Restaurations directes - Cahiers de Prothèse n° 115 du 01/09/2001
 

Les cahiers de prothèse n° 115 du 01/09/2001

 

Prothèse fixée

Angelo Putignano *   Giorgio Rappelli **  


* MD - DDS
** DDS
Università degli Studi di Ancona
Istituto di Scienze Odontostomatologiche
Via E. Toti 4
60123 Ancona (Italie)

Résumé

Aujourd'hui, compte tenu des matériaux dont dispose le praticien et des techniques qu'il maîtrise, le choix d'étendre les dimensions des restaurations dans le secteur antérieur, pour mieux les intégrer esthétiquement et mieux cacher les limites, n'est plus justifié. Le principe selon lequel le maximum de tissu sain doit être épargné doit être la règle générale qu'il faut suivre lors d'un cas esthétique. Le recours aux solutions prothétiques peut être limité aux cas complexes et doit être considéré comme la dernière des possibilités. Parmi les traitements prothétiques, grâce au développement des techniques adhésives et des matériaux céramiques, on peut choisir des solutions pour lesquelles la forme des préparations est très conservatrice. Le rôle du dentiste est de soigner les pathologies, de rétablir fonction et esthétique en respectant l'intégrité des tissus sains, avec les moyens les plus adéquats. Il est donc nécessaire que le praticien connaisse toutes les possibilités restauratrices pour mieux adapter le plan de traitement au cas clinique.

Summary

Direct restoration: an alternative to ceramic veneers

Nowadays, considering the new available materials and techniques, the choice of extending the dimensions on the anterior restorations in order to achieve a better aesthetic integration and to hide the limits is not justified anymore. In an aesthetic case, the principle according to which the maximum of hard tissues must be saved must be the prevailing rule. Prosthetic treatment must be used only for complexes cases, and considered as the ultimate option. Among prosthetic treatments, thanks to the development of bonding techniques and ceramic materials solutions whose preparation is very conservative must be selected. The dentist's role is to manage pathologies, to restore the function and the aesthetics, respecting the hard tissues' integrity, by the most adequate means. The dentist needs to know every restorative solutions in order to adapt the treatment planning to the specific case.

Key words

aesthetic restoration, bonding, ceramic veneers, composite resin

Pour toute réalisation d'une restauration esthétique, les buts principaux à atteindre sont : l'intégrité des limites et une esthétique correcte. En général, dans les secteurs antérieurs, l'étanchéité des limites de la restauration peut être assurée assez aisément, car elles sont situées au niveau de l'émail, donc au sein d'une structure fiable en terme d'adhésion. La gestion de l'esthétique est, en revanche, plus difficile dans les secteurs antérieurs non seulement en raison de la situation sur l'arcade, mais aussi à cause des qualités histologiques et chromatiques des dents antérieures.

Le remplacement d'une petite partie d'une dent, ou la restauration d'une seule dent, demande trop souvent le sacrifice d'une importante quantité de tissu sain en vue d'obtenir plus facilement une intégration esthétique. Actuellement, de nouvelles techniques et des matériaux de plus en plus performants, permettent de sauvegarder pratiquement tout le tissu sain, en plein accord avec le principe fondamental de la médecine : « Primum non nocere ».

Bien qu'il soit plus difficile de rendre invisible une restauration partielle qu'une restauration plus étendue, il faut s'efforcer d'obtenir une intégration esthétique optimale, sans sacrifier du tissu sain [1]. En appliquant tout en l'améliorant la technique du mordançage acide de l'émail [2] décrite dès 1955 par Buonocore, cet objectif peut être atteint.

Cet article décrit différentes possibilités thérapeutiques mises en œuvre par méthode directe s'inscrivant dans ce cadre d'économie tissulaire et d'esthétique : microabrasion, collage de fragments, facette directe, traitements de classe IV, fermeture des diastèmes.

Les facettes en céramique constituent l'ultime recours lorsque les limites de ces techniques directes sont dépassées.

Microabrasion

Parfois, il est possible d'obtenir des résultats « éclatants » vis-à-vis d'anomalies chromatiques, en appliquant la technique décrite par Croll [3], par l'utilisation d'une pâte abrasive, capable d'éliminer des taches claires ou foncées sans recours à une restauration [4]. Naturellement, cette technique n'est envisageable que si les pigmentations sont superficielles (entre 0 et 1 mm).

Technique proposée (fig. 1a, 1b et 1c)

La digue pour isoler la dent à traiter une fois posée, la surface pigmentée est rendue rugueuse à l'aide d'une fraise diamantée à grains moyens, puis une pâte abrasive comme Opalustre® (Ultradent, États-Unis) placée sur des cupules spécifiques, intervient sur la dyschromie à basse vitesse, sous faible pression.

Le résultat est apprécié et l'abrasion poursuivie jusqu'à l'obtention d'un résultat suffisant.

Collage d'un fragment

Lorsqu'une restauration intéresse les secteurs antérieurs, il faut reproduire le plus fidèlement possible, la forme, la teinte et la texture de surface de la dent concernée, sans toutefois espérer parvenir à reproduire intégralement ce que la nature a créé. Aussi, dans les cas de fractures partielles des dents antérieures, lorsqu'on peut disposer du fragment de la dent, bien conservé dans la salive du patient ou en solution physiologique, on préfère utiliser ce dernier.

Technique proposée

Après le mordançage acide des deux surfaces à coller, le fragment est solidarisé à la dent par de l'adhésif (Prime & Bond NT® Dentsply ou Scothbond One® 3M par exemple). Puis, à l'aide d'une fraise-boule diamantée, un léger biseau est réalisé, au niveau de l'interface, entre les deux fragments. La restauration est terminée par un apport de composite transparent.

Cet apport de composite n'a pas pour but d'augmenter la rétention du fragment [5], mais principalement de cacher la ligne de jonction des deux interfaces (fig. 2a, 2b et 2c).

« Veneering » par technique directe

Dans les cas simples de dysplasie de l'émail, après préparation a minima, il suffit souvent d'utiliser deux masses de composite (incisal shade et body shade) pour obtenir d'excellents résultats, tout en assurant, un maximum d'économie tissulaire (fig. 3a et 3b).

Traitement des classe IV

Ce type de traitement est bien apprécié dans les cas de restaurations des cavités de classe IV, lorsque le fragment dentaire n'est pas disponible ou n'a pas été bien conservé. Pour rester dans le cadre du concept de l'économie tissulaire, il est préférable de ne pas réaliser une préparation de type facette des surfaces vestibulaires comme on le voit très souvent, mais plutôt de remplacer tout simplement le tissu manquant. Cela implique une plus grande attention pour réaliser la stratification avec le but de masquer l'interface dent/restauration [6].

La méthode, pratique, car prévisible, décrite par Vanini et Dietschi [7, 8]. est recommandée. Il s'agit de l'utilisation d'une clé issue d'une cire de diagnostic ou d'une reconstitution sommaire de la surface palatine, en vue d'obtenir un support et une guide pour la stratification. La première étape de la réalisation, le choix de la teinte, est rapidement effectuée à la lumière du jour, si cela est possible, après le polissage de la surface, avec les dents humides (fig. 4a). La digue est mise en place et la limite de préparation est effectuée sous forme de chanfrein ou de chanfrein biseauté. La surface concernée est nettoyée avec de la pâte abrasive ou la sableuse ou l'air flow (fig. 4b). Après le mordançage et l'application d'adhésif, on pose une première couche de composite opaque pour arrêter le passage de la lumière (fig. 4c). On crée ensuite les mamelons par l'application d'un composite de corps (fig. 4d). Tout autour, du composite transparent est appliqué entre les mamelons et on termine par l'application des composites « émail » plus ou moins opalescents, selon l'effet que l'on souhaite obtenir au niveau incisif (fig. 4e, 4f et 4g).

Lors du choix de la teinte, il est préférable de faire un schéma indiquant les différentes zones de la dent avec leurs caractéristiques et de noter les éventuels colorants à utiliser et leur quantité. Il est important de procéder ainsi, car une fois la digue en place et les dents déshydratées, la valeur et les caractérisations intrinsèques augmentent d'intensité. On pourrait alors commettre des erreurs d'appréciation.

Lorsqu'il faut reconstruire deux incisives, il est préférable de les reconstruire en deux séances successives, afin de pouvoir modifier les éventuelles différences de forme, teinte, caractérisations ou texture de surface (fig. 5a, 5b et 5c). Parfois, il vaut mieux réaliser un blanchiment avant la restauration, surtout pour les dents dépulpées.

En gardant toujours à l'esprit la philosophie : « traitement, pas surtraitement », il est préférable d'appliquer une technique directe, si possible sans « veneering », même pour des cas complexes sur les secteurs antérieurs maxillaire et mandibulaire [9] (fig. 6a, 6b et 6c).

Fermeture des diastèmes

La fermeture des diastèmes est une des interventions que les matériaux modernes de reconstruction permettent de réaliser [10]. Dans le cas où le nombre de diastèmes et les espaces à fermer seraient excessifs, les restaurations sont considérées comme transitoires de moyenne durée (fig. 7a et 7b), dans l'attente d'une restauration indirecte (facettes en céramique).

À l'issue de la description de ces traitements en technique directe, une question se pose : quelle est donc la limite à l'utilisation de ces matériaux de nouvelle génération ?

Réponse : la limite évolue continuellement, car les matériaux composites deviennent de plus en plus performants.

Aujourd'hui, il est possible d'obtenir des lignes horizontales blanches, des lignes verticales foncées ou claires, de fines fêlures et toute sorte de caractérisations avec une grande facilité.

Facettes en céramique

Quand faut-il réaliser des restaurations indirectes ? Un traitement de type indirect est plus indiqué :

- lorsque la quantité de tissu dentaire à remplacer est trop importante ;

- lorsqu'il faut réaliser de grandes modifications de la forme de plusieurs éléments ;

- lorsqu'il y a des problèmes muco-gingivaux (fig. 8a et 8b).

La technique de réalisation est très conservatrice par rapport aux autres traitements prothétiques [11]. Pour épargner le maximum de tissu sain, une clé issue d'une cire diagnostique sert de guide pour la préparation. Elle est réalisée entièrement sur l'émail et les limites doivent permettre le bon positionnement de la digue lors du collage [12] (fig. 9a, 9b et 9c).

Le résultat esthétique est très naturel et le coût biologique pour l'atteindre a été conforme à l'extension des restaurations.

Conclusion

Le développement des matériaux et des techniques permet aujourd'hui de résoudre des cas de façon esthétique tout en gardant le maximum de tissu sain. De plus en plus, les traitements conservateurs peuvent remplacer les traitements prothétiques. Le devoir du dentiste est de savoir adapter le plan de traitement aux nouvelles possibilités qui lui sont offertes, en respectant le premier principe de la médecine dentaire : sauvegarder les structures biologiques saines.

bibliographie

  • 1 Roulet JF. Adhesive Dentistry in the XXIth Century. Operative Dent 2000;25:355-366.
  • 2 Bonocore MG. Simple method of increasing the adhesion of acrylic filling materials to enamel surface. J Dent Res 1955;34:849-853.
  • 3 Croll TP. Enamel microabrasion: the technique. Quintessence Int 1989;20:395-400.
  • 4 Croll TP, Segura A. Tooth color improvements for children and teens: enamel microabrasion and dental bleachoing. Oral Health 1997;87(1):9-14.
  • 5 Worthington et al. Incisal edge reattachment: the effect of preparation utilization and design. Quintessence Int 1999;30:637-643.
  • 6 Barattieri L. Aesthetics: direct adhesive restorations on fractured anterior teeth. Chicago : Quintessence,1998
  • 7 Vanini L. Light and color in anterior composite restorations. Pract Periodont Aesth Dent 1996;8(7):673-682.
  • 8 Dietschi D. Free hand composite restorations: a key to anterior aesthetics. Pract Periodont Aesth Dent 1995;7(7):15-25.
  • 9 Rivera EM, Vargas M, Ricks-Williamson L. Considerations for the aesthetic restorations of endodontically-treated anterior teeth following intra-coronal bleaching. The Aesthetic Cronicle 1997;9(1):117-128.
  • 10 Dietschi D. Free-hand bonding in the esthetic treatment of anterior teeth: creating the illusion. J Esth Dent 1997;9(4):156-164.
  • 11 Belser U, Magne P, Magne M. Ceramic laminate veneers: continous evolution of indications. J Esth Dent 1997;9(4):197-207.
  • 12 Magne P, Douglas W. Rationalization of esthetic restorative dentistry based on biomimetics. J Esth Dent 1997;9(4):197-207.

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