Condylographie électronique
 

Les cahiers de prothèse n° 119 du 01/09/2002

 

Articulation temporo-mandibulaire (ATM)

Olivier Laplanche *   Pierre Pedeutour **   Anne Giraudeau***   Daniel Serre ****  


* Assistant hospitalo-
universitaire
UFR d'odontologie
Université Nice Sophia-Antipolis
** Assistant hospitalo-
universitaire
UFR d'odontologie
Université de Nice Sophia-Antipolis
*** Assistant hospitalo-universitaire
UFR d'odontologie
Université de la Méditerranée
Avenue Jean-Moulin
13005 Marseille
**** Maître de conférence des
Universités
UFR d'odontologie
Université de Nice Sophia-Antipolis
UFR d'odontologie
Université de Nice Sophia-Antipolis
Pôle universitaire St-Jean-d'Angely
24, avenue des Diables-bleus
06357 Nice Cedex

Résumé

Le diagnostic des dysfonctionnements de l'appareil manducateur repose principalement sur l'anamnèse et l'examen clinique. Dans certaines situations cliniques, des examens complémentaires peuvent être indiqués. La condylographie est un de ces examens paracliniques qui s'appuient sur l'enregistrement et l'analyse des déplacements condyliens lors des mouvements mandibulaires. Son évolution numérique, la « condylographie électronique », présente un intérêt pédagogique, scientifique et diagnostique. Son principe, son utilisation et quelques-uns de ses nombreux intérêts diagnostiques sont présentés dans cet article.

Summary

Electronic condylography

The diagnosis for temporomandibular disorders is mainly based upon anamnesis and clinical examination. Some clinical situations demand supplementary examinations. Condylography is one of those para-clinical examinations based upon the recording and the analysis of condylar displacements during the mandibular movements. Its numerical evolution, `the electronic condylography', presents an educational, scientific and diagnostic interest. Its principle, its use and some of its numerous interests are set out in this article.

Key words

axiography, condylography, diagnosis, mandibular kinematics, temporo-mandibular joint

Dysfonctionnements de l'appareil manducateur (DAM)

Les dysfonctionnements de l'appareil manducateur, qui sont définis comme l'expression symptomatique d'une myo-arthropathie [1], sont fréquemment rencontrés en pratique clinique quotidienne [2-5]. Ces DAM englobent des anomalies anatomiques, histologiques et fonctionnelles du système musculaire et/ou articulaire, qui s'accompagnent de signes cliniques et de symptômes douloureux ou dysfonctionnels variés:

- douleurs au niveau de l'articulation temporo-mandibulaire (ATM);

- myalgies des muscles masticateurs;

- bruits articulaires;

- anomalies de la cinématique mandibulaire;

- signes et symptômes éventuellement associés : douleurs oro-faciales, troubles cervico-scapulaires...

Leur classification précise [6] permet de distinguer deux groupes: DAM articulaires et DAM musculaires (tabl. I). Cette dichotomie conduit à une nosologie claire, favorable au diagnostic, à l'évaluation du pronostic et à la mise en œuvre d'un traitement adapté.

Concernant les formes articulaires des DAM et leur traitement, les données actuelles [7-9] soulignent:

- l'absence de parallèle anatomo-clinique: une forte altération morphologique ne s'accompagne pas obligatoirement d'une impotence fonctionnelle et inversement;

- l'absence de supériorité des méthodes thérapeutiques invasives (chirurgie, équilibrations majeures, réhabilitation occlusale totale…) sur des traitements plus conservateurs (conseils comportementaux, kinésithérapie, orthèse interocclusale, etc.).

Fort de ces constats, les thérapeutiques des DAM articulaires [10, 11] s'orientent désormais vers:

- la sédation des symptômes douloureux;

- l'augmentation de la mobilité mandibulaire dans le but d'améliorer les fonctions manducatrices;

- l'optimisation des conditions fonctionnelles (position condylienne, fonctionnement neuromusculaire…) afin de favoriser l'adaptation tissulaire physiologique;

- l'optimisation éventuelle des fonctions occlusales, transitoirement (orthèse interocclusale) ou à long terme (équilibration, orthodontie, prothèse…), en respectant le meilleur compromis coût thérapeutique/bénéfice thérapeutique.

Ainsi, l'attitude dogmatique du recouvrement de l'intégrité tissulaire (recapture discale, centrage condylien dans la cavité glénoïde, etc.) est favorablement remplacée par une stratégie à moyen-long terme d'optimisation fonctionnelle et tissulaire . Dans cette nouvelle optique thérapeutique, le diagnostic fonctionnel du système ostéo-articulaire de l'appareil manducateur prend une place au moins aussi importante que l'imagerie [12]. Ce diagnostic fonctionnel est basé sur l'analyse:

- de la cinématique mandibulaire: capacité ou impotence fonctionnelle, réalisation des fonctions manducatrices, etc.;

- du fonctionnement neuromusculaire qui la réalise;

- du fonctionnement articulaire par étude de la motilité condylienne.

Pour évaluer ce fonctionnement, poser un diagnostic clinique, mieux apprécier l'apport diagnostique et pronostique des méthodes d'analyse de la cinématique condylienne, la connaissance de l'anatomie articulaire et de la cinématique mandibulaire est indispensable.

Articulation temporo-mandibulaire: modèle de normalité anatomique et fonctionnelle [13, 14]

Anatomie

Paires et symétriques, les articulations temporo-mandibulaires relient la mandibule au crâne. Ces articulations sont traversées par une lame tendineuse, le disque articulaire, vraisemblablement issu du chef supérieur du muscle ptérygoïdien latéral qui s'est différencié en regard des surfaces articulaires. Il est formé de deux bourrelets antérieur et postérieur, séparés par une zone plus mince, la zone intermédiaire. Ce disque s'intègre dans un appareil, l'appareil discal. Solidaire du condyle mandibulaire (complexe condylo-discal), cet appareil joue un rôle important dans le fonctionnement et la protection de l'articulation temporo-mandibulaire. Il permet à l'articulation de se modifier et de s'adapter sans cesse aux contraintes manducatrices.

La partie postérieure du tubercule articulaire du temporal est la zone articulaire de la fosse mandibulaire recouverte d'une couche de tissu fibreux plus épaisse en dehors qu'en dedans. En position d'occlusion d'intercuspidie maximale (OIM), cette zone reçoit le complexe condylo-discal.

Le condyle mandibulaire est en contact avec la zone intermédiaire du disque et les deux bourrelets discaux, l'ensemble s'appuyant sur la paroi postérieure du tubercule articulaire du temporal (fig. 1).

Cinématique mandibulaire

Cette articulation temporo-mandibulaire peut être divisée en deux compartiments (supérieur et inférieur) qui permettent au condyle mandibulaire deux types de mouvements: la translation et la rotation (fig. 2). Ces mouvements, dits élémentaires, se combinent en mouvements composés de roto-translation condylienne qui autorisent les mouvements fondamentaux, eux-mêmes associés pour donner les mouvements mandibulaires fonctionnels [15] (tabl. II).

Mouvements élémentaires

Translation

Le mouvement de translation représente la caractéristique majeure de cette articulation impliquant des structures ligamentaires non restreignantes qui permettent, en quelque sorte, une luxation articulaire physiologique. Il siège dans le compartiment disco-temporal et a une direction parasagittale. Il peut cependant exister une faible translation à direction transversale (mouvement de Bennett).

La translation décrit chez les sujets sains [16] un trajet ample (> 11 mm), concave vers le haut et régulier. L'altération de cette translation (amplitude, trajet…) peut avoir plusieurs causes, musculaires ou articulaires. Son évaluation clinique et paraclinique est un élément de diagnostic important [17-19].

Rotation

La rotation siège principalement dans le compartiment condylo-discal. Il existe 3 axes de rotation: transversal, vertical et sagittal (fig. 3).

Au fur et à mesure de la translation, il existe un déplacement dans le temps et dans l'espace de l'axe de rotation. On parle alors de centre instantané de rotation. La différenciation de ces axes de rotation présente un intérêt pédagogique dans le cadre de l'étude théorique. En fait, il est plus vraisemblable de considérer ces axes comme des centres instantanés de rotation dans les mouvements composés [20]. Chez les sujets sains, la rotation maximale est d'environ 33 degrés [18, 21].

Elle peut être diminuée dans les cas d'adhérences et d'adhésion ou encore d'anomalies morphologiques des surfaces articulaires. Elle peut être augmentée lorsqu'elle est compensatrice d'une réduction de la translation (favorisant ainsi les mouvements d'ouverture, mais pas de diduction controlatérale ni de propulsion).

Mouvements fondamentaux

Les mouvements fondamentaux d'ouverture-fermeture, propulsion-rétropulsion, diduction (latéralisation et médialisation) sont donc composés de mouvements élémentaires de rotation et de translation.

Lors de l'ouverture, il existerait une répartition linéaire de la rotation et de la translation [22-24]. Une étude au kinésiographe sur 28 adultes de Ferrario et al. [25] le confirme: il n'existe pas, lors de l'ouverture, de déplacement du bord libre de l'incisive mandibulaire selon un axe de rotation intercondylien, même lors des premiers millimètres du mouvement. Ainsi, rotation et translation sont toujours combinées et la position du centre de rotation varie lors du mouvement, avec des caractéristiques différentes lors des mouvements d'ouverture et de fermeture (fig. 4).

Cette position varie également en fonction de la vitesse de déplacement, qui fait fluctuerle rapport rotation/translation.

Cinématique dans le diagnostic des dysfonctionnements articulaires

L'analyse diagnostique de la cinématique mandibulaire est un des éléments du diagnostic des DAM, qui s'appuit sur une anamnèse précise et un examen clinique spécifique (tabl. III). Elle peut être complétée [12] par des examens paracliniques: anatomiques (imagerie) [26], fonctionnels (condylographie) [20] ou occlusaux (analyse occlusale instrumentale) [27]. Ainsi, l'analyse de la cinématique mandibulaire et, plus précisément, condylienne est un des éléments du diagnostic du fonctionnement de l'appareil manducateur. Les limitations d'ouverture buccale, déviations ou déflexions du trajet mandibulaire fonctionnel (fig. 5a, 5b et tabl. IV) sont autant de signes cliniques témoignant d'une cinématique condylienne perturbée.

Si elle évalue parfaitement le degré d'impotence ou d'altération fonctionnelle, l'analyse de la cinématique mandibulaire n'est cependant pas un indicateur très sensible ni très spécifique du déplacement condylien [24, 28-30] en raison:

- de phénomènes de compensation (une surrotation condylienne peut permettre une ouverture normale malgré une désunion condylo-discale permanente bilatérale par exemple);

- de l'absence de quantification précise des déplacements mandibulaires, spatiale et temporelle.

Dans certains cas cliniques, cela justifie l'utilisation en pratique clinique quotidienne d'un appareil d'évaluation de la cinématique condylienne (axiographe SAM, Axioquick, MK 6, Elite system modifié, etc.) pour l'aide au diagnostic des DAM, mais également pour la quantification des déterminants postérieurs (angle de Bennett, pente condylienne, etc.) dans le but de paramétrer les articulateurs.

Condylographie [30, 31]

Principe

L'axiographie est un enregistrement graphique axialisé des mouvements condyliens: elle enregistre et trace les mouvements de l'axe charnière condylien simultanément dans les plans sagittal, frontal et horizontal.

En axiographie mécanique SAM, les tracés sont réalisés par des stylets se déplaçant sur des plateaux parasagittaux stabilisés par un arc péricrânien. Les déplacements horizontaux sont quantifiés par un comparateur dont les indications sont transposées sur un graphique.

Ces tracés sont orientés par rapport au plan axio-orbitaire (PAO: points d'émergence cutanés de l'axe de rotation bicondylien - point infra-orbitaire) et deux plans perpendiculaires qui définissent ainsi un repère orthonormé (fig. 6).

Trois axes sont ainsi définis:

- axe des x: sagittal, positif en avant;

- axe des y: transversal, horizontal, positif à gauche;

- axe des z: frontal, vertical, positif en bas.

Son principe réside dans la suppression de la composante de rotation; les stylets enregistreurs doivent donc être impérativement placés sur l'axe charnière, ne laissant ainsi apparaître que la composante de translation (fig. 7a et b et 8).

Condylographie mécanique

La condylographie, qui reprend le principe de l'axiographie (terme déposé), est une analyse instrumentale de la cinématique condylienne, réalisée à l'aide d'un condylographe qui trace les mouvements de l'axe charnière bicondylien (simultanément dans 2 plans sagittal et horizontal) sur des plateaux sagittaux et sub-horizontaux portés par un arc péricrânien (fig. 9).

Le stylet condylien du condylographe, en suivant scrupuleusement les déplacements de l'axe de rotation instantané, reproduit fidèlement le mouvement condylien exécuté par le patient (ceci nécessite un condylographe à axe réel). Les tracés obtenus permettent, par comparaison avec des tracés sains, une approche du fonctionnement ou du dysfonctionnement articulaire et sa documentation. C'est une méthode d'examen paraclinique particulièrement adaptée pour l'analyse de la cinématique condylienne et un élément important de la précision diagnostique [20, 31-35], l'examen clinique restant bien sûr incontournable et prépondérant.

Condylographie électronique

L'évolution numérique de cet appareil (condylographie électronique Gamma/Girrbach) permet l'acquisition et l'exploitation de nouvelles caractéristiques du déplacement condylien et présente un véritable apport dans la pratique clinique (fig. 10).

La condylographie électronique permet ainsi un enregistrement et un traitement informatique des données ainsi que leur représentation dans les 3 plans de l'espace et dans le temps. L'interprétation des tracés est facilitée, et de nouvelles fonctions (analyse des courbes de temps, des rapports entre rotation et translation, des mouvements transversaux) débouchent sur de nouvelles possibilités diagnostiques. Les nombreux déterminants de la cinématique condylienne et donc mandibulaire peuvent ainsi être étudiés grâce à:

- la localisation cinétique automatisée et bilatérale de l'axe charnière. Chaque capteur condylien comporte un double stylet, l'un indiquant l'axe charnière et l'autre, situé au-dessus du premier, calculant la rotation;

- une analyse tridimensionnelle des mouvements en temps réel et simultanée à droite et à gauche;

- une quantification immédiate des angles (pente condylienne, angle de Bennett);

- une visualisation dynamique par effet vidéo et par agrandissement des tracés facilitant leur lecture;

- une quantification des composantes de rotation et de translation;

- un calcul de la vélocité des déplacements;

- l'analyse de la forme et de l'amplitude des tracés sagittaux et horizontaux (déplacements condyliens);

- la comparaison immédiate des positions condyliennes en RC et en OIM (indication de position mandibulaire ou MPI);

- la comparaison des différents tracés entre eux par superposition;

- la quantification immédiate des mouvements transversaux;

- l'analyse du rapport rotation/translation pour chaque type de mouvement;

- l'analyse des courbes de temps;

- l'analyse des mouvements fonctionnels (mastication, phonation, etc.);

- le paramétrage des articulateurs grâce aux données issues du logiciel.

Analyse de la cinématique condylienne au condylographe

Mise en place du condylographe

Quelques minutes de préparation permettent de fixer l'arc péricrânien et de le stabiliser par une sangle de type velcro. L'arc mandibulaire est fixé aux dents antérieures et latérales par une attelle ajustée avec de la résine chémopolymérisable et collée à l'aide de colle cyanoacrylate (fig. 11a, 11b et 11c) sans interférer avec l'occlusion [36].

La mise en place des stylets (approximative) et des drapeaux numériques réalisée, les enregistrements peuvent débuter.

Localisation de l'axe charnière

L'enregistrement graphique axialisé des mouvements condyliens repose sur le principe de la neutralisation des mouvements de rotation par l'observation du déplacement dans les 3 plans de l'espace de l'axe charnière bicondylien. La localisation du centre instantané de rotation est informatisée grâce aux deux stylets: lors d'un mouvement de fermeture en axe charnière terminal guidé par le praticien, les deux stylets décrivent un arc de cercle dont le centre de rotation est déterminé numériquement et indiqué au praticien sur l'écran. À l'aide de molettes de réglage vertical et horizontal (fig. 12), celui-ci superpose le centre de rotation indiqué par l'ordinateur (symbolisé par un rond) et la pointe du stylet (symbolisée par une croix) (fig. 13).

Détermination du système orthonormé (cadre de référence)

Les coordonnées du déplacement sont évaluées dans un système orthonormé dont l'origine est la position du centre de rotation en relation centrée et un plan de référence, le plan axio-orbitaire (PAO). La mandibule est guidée en relation centrée, un appui sur la pédale incrémente à cet endroit l'origine du système orthonormé.

Enregistrement des mouvements mandibulaires

Tous les mouvements mandibulaires fondamentaux ou fonctionnels peuvent être enregistrés durant un temps prédéterminé (4,5 ou 9 secondes), choisi par le manipulateur. Le mouvement souhaité est expliqué et effectué par le patient dans un premier temps sans enregistrement; le praticien éventuellement le corrige. Ce mouvement acquis, un click sur la pédale enclenche l'enregistrement. Le tracé apparaît à la fin du temps d'enregistrement et, s'il convient, est enregistré. Le cas échéant, le logiciel signale les anomalies éventuelles (tracés hors-cadre, interruption de contact entre stylet et plateau...).

Classiquement, la séquence de mouvements suivante est réalisée:

- propulsion-rétropulsion;

- ouverture/fermeture;

- diductions droite et gauche libres;

- diductions droite et gauche guidées;

- mastication;

- phonation;

- indicateur de position mandibulaire (différentiel ORC-OIM notamment).

Le système d'acquisition permet l'obtention des caractéristiques spatiales et temporelles du déplacement de l'axe charnière lors de chacun de ces mouvements.

Visualisation et interprétation

Le logiciel Cadiax (Gamma) permet l'interprétation de chacun des mouvements mandibulaires individualisés ou superposés selon plusieurs modes auxquels on accède par des onglets (fig. 14).

Courbes Cadiax

Les courbes Cadiax permettent la visualisation des tracés sagittaux et horizontaux.

Tracés sagittaux

Ces tracés sont les plus connus et permettent l'étude du déplacement condylien dans un plan sagittal. Comparée au modèle de normalité, elle représente une information supplémentaire dans l'établissement du diagnostic de DAM [33] (fig. 15). Exemples: lors de mouvements fondamentaux (ouverture/fermeture, propulsion...), on visualisera la forme générale du tracé (fig. 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et 23).

Tracés horizontaux

Ces tracés indiquent le déplacement médial ou latéral de chaque condyle. Un mouvement initial de Bennett, un angle de Bennett nul ou une désunion condylo-discale peuvent alors être visualisés (fig. 24 et 25).

• Superposition des tracés

La superposition de différents tracés est possible, en mettant, par exemple, en évidence un différentiel vertical entre propulsion et ouverture (fig. 26).

• Quantification des déterminants du déplacement condylien

Sur la gauche de l'écran apparaissent les éléments de quantification du déplacement: la souris ou les curseurs de déplacements du clavier permettent de placer un indicateur (une croix sur le tracé) de situation condylienne. Les valeurs qui s'affichent correspondent à cette situation condylienne (fig. 27a et 27b).

Vues horizontale et frontale de l'axe bicondylien

Ces vues spatiales intègrent une donnée temporelle en reliant les deux axes condyliens à un temps « t » identique. Un différentiel de déplacement est alors perceptible. Cette observation peut se faire dans un plan horizontal ou frontal (fig. 28 et 29).

Courbes de temps

Les courbes de temps permettent l'analyse des différents mouvements de l'axe charnière en fonction d'une quatrième dimension, le temps. On pourra donc évaluer la continuité du mouvement, ce qui est davantage en accord avec un système vivant.

Ce sont les graphiques de chaque paramètre: angles (pente condylienne ou SCI, angle de Bennett ou TCI, rotation de l'axe ou Gamma), vitesse V, accélération A, distance S-3ds (translation dans les trois plans de l'espace), représentés le long d'un axe horizontal représentant le temps.

Quatre sous-menus sont possibles:

- droit (tabl. V);

- gauche (tabl. VI et fig. 30);

- droit et gauche (tabl. VII);

- personnalisé.

« Personnalisé » : visualisation d'une série de coordonnées au choix: 3 diagrammes, 4 courbes possibles par diagramme sont choisies parmi toutes les précédentes, plus l'accélération A.

Les courbes de temps sont particulièrement intéressantes, car elles permettent de décomposer le mouvement d'un condyle en fonction du temps dans les 3 plans de l'espace et d'analyser ainsi plus finement son déplacement. Exemple : visualisation des modifications de vitesse de déplacement condylien (fig. 31). Normalement linéaire avec un ralentissement en fin d'ouverture, cette vitesse est perturbée par les obstacles intra-articulaires: ralentissement avant le franchissement du bourrelet postérieur du disque dans les désunions condylo-discales totales avec réduction brutale, puis accélération (fig. 32).

Rapport rotation/translation

Ce mode permet d'apprécier chaque composante du mouvement (rotation - Gamma - et translation) et leur répartition. Normalement, le rapport rotation/translation est linéaire lors du mouvement d'ouverture/fermeture. Dans les situations de désunion condylo-discale permanente, la limitation d'ouverture buccale est liée à la diminution de translation condylienne, due à la présence du disque retenu par le système d'attache. Avec le temps (chronicisation), un système de compensation apparaît dans le compartiment inférieur de l'articulation par sur-rotation condylienne qui permet de recouvrer une ouverture buccale sub-normale. La limitation de la propulsion et de la diduction controlatérale, malgré une ouverture buccale normale, signe ce type de compensation. L'analyse du rapport rotation/translation lors des mouvements fonctionnels permet une analyse plus fine, susceptible de mettre en évidence des pathologies infracliniques (fig. 33, 34 et 35).

Cinématique occlusale

Le logiciel numérisant les déplacements mandibulaires dans un repère orthonormé permet d'obtenir la cinématique occlusale d'une dent dont on paramètre les coordonnées à l'intérieur du système orthonormé. Ceci nécessite l'utilisation d'un 3D analyser qui reproduit la position des moulages d'arcade par rapport au PAO et fournit les coordonnées spatiales de la dent concernée. Ces coordonnées sont entrées dans le logiciel, qui calcule alors la cinématique de cette dent pour le mouvement sélectionné (fig. 36).

Paramétrage des articulateurs

Ce mode permet de quantifier les déplacements condyliens à chaque moment et de régler les déterminants postérieurs de l'articulateur. L'opérateur choisit les mouvements qui vont permettre le réglage des déterminants (fig. 37), le type d'articulateur utilisé (fig. 37) et obtient le paramétrage de l'articulateur correspondant (fig. 38a, 38b, 38c, 38d et 38e).

Exemple: angle de Bennett à 3 mm de diduction, pente condylienne à 3 mm, puis 1 mm de propulsion, etc.

Remarque: le logiciel Cadiax présenté ici peut être couplé au logiciel Cadias (céphalométrie informatisée) inclus dans le logiciel « Gamma dental », qui propose alors certains paramètres de reconstruction occlusale (fig. 38a, 38b, 38c, 38d et 38e).

Indicateur de position mandibulaire

Un autre mode permet d'évaluer et de comparer les positions mandibulaires (classiquement le différentiel ORC-OIM). Le logiciel permet de visualiser le décalage entre ces deux positions (fig. 39), mais aussi le trajet de l'un vers l'autre.

Conclusion

La condylographie électronique est un système complet d'évaluation de la cinématique condylienne et d'aide au diagnostic des dysfonctionnements de l'appareil manducateur. Au-delà de la simple comparaison de tracés sagittaux pour la mise en évidence d'anomalies de la cinématique, elle permet, grâce aux nombreuses modalités possibles, l'analyse des multiples caractéristiques des positions et des déplacements condyliens.

En dehors de ses capacités d'analyse pertinentes dans le domaine de la recherche, son intérêt clinique [39-40] pourrait donc augmenter, après abandon des paradigmes concernant le rétablissement de l'intégrité anatomique, avec les nouveaux objectifs thérapeutiques des DAM: soulager la douleur, rétablir la fonction et pérenniser l'amélioration obtenue.

Un prochain article présentera les possibilités diagnostiques de ce système en pratique quotidienne.

Remerciements : aux sociétés Gamma Dental Software (Hundskehle 21 - A-3400 Klosterneuburg - Autriche) et Girrbach Dental SARL (BP 14 01 20 - 75138 Pforzheim - Allemagne) pour la mise à disposition de leur iconographie.

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