rencontrés en clinique sont plus difficilement maîtrisables (explosion du matériau en fragments multiples et mauvaise coaptation après rebasage) que pour les résines méthacrylate de méthyle qui ont tendance à se fracturer plus facilement, mais aussi d'une manière plus favorable à une réparation immédiate. Cependant, chaque situation clinique est un cas particulier ; c'est au praticien que revient le choix du produit le mieux adapté, en tenant compte des caractéristiques du matériau, de la littérature, de ses habitudes et de son sens clinique. Les critères de choix resteront néanmoins la facilité de manipulation, de réparation et d'évolution de ces bridges provisoires.

Remerciements au Dr Aurélie Carré et à Philippe Beau pour leur collaboration.

(1) La figure 12 représente un bridge provisoire type.

bibliographie

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  • 6 Meyer JM, Belser U. Les matériaux pour couronnes et ponts provisoires. Réalités cliniques 1994 ;5(1):15-24.
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  • 10 Craig RG. Restorative dental materials. St Louis: Mosby, 1993.
  • 11 Azerad J. Physiologie de la manducation. Collection des abrégés d'odontologie et de stomatologie. Paris : Masson, 1992.