Anatomie des dents humaines permanentes - Cahiers de Prothèse n° 126 du 01/06/2004
 

Les cahiers de prothèse n° 126 du 01/06/2004

 

LES CAHIERS D'ANATOMIE

Georges Papathanassiou  

Docteur en chirurgie dentaire -
Lauréat de l'Académie nationale de chirurgie dentaire
Ancien assistant HU, responsable de l'enseignement de l'anatomie dentaire à la Faculté d'odontologie de Reims

3d, rue des 16-et-22e-Dragons - 51100 Reims

Résumé

Cet article consacré à l'anatomie des prémolaires maxillaires comporte deux aspects : l'un destiné à l'étude des formes et des dimensions de dents « types » avec un guide de dessin, l'autre consacré à la présentation de variantes anatomiques de ces mêmes dents et des difficultés potentielles que chacune d'elles peut entraîner dans la pratique clinique.

Summary

Anatomy of permanent human teeth : maxillary premolars

This paper deals with the anatomy of maxillary premolars under two aspects : the first one studies shapes and dimensions of typical teeth with a drawing guide, the second one sets out the different anatomical variations encountered and their clinical relevance.

Key words

dental anatomy, maxillary premolar

La première prémolaire maxillaire présente une grande variété de formes coronaires et radiculaires. C'est une dent bicuspidée, biradiculée, monoradiculée ou triradiculée. Elle est diphysaire 1 : elle succède sur l'arcade à la première molaire maxillaire temporaire. Sa calcification débute entre 1 an et demi et 2 ans. La formation de la couronne intervient entre 5 et 6 ans et son apparition sur l'arcade vers 10 à 11 ans. La calcification de la racine est complète entre 12 et 13 ans.

La couronne, aplatie dans le sens mésio-distal, présente cinq faces :

- la face vestibulaire, de forme pentagonale, rappelle celle de la canine maxillaire. Toutefois, elle est massive et plus courte dans le sens cervico-occlusal. Elle diffère de la canine par les zones de contact intermarginales qui sont à peu près au même niveau mésialement et distalement ;

- la face palatine, de contour plutôt ovalaire, est moins haute et plus étroite dans le sens mésio-distal que la face vestibulaire. La vue palatine, outre la pointe de la cuspide palatine, laisse apparaître, en deuxième plan, une grande partie du contour de la face vestibulaire avec une partie des faces mésiales et distales de la couronne ainsi qu'une fraction de la cuspide vestibulaire ;

- les faces proximales dessinent une forme trapézoïdale à base cervicale, le côté occlusal étant moins large à cause du rétrécissement assez marqué des cuspides et la cuspide vestibulaire descendant, en position buccale, plus bas que la cuspide palatine : c'est une caractéristique importante ;

- la face occlusale est de forme générale hexagonale et d'un relief complexe. Elle est constituée de deux cuspides importantes, une vestibulaire et une palatine, séparées par un profond sillon intercuspidien principal mésio-distal qui réunit les deux fossettes mésiale et distale. Les deux crêtes marginales mésiale et distale à orientation vesti-bulo-palatine font la liaison entre les deux cuspides.

La cuspide vestibulaire est de volume plus important que la cuspide palatine et présente une caractéristique à retenir : par rapport à l'axe médian vestibulo-palatin, le sommet de la cuspide palatine est mésialé tandis que le sommet de la cuspide vestibulaire est légèrement distalé. La racine de la première prémolaire maxillaire est généralement bifide : une racine vestibulaire et une racine palatine 2. Quelquefois, la dent se présente avec une seule racine et d'autres fois, avec trois racines (deux sont situées du côté vestibulaire et une du côté palatin). Ces racines se séparent à une hauteur variable, formant ainsi un tronc cervical 3 plus ou moins important.

Le tronc cervical a la forme d'une pyramide (triangulée) dont les 4 côtés sont égaux. Il possède ainsi un avant vestibulaire et un arrière palatin plus étroit. Dans le sens mésio-distal, le tronc cervical (de la première prémolaire maxillaire) est très aplati. Du côté mésial, il est constamment constitué par une dépression longitudinale large et profonde, formant une concavité très marquée qui se prolonge sur la couronne. Du côté distal, il est très souvent parcouru par un sillon longitudinal plus ou moins profond et présente parfois une face convexe. Du côté vestibulaire, on peut se trouver en présence d'un sillon et d'une dépression longitudinale assez profonde occupant la totalité de la hauteur du tronc cervical et d'une partie de la racine. Dans le cas d'une dent triradiculée, sillon et dépression occupent toujours le tronc cervical de la face vestibulaire.

La zone de furcation du tronc cervical (« furcation », du latin furca = « fourche à deux dents ») est un petit volume triangulaire :

• pour une biradiculée, il est constitué par une crête transversale cémento-dentinaire réunissant la dépression palatine de la racine vestibulaire à la racine palatine, et se termine parfois près de la région apicale, sous forme d'une lamelle très fine reliant ces deux racines ;

• en présence d'une triradiculée, la crête triangulaire transversale de la furcation s'étend de la face vestibulaire de la racine palatine à la racine mésio-vestibulaire.

En clinique, tous ces éléments anatomiques sont difficiles à découvrir par la radiographie ; seule la palpation minutieuse avec la sonde parodontale permet de les situer.

La cavité pulpaire, assez complexe, est très étroite dans le sens mésio-distal et très large dans le sens vestibulo-palatin et présente fréquemment une cloison dentinaire et des canaux secondaires. Elle adopte la forme d'un parallélogramme irrégulier avec son plus grand diamètre vestibulo-palatin. Elle présente un plancher concave en direction apicale avec deux orifices canalaires d'une forme elliptique, l'un vestibulaire et l'autre palatin, un plafond concave en direction occlusale et deux cornes correspondant aux sommets des cuspides.

N.B. Dans le cas des biradiculées, en vue proximale, 4 dispositions les plus fréquentes sont à observer :

1. racines longues et divergentes avec un tronc cervical court ;

2. racines moins longues et moins divergentes avec un tronc cervical important occupant la moitié de la hauteur radiculaire ;

3. racines très courtes presque parallèles ayant un tronc cervical très important qui occupe les deux tiers de la hauteur radiculaire ;

4. racines très fines et presque parallèles avec un étranglement du tronc cervical au tiers apical et rappelant ainsi la forme d'une queue de poisson.

Comme pour chacun des types de dents décrits, pour aborder l'étude de l'anatomie de cette dent, un guide de dessin est proposé. Il correspond à la description des premières prémolaires maxillaires en position buccale, d'un individu de 20 ans environ, indemnes de toute abrasion ou atteinte carieuse. Il s'agit de dents « types » à vocation pédagogique dont les caractéristiques sont issues de l'observation de plusieurs milliers de dents extraites, de moulages et de références à de nombreux auteurs.

Dix variantes sont ensuite proposées pour situer ces dents dans le contexte des diversités morphologiques propres à tous les êtres humains.

Anatomie de la première prémolaire maxillaire droite

Guide de dessin

La planche constituant un guide pour le dessin à l'échelle 2 comprend 5 cadres équilibrés correspondant aux 5 vues de la dent. Chaque cadre est divisé en carrés de 5 mm de côté pour constituer des points de repère pour le tracé (fig. 1a). La même disposition est adoptée pour le dessin de la dent présentée en coupes longitudinales et horizontales, mettant en évidence la morphologie de la cavité pulpaire, de l'émail et du cément (fig. 1b).

Les dimensions de la dent sont les suivantes :

- hauteur totale de la dent : 21,8 mm ;

- hauteur de la racine : 13,3 mm ;

- hauteur de la couronne, face vestibulaire : 8,5 mm ;

- hauteur de la couronne, face palatine : 7,2 mm ;

- diamètre mésio-distal maximal de la cuspide vestibulaire : 7,7 mm ;

- diamètre mésio-distal maximal de la cuspide palatine : 6,5 mm ;

- diamètre vestibulo-palatin maximal de la couronne : 9,5 mm ;

- diamètre mésio-distal de la racine au collet : 5,1 mm ;

- diamètre vestibulo-palatin de la racine au collet : 8 mm ;

- hauteur maximale du collet, face mésiale : 1 mm ;

- hauteur maximale du collet, face distale : 0,7 mm ;

- distance entre les sommets des cuspides vestibulaire et palatine : 6 mm.

L'angulation théorique de la dent « type » en position buccale est de 6° en vue mésiale et de 5° en vue vestibulaire (fig. 2). Le plan qui réunit les sommets des cuspides forme un angle de 12° environ avec l'horizontale.

Les principaux points anatomiques sont répertoriés (fig. 3).

Variantes morphologiques

Parmi le très grand nombre de dents observées et répertoriées, 10 premières prémolaires maxillaires ont été sélectionnées pour la fréquence de certains de leurs détails anatomiques (fig. 4).

Leur dessin en position verticale selon les différentes vues vestibulaires, proximales, linguale et occlusale et en coupes longitudinale et horizontale est à comparer avec la dent « type ».

Les cotes principales, à l'échelle 1, mettent en évidence les variantes dimensionnelles (longueur, largeur de la dent, rapport couronne/racine…), la forme et la situation de la cavité pulpaire.

Pour chaque dent, les difficultés cliniques potentielles liées à ses particularités anatomiques sont mentionnées (fig. 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14).

Conclusion

De par la grande diversité des éléments anatomiques assez caractéristiques, le dessin « type » de la première prémolaire maxillaire est plus complexe et plus difficile à réaliser que celui des incisives et canines.

La couronne : sa vue occlusale, de forme hexagonale avec une certaine asymétrie et un relief riche, peut être considérée comme étant constituée par deux cônes accolés, reliés dans leurs portion libre par les deux crêtes marginales. Cette disposition la rend très faible et même fragile face aux contraintes de trituration des aliments et surtout de guidage en diduction.

Le tronc cervical et la zone de la furcation présentent, par leurs formes variées, des éléments anatomiques caractéristiques dont on doit tenir compte.

Les racines sont difficiles à exploiter pour les reconstitutions coronaires compte tenu de la diversité de leurs formes irrégulières. Elles sont généralement grêles avec des inflexions fréquentes des apex dans des directions différentes.

La pulpe, très étroite dans le sens mésio-distal et très large dans le sens vestibulo-palatin, peut présenter une cloison dentinaire et des canaux secondaires.

À retenir :

- la fragilité des cuspides ;

- la faiblesse des racines ;

- la situation préantrale directement en rapport avec la cavité du sinus lorsqu'elle présente un prolongement antérieur ;

- les variantes anatomiques présentées mettent en évidence des difficultés pour le diagnostic de lésions parodontales interradiculaires et pour leur traitement ;

- en endodontie, l'accès aux canaux est compliqué par la profondeur de la chambre pulpaire. Plusieurs incidences radiographiques sont souvent nécessaires pour mettre en évidence le nombre et l'orientation des canaux ;

- en odontologie restauratrice et en prothèse, la restauration de la forme de la couronne nécessite la prise en compte de critères variés comme l'esthétique, le profil d'émergence, et l'intégration fonctionnelle ;

- en chirurgie, la forme des racines, leur orientation et la fragilité des apex rendent l'extraction très délicate.

(1) Diphysaire : du grec duo : deux et physis : production, génération.

Les dents sont dites diphysaires quand leur formation succède à une autre dentition.

Les dents diphysaires sont les incisives, canines et prémolaires.

(2) D'après Franklin S. Weine, 60 % environ ont deux racines et 40 % environ ne présentent qu'une seule racine, habituellement pourvue de deux canaux séparés.

(3) On appelle tronc cervical la portion de la dent qui est située entre la ligne cervicale et le point de la furcation des racines sur les dents multiradiculées.

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