Prothèse amovible complète (ou totale)
Corinne Taddéi * Michel Metz ** Étienne Waltmann ***
*
maître de conférences - praticien hospitalier
**
attaché hospitalier
***
maître de conférences -
praticien hospitalier
Département de prothèse
Faculté de chirurgie dentaire
1, place de l'Hôpital
67000 Strasbourg
La prothèse maxillaire est en général bien acceptée par les patients du fait d'un contexte anatomique habituellement propice. La crête résiduelle, en général importante avec des tubérosités développées, ainsi que la présence du film salivaire offrent dans la plupart des cas une bonne possibilité de rétention pour une prothèse amovible conventionnelle. Toutefois, des modifications liées à l'historique de l'édentement, au vieillissement ou à certaines pathologies peuvent conduire à une situation clinique défavorable. Cette étude décrit les difficultés liées à l'élaboration d'une prothèse complète maxillaire dans ce contexte préjudiciable et évoque les solutions possibles selon l'état actuel de nos connaissances. Après une description de l'anatomie du maxillaire, l'abord prothétique conventionnel est évoqué. Puis, l'intérêt de la conservation des racines ou la mise en place d'implants est discuté. Les racines dentaires et les implants améliorent la rétention, la sustentation et la stabilisation prothétique mais conduisent à des modifications du concept prothétique en faisant intervenir une notion de dualité de la surface d'appui. Ces deux options thérapeutiques doivent être évaluées lors de l'établissement du plan de traitement, selon des critères bien précis.
Usually, the upper full denture is well accepted by the patient, because of the good anatomic context. The residual ridge generally well developed with important tuberosities as well as the salivary film, often provide a good retention for conventional upper complete dentures. However, modifications related to the tooth loss history, the aging or some pathologies are liable to develop into a very unfavourable clinical situation. This study describes the difficulties to make upper full complete dentures when the context is unfavourable and proposes various solutions according to the knowledge to date. At first, after describing the anatomy of the maxilla, the conventional prosthetic approach is referred to. Then, the advantage of keeping roots or placing implants is discussed. Roots and implants improve the retention, the sustentation and the stabilisation, but lead to modifications of the prosthetic concept by introducing the notion of duality of the supporting surface. Both prosthetic options must be explored following very precise criteria when establishing the prosthetic planning.
La difficulté du traitement en prothèse complète s'évalue en fonction du contexte anatomique, de critères fonctionnels et esthétiques, ainsi que de la spécificité psychologique du patient. Depuis longtemps, les auteurs ont décrit différents systèmes pour améliorer la rétention d'une prothèse complète (fig. 1a, 1b et 1c) . Si aujourd'hui, la plupart de ces propositions sont abandonnées ou devraient l'être, les racines et, depuis quelques années, les implants doivent retenir l'attention du praticien pour l'élaboration du plan de traitement.
Peu de travaux évoquent l'intérêt de l'utilisation de racines sous-prothétiques au maxillaire [1-6]. En revanche, les bons résultats liés à l'utilisation des implants ostéointégrés, en particulier pour la rétention de prothèses mandibulaires, ont conduit de nombreux auteurs à appliquer cette technique aux prothèses amovibles maxillaires [7-23]. Les statistiques portant sur le maintien de l'ostéointégration sont médiocres quand le contexte est défavorable et doivent inciter à la prudence [9-11, 23]. Une sélection rigoureuse des cas, en particulier du point de vue de la qualité et de la quantité d'os, est une condition nécessaire du succès: les résultats sont alors très encourageants [10-13, 20-23].
Le but de cet article est, dans un premier temps, de faire un bref rappel des structures anatomiques intéressées puis de passer en revue, successivement, les différentes solutions prothétiques permettant d'améliorer la rétention des prothèses complètes maxillaires: conservation de dents naturelles ou mise en place d'implants ostéointégrés.
Des exemples cliniques avec évaluation à long terme sont décrits temps par temps pour illustrer ces différentes options thérapeutiques.
Au maxillaire, la charpente osseuse constitue une vaste surface irrégulière tapissée d'une muqueuse plus ou moins adhérente. Cette surface présente différentes régions: la crête, les tubérosités, la voûte palatine, la suture intermaxillaire (fig. 2a, 2b et 3) [24, 25]. La voûte palatine est constituée en avant par le palais dur qui présente sur la ligne médiane un raphé tantôt saillant ou torus, tantôt déprimé (fig. 2a et 2b). Celui-ci porte à son extrémité antérieure la papille incisive. En avant et sur les côtés se disposent les crêtes palatines, en arrière et latéralement se dessinent parfois les fossettes palatines. Le palais dur se prolonge en arrière par le palais mou, constituant la jonction vélo-palatine (fig. 2a, 2b et 3).
Le maxillaire subit au cours du temps des phénomènes de remaniement à l'origine de modifications morphologiques, particulièrement marquées après une édentation totale: involution, atrophie, résorption [24, 25] :
- l'involution est une régression, souvent liée au vieillissement, se traduisant par une diminution de la masse osseuse;
- l'atrophie est un défaut de nutrition des tissus, caractérisée par une baisse de leur volume et de leur poids;
- la résorption alvéolaire se caractérise par une perte de hauteur et une réduction du volume des procès alvéolaires, consécutives à la disparition des organes dentaires et au phénomène de cicatrisation (fig. 4a, 4b et 4c).
Le maxillaire se trouve ainsi réduit dans toutes ses dimensions, et la concavité de la voûte palatine tend à diminuer. Par ailleurs, différents paramètres locaux tels qu'une maladie parodontale avant l'édentation, les conditions chirurgicales lors des avulsions, la persistance d'un petit nombre de dents ou de racines mal réparties sur l'arcade (fig. 4c), un contexte occlusal défavorable peuvent influencer ces modifications morphologiques en créant des irrégularités.
Le relief et l'étendue de la surface se trouvent ainsi parfois considérablement diminués, réduisant les possibilités d'une rétention prothétique efficace:
- les tubérosités: elles peuvent apparaître hypertrophiées, lorsqu'il y a une résorption marquée en avant, ou réduites, lorsqu'il y a eu persistance de dents ou de racines dans la région antérieure (fig. 4c) ;
- la crête antérieure: elle est parfois résorbée du fait d'une surcharge due au maintien de dents mandibulaires antagonistes (90 % des maxillaires répertoriés dans l'étude de Hutton [11]). Il est fréquent d'observer alors dans cette région une « crête flottante » (fig. 5). Pour Kelly [26], un véritable syndrome peut se développer dans ce type de situation clinique, associant une résorption de la crête mandibulaire postérieure, un développement du tissu fibreux au niveau des tubérosités et une surcharge de la crête maxillaire antérieure qui devient progressivement molle avec des hypertrophies papillaires ;
- les irrégularités de la crête: elles sont fonction du « passé dentaire » du patient et de l'évolution de l'édentation dans le temps (fig. 4a, 4b et 4c).
Les rapports anatomiques sont souvent modifiés:
- la crête peut avoisiner la base de l'épine nasale antérieure (fig. 6a, 6b , 7a et 7b) ;
- les rapports sinus/crête et palais dur sont d'autant plus intimes que les lames palatines se trouvent réduites. Le maxillaire peut présenter un os peu trabéculé avec une corticale fine, voire inexistante, assimilé aux types III et IV de la classification de Lekholm et Zarb [27]. Par ailleurs, les cavités sinusiennes et nasales limitent la quantité d'os disponible, en particulier au niveau des sinus qui sont souvent proches de la crête osseuse.
La prothèse maxillaire est habituellement rétentrice et stable, du fait de l'étendue de la surface d'appui, de l'efficacité du joint périphérique et de l'existence du film salivaire. Même en présence d'une crête réduite et de tubérosités effacées, l'équilibre prothétique peut être maintenu, de sorte que la prothèse maxillaire est en général bien acceptée par les patients. Toutefois, des modifications anatomiques sévères, liées à l'historique de l'édentation, au vieillissement, à certaines pathologies tumorales ou malformatives peuvent conduire à un environnement particulièrement défavorable à la prothèse complète.
La conservation de racines dentaires ou la mise en place d'implants entraîne des modifications du concept prothétique en faisant intervenir une notion de dualité de comportement des surfaces d'appui qui entraîne des difficultés lors du traitement. Ces techniques sont néanmoins envisagées pour améliorer la rétention prothétique, en particulier lorsque l'environnement anatomique est défavorable. Si un certain nombre de conditions sont respectées, ce choix thérapeutique permet d'optimiser la rétention, mais aussi la sustentation et la stabilisation prothétiques. C'est lors de l'établissement du plan de traitement que le praticien doit évaluer ces deux options thérapeutiques selon des critères précis.
• Conservation de racines
La persistance de dents au pronostic favorable conditionne le choix de cette option thérapeutique. Les dents encore bien ancrées ne doivent pas être extraites intempestivement à un stade d'édentement sub-total. Leur importance stratégique doit d'abord être évaluée par rapport à la difficulté du cas. La pérennité de l'ancrage radiculaire n'est pas seulement liée à la qualité et à la quantité d'os, mais aussi à la valeur du ligament et de la gencive marginale. La suppression de la couronne dentaire permet en outre de diminuer les contraintes mécaniques exercées sur la racine. Dans ces conditions, l'efficacité et la pérennité du traitement sont assurées quand le contexte est favorable et que l'aptitude à l'hygiène est convenable. Il faut préciser qu'en situation d'édentement sub-total, cette décision concerne rarement le maxillaire, les dents restantes étant plus souvent localisées à l'arcade mandibulaire [28].
La préparation initiale peut se faire sur le plan endodontique et parodontal. La phase prothétique comprendra la réduction de la dent en hauteur et en volume pour la rendre apte à supporter la prothèse. Ces différentes étapes représentent pour le patient un protocole connu qu'il accepte de ce fait sans difficulté.
• Mise en place d'implants
La mise en place d'implants relève d'un acte chirurgical qui n'est pas sans susciter des inquiétudes et que bon nombre des patients âgés refusent par peur de la chirurgie et de ses complications.
Ce sont la structure osseuse (qualité de la trabéculation, présence ou non de corticale) et sa quantité (hauteur, épaisseur) qui déterminent directement la qualité de l'ancrage implantaire.
De plus, contrairement à ce qui est décrit pour la mandibule [28], cette technique est d'un pronostic plus incertain au maxillaire, du fait des rapports anatomiques, du contexte osseux moins favorable et des contraintes occlusales obliques exercées [8-11, 14-18, 23, 29-31]. D'une part, la présence des cavités nasales et sinusiennes limite fréquemment la hauteur d'os disponible et, d'autre part, la médiocre qualité osseuse rend souvent aléatoire l'obtention de l'ostéointégration des implants. De ce fait, la mise en place d'un plus grand nombre d'implants est nécessaire par rapport à la mandibule.
• Racines
Pour des raisons évidentes d'équilibre prothétique, la présence de racines réparties des deux côtés de l'arcade dans le secteur canine/prémolaire représente une situation idéale. Les cas de racines trop proches, d'une seule racine, d'un regroupement unilatéral, antérieur ou postérieur des racines, sont défavorables à la stabilisation; cependant, dans certains cas difficiles, ce choix thérapeutique peut s'imposer (fig. 8, 9a, 9b et 10).
• Implants
Si la topographie des cavités nasales et sinusiennes le permet, les implants peuvent être répartis idéalement sur l'arcade conformément à l'objectif du traitement.
• Racines
La présence de racines sous-prothétiques représente un élément favorable à la conservation de la dimension verticale. Néanmoins, l'ensemble racines-os alvéolaire forme toujours une saillie par rapport à la crête (fig. 11a et 11b), constituant une réelle difficulté lors de l'établissement du plan d'occlusion et du montage des dents. Avec le temps, les effets de la résorption accentuent ce phénomène et compromettent la stabilité de la prothèse ainsi que la santé de la gencive marginale au niveau des dents. Par ailleurs, la prothèse se trouve diminuée en épaisseur et fragilisée par l'ensemble racine-coiffe-attache. Cette difficulté est accentuée lorsqu'une barre est envisagée ou lorsque la dimension verticale est réduite, ce qui peut même constituer une contre-indication à ce type de traitement.
• Implants
Les problèmes précités, liés à l'encombrement et à la résorption, sont diminués; en effet, les implants sont en effet généralement placés dans une crête résorbée, stable et de hauteur uniforme. Néanmoins, comme pour les techniques supra-radiculaires, la barre à cavalier peut poser plus de difficultés pour l'élaboration prothétique que les boutons-pression.
Les problèmes esthétiques se posent davantage pour une réalisation au maxillaire, la ligne du sourire concernant généralement cette arcade.
L'attache métallique de précision, parfois volumineuse, peut être la cause d'effets inesthétiques: la dent prothétique peut laisser apparaître, par transparence, un halo gris disgracieux. La dimension vestibulo-linguale du site dentaire peut être à l'origine d'une importante contre-dépouille vestibulaire, compromettant l'établissement d'un bord prothétique continu. La fenestration de la fausse gencive est alors obligatoire. L'interruption de ce bord peut même représenter une contre-indication à la prothèse supra-radiculaire, étant donné le préjudice esthétique (fig. 11a et 11b).
Le problème esthétique lié à l'encombrement horizontal se pose rarement pour une option implantaire. En effet, l'indication du traitement est posée en général en présence d'une crête résorbée ; les implants sont peu volumineux et leur positionnement se fait de façon précise à l'aide d'un guide chirurgical préfigurant le couloir prothétique final. Néanmoins, le volume de certains types de barre peut être la cause d'une fragilité liée à l'épaisseur réduite de matériau à vocation esthétique (fig. 12a et 12b).
Il est admis aujourd'hui que l'obturation d'une racine résiduelle par un composite avec une attache incorporée est à déconseiller du fait du risque carieux et des risques de fracture (fig. 9a). Les racines doivent être recouvertes par une coiffe à tenon radiculaire soit individuellement, soit reliées entre elles par une barre. Une simple coiffe surmontée d'un système d'attache de type bouton-pression est suffisante lorsque l'ancrage est fiable et orienté selon l'axe d'insertion de la prothèse. Une barre de conjonction (de type Ackermann ou Dolder) permet de solidariser les différentes racines si celles-ci sont divergentes ou faiblement ancrées.
Les options prothétiques pour le maxillaire sont, comme à la mandibule, les boutons-pression, les barres et, plus rarement, les aimants.
• Les boutons-pression : considérée comme une solution habituelle à l'arcade mandibulaire [28], cette alternative n'est qu'exceptionnellement envisagée au maxillaire et n'a pas fait l'objet d'études spécifiques. Par analogie à la mandibule, l'utilisation des boutons-pression est justifiée lorsque l'os maxillaire est de bonne qualité (trabéculation et corticalisation) et que le volume est suffisant au niveau des sites d'implantation, ce qui représente une situation peu fréquente. La structure osseuse étant souvent médiocre au maxillaire, deux implants non solidarisés et coiffés par des boutons-pression semblent insuffisants pour supporter une prothèse amovible; une perte osseuse conséquente a déjà été observée dans ces situations. Comme d'autres auteurs, Quirynen relève ce phénomène et préconise la multiplication du nombre d'implants et leur solidarisation par une barre [15].
Au maxillaire, Bergendal ne trouve pas de différences dans le taux de survie pour des implants solidarisés ou non. Mais cette observation globale ne tient pas compte des différentes longueurs des implants. Une analyse plus fine montre que, sur six implants courts - 7 à 10 mm - coiffés par des boutons-pression, cinq ont été perdus (83 %) tandis que sur dix-sept implants courts solidarisés par une barre, seulement deux ont été perdus (11 %) [8].
L'option des boutons-pression peut être envisagée pour les avantages qu'elle procure:
- c'est un traitement simple et d'un coût raisonnable;
- l'encombrement des attaches étant relativement faible, les problèmes liés au montage des dents sont réduits; la prothèse existante peut même être conservée si le volume prothétique correspond à l'émergence des implants;
- le nettoyage est facile et les problèmes gingivaux sont exceptionnels.
Le cas clinique illustré par les figures 13a, 13b, 13c, 13d et 13e concerne un patient de 65 ans totalement édenté. La prothèse fixée n'étant pas possible sans apport osseux vestibulaire, le choix se porte vers une prothèse supra-implantaire avec boutons-pression (fig. 13a). Une barre serait trop encombrante, son émergence pouvant coïncider avec le palais de la prothèse.
Quatre ancrages sphériques, moins volumineux, sont sélectionnés pour ce cas. Les boules sont portées par des piliers dont la hauteur est sélectionnée pour trouver une situation juxta-muqueuse, la moins encombrante possible. La principale difficulté technique consiste à obtenir des axes d'insertion aussi parallèles que possible (fig. 13b et 13d). La nécessité de refaire une prothèse ne se pose pas forcément. Chez ce patient, l'appareil d'usage a pu être exploité. Le parallélisme des axes d'insertion est acceptable. La connexion des boîtiers dans l'intrados a été réalisée par une technique directe, en bouche (fig. 13c).
Cinq ans après la connexion prothèse-implant, lors d'un contrôle, on constate que la fibromuqueuse a été aspirée vers les boîtiers amovibles, laissant les piliers prothétiques presque entièrement enfouis. Cette hyperplasie n'est ni hémorragique, ni douloureuse. Elle peut s'expliquer par le fait qu'une décharge subsiste presque toujours en périphérie des boîtiers femelles. Cette décharge permet en général d'accéder facilement aux boîtiers pour les activer (fig. 13e). Les boîtiers sont toujours bien en place mais, pour les quatre ancrages, la gaine plastique périphérique des boîtiers femelles s'est échappée. Malgré l'aspect infiltré de la liaison entre la résine injectée de la prothèse et la résine chémopolymérisable de solidarisation et malgré l'apparition de micro-fissures, dans l'ensemble, le comportement de la prothèse et des implants a été très satisfaisant au cours de ces cinq années.
• Les barres: elles représentent la solution de choix au maxillaire puisqu'elles permettent une solidarisation des implants quand l'ancrage osseux est précaire. Il existe actuellement deux types de conception de barres: la barre ronde ou ovoïde avec cavaliers et la barre droite télescopique:
- barre ronde ou ovoïde avec cavaliers (type Ackermann, Dolder ou Hader): cette option peut être envisagée à partir de deux implants mais le pronostic est amélioré si le nombre d'implants est augmenté (quatre à six);
- barre droite télescopique: cette option de traitement, spécifiquement implantaire, a été décrite dans la littérature [12, 20-22, 32, 33]. Elle est élaborée en général sur quatre à six implants. La partie primaire est une barre droite fraisée (incluant éventuellement des attaches), vissée sur les implants. La partie secondaire, télescopique, coulée, s'adapte intimement sur la partie primaire. Elle est recouverte par la résine. La stabilisation et la rétention sont optimisées du fait de la rigidité de la connexion barre-prothèse, celle-ci se comportant comme une prothèse fixée d'un point de vue biomécanique. L'absence de cavaliers limite par ailleurs les problèmes de réglages et de ré-interventions. Toutefois, ce type de barre est relativement encombrant, d'élaboration complexe et de coût élevé. Par ailleurs, si la barre ne peut être étendue postérieurement quand le nombre d'implants est limité, il paraît plus judicieux de ne pas utiliser ce type de construction, très rigide. En effet, la coaptation intime existant entre les parties primaire et secondaire n'autorise aucun jeu dans une direction autre que l'axe d'insertion de la partie secondaire. Le cantilever exercé sur la partie postérieure de la prothèse, non implanto-supportée, peut alors se traduire par une fracture d'un des composants du système. Ce n'est pas le cas pour une barre conventionnelle à cavaliers qui permet un certain jeu de la prothèse.
La prothèse implantaire sur barre fraisée est une option de traitement d'apparition récente [12, 20-22, 32, 33]. L'utilisation d'un nombre important d'implants, leur solidarisation par une barre, la rigidité de la construction sont autant de facteurs déterminants pour la réussite de ce type de traitement. Smedberg obtient 85 % de maintien de l'intégration, pour un groupe de quatre-vingt-six implants maxillaires, étudiés sur 6 ans [33]. Il faut préciser que les implants non intégrés avaient été placés dans des situations anatomiques très défavorables avec greffes osseuses. C'est l'option choisie pour la réhabilitation du maxillaire édenté de M. K. qui présente une résorption très importante, conséquence d'une maladie parodontale non traitée (fig. 14a et 14b).
L'effacement de la crête et la disparition des tubérosités ne permettent pas de satisfaire les impératifs fonctionnels de l'équilibre prothétique: la réalisation d'une prothèse amovible traditionnelle s'avère de ce fait délicate, en particulier sur le plan de la rétention. De plus, le cahier des charges est compliqué par l'activité du patient qui est un joueur de flûte traversière. Une prothèse stable, rétentrice et peu encombrante est dans ce cas absolument indispensable pour permettre la liberté musculaire nécessaire à son expression artistique. De ce fait, une réhabilitation implantaire est mise en œuvre et la pose de six implants va permettre la réalisation d'une prothèse amovible totalement implanto-portée (fig. 15a, 15b, 15c, 15d, 16a, 16b, 16c, 16d, 17a, 17b, 17c, 18a, 18b, 18c , 19a et 19b).
Il existe de nombreux avantages liés à cette option de traitement :
- la restauration se comporte comme une prothèse fixe, du point de vue de l'équilibre biomécanique, grâce à l'ancrage implantaire important. L'incision, la mastication, l'élocution et le jeu musculaire périphérique sont ainsi facilités ;
- le montage des dents en dehors de la crête compense le décalage interarcades lié à la résorption du maxillaire (fig. 20a et 20b) ;
- l'utilisation d'une fausse gencive permet un support adapté des tissus périphériques (fig. 20c et 20d) ;
- la conception d'une barre de connexion rigide, transvissée, et la connexion de la prothèse amovible avec contreplaque métallique et attachements de type boutons-pression assurent rétention et résistance mécanique (fig. 21a et 21b) ;
- la diminution conséquente de la surface d'appui palatine procure une indéniable sensation de confort pour le patient (fig. 21c).
L'apport des implants ostéointégrés a permis de mener efficacement et durablement la réhabilitation prothétique maxillaire de ce cas initialement défavorable. Le patient peut ainsi, depuis huit ans, bénéficier d'une prothèse stable, rétentrice, et continuer à exercer son activité artistique avec efficacité (fig. 22a, 22b et 22c).
La conservation de racines ou l'utilisation d'implants représente un sur-coût important par rapport à une technique classique et n'est pas actuellement l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie.
Les coiffes surmontées de boutons-pression ou les barres sont, en principe, accessibles au nettoyage, que ce soit sur racines ou sur implants. La barre est plus difficile à entretenir, en particulier chez des sujets âgés dont l'habileté manuelle est parfois diminuée. L'absence d'hygiène bucco-dentaire est une contre-indication formelle à ces techniques.
Si le changement d'un cavalier ou de la partie femelle d'un bouton-pression ne représente pas une difficulté particulière, les ré-interventions concernant le démontage des structures supra-radiculaires sont quasiment impossibles, celles-ci étant presque toujours scellées.
La possibilité de démonter les structures supra-implantaires représente un des grands avantages de cette technique car elle permet des ré-interventions aisées et une possibilité d'évolution du plan de traitement.
Bien que le maxillaire présente, dans la plupart des cas, des conditions de rétention favorables à l'équilibre biomécanique des prothèses conventionnelles, la conservation de racines et la technique implantaire peuvent améliorer le traitement. La conservation de racines doit être l'objet d'une sélection rigoureuse des cas du fait des difficultés techniques rencontrées. Par ailleurs, si la prothèse supra-implantaire est une alternative intéressante lorsque la rétention est insuffisante, son indication est restreinte du fait de la topographie et de la qualité osseuse.