Implants postextractionnels et mise en charge immédiate - Cahiers de Prothèse n° 123 du 01/08/2003
 

Les cahiers de prothèse n° 123 du 01/08/2003

 

Implantologie

Nicolas Frydman   

DU d'implantologie Paris XII,
CHU H. Mondor -
Attaché d'enseignement en prothèse fixée Paris VII

68, av. d'Iéna
75116 Paris

Résumé

Gagner du temps… Grand défi de la vie moderne et concept que l'on essaye d'appliquer en pratique quotidienne pour simplifier les traitements et améliorer les compétences du praticien. Cet article présente un cas clinique pour décrire l'extraction de deux prémolaires maxillaires et leur remplacement immédiat par deux implants et deux prothèses transitoires.

Summary

Immediate implant placement and loading : a case report

Saving time… a great challenge in modern life and a concept we try to apply in everyday practice to simplify implant treatment and improve the practitioner's expertise. This paper sets out a clinical case showing the extraction, immediate implant placement and immediate temporization of two maxillary bicuspid.

Key words

immediate implant placement, immediate temporization, single stage surgery

La mise en place d'implants ostéointégrables dans des sites d'extraction et leur mise en charge immédiatement au stade 1 de la chirurgie sont des techniques qui sont en train de « bousculer », voire de révolutionner les techniques conventionnelles en implantologie qui - aussi précieuses soient-elles - ont malheureusement leurs limites pour différentes raisons :

- le temps de latence entre les différentes interventions ;

- la répétition du geste chirurgical ;

- la gestion du patient et des différentes suites opératoires pour chaque intervention ;

- le contrôle du parodonte marginal ;

- la temporisation souvent pénible pour le patient.

Tous ces différents facteurs ont fait progresser les implantologistes vers des techniques moins invasives et répétitives, des gestes plus simples et plus limités dans le temps. Il fallait mettre au point un protocole rapide et fiable, dans le respect de l'esthétique et de la fonction, sans nuire à l'ostéointégration.

Les travaux de Garber et al. sur le secteur antérieur [1], et plus particulièrement sur le remplacement immédiat d'une incisive centrale, montrent non seulement une ostéointégration de l'implant, mais également un résultat esthétique exceptionnel.

Plus récemment, Romanos et Toth [2] concluent, dans une étude multicentrique sur la mise en charge immédiate dans les secteurs mandibulaires, que la réponse osseuse est similaire quelle que soit la technique utilisée (technique en 2 temps avec des implants enfouis ou en 1 temps avec le pilier transgival et mise en charge à 4 mois postopératoires), voire meilleure en ce qui concerne le pourcentage de contact à l'interface os/implant. Cette étude a été confirmée quelques mois plus tard par une publication de Testori et Szmucler-Moncler [3], qui observent à 2 mois de mise en charge un pourcentage de contact os/implant de 39 % pour les implants enfouis contre 64 % pour les implants mis en fonction au stade 1.

Le cas clinique suivant sert de support à la description du cahier des charges exigé par la technique de l'implant immédiat et de la mise en fonction immédiate ainsi qu'à la définition des critères de réussite tant chirurgicaux que prothétiques.

Description du cas

Anamnèse

Mme V. D. consulte pour des douleurs au niveau du cadran maxillaire gauche. L'examen endobuccal montre une mobilité 3 des piliers d'un bridge prenant appui sur 24, 25 et remplaçant 26 grâce à une extension distale (fig. 1).

L'examen radiographique confirme une alvéolyse en distal de 25 ainsi qu'une fracture de la racine palatine de 25 due vraisemblablement au bridge cantilever (fig. 2).

Décision thérapeutique

L'option retenue consiste à extraire les deux prémolaires et à les remplacer immédiatement par 2 implants de type Synchro 2® (Friadent).

Le contexte paraît favorable pour les raisons suivantes :

- l'état général de la patiente est normal, il n'existe pas de pathologies systémiques ;

- quantitativement, l'épaisseur et la hauteur d'os disponibles sont très satisfaisantes (+ de 15 mm) sur 24 et suffisantes sur 25 (environ 11 mm) ;

- qualitativement, la radiographie rétroalvéolaire montre de nombreuses trabéculations ;

- le contexte occlusofonctionnel montre en OIM une classe 1 molaire ainsi qu'une fonction canine en diduction gauche; il n'existe pas d'interférences du côté non travaillant en diduction droite ;

- le contrôle de plaque est satisfaisant.

Phase chirurgicale

Il est procédé à l'avulsion atraumatique de 24 et 25. L'incision ne comporte aucune décharge postérieure pour ne pas nuire à l'apport vasculaire. Elle est intrasulculaire et prolongée d'environ 1 cm sur le sommet de la crête en distal de 25 (fig. 3 et 4).

Le lambeau est décollé soigneusement ; la proximité de la paroi antérieure du sinus conduit à l'indication d'une ostéotomie; les ostéotomes permettent d'augmenter la densité osseuse en « compactant » l'os au lieu de l'éliminer (lors du passage de forets de diamètres croissants). Ils permettent également de soulever la membrane sinusienne sans la léser, d'augmenter de quelques millimètres en longueur le site du futur implant et d'accroître la stabilité primaire de celui-ci. Du Bio-Oss® (Pred) mélangé à de l'os autogène compacté aux ostéotomes est mis en place dans la partie la plus apicale du site implantaire de 25 (fig. 5).

Deux implants Synchro 2® de 5,5 mm de diamètre et de 13 mm de longueur sont impactés, puis vissés à un couple de 40 Ncm (fig. 6).

Il est très important d'assurer à ce stade [4] un torque supérieur ou égal à 35 Ncm, condition primordiale à la mise en fonction immédiate. Il faut prendre garde de situer le centre de l'hexagone interne de l'implant au milieu du couloir occlusal des futures dents provisoires (fig. 7).

Il est également essentiel que l'espace entre la surface de l'implant et la face interne de l'os préparé soit inférieur ou égal à 1 mm. Le cas contraire nécessiterait le recours à une technique de régénération osseuse guidée (ROG) par comblement autogène ou membrane [5]. Des vis de cicatrisation sont mises en place temporairement pour permettre une réalisation plus aisée des sutures (fig. 8).

Il est ensuite très simple de mettre en place 2 piliers de type Protect® (Friadent) transvissés sur les implants et d'adapter deux dents provisoires (fig. 9). Ces dents provisoires sont solidarisées en bouche [6]. Une attention particulière est à porter au profil d'émergence et à l'état de surface. Le point de contact doit être situé idéalement à 5 mm du sommet de la crête osseuse pour espérer obtenir une papille entre chaque implant (fig. 10). Les contacts occlusaux sont ajustés en occlusion statique (OIM) et en occlusion fonctionnelle de façon à ne jamais avoir d'interférences. Sont enfin prescrits : un antalgique (association paracétamol 1 g/ibuproféne 400 mg), une brosse chirurgicale (7/100) et un bain de bouche à la chlorhexidine biquotidien. La patiente est contrôlée à 10 jours pour l'ablation des fils de suture, puis des contrôles cliniques et radiographiques se succèdent à 4 et 6 semaines.

Phase prothétique

À 8 à 10 semaines postopératoires, après contrôle de l'ostéointégration (Périotest® (Straumann)/silence clinique/immobilité), l'empreinte est effectuée et l'on réalise deux piliers transvissés (32 Ncm) et 2 couronnes céramiques sur armature en alliage précieux (fig. 11 et 12).

Le respect du profil d'émergence et de la « règle des 5 mm » ont permis d'obtenir une papille entre chaque implant (fig. 13 et 14).

L'intégration esthétique des couronnes ainsi que la santé du parodonte marginal peuvent être constatées sur les figures 13, 14 et 15 . Les embrasures sont suffisamment dégagées pour permettre une pratique efficace de l'hygiène.

Conclusion

Lorsque l'indication est correctement posée, l'implant immédiat offre de nombreux avantages. Pour le patient, cela réduit la phase chirurgicale à une unique intervention et permet la mise en place immédiate de dents provisoires (facteur psychologique positif). Ce dans la mesure où la stabilité primaire est obtenue lors de la pose des implants. Pour le praticien, le gain de temps est considérable par rapport à une technique classique. De plus, cette méthode permet d'éviter une perte plus ou moins importante d'os alvéolaire, liée à une extraction. La mise en place immédiate des implants permet le maintien de la structure osseuse et du parodonte marginal et le résultat esthétique final est par conséquent plus prévisible [7, 8].

Remerciements au laboratoire Créatif dentaire et plus particulièrement à M. Malherbe.

bibliographie

  • 1 Garber D, Salama H, Salama M. Immediate total tooth replacement in the external root resorption case. Clinic Oral Implants Res 2002;13(3);281-287.
  • 2 Romanos GE, Toth CG. Histologic and histomorphometric evalution of peri-implant bone subjected to immediate loading: an experimental study with macaca fascicularis. Int J Oral Maxillofac Implant 2002;17(1):44-51.
  • 3 Testori T, Szmucler-Moncler S. Healing of osseotite implants under submerged and loading conditions in a single patient: a case report. Int J Rest Dent 2002;4:345-353.
  • 4 Aires I, Berger J. Immediate placement in extraction sites followed by immediate loading: a pilot study and case presentation. Implant Dent 2002;11(1):87-94.
  • 5 Scarano A, Iezzi GJ. Immediate post-extraction implants: a histologic and histometric analysis in monkeys. Oral Implantol 2000;26(3):163-169.
  • 6 Hruska A, Borelli PJ. Immediate loading implants: a clinical report of 1301 implants. Oral Implantol 2002;28(4):200-209.
  • 7 Cooper LF, Rahman A. Immediate mandibular rehabilitation with endosseous implant: simultaneous extraction, implant placement, and loading. Int J Oral Maxillofac Implants 2002;17(4):517-525.
  • 8 Lazzara RJ, Porter SS, Testori TJ. A prospective multicenter study evaluating loading of osseotite implants two month after placement: one year result. Esthet Dent 1998;10(6);280-289.

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