Économie tissulaire et esthétique - Cahiers de Prothèse n° 124 du 01/12/2003
 

Les cahiers de prothèse n° 124 du 01/12/2003

 

Prothèse fixée

Stéphane Viennot *   Guillaume Malquarti **   Yves Allard ***  


* Assistant
hospitalo-universitaire, département de prothèses -
Ancien interne en odontologie

** Maître de conférence
des Universités - Responsable du Département de
Prothèses

*** Maître de conférence des Universités
- Département de prothèses
Service d'odontologie des hospices civils de Lyon
Unité Fonctionnelle de Prothèses
6-8, place Depéret
69365 Lyon Cedex 07

Résumé

En odontologie, la préservation maximale du tissu dentaire participe de manière notoire à la pérennité de l'ensemble dent-restauration. Actuellement, dans le cadre d'une dentisterie préventive et d'une politique médicale de soins fonctionnels et esthétiques de qualité, l'économie tissulaire doit s'imposer. Le respect de ces notions, parfois antagonistes, représente le véritable enjeu des restaurations partielles indirectes actuelles. Parmi celles-ci, les inlays/onlays en alliage précieux de type III restent des restaurations de choix par rapport aux inlays/onlays céramiques. En effet, malgré des résultats esthétiques immédiats incontestables, ces derniers exigent souvent des épaisseurs de préparation plus importantes, donc moins économes. Mais dans tous les cas, le clinicien choisira, en concertation avec son patient, la restauration la plus adaptée aux multiples exigences.

Summary

Oral tissues saving and aesthetic: metal or porcelain inlays or onlays?

In odontology, the maximal preservation of oral tissues contributes indeed to the longevity of the tooth-restoration entity. Currently, in the framework of preventive dentistry and medical policy geared towards top-quality functional and aesthetic treatments, tissues saving must take first stage. The respect of these notions - sometimes antagonistic - represents a real stake with regard to the current indirect partial restorations. Among those, the inlays/onlays with type III precious alloy remain the best choice restorations compared to ceramic inlays/onlays. As a matter of fact, in spite of certain immediate aesthetic results that cannot be discussed, the latest demand greater thicknesses in the preparation, thus less economical. But in any case, the clinician will select - in accordance with his patient - the most appropriate restoration to multiple demands.

Key words

aesthetic, inlays/onlays, oral tissues saving

L'Organisation mondiale de la santé a défini la carie comme « une altération spécifique de la dent, maladie d'origine polymicrobienne, d'étiologie multifactorielle, aboutissant à une dissolution des tissus dentaires dans les fluides de la cavité buccale ». Les thérapeutiques étiopathogéniques de la carie ont considérablement progressé ces 20 dernières années, et dans le contexte actuel de prévention, elles conservent toute leur efficacité : règles d'hygiène et d'alimentation, tests diagnostiques des terrains à risque, action sur le biofilm buccal, importance du fluor [1]. Ces thérapeutiques préventives appliquées avec sérieux trouvent tout leur intérêt dans la préservation du capital dentaire des patients en réalisant en quelque sorte « la plus belle et incontestable des économies tissulaires » .

En effet, la préservation maximale du tissu dentaire participe de manière notoire à la pérennité de l'ensemble dento-prothétique [2]. Dietschi et al. [3] ont montré une diminution de la résistance d'une dent restaurée par rapport à une dent intacte.

Actuellement, dans le cadre d'une dentisterie préventive et d'une politique médicale de soins de qualité, l'économie tissulaire s'impose non seulement pour éviter les surtraitements (représentés par des délabrements non justifiés de l'organe dentaire), mais aussi pour prévenir les multiples retraitements de plus en plus invasifs et mutilants à chaque intervention.

Ce concept doit d'ailleurs s'envisager sous deux aspects :

- une économie tissulaire « immédiate » avec des préparations peu délabrantes, nécessaires, mais suffisantes, dans un but de moindre agression et de résistance mécanique maximale ;

- une économie tissulaire « à long terme », probablement la plus importante, qui est l'expression clinique de la qualité et de la pérennité de l'ensemble dento-prothétique.

Toutefois, le patient montre souvent plus d'intérêt pour des considérations esthétiques, qui s'imposent comme des exigences thérapeutiques. Le rôle du clinicien consiste donc à réaliser un geste « économe », tout en garantissant un résultat esthétique irréprochable. Le respect mutuel et simultané de ces deux notions, parfois antagonistes, représente le véritable enjeu des thérapeutiques modernes de dentisterie restauratrice et prothétique.

Cet article tentera de démontrer que les inlays/onlays métalliques répondent à ces objectifs actuels, parmi l'ensemble des restaurations partielles indirectes et leurs différents concepts de mise en œuvre : la première partie exposera les intérêts et les avantages des inlays/onlays ; la deuxième partie traitera de leurs incidences esthétiques actuelles. Enfin, le concept d'économie tissulaire globale sera évalué et comparé pour les inlays/onlays métalliques et céramiques.

Intérêts et avantages des inlays/onlays

En cas d'échec des thérapeutiques étiopathogéniques, le développement carieux engendre un délabrement amélo-dentinaire qui impose l'élimination de la totalité du tissu atteint, suivie d'une restauration. Un des grands principes gouvernant la dentisterie restauratrice est d'économiser au maximum le tissu dentaire pour envisager une réalisation fonctionnelle, esthétique et pérenne. Des restaurations directes peuvent répondre à cette attente. Toutefois, pour traiter une perte de substance importante ou pour un résultat plus soigné et durable, il convient de réaliser une restauration partielle indirecte de type incrustation métallique ou à vocation esthétique, appelée plus simplement « inlay » lorsqu'elle reconstitue un volume modéré intéressant une ou deux faces, ou « onlay » quand le volume reconstitué est plus important avec un recouvrement cuspidien [2].

Ces restaurations sont très appréciées pour leurs nombreux avantages :

- qualité de l'adaptation cervicale ;

- restauration des surfaces de contact physiologiques ;

- sculpture anatomique de la face triturante ;

- excellent état de surface ;

- restauration d'une occlusion fonctionnelle ;

- rétablissement des profils d'émergence ;

- respect de la santé gingivale ;

- respect ou rétablissement de l'esthétique.

Les figures 1a, 1b, 1c, 1d, 2a, 2b, 2c, 3 et 4 montrent que les inlays/onlays métalliques en alliage précieux présentent la plupart de ces avantages.

Exigences esthétiques actuelles et inlays/onlays

Pour poser l'indication d'une restauration partielle indirecte, le praticien procède à l'examen clinique et radiographique et choisit parmi les expressions cliniques actuelles des inlays/onlays qui regroupent trois familles principales, caractérisées par leur matériau de réalisation : inlay/onlay en métal précieux, en céramique ou en composite de laboratoire. Dans son devoir d'information, le praticien doit expliquer les raisons qui ont motivé son choix, avec clarté et pédagogie, sans oublier les avantages et inconvénients. Le dialogue est ici primordial pour bien exposer les priorités de chacun qui peuvent être antagonistes. En effet, le praticien privilégie la notion d'économie tissulaire, raison d'être d'une restauration partielle tandis que le patient est le plus souvent inflexible sur le caractère esthétique du résultat.

L'éclat du sourire, un reflet de jeunesse et de séduction sont des exigences actuelles bien légitimes de la majorité des patients. Elles contre-indiquent sans contestation la réalisation d'incrustations métalliques sur les dents antérieures [4, 5] au profit des restaurations directes (composites) ou indirectes (de type facettes de céramique ou incrustations partielles en céramique collées) qui bénéficient des dernières améliorations au service d'un résultat esthétique remarquable (fig. 5a, 5b et 5c) [5]. Dès 1980, Mac Lean affirmait que l'utilisation de la céramique pour la réalisation d'inlays et d'onlays en odontologie restauratrice était devenue plus populaire que les alliages d'or « bien que l'or ait prouvé ses bonnes performances en termes de durée » [6].

C'est en effet une forte demande des patients pour un résultat esthétique qui a popularisé les restaurations céramiques [7], en incitant les chercheurs et industriels à la mise au point de nouveaux matériaux très esthétiques et performants (fig. 6), alliés à des techniques modernes d'adhésion amélo-dentinaire sans cesse améliorées. Cette recherche du mimétisme parfait avec la dent naturelle est fondée sur la libre pénétration de la lumière à travers la restauration et les tissus environnants [8] et oblige souvent à réaliser des préparations étendues et recouvrantes pour satisfaire aux exigences de résistance mécanique occlusales. Toutefois, elles sont toujours remarquablement plus économes en tissu dentaire et moins dangereuses pour la pulpe qu'une préparation périphérique pour couronne à vocation esthétique [8, 9], qui reste actuellement la seule autre alternative de restauration du secteur antérieur.

À partir des prémolaires, une incrustation métallique peut être envisagée selon le délabrement carieux et en accord avec le patient. Dans notre société du « tout paraître », ce type d'incrustation bénéficie actuellement d'une mauvaise réputation qui lui est fatale dans bien des cas, même si la restauration de grande qualité est invisible lors du sourire, de la vie sociale et des mimiques. Le thérapeute doit faire preuve de tempérance, diplomatie, mais ne pas cacher la vérité. Un résultat esthétique imprévu et décevant de type retour mésial métallique vestibulaire, non accepté au préalable par le patient, est considéré comme un échec (fig. 7a, 7b et 7c). Seule l'expérience peut conduire le praticien à visualiser mentalement au préalable l'étendue de la préparation pour proposer une restauration adaptée.

Ainsi, l'esthétique est effectivement une priorité impérieuse pour le secteur antérieur et les zones « visibles » pour lesquelles existent d'excellents matériaux au service de résultats performants. Pour tous les autres secteurs, il s'agit de préférer le type d'inlay/onlay le plus adapté au cas clinique, mais avec le concept d'économie tissulaire comme priorité.

En résumé :

• Pour le secteur antérieur où l'esthétique est une priorité, les restaurations partielles sont des facettes ou des « chips » de céramique. L'esthétique prime sur l'économie tissulaire.

• Les zones potentiellement « visibles » sont restaurées par des inlays/onlays cosmétiques ou métalliques en concertation avec le patient, en privilégiant autant l'esthétique que l'économie tissulaire.

• Pour tous les autres secteurs, il s'agit de choisir le type d'inlay/onlay le mieux adapté au cas clinique, en privilégiant des préparations très conservatrices.

Économie tissulaire des inlays/onlays

Recul clinique

Avec bientôt un recul clinique de 100 ans, les inlays/onlays en métal précieux ne cessent de donner satisfaction non seulement pour leur longévité et la précision de leur adaptation, mais aussi pour la qualité et le maintien de la stabilité occlusale [6, 10-13]. Studer et al. [13] ainsi que Erpenstein et al. [14] rapportent des taux de succès importants sur le long terme : 96 % à 10 ans, 87 à 99 % à 20 ans, 73 % à 25 et 30 ans.

Contre toute attente, l'inlay en céramique est une technique ancienne, imaginée dès le siècle avec des XVIIIe tentatives de mise en œuvre infructueuses à la fin du siècle. Ces tech-XIXe niques n'ont pu « ressusciter » avec fiabilité que dans les années 1980 grâce à l'avènement des processus de collage et les améliorations des propriétés mécaniques, physiques et esthétiques du matériau céramique [15].

Les études rapportant l'évolution clinique des restaurations partielles en céramique sont assez restreintes, mais selon Fuzzi et Rappelli [16], le taux de réussite à 10 ans de 95 à 97 % des inlay/onlays métalliques est similaire à celui de ses homologues céramiques. Toutefois, ils précisent que les études examinées ne sont pas superposables. Van Dijken et al. [17] rapportent que l'utilisation de céramique pressée renforcée à la leucite, très résistante, offre 93 % de succès après 5 ans. Les auteurs précisent que de multiples évaluations cliniques doivent être réalisées sur le plus long terme pour confirmer ces résultats. Dans une autre étude, Fuzzi et Rappelli [15] confirment que le comportement clinique des inlays/onlays céramiques n'est pas encore établi, mais rapportent l'existence de résultats très enthousiastes sur le taux de succès à moyen et long termes (de 18 mois à 9 ans) ; ils relèvent d'autres durées de vie nettement plus faibles, mais dues à des erreurs cliniques : surextension des indications et manque de maîtrise des préparations et du protocole de collage. Cela confirme, s'il en était besoin, que la réalisation d'un inlay-onlay en céramique n'est pas une solution de facilité et impose une rigueur à chaque étape, particulièrement lors du collage.

Les nouvelles générations de composites de laboratoire des années 90 sont des matériaux plus proches des céramiques que des résines en présentant l'avantage d'être plus résilients [18]. Leur utilisation n'est plus à discuter et malgré de nombreuses études in vitro présentant des résultats très encourageants, il est prudent d'attendre des résultats cliniques plus poussés sur leur devenir à long terme [19]. Le concept d'une restauration adhésive implique le respect d'une préparation cavitaire avec une économie tissulaire comparable pour les restaurations en composite de laboratoire ou en céramique. Ainsi, dans le cadre d'une comparaison avec les inlays/onlays métalliques, ne seront envisagées que les restaurations céramiques qui offrent un recul clinique plus important que celui des composites de laboratoire.

D'après ces constatations, l'économie tissulaire « à long terme » semble être nettement en faveur des incrustations métalliques, grâce à leur excellent recul clinique.

Indications

L'indication de réalisation d'un inlay/onlay est posée en fonction [2, 4] :

• de l'examen clinique :

- volume dentinaire sain compatible avec l'établissement des principes mécaniques de rétention et stabilisation, en excluant les dents antérieures et les délabrements volumineux ;

- hauteur de couronne clinique suffisante ;

- volume pulpaire réduit ménageant une distance de 1 mm entre la paroi pulpaire et la préparation (évaluation radiographique long cône) ;

- faible indice de Le Huche qui révèle une dent « peu triangulaire », en évitant l'effraction pulpaire ;

- état parodontal satisfaisant ;

- occlusion favorable ;

- hygiène personnelle satisfaisante sans prédisposition aux polycaries ;

- faible risque carieux ;

• de l'examen radiographique du type bite-wing, évaluant le volume carieux, le volume dentaire sain subsistant et la proximité pulpaire [20, 21] ;

• des considérations esthétiques du patient qui devra accepter la thérapeutique et faire preuve d'une bonne motivation.

Les restaurations céramiques voient leurs indications de réalisation étendues à toutes les dents quel que soit le volume du délabrement, en raison de leurs qualités esthétiques et de l'utilisation du collage comme moyen d'assemblage. La réalisation de limites juxta- ou supragingivales est une exigence pour un collage de qualité. En dehors d'un résultat esthétique excellent, de rares cas avérés d'allergie aux métaux ou des risques de corrosion galvanique endobuccale peuvent indiquer également la réalisation d'inlays/onlays en céramique. Comme pour leurs homologues métalliques, ces restaurations sont fortement déconseillées chez les patients non motivés et dépourvus d'une excellente hygiène buccodentaire. Elles sont également contre-indiquées chez les patients bruxomanes ou présentant des parafonctions, des facettes d'usures marquées et une occlusion traumatogène, car dans ces conditions, les risques de fracture du matériau ou d'usure de la surface dentaire antagoniste sont très élevés.

Mise en œuvre et conception des préparations pour inlays/onlays

Objectifs généraux

Une réflexion sur la conception des préparations est conduite avec trois objectifs à l'esprit, parfois antagonistes :

- économie tissulaire ;

- esthétique ;

- scellement ou collage ?

Situation de la limite de finition en fonction des indications

Dans tous les cas d'inlays/onlays, il convient de privilégier la réalisation de limites de finition facilement accessibles pour :

- favoriser la mise en place de la digue et réaliser un collage en toute étanchéité ;

- faciliter l'accès et le polissage du joint collé ;

- brunir efficacement la limite périphérique d'une restauration en alliage précieux ;

- optimiser l'hygiène en exposant le joint au brossage.

Dans le cas de caries profondes, la limite de la future restauration ne doit en aucun cas empiéter sur la distance biologique. Une radiographie pré-opératoire évalue la proximité du délabrement carieux avec le niveau osseux alvéolaire pour déduire la limite de la préparation et le type d'onlay correspondant :

- limite supragingivale : inlay/onlay métallique ou céramique ;

- limite juxtagingivale : inlay/onlay métallique ou céramique si l'étanchéité est garantie lors du collage ;

- limite infragingivale : inlay/onlay métallique scellé, avec finition biseautée. Si l'exigence esthétique est absolue, un inlay/onlay céramo-métallique peut être envisagé au prix d'un délabrement tissulaire plus important, mais cette réalisation peu courante réclame une grande technicité de laboratoire (fig. 8). L'unique alternative esthétique réside dans la réalisation d'une préparation coronaire périphérique pour couronne à vocation esthétique, au prix d'un délabrement tissulaire encore plus conséquent ;

- limite empiétant sur la distance biologique : élongation coronaire obligatoire pour revenir à une situation supragingivale.

Principes de préparation liés au scellement ou au collage

Pour réaliser un inlay/onlay métallique, le principe est d'obtenir une préparation partielle avec une faible dépouille (idéalement 6 à 8°) et des parois hautes en opposition. C'est le cas clinique et la réflexion du praticien qui guident la réalisation de la préparation, plus que la reproduction stéréotypée d'un type d'inlay/onlay référencé par le nom de son auteur. Parmi les plus fréquents, peuvent être distingués [22] :

- l'onlay de Mac Boyle, qui respecte les pointes cuspidiennes et leurs rapports occlusaux ;

- l'onlay de P. Thomas, qui présente une tranchée large occlusale avec un recouvrement cuspidien total ;

- l'onlay de Klaffenbach, avec un rôle d'ancrage sur molaire mandibulaire mésioversée ;

- l'onlay de Lackermance [23] et l'onlay de Kabnick pour les dents antérieures.

Le scellement est réalisé le plus souvent au ciment oxyphosphate de zinc, ciment de référence éprouvé par le temps et utilisé dès 1879. Son succès est attesté par de multiples études longitudinales : « La survie à long terme d'un grand nombre de restaurations apparaît globalement supérieure avec l'utilisation d'un ciment au phosphate de zinc » [24]. Ceci est lié à sa grande fiabilité, sa parfaite tolérance, sa constance dans les performances. La rétention est assurée conjointement par la préparation et le clavetage micro-mécanique autorisé par le sablage de l'intrados de l'inlay/onlay [25]. Bien que les valeurs moyennes de rétention d'un ciment au phosphate de zinc soient inférieures à celles d'un ciment au verre ionomère, elles sont largement suffisantes dans le cas d'une prothèse conventionnelle avec des principes de rétention dévolus à la préparation.

Pour les inlays/onlays céramiques, ce sont les propriétés mécaniques du matériau, les principes de l'adhésion et la topographie de la perte de substance qui guident la réalisation de la ligne de contour de la préparation [10, 20, 26]. Le praticien ne cherche pas à obtenir une rétention ni des parois en opposition, mais à rester supra-gingival en conservant le maximum d'émail périphérique pour la qualité de l'interface de collage céramique/dent. La rigueur de la mise en œuvre de la procédure de collage ne doit pas être sous-estimée, elle reste plus complexe qu'un scellement.

Le mode d'assemblage par collage potentialise la démarche conservatrice et développe le concept de renforcement réciproque des structures en présence [27], phénomène proportionnel à la surface de l'interface de collage [28]. Pour une dent dépulpée, certaines études incitent donc à la réalisation d'une restauration partielle en céramique collée afin d'améliorer sa résistance biomécanique qui resterait à la base aussi grande que celle d'une dent pulpée [29, 30]. Pour d'autres auteurs, une dent dépulpée reconstituée par un onlay présenterait trois fois plus de risque de fracture à 20 ans [13].

Précisons également que les restaurations métalliques peuvent être également collées pour favoriser encore la préservation du tissu dentaire en recherchant moins de rétention dans l'architecture des préparations. L'utilisation d'une résine de collage très performante de type 4-META (Super-Bond®, Générique International) est à privilégier.

Ainsi, dans une réflexion concernant exclusivement le mode d'assemblage, le collage autorise des préparations d'inlay/onlay plus économes en tissu dentaire que le scellement, qui demande une architecture plus rétentive et travaillée.

Préparations et économie tissulaire

• Éléments annexes de rétention

Pour les restaurations métalliques, les exigences de rétention peuvent être d'emblée en adéquation avec le volume coronaire sain subsistant après éviction carieuse. Dans le cas contraire et pour éviter des mutilations excessives d'approfondissement ou d'élargissement des cavités, il est conseillé d'ajouter des éléments annexes qui multiplient la rétention (fig. 9a, 9b, 9c, 10a, 10b et 10c) :

- les puits : cavités cylindriques ou cylindro-coniques verticales ;

- les boîtes : cavités proximales ou non, englobant un délabrement carieux ;

- les cannelures : sillons axiaux hémi-cylindriques ;

- les rainures : sillons horizontaux de surface, longs et fins ;

- les tenons dentinaires : puits réalisés à l'aide d'un forêt calibré (fig. 11a et 11b , 12a et 12b). Ils se révèlent peu délabrants et décuplent la rétention en réduisant les axes d'insertion possibles à un seul. Ils illustrent une véritable expression clinique d'économie tissulaire.

• Épaisseur de la restauration

Une grande vigilance est de règle lors de la reconstruction des secteurs cuspidés en privilégiant la résistance mécanique de la restauration. Pour la céramique, elle devient proportionnelle à son épaisseur jusqu'à un certain stade à partir duquel la pièce est plus fragile [31] indiquant la mise en place d'un ciment verre ionomère pour réduire le volume de la cavité. Une épaisseur minimale occlusale de 2 à 2,5 mm s'impose pour la céramique, aussi bien en statique que lors des mouvements d'excursion mandibulaire. De plus, une largeur minimale de 2 mm au niveau des isthmes est à respecter. Ces épaisseurs peuvent être ramenées à 1 mm dans le cas d'un onlay métallique (fig. 13a et 13b), car l'utilisation de métal autorise une rigidité importante, compatible avec une faible épaisseur, ce qui s'affirme à nouveau comme réelle source d'économie tissulaire.

• Limite périphérique

La céramique résiste bien à la compression, mais se fragilise face à des forces de traction et de cisaillement. Son soutien périphérique obligatoire est réalisé en aménageant une ligne de finition de type congé large ou épaulement interne arrondi de 0,8 à 1 mm, peu économe en substance dentaire.

A contrario, le matériau métallique, résistant sous fine épaisseur, autorise une limite périphérique fine qui vient « mourir » sur les biseaux et contre-biseaux de la ligne de finition. Selon Leinfelder [32], les alliages nobles sont les seuls crédibles parmi tous les alliages pour la réalisation d'inlays/onlays, car ils possèdent des qualités de coulabilité, polissage et finition supérieures, majorant l'adaptation finale. De plus, ils autorisent un brunissage des limites grâce à leur aptitude à l'allongement, ce qui améliore encore la précision du joint métal/dent, pourtant déjà très performante : dans une étude clinique, Wolf et al. [33] évaluent le joint des inlays/onlays en or à 64 ±18 μm, avant brunissage.

• Alliage utilisé et économie tissulaire

Connus pour leur résistance à la corrosion endobuccale et leur biocompatibilité, les métaux précieux restent d'une incontournable actualité. L'alliage précieux à privilégier est un or de type III selon la classification de l'Association dentaire américaine (spécification n° 5), correspondant à la norme ISO 1562 et renfermant 75 à 80 % d'or. C'est l'alliage qui affiche le plus de propriétés favorables et adaptées à la réalisation de ces incrustations métalliques coulées [4]. Sa faible usure assure précision et pérennité des rapports occlusaux. Les progrès métallurgiques de ces alliages précieux (système Au-Ag-Cu [34]) permettent une qualité de mise en œuvre et des propriétés élevées de résistance mécanique qui autorisent des réalisations « modernes » moins recouvrantes et moins délabrantes donc très économes en tissu dentaire.

Conclusion

La réalisation d'un inlay/onlay en alliage précieux de type III reste une restauration de choix d'une grande actualité, car elle réclame une préparation nettement plus économe en tissu dentaire qu'une préparation coronaire périphérique, encore trop systématiquement réalisée. Les inlays/onlays en céramique exigent des épaisseurs plus importantes malgré des préparations d'apparences plus simples et économes. Elles n'autorisent ni une procédure de collage approximative ni une surextension des indications.

Toutefois, dans certaines situations cliniques, le caractère inesthétique du métal favorise la confection bien légitime d'inlays/onlays collés à vocation esthétique, aux résultats immédiats incontestables malgré les incertitudes qui demeurent sur le comportement à moyen et long termes des matériaux et du joint collé.

Seule l'économie tissulaire « à long terme » est importante, car elle reflète un concept qui reste d'une éclatante actualité : la pérennité de la restauration dento-prothétique. Le clinicien responsable doit savoir ménager toutes les susceptibilités et établir un plan de traitement de compromis pour effectuer une restauration partielle esthétique et durable, selon les spécificités du cas clinique, les souhaits du patient et les « données acquises de la science ».

Nota Bene - Les cas cliniques illustrés par les figures 2a, 2b, 2c, 3, 4, 5a, 5b, 5c, 6 et 7a, 7b, 7c et 9a, 9b, 9c, 10a, 10b, 10c, 13a, 13b ont été réalisés par le Dr. Stéphane Viennot avec la collaboration du laboratoire Christian Pfeffer. Les figures 1a, 1b, 1c, 1d, 8,11a, 11b, 12 illustrent les cas du Pr Christian Pirel.

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