La dimension verticale d'occlusion en prothèse fixée
 

Les cahiers de prothèse n° 120 du 01/12/2002

 

Occlusodontie

Jean-Daniel Orthlieb *   Michel Rebibo **   Bernard Mantout ***  


* Docteur en chirurgie dentaire
** Docteur en chirurgie dentaire
*** Docteur en chirurgie dentaire
Unité d'occlusodontologie
Faculté d'odontologie de Marseille
27, boulevard Jean-Moulin
13385 Marseille Cedex 5

Résumé

Lors d'une reconstruction prothétique de grande étendue, le choix de la dimension verticale d'occlusion (DVO) est souvent évoqué comme la question centrale. Il est raisonnable de penser qu'il existe un espace optimal pour situer la DVO et non pas un seul point miraculeux. Le praticien dispose d'un espace d'adaptation à des variations de la DVO à condition que cette variation soit strictement en rotation autour de l'axe charnière, n'exagère pas une typologie verticale (hypo-ou hyperdivergence) déjà hors norme, conserve une fermeture labiale naturelle. Il est prudent d'éviter les variations importantes en présence d'ATM arthrosique et chez les patients ayant une faible adaptation neuro-musculo-articulaire.

La décision prothétique est prise en confrontant différents critères : surplomb, recouvrement, espace prothétique, morphologie mandibulaire, profil, typologie verticale, et typologie horizontale. Un arbre visuel est proposé permettant de quantifier ces différents critères pour aider à la décision.

Summary

Vertical dimension of occlusion in prosthetic dentistry : decision-making criteria

During an extensive prosthetic reconstruction, the choice of the vertical dimension of occlusion (VDO) is frequently presented as a key point of the success of the treatment. Probably, it is a sensible opinion to think that there are an optimal adaptative space concerning the VDO rather than a magic point. The practitionner can play with the VDO if he works in a strict rotation around the hinge axis, does not make worse the facial type, keep a natural lip closure and avoid to propose large variation in case of temporo-mandibular osteoarthrosis.

The decision making will be in relation to differents factors : overjet, overbite, prosthetic space, mandible morphology, vertical and horizontal skelettal type. A decision-making tree is proposed to visualize this differents factors.

Key words

cephalometry, decision making criteria, fixed prosthesis, vertical dimension of occlusion

Lors d'une reconstruction prothétique de grande étendue, le choix de la dimension verticale d'occlusion (DVO) est souvent évoqué comme la question centrale, le problème essentiel. Paradoxalement, de nombreux arguments sont fréquemment avancés pour justifier des modifications de la DVO aussi bien dans le sens de l'augmentation que de la diminution : des raisons mécaniques (rétention, espace prothétique, bras de levier corono-radiculaire), esthétiques (profil, rides), neuromusculaires (posture de repos, puissance musculaire) et même articulaire (décompression). Gaspard, en 1985, concluait : « Il n'existe pas de méthode précise et reproductible pour déterminer la DVO » [1]. Palla, en 1995, après une revue de littérature approfondie, confirme : « Malheureusement, en dépit de nos connaissances sur les mécanismes qui régissent les différentes dimensions verticales et l'espace libre, leurs déterminations demeurent un processus clinique essentiellement basé sur l'expérience clinique du praticien » [2]. À l'époque de la dentisterie par la preuve, et malgré 50 ans de publications sur le sujet, ces conclusions placent toujours le praticien face à des choix plus ou moins hasardeux fondés sur l'expérience clinique. Dans ces conditions, comment vérifier que la DVO envisagée sera en harmonie avec tous les déterminants anatomiques, neurophysiologiques ? Quels sont les critères objectifs qui permettraient de décider d'augmenter ou de diminuer la DVO ?

Il est raisonnable de penser qu'il existe un espace optimal pour situer la DVO et non pas un seul point miraculeux [3] ; l'espace libre, et la DVR qui en résulte, correspondant à un phénomène d'adaptation neuromusculaire [4]. Cet espace d'adaptation du niveau vertical de fermeture est défini par une limite supérieure, une limite inférieure et une amplitude, qui reste à définir en fonction du potentiel d'adaptation neuromusculaire de chacun et de paramètres mécaniques à évaluer.

Après avoir cherché à identifier des critères pertinents, des repères insuffisants et des croyances infondées, cet article a pour but de proposer une méthode de réflexion confrontant les déterminants en cause et aboutissant à une décision de conservation, ou de modification quantifiée de la DVO (dans le sens de la diminution ou de l'augmentation).

Définitions [5]

DVO (dimension verticale d'occlusion) : hauteur de l'étage inférieur de la face mesurée entre 2 repères (par exemple : point sous-nasal et gnathion) lorsque les arcades sont en occlusion d'intercuspidie maximale (OIM).

DVR (dimension verticale de repos) : hauteur de l'étage inférieur de la face mesurée entre 2 repères, lorsque la mandibule est en posture de repos ou posture d'inocclusion physiologique.

ELI (espace libre d'inocclusion) : distance entre les surfaces occlusales maxillaires et mandibulaires quand la mandibule est en position de repos. C'est la différence entre la DVO et la DVR.

Idées fausses

La DVO ne pourrait pas être augmentée.

« Conserver la DVO correspondant à l'intercuspidation maximale et ne pas surélever l'articulé » [6]. La conviction qu'une augmentation de la dimension verticale provoque des troubles de l'appareil manducateur dérive de l'hypothèse suivante : une surélévation induit une augmentation du tonus musculaire des muscles élévateurs avec une possible apparition de douleurs musculaires, une augmentation de la mobilité dentaire, et finalement l'ingression de celles-ci. Cette ingression générerait une diminution de la DVO et un retour à sa valeur initiale. Palla [2] remarque que cette dernière hypothèse, très répandue, n'a pas été confirmée, au contraire :

- un certain degré de récidive survient effectivement après une surélévation occlusale, mais il n'est pas constant, et la DVO ne revient pas à la valeur initiale quand (par exemple, en chirurgie orthognathique ou dans les expérimentations animales) celle-ci est augmentée en une fois de plusieurs millimètres ;

- ce degré de récidive, dû aussi bien à un remodelage osseux qu'à une ingression des dents, ne peut être uniquement corrélé à un degré d'augmentation et survient surtout dans les premiers mois ;

- une augmentation de la DVO ne semble pas perturber la fonction masticatoire, il a même été montré que l'augmentation de la DVO entraîne dans la majorité des cas une relaxation des élévateurs [7], ce qui est cliniquement constaté de manière quotidienne avec le port des gouttières occlusales.

Si la typologie squelettique hyperdivergente constitue un frein à l'augmentation, la compétence labiale pourrait en représenter une limite, et comment ne pas lier cette ingression également à un facteur comportemental (crispation, bruxisme) non contrôlé.

La DVO ne pourrait pas être diminuée ou la confusion entre perte de DVO et perte de calage postérieur.

Sur le thème de la diminution de la DVO, des opinions aussi opposées que souvent peu justifiées sont rencontrées : « Tout meulage des cuspides d'appui entraîne fatalement une réduction de la DVO. Opérer ainsi, c'est tenter le diable, c'est-à-dire ouvrir la porte au SADAM » [1]. « Peu de cas justifient une diminution de la DVO » [8]. « Il n'y a pas de problème apparent associé à la diminution de la DVO » [6]. Cette dernière opinion semble confirmée par le travail de Magnusson [9].

Si dans le passé, on a souvent entretenu l'idée selon laquelle les troubles temporo-mandibulaires seraient corrélés à la perte de DVO, c'est vrai-semblablement en raison de la fréquente confusion entre perte de DVO et perte de calage postérieur [10].

Valentin et Martineau [11] remarquent que la DVO correspond à la limite de la rotation d'élévation mandibulaire, ce qui signifie que les variations de la DVO s'effectuent autour de l'axe de rotation bicondylien définissant un angle de rotation. Il est ainsi aberrant de parler de dimension verticale postérieure et de dimension verticale antérieure. Il existe une dimension verticale unique pour l'ensemble du corps mandibulaire, dont les variations s'évaluent en termes de rotation angulaire autour de l'axe bicondylien (rotation antérieure). La perte de calage postérieur correspond au contraire à une rotation mandibulaire postérieure autour d'un point de rotation dentaire, cette situation peut être critique pour l'articulation temporo-mandibulaire (ATM) [12] (fig. 1 et 2).

Abrasion dentaire signifierait perte de DVO.

Depuis Niswonger, en 1938 [13], nous devrions savoir que la présence de dents abrasées ne signifie pas que la DVO est systématiquement diminuée. Une égression compensatrice, en particulier dans le secteur antérieur, est très fréquemment observée. La présence de migration dentaire antérieure, avec ouverture de diastèmes, associée à une perte de calage postérieur semblent être un tableau clinique plus évident [14] (fig. 3).

Posture de repos et espace libre seraient des référentiels cliniques stables.

Rivera-Morales et Mohl [3], Rugh et Drago [7], parmi de nombreux autres auteurs, font état de l'absence de reproductibilité des évaluations de la DVR (clinique ou électromyographique), de la grande variabilité de l'espace libre et de son adaptabilité aux variations de la DVO. À partir d'une hypothétique mesure clinique de l'espace libre, sur quelle base pourrait-on évaluer une DVO ?

Les tests phonétiques constituent des référentiels cliniques stables.

Bien que Silverman [15] considérait l'espace phonétique vertical minimal comme immuable, l'expérience clinique constate qu'il existe une très grande capacité d'adaptation dans ce domaine.

L'utilisation de « sifflantes » (sibilants) ou sons en « S » serait la méthode la plus fiable à condition que le patient ait porté la prothèse environ 1 semaine (au moins 1 jour). Si après 4 semaines, le patient éprouve des difficultés phonétiques, une équilibration est indiquée en plaçant un marqueur sur les dents maxillaires en faisant prononcer par le patient : « 66 » [16], ou des sibilantes (S, Che, Z et F) [17]. Le tout n'a de sens qu'à condition que l'agencement dentaire antérieur ne soit pas en cause! Ainsi, ces tests phonétiques ne constituent qu'un moyen de contrôle a posteriori, c'est-à-dire après la mise en place d'éléments dentaires provisoires véritablement fonctionnels.

Les variations de DVO ont des conséquences sur l'ATM.

La stricte variation de la DVO provoque une rotation mandibulaire autour de l'axe charnière. Ce mouvement de rotation condylienne est, d'une part, parfaitement physiologique et, d'autre part, très limité en quantité de déplacement des structures articulaires. Une surélévation verticale de 1 mm au niveau incisif provoque une rotation condylienne d'environ 1°, ce qui ne correspond approximativement qu'à un déplacement de l'interface condylo-discale de 0,1 mm. Donc, avec des ATM saines, l'augmentation ou la diminution de la DVO n'entraînera pas de contraintes articulaires.

Ce n'est que dans le cas d'atteinte arthrosique marquée de l'ATM (aplatissement condylien) qu'une variation importante de la DVO (supérieure à 2 mm au niveau incisif) pourrait provoquer une situation de contrainte au niveau de l'ATM [18] (fig. 4).

Vraisemblablement, il existe un large espace d'adaptation à des variations de la DVO en sachant que cette variation :

- est strictement en rotation autour de l'axe charnière ;

- n'exagère pas une typologie verticale (hypo-ou hyperdivergence) déjà hors norme ;

- conserve la compétence labiale ;

et que l'on évitera les variations importantes en présence d'ATM arthrosique et chez les patients ayant une faible adaptation neuro-musculo-articulaire.

Critères de décision

La présence d'un espace interocclusal en posture de repos et l'absence de contacts entre les arcades dentaires durant la phonation sont des objectifs de la DVO thérapeutique. Ils semblent qu'ils sont généralement acquis par la simple adaptation spontanée du patient. Ces aspects musculaires paraissent trop variables pour constituer des références fiables, les éléments objectivement appréciables qui influenceront la décision sont donc les suivants :

- esthétique et hauteurs faciales ;

- typologie squelettique et morphologie mandibulaire ;

- recouvrement, surplomb ;

- hauteur prothétique ;

- ATM et coordination neuromusculaire.

Esthétique et hauteurs faciales

La DVO thérapeutique vise un aspect harmonieux du visage par une apparence agréable de l'étage inférieur de ce dernier en occlusion. En dehors de l'appréciation visuelle subjective, des mesures anthropométriques à partir de photographies permettent une quantification et une comparaison par rapport à des documents antérieurs. Ravon [19], à la suite de Mc Gee [20], recherche la mesure de la hauteur inférieure de la face à partir de corrélation par rapport aux distances, nasiongnation, ligne bipupillaire-fente labiale, distance interpupillaire. Cette évaluation permet d'avoir une valeur approchée de la DVO qui paraît plus valide que les analyses proportionnelles trop variables comme le rapport de Wylie entre étage moyen et étage inférieur du visage [21].

Typologie squelettique et morphologie mandibulaire

Les analyses céphalométriques conventionnelles identifient le type squelettique vertical du patient (normal, hyper-ou hypodivergent) et le type squelettique sagittal (classes I, II ou III). Il semble logique que la DVO thérapeutique générée par le traitement n'aggrave pas une éventuelle hyper-ou hypodivergence, mais tende plutôt à la corriger [22]. Une augmentation de la DVO aggravera une classe II squelettique et compensera une classe III squelettique. À l'inverse, une diminution de la DVO aggravera une classe III squelettique et compensera une classe II squelettique.

Par ailleurs, une étude statistique portant sur 450 téléradiographies montre des corrélations entre la hauteur de l'étage inférieur de la face (DVO) et la morphologie mandibulaire mesurée par l'angle goniaque et l'arc mandibulaire. À partir de la mesure de ces angles, une table permet de proposer une DVO en harmonie avec les structures osseuses [23]. Le travail d'Edwards et al. montre également la trop grande variabilité générée par l'utilisation comme référence de la simple valeur angulaire moyenne de l'angle ENA-Xi-pm [24] (fig. 5).

Surplomb et recouvrement

Le recouvrement incisif est en moyenne de 3 à 4 mm et le surplomb moyen est de 2 à 3 mm dans la population actuelle [14]. L'obtention ou le maintien de contact antérieur fonctionnel représentent un des objectifs principaux des traitements prothétiques. Les variations de la DVO influençant directement les relations antérieures, ce sont, le plus souvent, les objectifs antérieurs qui domineront les choix concernant la DVO. Une augmentation de la DVO entraînant une diminution du recouvrement incisif et une augmentation du surplomb, il est possible d'augmenter la DVO face à un excès de recouvrement ou à une insuffisance de surplomb. A contrario, une diminution de la DVO entraînant une augmentation du recouvrement incisif et une diminution du surplomb, il est possible de diminuer la DVO face à un excès de surplomb ou à une insuffisance de recouvrement.

Hauteur prothétique

La rétention est un facteur mécanique influençant directement le pronostic des restaurations fixées. Elle constitue donc un impératif majeur. On peut considérer que la hauteur coronaire des préparations pour coiffe à recouvrement complet doit être supérieure à 5 mm. À l'inverse, la hauteur coronaire ne doit pas être supérieure à la hauteur de l'ancrage radiculaire. Il est important de noter que si la DVO influence directement la hauteur prothétique, l'organisation curviligne des courbes d'occlusion doit répartir cette hauteur harmonieusement entre hauteur maxillaire et hauteur mandibulaire. Enfin, une fois DVO et plan d'occlusion établis, la hauteur prothétique peut être souvent augmentée aux dépens du parodonte par élongation coronaire chirurgicale.

Le choix s'établit entre hauteur de rétention suffisante et rapport couronne/racine favorable. Pour faciliter l'analyse, on discerne la hauteur prothétique postérieure et la hauteur prothétique antérieure. La tige incisive graduée de l'articulateur permet la nécessaire évaluation quantitative en tenant compte des variations proportionnelles liées à la variation angulaire de la mandibule. Ce calcul est permis globalement par la règle des tiers ou par calcul trigonométrique (tabl. I , fig. 6).

ATM et coordination neuromusculaire

Un examen clinique attentif (palpation intra-auriculaire montrant des difficultés de rotation, auscultation de crépitations), associé à une anamnèse caractéristique (historique de traumatismes, d'anciens claquements ayant disparu) et à l'observation d'un simple cliché panoramique (aplatissement condylien) permettent le plus souvent de discerner une ATM saine d'une ATM présentant des phénomènes arthrosiques avancés. Dans ce dernier cas, il est indiqué d'éviter une importante variation de DVO de même que chez des patients suspectés de présenter un faible potentiel d'adaptation neuromusculaire (comme le patient âgé, par exemple). Dans un cadre physiologique, nous aurons un feu vert musculo-articulaire aux changements de DVO.

Rationnel de décision

Le praticien peut jouer dans un espace d'adaptation en fonction des impératifs biologiques, mécaniques ou esthétiques spécifiques du cas clinique. L'étude sur articulateur est irremplaçable pour apprécier directement l'influence des variations de DVO sur les hauteurs prothétiques antérieure et postérieure, sur les relations antérieures (surplomb, recouvrement). Un rationnel de décision peut être proposé en quatre étapes :

- une première étape vérifie le feu vert musculo-articulaire ;

- dans une seconde étape, l'importance de l'obtention ou le maintien de contacts antérieurs en OIM donne un rôle principal aux notions de surplomb et de recouvrement antérieurs ;

- ensuite, les hauteurs prothétiques antérieures et postérieures sont évaluées compte tenu des impératifs mécaniques coronaires ou radiculaires ;

- dans une dernière étape, les répercussions sur l'esthétique et l'influence de la typologie squelettique, la morphologie mandibulaire sont prises en compte.

La fiche proposée, intéressant deux cas cliniques, permet de situer la variation de DVO thérapeutique à envisager en fonction de chaque critère. L'implication sur la DVO est quantifiée en millimètres au niveau des incisives. Une table de calcul propose, pour une même variation angulaire de DVO, les correspondances en millimètres au niveau des incisives et de la tige incisive de l'articulateur (pour un individu de taille moyenne).

Cas cliniques

Cas n° 1 (patient de 61 ans) : diminution de la DVO

Motifs de consultation : hyper-sensibilités dentaires antérieures, demande de traitement prothétique et esthétique.

Anamnèse : céphalées frontales, sinusites, syndrome d'apnée obstructive du sommeil (SAOS) traité par orthèse de propulsion et d'abaissement mandibulaire (OPAM).

Examen clinique : ventilation buccale, cinématique condylienne normale, ATM silencieuses, absence de décalage clinique ORC-OIM, inocclusion incisive, étage inférieur du visage allongé, édentements intercalaires maxillaires postérieurs, nombreuses pertes de substance cervicales. Une restauration prothétique maxillaire étendue est indiquée.

Le faible surplomb incisif est en faveur d'une augmentation de la DVO, les autres critères sont en faveur d'une diminution de DVO. La synthèse des critères conduit à choisir une diminution de 2 mm. La fermeture de l'angle de guidage par diminution du surplombsera compensée par une inclinaison vestibulaire des incisives maxillaires. La diminution de 2 mm fait passer le recouvrement incisif de - 1 à + 1 mm, puis l'abaissement prothétique du bord libre des incisives maxillaires de 2 mm donnera alors 3 mm de recouvrement. Malgré la hauteur coronaire déjà importante, cet allongement est rendu possible par la posture labiale au repos et par le faible découvrement dentaire lors du sourire (fig. 7a, 7b, 7c, 8, 9, 10a, 10b, 11a, 11b, 12 et 13).

Cette diminution de la DVO s'inscrit dans les 8 critères occlusaux de reconstruction (OCTA) présentés dans le tableau II [25].

Cas n° 2 (patient de 58 ans) : augmentation de la DVO

• Motifs de consultation : céphalées temporales, tensions massétérines, hypersensibilités dentaires généralisées, acouphènes de type sifflement plus marqués à droite, demande de traitement prothétique et esthétique.

Anamnèse : hernie hiatale, reflux, lombalgie.

Examen clinique : hypertrophie massétérine, cinématique condylienne normale, ATM silencieuses, absence de décalage clinique ORC-OIM, absence d'interférences, fonction groupe généralisée, étage inférieur du visage bas, nombreuses pertes de substance dentaires par érosions-abrasion combinées.

Une restauration prothétique étendue est indiquée associée à une prise en charge des parafonctions par rééducation comportementale et à un contrôle du reflux gastrique. L'absence de recouvrement est en faveur d'une diminution. Les autres critères sont en faveur d'une augmentation de DVO, souvent forte. La synthèse conduit à choisir une augmentation de 2 mm. Cette légère augmentation de DVO ouvre le surplomb. Un recouvrement supérieur à 3 mm peut être obtenu par simple allongement prothétique de la hauteur coronaire des antéro-maxillaires par abaissement de la position du bord libre (fig. 14, 15, 16, 17, 18a, 18b, 18c et 19).

Cette augmentation de la DVO s'inscrit dans les 8 critères de reconstruction (OCTA) présentés dans le tableau III .

Conclusions

On peut jouer avec la DVO à condition de connaître les règles du jeu, c'est-à-dire profiter des potentialités d'adaptation quand elles existent, optimiser les relations occlusales antérieures, les aspects mécaniques de rétention et le rapport couronne/ racine, compenser légèrement les typologies squelettiques et favoriser l'esthétique. C'est en combinant ces différents critères que le meilleur compromis définit la DVO thérapeutique à envisager. La mise en place de ce projet au travers d'une restauration provisoire permet de le valider, en particulier par rapport à la réponse musculaire. Notre expérience clinique nous incite à réaliser les variations de DVO en une seule étape ; une approche progressive ne semble pas modifier le pronostic et complique lourdement les protocoles.

La recherche clinique d'une position de confort par approche successive ne représente, en aucun cas, une justification physiologique d'un bon équilibre vertical, mais signe beaucoup plus une harmonie des fonctions occlusales de centrage, de calage et de guidage. Inversement, un inconfort ne signifie pas problème vertical, mais problème occlusal, le plus souvent, de déviation mandibulaire ou d'asymétrie de calage ou de guidage.

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