Prothèses gratuites - Cahiers de Prothèse n° 119 du 01/09/2002
 

Les cahiers de prothèse n° 119 du 01/09/2002

 

Éditorial

Jean Schittly  

Rédacteur en chef

« Docteur, je viens vous consulter pour changer mes prothèses amovibles actuelles qui ne me conviennent pas: elles sont trop encombrantes et inesthétiques. Je vous ai apporté les formulaires à remplir pour cela: j'ai droit à des prothèses gratuites tous les deux ans! »

Tels furent les propos d'une patiente vue récemment et qui bénéficie d'une couverture médicale accordée à certains assurés sociaux dont les revenus dépassent ceux ouvrant droits à la Couverture...


« Docteur, je viens vous consulter pour changer mes prothèses amovibles actuelles qui ne me conviennent pas: elles sont trop encombrantes et inesthétiques. Je vous ai apporté les formulaires à remplir pour cela: j'ai droit à des prothèses gratuites tous les deux ans! »

Tels furent les propos d'une patiente vue récemment et qui bénéficie d'une couverture médicale accordée à certains assurés sociaux dont les revenus dépassent ceux ouvrant droits à la Couverture Maladie Universelle (CMU).

Pour répondre à cette demande, il a fallu informer la patiente de la vraie signification de cette formule et lui expliquer que le type de prothèse qu'elle souhaitait n'entrait pas dans le cadre de cette filière thérapeutique: une préparation tissulaire préprothétique, une gestion des empreintes et de l'occlusion pour un équilibre tissulaire et prothétique, des bases métalliques en titane ou en cobalt-chrome, des dents de qualité… sont autant d'éléments qui entraînent des coûts dans la gestion des cabinets dentaires. La formation du praticien, le temps passé, les prestations techniques, l'équilibre financier du cabinet imposent des honoraires obligatoirement élevés.

La patiente ainsi éclairée a pu donner son consentement pour engager les traitements nécessaires et faire l'investissement financier correspondant à sa demande d'esthétique et de confort.

Malheureusement, cela n'aurait pu être la solution pour des patients au niveau de vie très faible, dans le cadre de la CMU, et ils étaient 5 millions en fin d'année 2000 ! De quoi faire réfléchir les 40 000 chirurgiens-dentistes français confrontés à la prise en compte des problèmes engendrés par cette situation.

L'un des premiers sujets de réflexion rejoint la situation évoquée ci-dessus et concerne les droits des patients, bien codifiés par les législateurs, mais qui ne sont jamais assortis de devoirs. Cela aboutit à des pratiques devenues insupportables comme, par exemple, ces traitements jamais achevés pour une majorité de patients, soulagés en urgence, et qui négligent d'honorer les rendez-vous suivants pour terminer les soins, s'exposant ainsi à une nouvelle pathologie douloureuse, à prendre en charge une nouvelle fois dans l'urgence.

Pour pallier cet état de fait, des mesures peuvent être prises. Par exemple, lors du renouvellement annuel de la CMU, la production d'un certificat attestant l'assainissement de la cavité buccale pourrait être associée à l'examen des revenus. Cette solution aurait, de plus, l'avantage d'effectuer réellement de la prévention.

Un autre sujet de réflexion pourrait porter sur la qualité des soins réalisés dans le cadre de la nomenclature actuelle.

La Société odontologique de Paris, après les études et audits menés récemment sur le sujet, a lancé des ballons bien remplis de bilans et de propositions, mais qui, malheureusement, ne rebondissent pas! À croire qu'il existe deux mondes odontologiques parallèles qui, par définition, ne se rencontrent pas: l'un qui tente d'évoluer dans le respect de l'avancée des techniques et de la qualité des soins; l'autre qui s'adapte à une situation comptable pérennisée depuis des décennies, fondée sur une succession d'incohérences.

L'augmentation isolée de la valeur de prise en charge des « inlay-cores » dans la nomenclature en est un exemple récent. Ce mode de reconstitution des dents dépulpées ne correspond plus, dans bon nombre de cas, aux « données acquises de la science » depuis l'apparition des techniques adhésives (cf. le numéro spécial « Pérennité de la dent dépulpée », Cahiers de Prothèse n° 116, décembre 2001).

L'« échange » de l'opposabilité des honoraires des couronnes (sans prise en charge majorée) contre une augmentation de la valeur des lettres clés des obturations des dents pulpées en est un autre.

Pour des raisons budgétaires, il est de plus en plus évident que la réforme globale de la nomenclature est impossible. Aussi, si l'on souhaite procéder par étapes, il semblerait cohérent de valoriser globalement certains traitements comme celui de la dent dépulpée délabrée en affectant des lettres clés équilibrées pour l'aménagement parodontal, le traitement endodontique et l'élément prothétique.

Septembre, c'est la rentrée avec les effets bénéfiques du repos et les bonnes résolutions.

Pourquoi ne pas espérer alors un été indien favorable à une évolution de l'odontologie dans le bon sens, celui de la qualité des soins pour les patients et d'un moral retrouvé pour les praticiens?