« Revues de synthèse » d'articles de la littérature - Cahiers de Prothèse n° 118 du 01/06/2002
 

Les cahiers de prothèse n° 118 du 01/06/2002

 

DENTISTERIE FONDÉE SUR DES PREUVES

David A. Felton *   Brien R. Lang **  


* DDS, MS - Professor - Chair
Department of Prosthodontics
School of Dentistry University of North Carolina
Chapel Hill, NC (États-Unis)
** DDS, MS - Professeur Emeritus
Department of BMS/Prosthodontics
School of Dentistry
University of Michigan
Ann Arbor, Mich. (États-Unis)

Scénario clinique

Votre cabinet a attiré de plus en plus de patients concernés par les caries et les moyens d'hygiène orale en tant que moyen de prévention. Lors d'un congrès dentaire, vous avez remarqué une publicité qui semblait offrir la preuve de l'efficacité de la chlorhexidine en tant que médicament de prévention. Le représentant commercial vous a présenté une liste d'études supportant les indications de ce produit; cependant, la liste était trop longue pour que vous lisiez l'ensemble des articles. À la place, vous décidez de faire, par vous-même, une recherche dans la littérature afin d'obtenir une revue de synthèse sur la chlorhexidine.

On appelle revue de synthèse: une revue construite et structurée de la littérature publiée, posant une question explicite et précise, avec des règles d'inclusion des études primaires comme preuve, une explication de la force de la preuve et un résumé des données collectées dans les études primaires. Quand les données obtenues dans ces études primaires peuvent être combinées dans des analyses statistiques rigoureuses, cela est appelé une méta-analyse.

Les revues de synthèse de la littérature sont très utiles pour les cliniciens et les chercheurs qui doivent répondre à une question sur l'efficacité d'une thérapie ou qui doivent formuler un projet de recherche pour aborder une question scientifique de base ou de recherche en cours, relative à la dentisterie [1-3]. Une revue de synthèse qui aborde une question bien définie est plus utile au lecteur qu'une sélection hasardeuse ou biaisée des citations disponibles.

Les revues de synthèse doivent être lues avec autant d'esprit critique que les articles de recherche primaires. Une revue de synthèse emploie des critères méthodologiques spécifiques et devrait être examinée comme « une étude en elle-même ». Elle doit poser une question, rassembler des données sur la question s'appuyant sur des critères à partir d'études publiées qui sont de la plus haute qualité, analyser les données, puis dresser des conclusions à partir de l'analyse. La différence fondamentale entre une revue de synthèse et un article rapportant les résultats d'une étude est la méthode d'analyse et non les principes scientifiques qui sont appliqués.

Résumé

Les revues de synthèse de la littérature sont très utiles pour les cliniciens et les chercheurs qui doivent répondre à une question sur l'efficacité d'une thérapie ou qui doivent formuler un projet de recherche pour aborder une question scientifique de base ou de recherche transitoire, relative à la dentisterie. Une revue de synthèse qui aborde une question bien définie est plus utile au lecteur qu'une sélection hasardeuse ou biaisée des citations disponibles. Dans cet article, David Felton et Brien Lang déterminent en quoi consiste une revue de synthèse et proposent une méthodologie de recherche.

Summary

The overview : an article that interrogates the literature

Overviews of the scientific literature are very useful to clinicians and researchers who are responding to questions on the efficacy of patient therapy, or formulating a research project to address a basic science or transitional research question related to dentistry. An overview that addresses a well-defined question is more helpful to a reader than a haphazard or biased selection of the available citations. In this article, David Felton et Brien Lang outline in what an overview consists and propose a research methodology.

Key words

evidence-based dentistry, meta-analysis, overview

Stratégies pour évaluer une revue de synthèse

Il est extrêmement important que le lecteur suive une stratégie spécifique quand il évalue une revue de synthèse ou un article qui incorpore une méta-analyse à la revue. Les éléments de base d'une telle stratégie devraient déterminer si:

- une question clairement définie a été posée;

- des stratégies spécifiques de recherche ont été utilisées;

- la préparation des résultats a été détaillée;

- les résultats globaux de la revue de synthèse étaient appropriés;

- les résultats peuvent être appliqués aux soins de mes patients.

À moins qu'une revue de synthèse ne pose clairement une question, le lecteur n'a aucun moyen de savoir si la revue de synthèse est applicable à une option particulière de traitement que le clinicien veut évaluer. La question d'une revue de synthèse doit comporter 3 parties:

- qu'est-ce qui est passé en revue (historiques des patients, éléments d'examen physique, tests de diagnostic, modalités de traitement, effets d'un traitement) ;

- chez qui (la population expérimentale concernée) ;

- pour quels effets (conséquences).

La revue de synthèse doit procurer un énoncé explicite des stratégies de recherche utilisées par l'auteur. Ces stratégies doivent inclure, sans y être limitées, une ou plusieurs bases de données bibliographiques telles que PubMed, MEDLINE ou GratefulMeD et doivent comprendre un énoncé des mots-clés utilisés et l'ordre dans lequel ils ont été utilisés. Les critères utilisés pour sélectionner des études en vue d'une revue de synthèse doivent être aussi rigoureux que les critères utilisés pour inclure ou exclure des sujets dans une étude clinique. S'il manque une information sur la façon dont la recherche a été conduite, la qualité de la recherche est à remettre en question et la crédibilité de la revue de synthèse est douteuse. Les méthodes qui permettent à l'auteur de chercher des articles cliniques, tels que ceux trouvés dans l'Index Medicus, doivent également être utilisées. Un système pour rechercher les références d'articles pertinents pour d'autres références, qui pourraient avoir un impact sur la question expérimentale, doit être inclus. Avoir deux ou davantage de personnes participant à la sélection des articles inclus dans la revue d'ensemble préserve des biais et erreurs. S'il y a un accord entre les deux participants, alors le lecteur aura davantage confiance dans les résultats de la revue de synthèse.

Une liste des critères d'inclusion/ exclusion utilisés pour sélectionner les articles doit également être donnée. Des critères précis, comme les effets expérimentaux ou cliniques, la manœuvre du traitement, les tests physiques ou expérimentaux, les historiques ou les facteurs de pronostic sont importants. De plus, des éléments cruciaux de la conception de l'étude tels que l'emploi d'essais cliniques randomisés, des séries de cas ou des études de cohortes sont des exemples de « filtres qualitatifs » que les auteurs doivent utiliser lors de l'identification des critères d'inclusion ou d'exclusion. Des recherches comprenant d'autres langues que l'anglais sont critiques. Un contact personnel avec des experts du domaine de recherche concerné par la revue de synthèse ne doit également pas être négligé. Il y a deux raisons importantes pour utiliser les contacts personnels. La première est qu'ils permettent d'identifier des études publiées qui auraient pu être oubliées. La seconde est qu'ils permettent d'identifier les études non publiées. Bien que l'inclusion d'études non publiées soit controversée, leur omission peut conduire à des « biais de publication », car il y a une probabilité plus grande que seules les études avec des résultats « positifs » soient publiées. Si des études non publiées sont incluses dans la revue de synthèse, elles doivent être considérées de la même façon que les études publiées. Des rapports complets écrits doivent être obtenus, et la validité aussi bien des études publiées que non publiées doit être évaluée.

Une évaluation précise de la qualité des méthodes utilisées dans les études primaires citées est essentielle pour l'exactitude des conclusions dressées dans la revue de synthèse. Par exemple, des séries de cas et d'études de cohortes suggéraient que les contacts occlusaux étaient maintenus et que l'usure n'était pas un problème après la pose de restaurations en composite sur les prémolaires maxillaires. Cela servit de justification pour conduire un essai clinique randomisé plus large qui démontra que la résistance à l'abrasion n'était pas effective dans les restaurations proximo-occlusales. Les résultats d'une revue de synthèse qui inclurait uniquement les séries de cas et les études de cohortes conduiraient à la conclusion fausse que restaurer des dents avec des défauts proximo-occlusaux à l'aide de matériaux composites serait acceptable. Cela renforce le besoin d'utiliser la force du concept des essais cliniques randomisés pour les questions relatives aux traitements.

Le lecteur ne peut se faire un avis sur la qualité d'une étude primaire que si les méthodes de l'étude sont décrites suffisamment en détail. Le lecteur doit être capable de déterminer si l'étude satisfait aux critères scientifiques minimaux qui permettent de tirer des conclusions fortes des résultats. Si, par exemple, les conclusions tirées diffèrent significativement de celles des autres études citées, ces différences peuvent-elles être expliquées à partir de la qualité méthodologique ? La vérité réside plus probablement dans les conclusions tirées à partir d'études pour lesquelles la qualité méthodologique ne peut être mise en doute et où la population de patients/ sujets et les mesures des effets sont similaires à celles des études incluses. Quoi qu'il en soit, le lecteur doit reconnaître que les différences pourraient également être dues à des différences de sujets dans l'étude primaire ou des différences dans la mesure exacte de l'effet utilisé dans cette étude particulière.

Avant d'examiner comment l'auteur de la revue de synthèse a combiné les résultats des différentes études, le lecteur doit être convaincu qu'il est opportun de combiner cette série d'études. Les patients, les traitements, les effets et les méthodes de recherche sont-ils suffisamment similaires pour qu'il soit cliniquement et biologiquement vrai-semblable de les combiner? Si ce n'est pas le cas, en étant optimiste, l'auteur de la revue de synthèse devrait s'abstenir d'essayer de combiner les résultats statistiquement. L'auteur doit établir explicitement les bases de toutes conclusions tirées et doit fournir une explication cohérente des résultats conflictuels. Si la revue de synthèse d'études non similaires combine les résultats, le lecteur doit être prudent dans l'acceptation de la conclusion.

Quelques revues de synthèse sont initiées pour établir une controverse. Dans ce cas, il n'est pas surprenant que les articles primaires inclus dans la revue de synthèse diffèrent et aient des résultats opposés. Dans un certain nombre de cas, des articles individuels peuvent être en accord sur l'effet du facteur considéré par une question expérimentale, mais être en désaccord quant à l'amplitude de cet effet. Les bonnes revues de synthèse confrontent ces différences et essaient de les expliquer. Les différences entre résultats d'études proviennent généralement de 5 causes :

- différentes sortes de patients (avec différentes conditions d'environnement buccal, ou différentes réponses au traitement) ;

- différents historiques, différentes façons de réaliser les tests de diagnostic ou les traitements (y compris la durée du traitement, les durées des périodes de test, les combinaisons de traitements et l'observance) ;

- différents effets (définis et mesurés de différentes façons et avec différents systèmes de mesure ou degrés de sensibilité) ;

- différentes méthodes d'étude (avec différentes rigueurs et forces);

- le rôle de la chance.

L'ensemble de ces 5 explications possibles doit être pris en considération par l'auteur lorsqu'il interprète les résultats d'études individuelles, de façon à être sûr qu'il est judicieux de combiner ces études. De plus, il est possible de tester la mesure, dans laquelle les différences entre les résultats des études individuelles sont « significatives » (plus grandes que ce que l'on pourrait attendre uniquement par le hasard). Les études statistiques qui sont utilisées pour réaliser cela sont appelées des tests d'homogénéité. Plus le test est significatif (plus il est proche de zéro), moins les différences observées sont dues uniquement à la chance. Quand il existe une hétérogénéité « statistiquement significative » (une faible probabilité que les différences ne soient dues qu'à la chance), l'effet « moyen » ainsi que son intervalle de confiance nécessitent une interprétation attentive.

Malheureusement, les tests d'homogénéité ont une puissance limitée pour détecter les différences. Ainsi, un test non significatif n'implique pas nécessairement des différences importantes, et de grandes différences entre résultats d'études doivent dicter un certain degré de précaution dans l'interprétation des résultats globaux. En même temps, les conclusions qui sont tirées à partir de comparaisons d'études doivent être considérées avec scepticisme. Même lorsqu'il y a de larges différences entre les résultats de différentes études, une mesure résumée de toutes les meilleures études disponibles peut procurer une meilleure interprétation en vue d'une utilisation clinique que les résultats d'une seule étude quelconque. Quoi qu'il en soit, la puissance de déduction, associée à l'effet global est plus faible que lorsque les résultats des études sont cohérents.

Les résultats des études individuelles primaires doivent être décrits suffisamment en détail, de façon que le lecteur puisse évaluer d'une manière critique les bases des conclusions de l'auteur de la revue de synthèse. Des tableaux résumant les aspects cruciaux des méthodes et des résultats peuvent être utiles pour décider rapidement si les conclusions sont réellement cohérentes avec les données. Dans les revues de synthèse, les significations cliniques et statistique doivent être traitées avec une attention appropriée.

En recherche clinique, les investigateurs collectent les données des patients. Dans les revues de synthèse, les investigateurs collectent les données d'études. Ces données doivent par ailleurs être résumées et, pour ce faire, les investigateurs utilisent des méthodes quantitatives. Simplement comparer le nombre d'études « positives » avec celui des études « négatives » n'est pas une manière adéquate de résumer les résultats, car il est possible qu'une étude soit cotée comme « positive » dans une revue de synthèse et « négative » dans une autre. Il existe aussi une tendance à négliger des effets faibles, mais cliniquement importants, quand des études sont statistiquement « non significatives » (mais potentiellement importantes sur le plan clinique), avec pour conséquence d'être cotées comme « négatives ».

De façon caractéristique, les méta-analyses pondèrent les études en fonction de la précision de leurs résultats. Ainsi, les résultats globaux représentent une moyenne pondérée des résultats des études individuelles. Occasionnellement, ces études se voient attribuer plus ou moins de poids suivant leur qualité. S'il y a de grandes différences de qualité entre les études, celles de basse qualité peuvent se voir attribuer un poids de zéro (exclusion de l'étude) soit lors de l'analyse primaire, soit lors d'une « analyse de sensibilité ». Dans une analyse de sensibilité, les investigateurs doivent exclure de l'analyse les études de faible qualité et déterminer si cela crée une différence importante dans l'évaluation globale.

Parfois, les mesures de l'effet utilisées dans différentes études sont similaires, mais pas exactement identiques. Par exemple, différents essais mesurent la résistance à l'usure de plusieurs matériaux composites. Si les sujets des différentes études et les interventions sont assez similaires, il peut être valable d'estimer la résistance moyenne à l'usure des matériaux composites au travers des études. Une façon de faire cela est de résumer les résultats de chaque étude par une « taille d'effet ». La taille d'effet est la différence d'usure entre les différents composites et les groupes témoins (habituellement l'amalgame), divisée par la déviation standard. En conséquence, les résultats de chaque étude sont résumés par le nombre de déviations standard des différences entre les groupes composites et témoins. Dans une telle situation, il est possible de calculer une moyenne pondérée des tailles d'effet d'études mesurant l'effet concerné (résistance à l'usure) de différentes façons. Quoi qu'il en soit, il est difficile d'interpréter l'importance clinique d'une taille d'effet. Les méta-analyses qui utilisent une taille d'effet pour résumer les résultats devraient également rapporter les résultats d'une façon qui éclaire l'importance clinique (par exemple, en traduisant le résumé de tailles d'effet en unités naturelles).

Depuis avril 2000, un total de 767 articles de revues de synthèse dentaires ont été recensés dans PubMed, mais seulement 64 méta-analyses ayant été publiées dans des journaux dentaires y sont citées. « Une méta-analyse est l'identification rétrospective systématique, l'évaluation et la comparaison de toutes les études cliniques concernant un sujet d'intérêt, en utilisant des méthodes statistiques pour combiner et résumer les résultats des études concernées » [4]. C'est peut-être la meilleure méthode pour minimiser les biais des études concernées. Les essais cliniques ont souvent des échantillons de petite taille, qui excluent l'utilisation d'analyses statistiques fortes des résultats. Combiner les résultats de plusieurs essais similaires en utilisant une méta-analyse peut accroître la puissance statistique de façon suffisante pour pouvoir détecter les petits effets, toutefois significatifs, d'un traitement, qu'une étude individuelle ne pourrait détecter.

Un des avantages d'une revue de synthèse est que diverses sortes de patients sont incluses au travers de toutes les études passées en revue, et si les résultats sont cohérents au travers des études, ils s'appliquent à cette large variété de patients. Quoi qu'il en soit, le clinicien peut toutefois rester avec des doutes quant à l'applicabilité des résultats. Par exemple, le sujet dans notre étude avec seulement les prémolaires maxillaires peut présenter une situation légèrement différente de celle de tous les sujets inclus dans les essais sur l'usure de différents matériaux composites contre les dents naturelles postérieures. On peut se poser la question de savoir si les composites ont un effet plus important sur les molaires que sur les prémolaires.

Bien que ce soit une bonne idée de privilégier les revues de synthèse centrées sur un sujet, parce qu'elles procurent probablement des résultats plus valables, cela ne veut pas dire que l'on doit ignorer les résultats non inclus dans la revue de synthèse, qui pourraient être importants pour les sujets, comme l'esthétique. Pour prendre une décision clinique, les bénéfices attendus doivent être comparés aux torts potentiels et aux coûts. Bien que cela soit plus évident pour décider si on réalise une intervention thérapeutique ou préventive, il est important de se rappeler que prodiguer aux patients des informations sur les causes de la maladie dentaire ou son pronostic peut avoir à la fois ses avantages et ses inconvénients.

Rechercher une « revue de synthèse »

La liste des titres PubMed de la Bibliothèque nationale de médecine peut être consultée sous l'adresse Internet www.ncbi.nlm.nih.gov/PubMed. L'utilisation du système PubMed nécessite une connaissance basique de l'usage des mots-clés, afin d'accéder aux articles qui nous intéressent, avec la faculté de limiter la recherche de façon adéquate, sans éliminer des références utiles. Par exemple, une requête dans le système PubMed sur des articles relatifs à l'utilisation de la chlorhexidine en tant que traitement préventif de la carie est résumée dans le tableau I .

Le clinicien n'a pas le temps de lire plus de 200 références pour choisir s'il doit introduire l'utilisation de la chlorhexidine dans son cabinet en tant que moyen de réduction de la carie. Malheureusement, l'utilisation du tri « revue de synthèse » lors de la recherche peut ne pas fournir au lecteur une analyse suffisante des articles cités comme « revue de synthèse », et donc permettre une bonne interprétation des données présentées. Par exemple, dans le tableau I , les trois articles sélectionnés par la recherche 3 [5-7] n'ont pas fait ressortir les références de van Rijkonn et al. [8], une méta-analyse sur les traitements par la chlorhexidine, que l'on découvre dans la recherche 6.

Dans la revue de synthèse de van Rijkonn et al. [8], les auteurs avaient décidé d'évaluer l'effet cario-inhibiteur des traitements par chlorhexidine. Les auteurs ont examiné plus spécifiquement les facteurs qui pourraient potentiellement modifier l'effet cariopréventif de la chlorhexidine, à savoir la méthode d'application, la fréquence d'application, la population ciblée, le régime fluoré, les surfaces dentaires concernées ou le diagnostic carieux. Les auteurs ont donc identifié dans les objectifs de leur étude « ce qui était passé en revue » et pour « quels effets » et ils n'ont pas spécifié « chez qui ».

Les auteurs ont utilisé la base de données MEDLINE pour commencer la recherche bibliographique sur les articles traitant de l'effet des traitements par chlorhexidine en prévention carieuse. La recherche était limitée aux articles parus entre 1975 et 1994, en anglais, français ou allemand. Vingt-quatre articles furent trouvés. Deux examinateurs ont comparé les articles sélectionnés selon des critères dentaires et méthodologiques. Les deux examinateurs ont soumis les articles aux critères suivants:

- chlorhexidine appliquée aux dents permanentes d'enfants de 11 à 15 ans;

- études réalisées par des essais cliniques avec des groupes de traitement assignés de façon aléatoire, comprenant en général les groupes traités expérimentalement ainsi que les groupes expérimentaux avec des traitements ciblant des sujets avec plus 5 de 25 × 10 Streptococcus mutans par ml de salive;

- la disponibilité des données sur l'incidence carieuse;

- une durée de traitement d'au moins 1 an;

- une évaluation à la fin de la période de traitement.

Ces « filtres qualitatifs » furent utilisés pour identifier la partie « chez qui » de la question et pour affiner la revue et l'identification des facteurs potentiels pouvant modifier l'effet de la chlorhexidine. En utilisant ces critères, 10 articles furent éliminés de la suite de la revue.

De plus, le fait d'avoir deux investigateurs pour sélectionner indépendamment les études identifiées par la recherche MEDLINE a permis l'élimination de tous les biais de la sélection des articles. Chaque investigateur a déterminé si un article répondait à la fois aux critères dentaires et méthodologiques. Les études qui étaient en dehors de la période, qui n'étaient pas des essais cliniques, qui ne contenaient pas de données sur l'incidence carieuse ou qui utilisaient des traitements sur moins de 1 an furent éliminées. Les études qui spécifiaient les méthodes d'application, les fréquences d'application, le risque carieux, le régime fluoré, les niveaux de diagnostic carieux et incluaient les surfaces dentaires furent prises en considération. Les études qui contenaient à la fois des populations expérimentales et témoins devaient être probantes.

Dans la revue de van Rijkonn, les investigateurs ont décrit l'effet cario-inhibiteur de la chlorhexidine grâce à une fraction calculée pour chaque étude mentionnée. Cette fraction était la différence du nombre de nouvelles surfaces cariées ou obturées entre le groupe témoin et le groupe avec chlorhexidine, divisée par le nombre de nouvelles surfaces cariées ou obturées dans le groupe témoin. Elle indiquait la réduction du pourcentage de l'incidence carieuse dans le groupe avec chlorhexidine et fut considérée comme moins sensible aux circonstances expérimentales que la réduction absolue. Les études qui comprenaient des années de suivi, indiquant aussi bien la longueur totale de l'étude que la durée du traitement, furent exclues, car la fraction était considérée comme devant être indépendante de la durée de l'étude.

Pour comparer des données entre des études par une méta-analyse, les investigateurs ont calculé les intervalles de confiance à 95 % pour la fraction, à partir des données de chaque étude. Cela était possible en ayant les moyennes et les déviations standard dans chaque étude. Les auteurs furent capables de grouper les données des études sélectionnées dans l'intervalle de confiance de 95 % pour démontrer l'homogénéité des résultats publiés. Bien que seulement 8 articles furent inclus dans l'analyse, le nombre de sujets dans les articles unitaires variait de 9 à 72. La combinaison des articles en une méta-analyse permit l'évaluation d'un total de 306 sujets, donnant ainsi de la force à l'analyse statistique des résultats. La taille totale de l'échantillon, des critères appropriés d'inclusion/exclusion des articles, l'intervalle de confiance choisi de 95 %, et l'homogénéité des résultats des études unitaires permettent au lecteur d'évaluer clairement que l'utilisation de la chlorhexidine dans cette population particulière de patients aura un effet important sur l'incidence carieuse et, donc, devrait être applicable aux patients du lecteur. Un résultat important de la méta-analyse, précieux pour le lecteur, décrivait la « méthode d'application » de la chlorhexidine chez cette population de patients. Dans les 8 articles inclus dans l'analyse, l'application de gels topiques (applications professionnelles), l'emploi de bains de bouche avec une solution à 0,5 % de chlorhexidine, l'utilisation de dentifrices à la chlorhexidine, ou la combinaison dentifrice/bains de bouche furent étudiés. La méta-analyse n'a montré aucune différence entre les méthodes d'application. Cela autorise le clinicien à adapter le traitement au patient plutôt que de ne prescrire qu'une seule chose. De plus, cette méta-analyse procure des informations utiles au clinicien sur le traitement des adolescents.

En résumé, bien que la question sur l'efficacité des thérapies à la chlorhexidine sur les patients adultes ne soit pas totalement élucidée, le lecteur a gagné de plus amples perspectives sur les modalités de traitement, grâce à la qualité de la revue de synthèse citée et l'approche s'appuyant sur les preuves des auteurs de cette revue de synthèse.

NB: La majorité des informations contenues dans cet article sont adaptées des travaux du Groupe de travail sur la médecine fondée sur des preuves du Département d'épidémiologie clinique de l'Université McMaster, Hamilton, Ontario, Canada.

Titre original : The overview: an article that interrogates the literature. J Prosthet Dent 2000;84(1):17-21. Traduit et reproduit avec l'aimable autorisation de Mosby. Merci de ne pas reproduire, quel qu'en soit le motif, sans l'autorisation de l'éditeur.

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