Prothèse fixée
Ancien assistant hospitalo-
universitaire - chargé d'enseignement
UFR d'odontologie Université Victor-Segalen Bordeaux-II
16, cours de la Marne
33082 Bordeaux Cedex
Lors d'un traitement par prothèse fixée, le praticien a le choix du mode d'assemblage entre la prothèse et la dent : le scellement, le scellement adhésif et le collage. Le choix devra être réalisé en fonction de cinq paramètres cliniques : la situation de la limite prothétique, la valeur de rétention de la préparation, le nombre de piliers, les matériaux utilisés et l'esthétique. L'analyse de ces différents paramètres permet de déterminer le ou les modes d'assemblage les plus aptes à participer à la pérennité du traitement prothétique, la situation de la limite cervicale constituant un paramètre prioritaire. Les techniques de collage, certes séduisantes, nécessitent une mise en œuvre rigoureuse et ne sont indiquées que pour des préparations supragingivales ou juxtagingivales. Dans cette situation, le collage est la solution de choix pour agréger les jaquettes en céramique sur les dents car il renforce les qualités mécaniques et la résistance des matériaux prothétiques. Le praticien doit donc maîtriser l'ensemble des différents modes d'assemblage pour sélectionner celui qui s'adaptera le mieux à une situation clinique précise.
For a fixed prosthesis, the clinician has the choice between luting, luting “adhesive” or bonding procedures for the junction between the prosthesis and the prepared tooth. The choice is made according to five clinical parameters: the situation of the finish line, retention, number of abutments, materials used and aesthetic aspect. The analysis of these parameters can determine the best junction for the success of the prosthesis, the situation of the margin line being a major parameter. Bonding procedures are attractive, but they require technical skill and are only indicated for juxta-or supra-gingival margins. In this context, bonding is the best solution for all ceramic crowns because it strengthens the mechanical properties and toughness of the material. The clinician must be able to manage the various junction modes in order to select for the most suitable one for the clinical situation.
L'agrégation des prothèses fixées sur les préparations dentaires constitue la dernière séquence du traitement prothétique. L'étude de Valderhaug [1] sur la durée de vie des prothèses fixées révèle 4 % d'échecs au bout de 5 ans, 12 % au bout de 10 ans et 32 % au bout de 15 ans. Un quart des échecs rencontrés résulte d'une défaillance du mode d'assemblage avec pour conséquence une reprise carieuse ou une perte de rétention.
À la question : « Quel est le ciment idéal ? », il est malheureusement impossible de donner une réponse sérieuse, si ce n'est qu'en fonction des paramètres cliniques, certains modes d'assemblage garantissent davantage de fiabilité des restaurations prothétiques que d'autres.
Grâce à l'évolution des techniques de collage et à l'apparition de nouveaux matériaux aux propriétés adhésives, trois modes d'assemblage sont actuellement à la disposition du praticien :
• le scellement « conventionnel », réalisé avec les ciments au phosphate de zinc (Crown and Bridge®, de Trey ; Zinc Cement-improved®, SS White ; Harvard®, Cement, Richter et Hoffman, Allemagne) ;
• le scellement « adhésif », réalisé avec les ciments verres ionomères, qui se répartissent en deux catégories :
- les ciments verres ionomères conventionnels (CVIC) pour lesquels la réaction de prise se fait uniquement par une réaction acide-base (Ketak-Cem®, Espe ; Vivaglas® Cem, Vivadent ; PR-Scell®, Pierre Rolland) ;
- les ciments verres ionomères modifiés par de la résine (CVIH), pour lesquels la réaction de prise se fait par une réaction acide-base à laquelle s'ajoute une réaction de polymérisation de type radicalaire (Vitremer Luting Cement®, rebaptisé Relyx Luting Cement®, 3M ; FujiPlus®, Fuji-Cem®, GC Europe).
Les ciments polycarboxylates n'ont pas été retenus dans cet article car, en dépit de propriétés adhésives intéressantes, ils présentent des caractéristiques mécaniques insuffisantes qui les rendent inaptes pour un scellement permanent ;
• le collage, réalisé avec les ciments résines (Variolink®, Vivadent ; Calibra®, Dentsply) composites de collage, composites contenant la molécule MDP (Panavia®, Kuraray) ou la résine 4-META (Super Bond®, Sun Medical). L'intérêt de ce procédé est de limiter la mutilation des tissus dentaires en participant de façon majeure à la rétention prothétique.
Le collage, phénomène de mode ou évolution dans le domaine de l'assemblage dentoprothétique, peut par sa contribution à la rétention prothétique attirer de plus en plus de praticiens. Cependant, cette technique répond à des indications précises et nécessite une rigueur de mise en œuvre garantissant sa fiabilité mais la rendant « opérateur-dépendante » [2].
Actuellement, la détermination du mode d'assemblage se résume encore souvent à un choix entre les ciments au phosphate de zinc et les ciments verres ionomères, généralement dicté par les habitudes du praticien plutôt que par l'analyse logique de la situation clinique. Or, ce choix reste primordial car le mode d'assemblage a deux objectifs principaux :
• assurer l'herméticité de la jonction dento-prothétique : le mode d'assemblage participe, avec la forme de la préparation et l'ajustage prothétique, à la pérennité des prothèses fixées.
Le joint dento-prothétique est soumis, dans la cavité buccale, à une multitude d'agressions (salivaire, bactérienne, thermique, variation de pH…) pouvant entraîner dans le temps sa détérioration et l'apparition d'un processus de percolation. En effet, quelle que soit la précision des séquences cliniques et de laboratoire, il existe toujours un hiatus dento-prothétique dont la fermeture hermétique dépend essentiellement de la capacité du matériau d'assemblage à résister aux phénomènes de dissolution. À la différence des ciments résines qui semblent mieux résister à cette dégradation, les ciments au phosphate de zinc et les ciments verres ionomères subissent au cours du temps une dissolution ionique régie par les lois de diffusion [3, 4].
Les études comparant les ciments au phosphate de zinc et les ciments verres ionomères [5-13] sont parfois contradictoires sur la résistance à l'érosion de ces matériaux. Bien qu'il soit souvent difficile de comparer ces différentes études entre elles (protocoles et conditions expérimentales différents), elles montrent cependant que les performances d'un ciment de scellement sont liées à la qualité de sa réaction de prise qui doit s'effectuer dans des conditions optimales. En effet, si le joint dento-prothétique est défaillant, les percolations sont autant de portes d'entrée pour la flore bactérienne cariogène entraînant l'échec de la restauration prothétique (fig. 1a et 1b) ;
• participer à la rétention : si la forme de la préparation demeure un élément décisif (fig. 2) pour la rétention d'une prothèse fixée [14], le mode d'assemblage par des liaisons micromécaniques ou par son pouvoir adhésif représente un supplément de rétention.
Le praticien, en fonction de paramètres cliniques (occlusion, dépouille, hauteur de la préparation…), doit évaluer la rétention complémentaire que devra lui procurer le mode de jonction.
Cet article a comme objectif d'étudier, pour différentes situations cliniques, le ou les modes d'assemblage les plus appropriés. L'acte clinique doit être analysé dans sa globalité mais, pour des raisons didactiques, cinq paramètres cliniques qui conduisent au choix du mode d'assemblage sont abordés successivement :
- situation de la limite prothétique ;
- valeur de rétention de la préparation ;
- nombre de piliers de la construction prothétique ;
- matériaux utilisés ;
- esthétique.
L'analyse et la valeur de ces différents paramètres fixent le mode d'assemblage le plus approprié.
La situation de la limite prothétique par rapport à la gencive est déterminante pour le choix du mode d'assemblage.
Les modes d'assemblage susceptibles d'être utilisés doivent obligatoirement pouvoir supporter l'humidité sulculaire toujours présente (fluide gingival). Seuls les produits qui peuvent réaliser leur phase de prise initiale en présence d'humidité sont aptes à cette utilisation.
Tous les ciments de scellement [15] sont issus d'une réaction acide-base. Les ciments au phosphate de zinc, verres ionomères conventionnels ou modifiés par de la résine ont besoin d'eau pour la mise en place de leur réaction de prise. Cependant, si cette réaction utilise l'eau contenue dans le liquide, un excès d'eau par apport externe (salive, sécrétions sulculaires) peut entraîner une dilution partielle des espèces ioniques entraînant une réaction incomplète qui diminue les qualités mécaniques des ciments [16].
Il semble que seules les réactions de prise des ciments au phosphate de zinc et des CVIH peuvent supporter cette utilisation intrasulculaire.
Les ciments verres ionomères conventionnels devraient être contre-indiqués en présence de limite sous-gingivale compte tenu des éléments présentés ci-après.
• Sensibilité au contact hydrique précoce
Les CVIC sont reconnus comme très sensibles aux variations hydriques lors de leur phase de prise initiale [17, 18]. Cette sensibilité a d'ailleurs été l'une des raisons amenant les industriels à réaliser l'adjonction d'une trame résineuse constituant les CVIH (la réaction acide-base étant « protégée » par une réaction de type radicalaire dans la trame résineuse). En effet, le contact précoce avec l'eau entraîne la fuite des ions calcium et aluminium à l'origine de la réaction de prise et du durcissement des CVIC, diminuant de façon importante leurs qualités mécaniques [19-21]. Pour les CVIH, l'apport du réseau résineux polymérisant par réaction radicalaire permet une moins grande sensibilité de ces types de ciments au contact hydrique précoce et permet donc leur utilisation en situation intrasulculaire. De plus, la présence dans la structure des CVIH de groupements hydrophiliques (HEMA, ou 2-hydroxy-éthyle méthacrylate) leur procure la possibilité d'absorber l'eau. Cette absorption d'eau peut neutraliser la tension provoquée par la contraction de prise du réseau résineux [22].
La sensibilité au contact précoce avec l'eau est moins importante pour les ciments au phosphate de zinc, car l'acide orthophosphorique est un acide plus « fort » que l'acide polyacrylique contenu dans les ciments verres ionomères conventionnels [23, 24]. Cette plus grande réactivité de l'acide orthophosphorique facilite la réaction acide-base et autorise une plus grande résistance au contact de l'humidité.
• Nécessité de mise en place d'une protection longue durée
Les CVIC sont sensibles dans le temps aux variations hydriques : contact avec l'eau et dessiccation. Pour cette raison, Dupuis et al. [25] proposent de mettre en place une compresse humide sur la préparation avant le scellement afin de garder un taux d'humidité acceptable et, une fois le scellement réalisé, de protéger le ciment par un vernis de protection de longue durée [26, 27]. Dans le cas de limites intrasulculaires, la mise en place de ce vernis, difficile à réaliser, semble dommageable pour le parodonte.
Il est important de préciser que dans une situation intrasulculaire, quel que soit le ciment de scellement utilisé, la prise initiale du ciment réalisant la fermeture du hiatus dento-prothétique doit être protégée. La durée de cette protection est fonction du temps nécessaire à cette prise initiale qui a été estimée varier de 6 à 9 min pour les ciments au phosphate de zinc [28] et de 10 à 15 min pour les ciments verres ionomères [29, 30]. Cette protection est obtenue en laissant un excès de ciment de 1 à 2 mm d'épaisseur [31, 32] durant le temps de la prise initiale (fig. 3a, 3b, 3c, 3d et 3e). Dans ces conditions, l'excès de ciment subit l'effet défavorable du contact salivaire et permet au ciment faisant la jonction de réaliser sa prise dans des conditions optimales. La difficulté clinique de ce protocole est l'élimination des excès de ciment, notamment dans les embrasures inter-proximales.
La situation intrasulculaire de la limite prothétique représente une contre-indication à l'utilisation du collage comme mode d'assemblage pour trois raisons essentielles.
• Nécessité de mise en place d'une protection
« Le préalable à toute procédure de collage est l'isolation du substrat à coller vis-à-vis de toute source d'humidité » [33]. En effet, l'utilisation et la mise en œuvre de procédures de collage doivent se faire à l'abri de toute source d'humidité et, donc, avec une protection efficace de type digue ou cordonnet de déflexion gingivale (fig. 4a et 4b).
Comme dans les traitements de dentisterie restauratrice, le non-respect de cette isolation peut être à l'origine de rupture du joint de colle ou de reprise carieuse (fig. 5a et 5b).
• Polymérisation du joint de collage Excepté pour le ciment résine contenant le copolymère chémopolymérisable PMMA-4 META (Super Bond®, Sun Medical), la polymérisation des autres ciments résines doit se faire à l'abri de l'oxygène [34-36]. Il est donc nécessaire soit d'utiliser un gel de glycérine [37], soit encore de laisser du ciment résine en excès pour permettre au matériau se trouvant au niveau de la jonction dento-prothétique d'accomplir sa polymérisation à l'abri de l'oxygène.
Cette protection semble aussi difficile à mettre en œuvre qu'à contrôler dans des situations intrasulculaires.
• Élimination des excès et polissage du joint de collage
Pour des raisons de visibilité (certaines résines sont translucides), d'adhésion de ces ciments résines aux tissus dentaires et d'accès à des zones notamment interproximales, il est très délicat de polir et d'éliminer correctement les excès en situation intrasulculaire sur toute la périphérie de la préparation (fig. 6). La persistance de débris de colle risque d'entraîner des lésions parodontales par irritation mécanique directe et par création de zones à la source de rétention bactérienne.
Dans le cas de préparations périphériques à limite intrasulculaire, les ciments au phosphate de zinc sont préférables en raison de la réactivité de leur acide et de leur recul clinique. Les ciments verres ionomères modifiés par de la résine sont également utilisables.
Dans cette situation, les trois modes de jonction peuvent être utilisés car le risque de contamination par l'humidité est facilement jugulé par la mise en place d'une isolation. Le choix entre ces différents modes d'assemblage est alors établi à partir de paramètres complémentaires liés :
- soit à la nécessité de favoriser la valeur adhésive du mode de jonction ;
- soit à la « visibilité » du joint dento-prothétique susceptible d'être masqué par l'utilisation de matériaux à vocation esthétique.
Ces paramètres, déterminants pour le choix, seront présentés dans les paragraphes suivants.
Lorsque la préparation présente un potentiel de rétention insuffisant (faible hauteur coronaire, par exemple), on peut agir sur les différents paramètres dento-prothétiques aptes à favoriser la rétention :
- augmentation de la hauteur des préparations dentaires (techniques chirurgicales, orthodontiques) ;
- réalisation de moyens de rétention secondaire (boîtes, rainures) ;
- modification de l'état de surface dentaire ou prothétique. Un état de surface rugueux augmente la surface de contact et favorise la rétention.
Par le choix du mode d'assemblage, le praticien peut aussi améliorer la rétention de la restauration prothétique.
Il n'existe pas de valeur adhésive intrinsèque de ce ciment qui participe à la rétention par une liaison micro-mécanique de clavetage. Cette rétention est donc favorisée par les rugosités rencontrées tant au niveau de la surface dentaire que de la surface de l'intrados prothétique. Donc, les ciments au phosphate de zinc n'améliorent pas la rétention par des liaisons chimiques supplémentaires.
La formulation chimique de ces ciments accrédite une adhésion aux tissus dentaires [38, 39] grâce à des structures polyélectrolytiques qui forment des ponts ioniques (par les anions bivalents Ca2+, Zn2+ et Mg2+) avec le collagène [40]. Cette capacité d'adhérence peut être mise à profit pour des préparations à faible rétention.
Ce potentiel d'adhésion peut encore être amélioré par un prétraitement à l'aide d'une solution d'acide polyacrylique des surfaces dentaires et de l'intrados prothétique, et dépend de l'état de surface plus ou moins rugueux de la dentine [41, 42]. De plus, pour les ciments verres ionomères modifiés par de la résine, la présence dans leur liquide d'HEMA leur permet de créer des liaisons avec les adhésifs dentinaires. Cette possibilité de liaison nécessite la réalisation de traitements dentinaires similaires à ceux réalisés lors de collage et, par voie de conséquence, en respectant des conditions d'isolation identiques vis-à-vis de l'humidité.
L'adhésion de ces ciments aux tissus dentaires implique la mise en place des traitements de surface habituels à tout collage (mordançage, primaire et agent de couplage). Seuls le ciment résine contenant le copolymère MDP (Panavia®, Kuraray) et le ciment résine 4-META (Super Bond®, Sun Medical) possèdent un pouvoir adhésif intrinsèque.
Les propriétés adhésives de ces matériaux sont très favorables à l'augmentation de la rétention prothétique. Cependant, l'absence impérative d'humidité exige des limites prothétiques supragingivales ou juxtagingivales. Le mode d'assemblage déterminé par le praticien impose alors la situation de la limite prothétique (fig. 7a, 7b, 7c, 7d, 7e, 7f, 7g, 7h, 7i et 7j).
Dans les situations cliniques qui requièrent une amélioration de la rétention, il est conseillé d'utiliser :
- pour des limites prothétiques intrasulculaires, des CVIH avec prétraitement par l'acide polyacrylique ;
- pour des limites supragingivales ou juxtagingivales, des CVIC, des CVIH ou des ciments résines, ce dernier mode de jonction améliorant fortement la rétention mais impliquant une grande rigueur de mise en œuvre.
Plus le mode d'assemblage participe à la rétention, plus sa mise en œuvre est rigoureuse (fig. 8).
Dans le cas d'un bridge avec de multiples piliers, le scellement risque d'être délicat. En effet, le mode de jonction doit pouvoir conserver sa « fluidité » durant les séquences du scellement (mise en place du ciment dans les couronnes et insertion sur les préparations). Si le ciment offre un temps de travail trop court, la prise débute avant l'insertion totale de la prothèse, ce qui peut entraîner un ajustage imparfait à l'origine d'une augmentation du hiatus dento-prothétique et de surocclusion. Il faut noter que l'augmentation du hiatus dento-prothétique est proportionnelle au temps écoulé entre la fin du malaxage et la mise en place de la prothèse [43]. La mise en œuvre du ciment doit donc être la plus simple et la plus rapide possible.
Le choix du mode d'assemblage est donc fonction du nombre de piliers constituant la restauration :
- pour les prothèses présentant jusqu'à trois piliers, tous les modes d'assemblage (scellement conventionnel, scellement adhésif ou collage) peuvent être utilisés, en observant les restrictions traitées dans les paragraphes précédents. Le collage est réservé aux préparations juxtagingivales ou supragingivales mais, dans le cas des bridges, le collage présente une difficulté d'élimination des excès de colle dans les zones interproximales ;
- pour les prothèses présentant plus de trois piliers, la possibilité d'allonger le temps de travail du matériau d'assemblage et sa facilité de mise en œuvre deviennent des critères importants (fig. 9).
La modification du temps de travail est possible en utilisant une plaque refroidie et en réalisant au préalable un lait de ciment (incorporation d'une petite quantité de poudre au liquide). En effet, une telle réalisation a pour effet de tamponner la solution acide et de diminuer ainsi sa réactivité.
Le temps de prise long (15 min) de ces ciments est malheureusement contrebalancé par le passage rapide dans une phase plastique (formation d'un gel lors de la phase initiale de la prise [44, 45]). Cet état plastique peut nuire à la mise en place correcte de constructions étendues. Pour cette raison, les ciments verres ionomères sont peu conseillés dans cette situation [46]. En effet, la mise en place d'éléments prothétiques scellés à l'aide de CVIH est incomplète si elle excède 2 minutes [47].
Dans le principe, le collage par des ciments résines n'est pas déconseillé, mais est peu usité en raison d'une mise en œuvre aussi longue que fastidieuse. Il reste réservé aux bridges et attelles collés, car seules les faces palatines sont concernées par le protocole de collage et, de plus, l'isolation de l'humidité est aisée (fig. 10a, 10b et 10c).
Les différentes associations de matériaux tant au niveau de la préparation que de l'élément prothétique peuvent influencer le choix du mode d'assemblage.
Envisageons, de façon non exhaustive, les principales hypothèses où le choix d'un mode d'assemblage peut paraître important pour des raisons de biocompatibilité (dent pulpée) ou de liaison avec les matériaux prothétiques utilisés.
Tous les facteurs agressifs doivent être éliminés pour préserver la vitalité pulpaire. Quelle est l'incidence des différents ciments de scellement et des techniques de collage sur la vitalité pulpaire ?
Le pH trop acide des ciments au phosphate de zinc au moment de leur prise initiale est susceptible de déclencher une réaction nécrotique de la pulpe. Cette toxicité et l'intolérance pulpaire peuvent également être observées avec les ciments verres ionomères et, parfois, de façon plus marquée que pour les ciments au phosphate de zinc [48, 49].
La biocompatibilité des adhésifs est fonction de l'épaisseur de la dentine résiduelle [50]. Dans les situations de proximité pulpaire (collets, rainures…), il faut agir avec prudence car la majorité des adhésifs ou primaires contiennent des solvants et des monomères, solutions hypertoniques capables d'« entraîner » les fluides dentinaires ou pulpaires [51]. Aussi, le potentiel d'irritation pulpaire par différence de pression osmotique est accentué dans les zones proches de la pulpe car le diamètre des tubuli dentinaires s'accroît sensiblement.
Cependant, s'il ne faut pas négliger le pouvoir toxique des matériaux utilisés, les principales causes d'irritation pulpaire sont représentées par l'invasion bactérienne ou les produits bactériens [52-55]. Il est donc primordial de réaliser la décontamination des surfaces dentaires (chlorhexidine à 0,12 %, hypochlorite de sodium à 2,5 %, Tubulicid®…) pour éviter d'« enfermer » sous la coiffe des éléments bactériens responsables d'irritation pulpaire ou de développement secondaire de caries à l'origine d'échecs prothétiques.
Brackett et Rosen [56] ont montré que l'addition de composants à base de chlorhexidine à un ciment au phosphate de zinc amenait, en 8 semaines (durée de l'étude), une amélioration prononcée de l'effet antibactérien de ce ciment sans pour autant altérer ses propriétés (résistance mécanique, épaisseur de film, solubilisation).
Il faut noter que lors des techniques de collage (où la décontamination pré-opératoire est primordiale), le scellement des tubuli dentinaires par formation d'une couche hybride permet d'empêcher une éventuelle colonisation bactérienne. Il peut aussi être effectué par la mise en place d'agents désensibilisants dont les objectifs sont de protéger la pulpe et de diminuer le risque d'apparition d'une sensibilité postopératoire. Mais le choix de l'agent désensibilisant influence la valeur de la force de rétention du mode de jonction utilisé [57]. Ainsi, un agent désensibilisant photopolymérisable :
- augmente la force de rétention pour les ciments contenant de la résine (ciment résine et CVIH) ;
- ne modifie pas les qualités des CVIC ;
- diminue la capacité de microclavetage mécanique des ciments au phosphate de zinc.
Pour un agent désensibilisant non polymérisable :
- on observe une diminution de la force de rétention du ciment résine, du CVIC et du ciment au phosphate de zinc ;
- on ne constate pas de modification pour le CVIH.
Donc, le choix de la protection pulpaire influence la qualité de la rétention prothétique, sauf pour les CVIH, pour lesquels la liaison avec les tissus dentaires est inchangée ou améliorée en fonction du type d'agent désensibilisant utilisé.
En résumé, la protection pulpaire est fonction essentiellement de la qualité de l'herméticité obtenue. Il est donc important de respecter les conditions qui permettront aux différents matériaux d'assemblage de réaliser leur prise de façon optimale pour leur garantir des propriétés mécaniques performantes et durables.
Cette situation est représentée par l'association de dents reconstituées par amalgame ou inlaycore et de coiffes céramo-métalliques ou totalement métalliques.
On constate une rétention importante favorisée par la friction entre les deux éléments métalliques. Dans ce cas, pour des limites prothétiques juxta-gingivales ou supragingivales, l'utilisation de techniques de collage semble être d'une mise en œuvre trop complexe et trop onéreuse pour le gain de rétention engendré. Nous pensons que les modes de jonction de type scellement sont les plus indiqués dans cette situation.
Leur rétention est principalement assurée par la forme de la préparation [14] et par clavetage micromécanique. Le facteur le plus important est donc l'état de surface de la préparation qui doit être « rugueux » (le type d'alliage utilisé, non précieux ou précieux, est peu important), d'où l'intérêt d'un sablage de l'intrados prothétique avec absence de polissage de la préparation sauf au niveau de la limite [58, 59] et/ou d'un sablage de la préparation avant le scellement.
Comme pour les ciments au phosphate de zinc, la rétention est améliorée par un état de surface rugueux. Mais, de plus, pour ce type de ciment, la nature des alliages en présence est importante :
- pour les alliages non précieux, une liaison chimique peut se surajouter au clavetage micromécanique par l'établissement de liaisons hydrogènes ou ioniques entre les ciments verres ionomères et la structure métallique ;
- pour les alliages précieux, la rétention est obtenue uniquement par l'état de surface de la préparation et de l'intrados prothétique comme dans le cas des ciments au phosphate de zinc.
De plus, pour ces ciments, la rétention peut être augmentée par un traitement de la surface de la préparation et de l'intrados prothétique à l'aide d'acide polyacrylique [41, 42].
Remarque : en ce qui concerne les prothèses à base de titane, une étude [60] semble montrer une plus grande liaison de ce métal avec les ciments résines puis avec les ciments verres ionomères. Aucune liaison chimique ne semble se réaliser avec des ciments au phosphate de zinc.
Il a été démontré que les jaquettes en céramique à l'oxyde de silicium (de type Empress®, Ivoclar) ou de type alumineuse renforcée ou non à l'oxyde de zirconium (In-Ceram®, Vita), malgré l'amélioration de leurs qualités mécaniques, sont plus résistantes après collage. Les jaquettes en céramique présentant un noyau à base de céramique YTZP (yttrium stabilized tetragonal zirconia polycrystals) de type Procera® (Nobel Biocare) semblent pouvoir absorber les contraintes pour prévenir les fractures [61]. Il apparaît ainsi probable que si les scellements utilisant les ciments au phosphate de zinc ou les CVIC ne sont pas contre-indiqués, ils ne paraissent pas être des choix judicieux.
Concernant les CVIH et leur trame résineuse (pouvant permettre un « collage »), leur utilisation exige quelques précautions car des fractures de jaquettes en céramique (de type In-Ceram® et IPS Empress®) ont été observées [62, 63]. Ce phénomène peut s'expliquer par la diffusion d'eau dans les CVIH provoquant une expansion très supérieure à celles observées pour les CVIC [64, 65]. Les tensions internes qui en résultent seraient à l'origine des fractures.
Cependant, compte tenu de certains travaux, ces observations doivent être pondérées, car :
- une étude in vitro [66] ne montre aucune fracture de coiffe In-Ceram® après un scellement à l'aide de certains CVIH (Vitremer® et Fuji plus®) ou à l'aide de ciment résine de type Panavia®. Cependant cette étude observe 30 % de fractures après 2 mois de stockage à 37 °C dans une solution à 0,8 % de NaCl pour les coiffes In-Ceram® scellées avec un autre ciment verre ionomère modifié par de la résine Advance®, Caulk/Dentsply (il est à noter que depuis l'observation de la Clinical Research Association [62], ce fabricant contre-indique l'utilisation de ce CVIH pour les restaurations entièrement en céramique);
- une étude clinique [67] sur 6 ans annonce un taux de succès important (de l'ordre de 99 %) dans l'utilisation des ciments verres ionomères modifiés par de la résine avec des coiffes entièrement en céramique de type alumineuse.
Remarque : l'utilisation de ce type de ciment autorise des limites intrasulculaires pour les jaquettes en céramique. Il faut noter que l'absorption d'eau influence aussi le type de matériau de reconstitution dentaire utilisé en association avec un scellement aux CVIH. Ainsi, les traitements associant des reconstitutions de la dent à l'aide de ciments verres ionomères modifiés par de la résine et un scellement à base de ce même type de ciment peuvent plus facilement entraîner des fêlures ou des fractures de jaquettes en céramique que dans le cas de reconstitutions utilisant d'autres matériaux (exemple : composites) [63] (l'étude porte sur des infrastructures IPS-Empress®).
L'indication majeure pour ce type de restauration reste le collage. En effet, la majorité des travaux de recherche [61, 68-70] relatifs à l'agrégation des jaquettes en céramique sur les préparations dentaires accrédite cette technique. Le collage, par ses qualités adhésives, améliore les propriétés mécaniques des jaquettes en céramique (résistance à la fracture) [71, 72] mais implique des limites juxtagingivales ou supragingivales.
Pour améliorer la liaison entre le composite de collage et la céramique, une préparation de l'intrados prothétique différente en fonction des céramiques utilisées est nécessaire. Les céramiques à base d'oxyde de silicium (IPS-Empress®), présentant une phase vitreuse, recevront un traitement par mordançage à l'acide fluorhydrique [61] et un dépôt de silane [73, 74]. Pour les systèmes contenant de l'alumine ou de la zircone (In-Ceram®, Procera®) (fig. 11), l'attaque par l'acide fluorhydrique est inefficace et n'amène pas d'amélioration de la liaison avec le polymère de collage [75]. Ainsi, seuls le sablage et l'application de silane par des méthodes de type Rocatec® (3M-Espe) [76, 77] sont efficaces.
Les ciments de scellement provisoire à base d'eugénol peuvent influer sur les techniques de collage. L'eugénol présente un effet inhibiteur sur les phases de collage [78-81] et sur la polymérisation de la résine [82]. De plus, en pénétrant les surfaces dentaires, il réduit les capacités de liaison entre les tissus dentaires et les ciments adhésifs [83, 84]. Cependant, certains procédés adhésifs (systèmes Scotchbond Multipurpose®, 3M [85, 86]) semblent peu sensibles à l'eugénol.
Par précaution, avant les procédures de collage, il est nécessaire de nettoyer la préparation à l'aide de brossettes chargées de pâte abrasive puis d'effectuer, après la séquence de mordançage, un nettoyage chimique à l'aide d'un gel d'hypochlorite de sodium [87] qui sera parfaitement rincé pendant au moins 60 secondes. Grâce à ce protocole, les valeurs d'adhésion ne sont pas seulement retrouvées mais sans doute accrues car ce type de nettoyage peut optimiser l'ancrage micro-mécanique des résines.
Ce paramètre concerne principalement le secteur antérieur et des prothèses entièrement en céramique. Seuls certains ciments résines offrent un choix important de teintes et de pâtes d'essai (fig. 12). Cependant, la teinte du ciment résine n'a une influence sur l'esthétique que pour des épaisseurs de céramique de l'ordre de 0,8 à 1 mm (facettes de céramique). Dans le cas de préparations périphériques et de jaquettes en céramique, à partir de 1,5 mm d'épaisseur de céramique, la teinte finale n'est pas influencée par la teinte du ciment ou du moignon sous-jacent [88]. La teinte du ciment résine est importante essentiellement pour la visibilité du joint dento-prothétique dans les situations supragingivales ou juxtagingivales de la limite prothétique. Dans ces cas-là, le ciment dual ou chémo-polymérisable est plus sûr car la photopolymérisation peut être insuffisante sous l'épaisseur de céramique. Dans le cas de limites prothétiques intrasulculaires, seuls les CVIH pourront assurer le mode d'assemblage des jaquettes en céramique.
Dans le cas de préparations périphériques, le choix du mode d'assemblage est déterminé par des critères cliniques (fig. 13a , 13b et 13c), comme la situation de la limite cervicale qui constitue un paramètre prioritaire.
En ce qui concerne les situations intrasulculaires, seuls les ciments au phosphate de zinc et les ciments verres ionomères modifiés par de la résine possèdent les qualités suffisantes pour assurer un joint dento-prothétique de qualité.
Les techniques de collage, certes séduisantes, nécessitent une mise en œuvre rigoureuse et ne sont indiquées que pour des préparations supragingivales ou juxtagingivales. Dans cette situation, le collage est la solution de choix pour agréger les jaquettes en céramique sur les dents car il renforce les qualités mécaniques et la résistance des matériaux prothétiques.
Le praticien doit donc maîtriser l'ensemble des différents modes d'assemblage pour sélectionner celui qui s'adapte le mieux à une situation clinique donnée.