Réalisation d'une prothèse fixée support de prothèse partielle amovible existante - Cahiers de Prothèse n° 121 du 01/03/2003
 

Les cahiers de prothèse n° 121 du 01/03/2003

 

Prothèse composite

Francis Cariou *   Jean Schittly **   Audrey Leidinger ***  


* Ancien assistant associé
** Professeur
*** Etudiante en T1
Faculté d'odontologie
2, rue du Général-Kœnig
51100 Reims

La réalisation d'une prothèse fixée se révèle le plus souvent compliquée lorsqu'une prothèse partielle amovible (PPA) est déjà présente sur l'arcade. Outre les critères d'intégration occlusale et parodontale inhérents à toute construction, il est nécessaire de respecter également ceux qui sont liés au rôle de support d'éléments de rétention et de stabilisation d'une PPA : crochets, taquets, barres cingulo-coronaires, attachements de précision…

Ainsi, il est...


La réalisation d'une prothèse fixée se révèle le plus souvent compliquée lorsqu'une prothèse partielle amovible (PPA) est déjà présente sur l'arcade. Outre les critères d'intégration occlusale et parodontale inhérents à toute construction, il est nécessaire de respecter également ceux qui sont liés au rôle de support d'éléments de rétention et de stabilisation d'une PPA : crochets, taquets, barres cingulo-coronaires, attachements de précision…

Ainsi, il est nécessaire de :

- fournir au laboratoire l'empreinte des préparations, les rapports antagonistes et la prothèse amovible dans son environnement occluso-fonctionnel ;

- réaliser des prothèses fixées transitoires [1] ;

- s'assurer que l'esthétique et la fonction ne seront pas altérées durant la période des travaux ;

- dans le cas contraire, réadapter une ancienne prothèse amovible ou en réaliser une nouvelle.

La littérature de ces deux dernières décennies sur ce thème est peu riche d'enseignements : des auteurs [2] proposent une technique consistant à réaliser directement en bouche une couronne en cire, appliquée sur une chape en résine calcinable et tenant compte de l'intrados prothétique. D'autres [3, 4] conseillent de prendre l'empreinte de la préparation en maintenant en place la PPA.

Ces deux techniques présentent des avantages et des inconvénients. Pour tenter de répondre à des objectifs de précision optimale, une technique différente est proposée. Elle consiste à utiliser des chapes de transfert, solidarisées à la PPA, en occlusion.

Séquences préalables

Réalisation d'une prothèse conjointe provisoire (fig. 1).

Si des reconstitutions corono-radiculaires coulées (inlay-cores) sont indiquées, la technique directe facilite l'appréciation de l'espace ménagé entre préparation et éléments du châssis métallique (fig. 2).

Si le facteur esthétique intervient (par exemple : couronne à réaliser sur la 16), une PPA transitoire est à prévoir : prothèse existante réadaptée en occlusion et rebasée ou réalisation d'une nouvelle PPA transitoire (fig. 3 et 4).

Le cas clinique présenté concerne la réalisation d'un bridge céramo-métallique de 23 à 25 supportant une PPA de classe I de Kennedy.

Séquences cliniques

Prise d'empreintes

Après mise en place des cordonnets (fig. 5), empreinte sectorielle des deux préparations (fig. 6).

Laboratoire

Coulée de deux moulages : le premier destiné à la confection des MPU (montages positifs unitaires) (fig. 7) ; le second à la réalisation de deux chapes de transfert en résine (ou en métal) (fig. 8).

Clinique

Essai des transferts (une perforation sur une arête occlusale permet de vérifier leur mise en place précise), réglage en inocclusion et suppression de toute interférence avec la PPA (fig. 9). Dans tous les cas de figure, il est nécessaire de procéder au montage du moulage antagoniste sur articulateur (fig. 10).

Apport de résine pour solidariser les transferts à la PPA et enregistrer l'occlusion d'intercuspidie maximale (fig.11 et 12).

Empreinte de l'ensemble : PPA + chapes de transfert solidarisées (alginate ou élastomères de moyenne viscosité). Prendre soin de ne pas déstabiliser la PPA lors de l'insertion du porte-empreinte (fig.13 et 14).

Laboratoire

Mise en place et solidarisation des MPU (moulages positifs unitaires) dans les chapes de transfert. Coulage de plâtre dur pour l'obtention du moulage de travail (fig. 15).

Mise en articulateur en OIM (occlusion d'intercuspidie maximale) avec le moulage antagoniste (fig. 16).

Réalisation de l'armature du bridge tenant compte de la morphologie des appuis destinés aux barres et aux taquets occlusaux (fig.17 et 18).

Les positions relatives de la PPA et des MPU fixés en bouche par les chapes de transfert solidarisées au châssis sont précises. Seule une mise en place erronée ou instable des MPU dans les chapes lors de la réalisation du moulage de travail peut être source d'erreurs.

Clinique

Essai de l'armature (fig. 19). Contrôle de l'adaptation de la PPA en interposant un papier marqueur Baush 40µm entre les deux surfaces (fig. 20) et en testant la stabilité de la prothèse amovible.

Tout mouvement de rotation du châssis objective une interférence de la prothèse fixée.

Un contrôle visuel du contact effectif sur leurs appuis dentaires des crochets, taquets et barres cingulo-coronaires confirme l'adaptation correcte, sinon, correction des zones de contact ou de friction excessives, mises en évidence par le papier marqueur, soit sur la PPA, soit sur l'armature coulée (fig. 21).

Laboratoire

Élaboration de la céramique et finition (fig. 22 et 23).

L'adaptation précise de la PPA sur le moulage doit se retrouver en situation buccale.

Clinique

Essai de la prothèse fixée. Contrôle des interférences éventuelles dans les mêmes conditions que précédemment : interférences prothétiques et défauts d'intégration occlusale.

Détection et élimination de tout mouvement de bascule de la PPA (fig. 24 et 25).

Isoler l'intrados de la P PA avec un corps gras et mettre celle-ci en place lors du scellement, avant durcissement du ciment (fig. 26).

Conclusion

Il est toujours délicat d'intervenir sur les fondations d'un édifice construit. C'est également le cas pour la situation clinique décrite. Parmi les différentes techniques proposées, celle qui consiste à fournir au laboratoire la prothèse amovible solidarisée, en occlusion, à des chapes de transfert limite les risques d'erreur. Cela se confirme lorsque cette prothèse présente des appuis mixtes dentaires et muco-osseux. La prise en compte de la visco-élasticité des tissus d'appui permet en effet une approche anatomo-fonctionnelle favorisant le travail de laboratoire et réduisant les retouches au cabinet dentaire.

Avantages de cette technique :

- les rapports entre PPA et préparation(s) sont déterminés avec précision ;

- la solidarisation des chapes de transfert et du châssis s'effectue en occlusion ;

- le prothésiste dispose d'une arcade complète et de la prothèse amovible pour élaborer la prothèse fixée.

Précautions à prendre :

- couler deux moulage, l'un pour le MPU, l'autre pour la réalisation des transferts, pour ne pas risquer de détériorer les limites en réalisant la chape de transfert ;

- supprimer tout contact entre transferts et châssis et entre transferts et dents antagonistes avant d'appliquer la résine pour effectuer la solidarisation et le « mordu » en OIM ;

- solidariser (cire collante) MPU et chapes de transfert avant de procéder au coulage du plâtre pour éviter toute imprécision. Un orifice sur la chape en regard d'une arête palatine de la dent préparée permet le contrôle de son adaptation précise.

Lors de l'empreinte globale, insérer le porte-empreinte axialement pour éviter la mobilisation de la PPA.

Temps passé (clinique) :

2 heures 45 minutes pour 4 séances :

- prothèses provisoires + empreinte alginate antagoniste : 30 minutes ;

- montage sur articulateur : 15 minutes ;

- empreinte sectorielle : 30 minutes ;

- réglage des chapes de transfert, solidarisation, empreinte globale ; 30 minutes ;

- essai armature, réglages : 20 minutes ;

- essai bridge terminé, réglages, scellement : 40 minutes.

bibliographie

  • 1 Lefèvre M. Relation clinique-laboratoire en prothèse composite. Réalités Cliniques 1998;9(4): 465-480.
  • 2 Henderson D, Steffel L. McCracken's partial denture construction. Principles and techniques. Saint Louis : Mosby, 1969.
  • 3 Hutin de Swardt I, Begin M. Réalisation d'une couronne céramo-métallique intégrée à une PAP existante. Réalités Cliniques 1998;9(4):481-487.
  • 4 Bégin M, Buch D. Réintervention en prothèse partielle amovible. Réalités Cliniques 2000;11(3): 325-333.