Clé de remontage en prothèse amovible - Cahiers de Prothèse n° 123 du 01/08/2003
 

Les cahiers de prothèse n° 123 du 01/08/2003

 

Laboratoire de prothèse (dentaire)

Grégoire Mayer *   François Descamp **   Bruno Picart ***   Claude Lefèvre ****  


* Assistant hospitalo-universitaire
** Ancien assistant, chargé de cours
*** Maître de conférences des universités, praticien hospitalier
**** Maître de conférences des universités, praticien hospitalier
Sous-section de prothèses (Pr P.-H. Dupas)
Faculté d'odontologie
1, place de Verdun
59000 Lille

Résumé

La clé de remontage est utilisée en prothèse amovible après le stade de l'essayage des maquettes en cire. Malheureusement, sa technique de réalisation quelque peu fastidieuse décourage parfois certains praticiens. Une nouvelle technique de réalisation faisant appel à des matériaux bien connus des chirurgiens-dentistes est proposée pour simplifier son exécution. La clé de remontage est ainsi plus facile à fabriquer, tant en prothèse amovible partielle que totale, permettant ainsi une utilisation plus large et plus aisée de cette procédure présentant de nombreux avantages.

Summary

Plaster index in removable denture

The plaster index is currently used in removable denture after the fitting stage. Unfortunately, the difficulty to make it may discourage some practicioners to employ it. A new technique using materials very well known from dentists is proposed to simplify its execution. The plaster index is then easier to fabricate, in partial as well as complete removable denture, allowing a larger interest for this procedure presenting numerous advantages.

Key words

fitting session, plaster index, removable denture

La réalisation d'une prothèse amovible totale, désormais parfaitement codifiée, passe par de nombreuses étapes cliniques et de laboratoire. Parmi celles-ci, l'essayage du montage sur cire des dents prothétiques, dernière séance avant l'obtention des prothèses polymérisées, est une étape clé dans le succès final de la restauration prothétique amovible. En effet, il permet une validation, à la fois par le chirurgien-dentiste et le patient - et accessoirement par son entourage - des différents critères esthétiques et fonctionnels.

À l'issue de cette séance, les éléments prothétiques retournent pour une dernière étape au laboratoire de prothèse et reviennent définitivement au cabinet dentaire pour être remis au patient. Pour éviter les pertes de temps et conserver certaines données ayant fait l'objet d'une validation par le praticien et d'un accord explicite de la part du patient, il est notamment indispensable d'enregistrer la situation des dents dans les trois dimensions de l'espace. C'est le rôle des « clés de remontage » qui permettent de s'assurer de la précision des étapes de finition et de polymérisation effectuées au laboratoire.

Le but de cet article est de décrire la technique conventionnelle de réalisation de cette séquence, de mettre en lumière quelques difficultés et inconvénients inhérents à cette technique et de proposer quelques aménagements originaux propres à en améliorer la pratique tant en clinique qu'au laboratoire.

Objectif : vérification de la précision de la polymérisation

La clé de remontage constitue un véritable lien autorisant un dialogue objectif et constructif entre le praticien, le patient et le prothésiste de laboratoire. Cette clé peut être élaborée par le prothésiste dentaire, ou par le chirurgien-dentiste lui-même. C'est cette dernière solution qui devrait être retenue. En effet, lorsque le patient a lui-même validé la justesse du montage esthétique, et que la situation est enregistrée devant lui, il peut être persuadé que le résultat sera préservé de façon objective et contrôlable jusqu'au rendez-vous final. L'utilisation d'un plâtre à prise rapide permet de minimiser le temps de travail.

Classiquement, la réalisation de la clé de remontage consiste à enregistrer, sur un socle en plâtre monté sur la branche inférieure de l'articulateur, les empreintes des surfaces occlusales des dents de l'arcade maxillaire, montées sur cire et positionnées sur le moulage de travail solidaire de la branche supérieure de l'articulateur (fig. 1). À réception des prothèses, le praticien peut vérifier la remise en place parfaite de la prothèse maxillaire d'usage sur sa clé de repositionnement. La méthode pour effectuer cette vérification est la suivante :

- mettre en place la prothèse d'usage sur sa propre clé de remontage ;

- contrôler l'absence d'interférences entre la résine de la base prothétique et le plâtre de la clé de repositionnement ;

- vérifier le parfait engrènement de chacune des dents maxillaires dans son empreinte respective.

Si cela n'est pas le cas, il convient de rechercher attentivement les causes et les conséquences de ces imprécisions (fig. 2).

Le remontage de la prothèse mandibulaire après enregistrement de la relation centrée (articulé de Tench et Campbell), complété par une programmation de l'articulateur semi-adaptable permettent d'évaluer l'importance des erreurs pouvant conduire à :

- une équilibration occlusale conventionnelle ;

- un remontage d'une dent ou d'un groupe de dents ;

- la décision de procéder à un nouveau montage.

Lors de la confection de la clé, il est vivement recommandé de n'enregistrer que la position des seules pointes cuspidiennes des dents maxillaires. Cela pour deux raisons principales :

- si les dents maxillaires sont noyées dans le plâtre, en incluant leurs zones en contre-dépouille, toute tentative pour désolidariser la maquette en cire de la clé de remontage devient aléatoire, et le repositionnement qui s'ensuit, impossible. Il y a ainsi un risque important de détériorer le montage, ce qui rend illusoire la validation de l'étape de l'essayage clinique ;

- à l'issue de la séance d'essai clinique, le prothésiste dentaire améliore la mise en forme de la cire pour effectuer une sculpture et une finition irréprochables. Toute adjonction de cire au niveau notamment des faces palatines de dents maxillaires qui auraient été incluses profondément dans le plâtre empêcherait la remise en place de la prothèse maxillaire sur sa clé de remontage.

Outre son rôle de moyen de contrôle de la précision de la polymérisation, la clé de remontage présente un autre avantage caractérisé par le repositionnement à l'identique des courbes occlusales par rapport à l'axe charnière et aux points de repères anatomiques [1], ce qui dispense d'avoir à nouveau recours à l'arc facial [2].

La prothèse complète maxillaire est ainsi située sur l'articulateur dans la même relation que celle établie lors de la séquence clinique. Si à l'issue du « démouflage », la base de plâtre et sa double base engrenée ont pu être conservées, la dimension verticale d'occlusion peut elle aussi être contrôlée, grâce à la tige incisive qui doit rester dans la même position que celle qu'elle occupait avant l'envoi pour polymérisation [1].

Dans le cas contraire, si la double base et le moulage de travail ont subi des dommages interdisant la remise en place de la prothèse, il suffit de couler le plâtre à prise rapide directement dans l'intrados de la prothèse maxillaire située sur la clé de remontage, pour la resituer correctement sur l'articulateur (fig. 3). Dans le cas où des contre-dépouilles importantes seraient présentes dans l'intrados de la prothèse d'usage, il conviendrait de les éliminer au préalable avec de la cire pour faciliter ensuite sa désinsertion de son nouveau socle.

Cette procédure, tout aussi précise que rapide et convaincante, devrait satisfaire les praticiens les plus exigeants compte tenu du gain de temps clinique que cela peut générer et de la rigueur du travail ainsi effectué [3]. Or, il ne semble pas que ce soit tout à fait le cas. Une explication provient vraisemblablement de la difficulté à monter le socle en plâtre sur la branche inférieure de l'articulateur, tout en ayant soin d'enregistrer précisément l'empreinte des seules pointes cuspidiennes des dents de l'arcade maxillaire.

En effet, soit le socle en plâtre est trop court et dans ce cas il convient de réaliser la technique en deux temps. Soit il est trop important et la maquette en cire maxillaire se retrouve noyée dans le plâtre, rendant ainsi très périlleuse la poursuite de la manipulation. Pour supprimer le plâtre en excès, le passage au taille-plâtre est proscrit compte tenu des courbes de Spee et de Monson qui rendent impossible le respect de l'ensemble des indentations.

Technique proposée pour améliorer le procédé

Pour pallier cet état de fait et au vu des nombreuses difficultés auxquelles étaient confrontés les étudiants du centre de soins dentaires de la Faculté d'odontologie de Lille, une technique novatrice d'enregistrement des pointes cuspidiennes des dents maxillaires, plus rapide et plus sûre que la clé en plâtre traditionnelle, a été proposée. Elle permet une utilisation rationnelle de différents matériaux utilisés en odontologie. Elle est également plus précise. Les courbes fonctionnelles rendant en effet les choses plus difficiles, rares étaient les clés à présenter l'emplacement exact des cuspides de la dernière molaire maxillaire (fig. 4).

La mise en œuvre de cette technique originale requiert l'utilisation d'une cire dure (type Moyco X Hard®, Moyco), associée à un plâtre à prise rapide (Snow-White®, Kerr). Elle débute par le découpage de la feuille de cire aux dimensions exactes de l'arcade prothétique maxillaire. Cette feuille de cire est ensuite réchauffée, à l'aide d'une torche à alcool ou d'un bec Bunsen, avant d'être appliquée sur les dents prothétiques maxillaires (fig. 5). Elle est enfin refroidie dans l'eau glacée après empreintes des pointes cuspidiennes [4].

La plaque de cire est ensuite méticuleusement analysée, pour vérifier que toutes les indentations nécessaires ont été correctement marquées. Si ce n'est pas le cas, il convient de répéter le geste précédent. Elle est alors soigneusement replacée sur la maquette maxillaire, et, si nécessaire, solidarisée avec soin sur celle-ci pour être parfaitement stable. Enfin, une ou deux perforations sont faites au centre de cette cire aménagée pour permettre par la suite sa rétention sur un socle en plâtre (fig. 6).

La suite devient dès lors classique : il s'agit de solidariser l'enregistrement précédent à un socle en plâtre érigé sur la branche inférieure de l'articulateur. À cet effet, le moulage mandibulaire est détaché de l'articulateur et une nouvelle plaque de montage est mise en place avec son bouton de blocage (Articulateur Quick®, Fag). La graduation de la tige incisive est vérifiée.

Un socle en plâtre à prise rapide est ensuite réalisé sur cette plaque de montage. L'opérateur peut éventuellement s'aider d'un gobelet jetable en plastique, découpé aux dimensions souhaitées et retourné, pour faciliter l'élévation de la construction (fig. 7). Il suffit alors de remplir le gobelet de plâtre, légèrement en excès, pour ériger aisément le socle. Le plâtre préparé selon les conditions habituelles vient dès lors fuser naturellement dans les perforations effectuées préalablement dans la cire lors de l'abaissement de la branche supérieure de l'articulateur (fig. 8). L'opérateur doit veiller plus particulièrement au bon soutien de la feuille de cire par le plâtre à prise rapide dans ses moindres contours (fig. 9).

Il suffit ensuite de maintenir fermées les deux branches de l'articulateur jusqu'à la prise complète du plâtre. Cette action doit être menée attentivement en raison de l'exothermie de prise du plâtre, qui risquerait de ramollir la feuille de cire. Il faut ainsi veiller à ce que cette dernière soit complètement refroidie avant de libérer les branches de l'articulateur, pour ne pas perdre les données du précieux enregistrement.

Plus rapide que la technique classique, cette technique de réalisation présente l'avantage de pouvoir être également utilisée facilement en prothèse amovible partielle. En effet, la clé de repositionnement est bien souvent difficile à mettre en œuvre dans cette discipline à cause des contacts qui s'opèrent entre le plâtre des dents restantes du moulage maxillaire d'une part, et le plâtre à prise rapide servant à réaliser la clé d'autre part. L'utilisation de la cire dure permet de contourner ce problème et autorise ainsi une utilisation plus élargie de cette procédure (fig. 10). Enfin, quelle que soit la discipline concernée (prothèse amovible partielle ou totale), le dernier avantage de cette méthode est de conserver les maquettes en cire dans un état de propreté irréprochable (fig. 11). Cette considération se traduit une fois de plus par un gain de temps non négligeable lors des étapes ultérieures de la réalisation prothétique.

La précision apportée par la mise en œuvre de cette technique est amplement suffisante face au résultat attendu (fig.12). Effectivement, dans ces conditions, le repositionnement de la prothèse d'usage se fait sans aucune erreur possible (fig. 13). Néanmoins, pour les praticiens souhaitant obtenir une définition encore plus importante, il est tout à fait possible de rebaser les indentations marquées sur la cire à l'aide d'un ciment de scellement temporaire à prise rapide (ciment oxyde de zinc/eugénol) ou de tout autre technique équivalente permettant d'aboutir au résultat escompté [5].

Conclusion

Les avantages représentés par la clé de repositionnement sont nombreux, tant en termes de rapidité que de fiabilité. Il serait dommage de s'en passer à cause d'une technique de réalisation pouvant parfois paraître fastidieuse. La technique proposée ici permet de simplifier l'exécution de cette construction et d'atteindre le but sans cesse recherché de faciliter certaines manipulations parfois ardues mais sans jamais en altérer les qualités.

bibliographie

  • 1 Lejoyeux J. Conservation des documents avant polymérisation. In : Lejoyeux J. ed.Prothèse Complète 3e édition, Tome 3. Paris : Maloine, 1978:48-50.
  • 2 Rahn AO, Heartwell CM Jr. Laboratory Procedures. In : Rahn AO, Heartwell CM Jr, eds. Text-book of Complete Dentures. 5th edition. London : Lea Febiger, 1993:373-386.
  • 3 Zarb GA, Bolender CL. Waxing and processing the dentures. In : Zarb GA, Bolender CL, Carlsson GE, eds. Prosthodontic treatment for edentulous patients. 11th edition. Saint Louis : Mosby, 1997:332-346.
  • 4 Ogolnick R. Les matériaux d'enregistrement des relations intermaxillaires. Cah Prothèse 1997;100:5-12.
  • 5 Laurent M, Laplanche O, Laborde G, Orthlieb JD. Critères d'enregistrement clinique de la position occlusale de référence. Syn Proth 2000;2 (4):247-259.