Prothèse maxillo-faciale chez le patient totalement édenté - Cahiers de Prothèse n° 119 du 01/09/2002
 

Les cahiers de prothèse n° 119 du 01/09/2002

 

Prothèse maxillo-faciale

Camille Detrait *   Michel Postaire **  


* Chirurgien-dentiste,
Attaché hospitalier dans le service d'odontologie,
Pr Poidatz
Hôpital Louis Mourier, Colombes
10, boulevard du Maréchal-Foch
49100 Angers
** Docteur d'État en odontologie
37, rue Ernest-Renan
92130 Issy-les-Moulineaux

Résumé

Le traitement de l'édentement complet des sujets ayant subi des pertes de substance au maxillaire ou à la mandibule répond à des exigences spécifiques. L'emploi de différents obturateurs, l'enregistrement très précis des surfaces d'appui (avec utilisation raisonnée des brides cicatricielles), des artifices de montage des dents ainsi que la mise en œuvre de matériaux adaptés permettent de réaliser des prothèses convenant à ces patients, en évitant les risques d'ostéoradionécrose.

Summary

Maxillofacial prosthesis for the totally-edentulous patient

The treatment of edentulism in subjects who show losses of substance on the maxilla or the mandible must answer specific requirements. The use of different obturators, the very precise recording of the supporting surfaces (with the well thought-out use of cicatricial straps), the devices of setting-ups of teeth as well as the implementation of adapted materials allow to realize prostheses which meet those patients'specific requirements while avoiding the risks of osteoradionecrosis.

Key words

edentulism, hemimandibulectomy, hemimaxillectomy, maxillofacial prosthesis, osteoradionecrosis

Les pertes de substance des maxillaires peuvent avoir une cause traumatique ou balistique, mais sont surtout d'origine néoplasique [1]. Le traitement des cancers buccaux fait actuellement appel à une thérapie bien codifiée [2, 3]:

- chirurgie d'exérèse [4];

- chimiothérapie [5];

- radiothérapie cervico-faciale [6, 7].

Ces différents traitements entraînent:

- des pertes de substance plus ou moins importantes;

- des changements morphologiques;

- des mucites;

- des fragilités tissulaires;

- des hyposialies, voire des asialies;

avec, pour conséquence majeure, le risque d'ostéoradionécrose [8].

En fonction du type de lésion et de sa localisation, ils induisent différents troubles esthétiques et fonctionnels:

- l'élocution des phonèmes peut devenir difficile du fait des fuites d'air et de la modification des « caisses de résonance »;

- l'alimentation est compliquée par le reflux bucco-nasal ou une réduction de la mobilité linguale;

- l'ouverture buccale est limitée et déviée.

Le traitement prothétique de ces problèmes [9-13] est encore plus délicat à réaliser chez le patient totalement édenté (ce qui est fréquent, compte tenu de la population concernée et des traitements précurseurs qu'elle a subis) [14-16]. En effet, les pertes de substance, les déformations morphologiques, les problèmes de sécrétion salivaire, la fragilité tissulaire limitent les possibilités de rétablir les performances habituelles d'une prothèse amovible complète. Cependant, les facteurs d'équilibre prothétique (sustentation, rétention, stabilisation) doivent rester constamment présents à l'esprit du praticien pour répondre aux objectifs du traitement par prothèse maxillo-faciale. Ils consistent à:

- (au maxillaire) supprimer la communication bucco-nasale;

- assurer un équilibre prothétique suffisant pour permettre les différentes fonctions;

- rétablir une intercuspidie maximale dans un rapport intermaxillaire acceptable;

- retrouver une esthétique satisfaisante;

- contrôler les altérations tissulaires.

Par ailleurs, il est important de reporter à un an la réalisation de la prothèse d'usage pour permettre la cicatrisation après chirurgie et radiothérapie. Pour les pertes de substance au maxillaire, il est toutefois possible et, même souhaitable, de proposer au patient des obturateurs immédiats et/ou précoces qui lui permettent d'attendre dans les meilleures conditions [9, 17-22].

Cet article se propose d'envisager le traitement par prothèses amovibles d'usage des pertes de substance plus ou moins importantes au maxillaire avec communication bucco-nasale et des pertes de substance à la mandibule dont la forme la plus courante est l'hémimandibulectomie, chez le patient totalement édenté (fig. 1 et 2).

Traitement des pertes de substance au maxillaire

Les doléances principales des patients non appareillés sont d'abord liées aux troubles de la phonation et au reflux bucco-nasal, puis à la difficulté de mastiquer et, enfin, au préjudice esthétique (fig. 3, 4 et 5). Le traitement envisagé doit corriger ces différents troubles; il est immédiat, précoce ou différé:

- la prothèse immédiate est prévue et réalisée avant ou au cours de l'intervention, puis posée à la fin de l'acte chirurgical; les difficultés proviennent du fait que le volume d'exérèse n'est pas toujours appréhendé avec certitude;

- la prothèse précoce est réalisée dans les semaines suivant l'intervention. Les difficultés étant alors liées à la nécessité de la réadapter ou de la refaire fréquemment à cause des modifications continues de la perte de substance pendant la période de cicatrisation.

Souvent, chez le patient totalement édenté, surtout si celui-ci n'a pas été appareillé préalablement, il ne s'agit pas à proprement parler de prothèses dentaires, mais de « simples » obturateurs [13] (fig. 6 et 7);

- la prothèse d'usage rétablit au mieux les fonctions et l'esthétique. Elle est réalisée lorsque les risques d'ostéoradionécrose sont moindres, c'est-à-dire environ un an après la fin de la radiothérapie.

Les prothèses d'usage sont de deux types [9, 12, 13]:

- une prothèse dentaire solidaire d'un obturateur rigide, dite « monobloc » (même si certains obturateurs rigides amovibles ont été décrits);

- une prothèse dentaire avec obturateur amovible souple.

Le choix de la technique est guidé par le volume de la cavité d'exérèse et la limitation d'ouverture buccale:

- un volume important, une ouverture buccale réduite conduisent à préférer une prothèse avec un obturateur amovible et souple en silicone (fig. 8);

- une ouverture buccale suffisante, une petite perte de substance orientent le choix vers une prothèse « monobloc » (fig. 9).

Dans le premier cas, le silicone utilisé, très souple, plus facilement supporté par des tissus fragilisés, ne peut être ni réparé ni rebasé, seules quelques retouches soustractives sont possibles. Dans le second, l'obturateur rigide, en résine thermopolymérisable, peut être modifié par soustraction ou par addition, voire réparé, mais est plus encombrant lors de la mise en bouche.

Empreintes

Elles n'ont pas pour objectif d'enregistrer la totalité de la cavité d'exérèse : certaines bases osseuse subsistantes (cloison nasale, paroi sinusienne, plancher de l'orbite) n'ont pas la capacité de supporter les pressions sans subir de résorption. Elles doivent par contre enregistrer toutes les brides cicatricielles et les freins autour des lésions ainsi que les contre-dépouilles immédiatement sous-jacentes.

Les techniques proposées pour le moulage de la cavité d'exérèse sont destinées plus particulièrement à la réalisation d'épithèses faciales [9, 23-25].

Empreinte primaire

L'empreinte primaire est prise avec un alginate épaissi (en diminuant légèrement la quantité d'eau) et préparée avec de l'eau glacée pour avoir le temps d'introduire le porte-empreinte en bouche malgré la difficulté inhérente à l'existence fréquente d'un trismus [26]. L'alginate est préformé avec les doigts sur un porte-empreinte du commerce, sélectionné selon la dimension de l'arcade et préparé par l'adjonction de sparadrap sur l'intrados qui facilite l'accrochage du matériau. Le fond de la cavité d'exérèse est comblé par un tampon de compresses vaselinées pour éviter la diffusion d'alginate dans les zones en contre-dépouille (fig. 10).

Empreinte secondaire

Le porte-empreinte individuel (PEI), réalisé en résine auto-polymérisable [27], peut être légèrement espacé du moulage (avec des cales d'espacement) pour compenser la compression provoquée par l'alginate sur les muqueuses. Le réglage des bords du PEI est réalisé en bouche pour éviter les surextensions et les surépaisseurs selon les méthodes habituelles [28, 29]. L'objectif est d'enregistrer:

- du côté « sain », les bords les plus longs et les plus épais possibles;

- du côté de la perte de substance, la zone cicatricielle le long de la face interne de la joue pour assurer la meilleure herméticité possible et une bonne sustentation souvent exploitable à ce niveau;

- les bords de la perte de substance et les zones avoisinantes en contre-dépouille.

Les enregistrements des bords sont réalisés avec des polyéthers (Permadyne® orange et Impregum® de Espe-3M) et le joint postérieur avec de la pâte de Kerr selon des protocoles récents [30-32] (fig. 11).

Remarque: la conservation du voile du palais au cours de l'intervention chirurgicale est un élément important pour favoriser l'équilibre prothétique.

Le surfaçage final est obtenu avec un produit très fluide: polyéther (Permadyne® bleu de Espe-3M) ou polysulfure (Permlastic® light de Kerr) (fig. 12 et 13). Lors du démoulage, une attention particulière est portée pour ne pas fracturer le modèle au niveau des contre-dépouilles de la cavité d'exérèse.

Enregistrement du rapport intermaxillaire

La hauteur du bourrelet maxillaire est réglée selon la longueur de la lèvre du côté lésé pour éviter une trop grande visibilité des dents de ce côté. Son volume est également réglé sur ce même côté pour éviter une asymétrie trop importante. La difficulté est liée au peu de stabilité et de rétention de la base d'occlusion et à la limitation d'ouverture buccale.

Après détermination de la dimension verticale de repos physiologique et appréciation de la dimension verticale d'occlusion, les bases d'occlusion sont maintenues manuellement en bouche alors que la mandibule est guidée doucement dans sa position la plus reculée et centrée possible [28, 33]. La reproductibilité de cette position doit être contrôlée plusieurs fois.

Une couche de polyéther pour l'enregistrement des rapports intermaxillaires (Ramitec de Espe-3M) est déposée à la seringue entre les deux arcades pour enregistrer cette position juste avant qu'il y ait contact entre les bourrelets (les bases étant toujours maintenues en bouche par l'opérateur) (fig. 14).

Le choix des dents antérieures est effectué selon les critères habituels [28, 34] en faisant abstraction des modifications morphologiques.

Montage des dents

Le bloc incisivo-canin maxillaire est monté en tenant compte de la position et du volume de la lèvre du côté atteint (fig. 15). Le plan d'occlusion prémolaire-molaire, habituellement situé à mi-distance de l'axe intercrête, est, pour tenir compte de la perte de substance, remonté le plus possible, de façon symétrique pour favoriser l'équilibre de la prothèse la moins stable (fig. 16).

Le côté lésé nécessite souvent un montage des dents en bout à bout (fig. 17) (évitant le montage inversé, source de déséquilibre) consécutivement au « raccourcissement » chirurgical, mais dans le respect des règles du montage [28]. La brièveté de l'« hémiarcade » peut également entraîner la suppression d'une prémolaire pour respecter la symétrie entre les deux côtés (fig. 18).

Les contrôles et corrections nécessaires sont effectués en bouche avant de procéder à la polymérisation de la prothèse.

Prothèse dentaire solidaire d'un obturateur rigide

Une cavité moyenne et une ouverture buccale suffisante permettent généralement de réaliser une prothèse « monobloc ». Il est possible alors de confectionner un obturateur plein. Son principal intérêt est sa facilité de fabrication (en même temps que la prothèse), mais son inconvénient majeur est son poids. Son indication est donc limitée aux petites pertes de substance.

Pour des pertes de substance plus importantes, il est possible d'évider l'obturateur en le creusant par sa face supérieure, mais, ainsi préparé, il ne facilite pas l'hygiène (en constituant un réceptacle pour les sécrétions). Il est préférable d'opter pour un obturateur creux, réalisé en deux temps: fabrication d'une prothèse-obturateur, puis d'un « couvercle supérieur » [9, 13]. Il est possible de confectionner séparément les deux éléments (prothèse et obturateur) et de les assembler ensuite.

Sur le maître-modèle, la cavité d'exérèse et ses bords sont tapissés de feuilles d'étain sur une épaisseur d'environ 1,5 à 2 mm en supprimant les contre-dépouilles (fig. 19). La cavité restante est comblée par du silicone. La polymérisation de la prothèse est effectuée sur le moulage ainsi préparé. Après retrait de la prothèse, le maître-modèle est débarrassé du silicone contenu entre les feuilles d'étain. Les éventuelles contre-dépouilles du joint périphérique sont comblées avant la réalisation de la contre-partie qui, en regard de la perte de substance, est réalisée en silicone. Après retrait des feuilles d'étain, l'espace ainsi libéré est rempli de résine et la polymérisation de l'obturateur est effectuée (fig. 20). La jonction entre ce dernier et la prothèse est vérifiée (fig. 21), confirmée en bouche et pérennisée avec de la résine chémopolymérisable (fig. 22).

Prothèse dentaire avec obturateur souple amovible

Une cavité importante et une ouverture buccale limitée incitent à réaliser une prothèse avec obturateur souple amovible.

Sur le maître-modèle, la cavité d'exérèse est préparée en supprimant les trop fortes contre-dépouilles et en comblant le fond de plâtre. Le silicone (Drop Ortho® de Prevent) est injecté dans la cavité résiduelle, des aimants (1 ou 2) sont déposés à la surface de la masse avant sa prise afin de permettre la solidarisation obturateur-prothèse (fig. 23) [35]. Après prise complète du matériau souple, la polymérisation de la résine est réalisée de façon habituelle, sur le moulage avec obturateur en place (fig. 24), puis les prothèses sont équilibrées et terminées (fig. 25 et 26) [28]. La mise en bouche demande les mêmes précautions que pour une prothèse complète, accentuées par le risque d'ostéoradionécrose. Le contrôle de l'étanchéité se fait en vérifiant qu'il n'y a pas de fuites liquides par le nez lors de la boisson. L'élocution doit être immédiatement améliorée. Les contrôles doivent être réguliers pour détecter l'apparition de toute lésion, risque potentiel d'une ostéoradionécrose. Le silicone utilisé ne peut être ni réparé ni rebasée: toute erreur ou modification ultérieure nécessitent la réfection de l'obturateur. Seuls de légers excès peuvent être éliminés avec une lame de bistouri.

Des formes intermédiaires (prothèse dentaire avec obturateur rigide amovible) sont possibles, mais leur complexité de réalisation en réduit les indications aux cas d'épithèses faciales.

Traitement des pertes de substance à la mandibule

Les pertes de substance interruptrices des branches horizontales mandibulaires entraînent [9, 13, 36]:

- des déformations des contours de la face (fig. 27);

- des déplacements importants du ou des fragments subsistants;

- la présence d'une muqueuse, plus ou moins fragilisée avec des brides fibreuses, associée souvent à des greffes de peau (lambeaux musculo-cutanés) (fig. 28);

- une diminution plus ou moins importante de la mobilité linguale.

Une résection de la partie médiane de l'arcade mandibulaire provoque un rapprochement et une remontée des deux branches, en forme de V. Une résection de la partie terminale induit un mouvement de distorsion et de latéro-déviation de la partie résiduelle de la mandibule, associé à une béance incisive. Dans tous les cas, le trismus est plus ou moins marqué, mais toujours présent. L'implantation d'une endo-prothèse ou la réalisation d'une greffe limitent ces conséquences sans les supprimer totalement (fig. 29 et 30).

L'édentement complet interdit l'utilisation d'un appareil guide destiné à limiter les déplacements des fragments mandibulaires. Le traitement prothétique, tout en prévenant les risques de l'ostéoradionécrose particulièrement fréquents et redoutables à la mandibule, doit permettre de retrouver une intercuspidie maximale stable et d'améliorer le confort et l'esthétique du patient.

Empreintes

La reconstruction par lambeau musculo-peaucier permet, même en l'absence de support osseux, de redonner de la mobilité linguale et de reconstituer un « fond de vestibule » et un « plancher lingual » favorables à un meilleur équilibre prothétique, notamment à la sustentation [37].

Empreinte primaire

Elle peut être réalisée à l'alginate de consistance épaisse et avec de l'eau froide (cf. chapitre précédent) pour éviter toute blessure [38]. Mais, si ce risque est peu important, il est préférable d'utiliser du plâtre [39]. Parfois, une déformation importante ou un trismus trop serré interdisent un résultat correct d'emblée (fig. 31). Dans ce cas, un porte-empreinte espacé est réalisé à partir d'une première empreinte à l'alginate; une seconde empreinte, au plâtre, permet d'obtenir le moulage sur lequel sera fabriqué le porte-empreinte individuel (fig. 32).

Empreinte secondaire

Après réglage du PEI [27, 39] qui peut être espacé (avec des cales d'espacement) [38] ou non, les enregistrements des bords sont réalisés avec des polyéthers (Permadyne® orange et/ou Impregum®) [38, 40] (fig. 33). L'objectif est d'enregistrer les surfaces d'appui saines, mais aussi les surfaces reconstruites pour les faire participer au mieux de leurs possibilités aux différentes fonctions. Le surfaçage est obtenu avec des polyéthers (Impregum® ou Permadyne® bleu) ou des polysulfures (Permlastic®) et/ou (Neoplex® de Surgident) (fig. 34, 35 et 36).

Enregistrement du rapport intermaxillaire

Le rapport intermaxillaire est réalisé de façon habituelle lorsque cela est possible et, en cas de trop grande limitation d'ouverture, en interposant une couche de Ramitec® entre les deux bourrelets (cf. chapitre précédent) (fig. 37). Les difficultés viennent de la non-correspondance entre les bases osseuses et des conséquences musculo-articulaires de l'intervention, notamment dans les résections terminales.

Montage des dents

Après le choix des dents, le montage est réalisé en favorisant l'équilibre de la prothèse mandibulaire, c'est-à-dire en abaissant le plan d'occlusion. Les règles de montage spécifiques à la prothèse complète doivent être respectées le plus possible (fig. 38, 39 et 40) [28].

Prothèse en résine dure

Après contrôles et corrections éventuelles, la polymérisation est réalisée en résine thermopolymérisable dure (fig. 41). Après la mise en bouche, les équilibrations et les retouches sont faites de façon habituelle. Cependant, les contrôles sont plus fréquents pour prévenir tout risque d'ostéoradionécrose (fig. 42).

Prothèse avec base souple

Des ostéoradionécroses mandibulaires bilatérales postérieures ne sont pas rares à la suite des thérapeutiques des cancers du pharynx. Lorsque le patient a déjà eu un traitement chirurgical après ostéoradionécrose (entraînant souvent des pertes de substance non interruptrices) (fig. 43), il est plus prudent de réaliser, après un délai d'un an, une prothèse avec une base en matériau viscoélastique [41-43]. Dans ce cas, la prothèse est d'abord construite de façon conventionnelle, puis l'intrados et les bords sont désépaissis de façon uniforme sur une épaisseur de 1,5 à 2 mm (fig. 44 et 45).

Après remise en moufle de la prothèse ainsi préparée, une « résine souple » est déposée sur l'intrados et les bords, pressée et polymérisée (fig. 46). L'emploi de ce matériau ne dispense pas d'une surveillance attentive de ces patients.

Conclusion

Le traitement des pertes de substance au maxillaire ou à la mandibule chez le patient totalement édenté présente un certain nombre de difficultés liées à la diminution de sustentation, de rétention et de stabilisation provoquée par l'exérèse des tissus tumoraux. La communication bucco-nasale après maxillectomie entraîne d'importants reflux par le nez et des difficultés d'élocution dont se plaignent en priorité les malades.

La mise en place de prothèses « monobloc » ou avec obturateur amovible répondant aux critères de qualité de la prothèse complète conventionnelle permet au patient de retrouver des fonctions acceptables et facilite son retour à une vie sociale normale (fig. 47). Le choix de l'une ou de l'autre des techniques est lié au volume de la perte de substance et à l'importance de la limitation d'ouverture buccale. Les mandibulectomies provoquent des changements morphologiques de la face et de la cavité buccale. Dans de tels cas, les traitements prothétiques obéissent aussi aux règles de réalisation de la prothèse complète, en tenant compte des problèmes spécifiques: en particulier, l'éventualité d'apparition d'une ostéoradionécrose (fig. 48).

La mise en place d'implants dentaires [44] n'a pas été décrite dans cet article, mais elle peut être envisagée, à condition que la prothèse soit directrice pour le positionnement des implants.

Remerciements:

Les auteurs remercient, pour leur précieuse collaboration, Les Drs Aurélie Huguenin et Nadia Djellout ainsi que Mlle Elise Campagne et Mr Didier Raux et tout particulièrement le Dr Marysette Folliguet.

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