Traitement par prothèses amovibles partielles en présence d'usures dentaires - Cahiers de Prothèse n° 126 du 01/06/2004
 

Les cahiers de prothèse n° 126 du 01/06/2004

 

Prothèse amovible partielle

Pierre Le Bars *   Yves Amouriq **   François Bodic ***   Bernard Giumelli ****  


* MCU-Ph
** MCU-Ph
*** AHU
**** PU-Ph
UFR d'odontologie
1, place Alexis-Ricordeau
44042 Nantes Cedex 01

Résumé

Les restaurations par prothèse amovible doivent prendre en compte les usures dentaires, qu'elles peuvent compenser mais aussi engendrer ou aggraver. Si les usures n'ont pas été appréhendées lors de la réalisation prothétique, elles vont le plus souvent s'accentuer. Lorsque les rapports maxillo-mandibulaires et le schéma occlusal ne sont pas contrôlés régulièrement, lorsque les réfections des bases nécessaires ne sont pas effectuées, des surcharges occlusales peuvent apparaître et favoriser le phénomène d'usure. À des fins didactiques, nous proposons un arbre décisionnel pour traiter des cas qui paraissent de prime abord complexes. Quatre étapes successives sont nécessaires pour établir cet arbre :

1. réévaluer la dimension verticale d'occlusion (DVO) ;

2. contrôler la situation et l'orientation du plan d'occlusion ;

3. vérifier l'OIM (occlusion en intercuspidie maximale) à la DVO réévaluée, puis la position de la mandibule en relation centrée par rapport au maxillaire, donc au crâne ;

4. enregistrer la pente condylienne ;

5. restaurer selon l'importance de l'usure, la valeur extrinsèque et intrinsèque des dents, par prothèse composite ou par prothèse à recouvrement.

Summary

Removable partial denture treatment in the presence of tooth wear

A prosthodontic treatment must take into account tooth wear, which it can compensate, but also cause or make worse. If tooth wear has not been accounted for during the creation of prostheses, it will most likely get worse. When the upper-jaw ratio and the occlusion rims are not regularly inspected, when the relining or rebasing are not carried out, occlusal pressure can occur and encourage the phenomenon of wear. As a didactic tool, we would like to propose a decision-making process in order to treat cases which initially appear complex. This is set up on the basis of 4 successive steps :

1. recalculation of the vertical occlusal measure;

2. control of the position and orientation of the occlusal plane;

3. check of the maximal intercuspidation position and centric occlusion with the recalculated vertical occlusal measure;

4. recording of the inclination of the protrusive condylar paths;

5. restauration according to wear, the intrinsic and extrinsic the tooth values, by composite prosthesis or by removable partial overdenture.

Key words

occlusal plane, prosthesis, tooth erosion, tooth abrasion, vertical dimension

Les restaurations par prothèse amovible partielle (PAP) doivent prendre en compte le phénomène d'usure dentaire, qu'elles peuvent compenser mais aussi éventuellement provoquer ou aggraver. Les usures existantes non traitées lors de la remise en état prothétique risquent de s'accentuer. Après la confection d'une prothèse, les rapports maxillo-mandibulaires (RMM) et le schéma occlusal doivent être régulièrement contrôlés en vue d'éventuels aménagements et réfections sous peine de voir apparaître des surcharges, de favoriser le phénomène d'usure et/ou pérenniser des RMM inadaptés.

L'établissement d'un plan de traitement chez un patient partiellement édenté présentant des usures dentaires est souvent complexe. En effet, les situations d'édentement et d'usure sont multiples. Elles s'accompagnent ou non d'une perte de la dimension verticale (DV) de l'étage inférieur de la face. Des processus compensatoires d'égression des dents et de l'os alvéolaire ainsi que d'éventuels signes de dysfonctionnement de l'appareil manducateur doivent être évalués [1-3].

Dans de nombreuses situations, indépendamment des lésions carieuses, des fractures et des anomalies, il est difficile de déterminer l'origine précise de la perte de tissu dentaire ou d'un matériau de restauration.

Après avoir défini les différentes formes cliniques des pertes de substance dentaire, cet article aborde les différentes attitudes thérapeutiques envisageables face à des cas cliniques présentant ce type de lésion. À partir d'un arbre décisionnel concernant le patient denté, une démarche clinique est proposée pour un traitement de complexité croissante de 5 patients présentant usures dentaires et édentements.

Définitions

Le terme « usure » permet de regrouper différentes appellations (érosions, attritions, abrasions, abfractions) qui correspondent à des pertes de tissu dentaire de surface, acquises, quelles que soient leurs origines (hormis les étiologies carieuses et accidentelles). Chacune correspond à une définition qu'il convient de préciser [4, 5].

• L'érosion est une perte de tissu dentaire, due à un processus chimique d'origine non bactérienne, essentiellement acide. Les acides d'origine intrinsèque (reflux gastro-œsophagien, régurgitation) ou extrinsèque (alimentation, médicaments, environnement) constituent les principaux facteurs d'érosion (fig. 1).

• L'attrition est une perte de tissu dentaire ou d'un matériau de restauration, consécutive aux contacts dentaires, lors de la mastication [4]. Elle se manifeste par des facettes d`usure qui se localisent au niveau des bords incisifs, des pointes cuspidiennes et des faces proximales (fig. 2).

• L'abrasion est la perte pathologique de tissu dentaire, due à un mécanisme biomécanique de frottement anormal. Plusieurs étiologies (autres que les contacts masticatoires) telles une mauvaise technique de brossage, l'interposition d'un corps étranger ou certaines habitudes alimentaires sont incriminées. Le bruxisme constitue l'origine la plus évidente de l'abrasion. De par leur position, les canines et les prémolaires sont les plus atteintes (fig. 3).

• L'abfraction est due à des stress occlusaux qui provoquent la déminéralisation de la zone cervicale au niveau de la jonction émail/cément (fig. 4). Des surcharges occlusales développées lors de la mastication et/ou provoquées par les parafonctions [4] (bruxisme) peuvent engendrer des contraintes de traction à ce niveau. La formation de défauts cunéiformes à distance du point d'application de la contrainte caractérise cette pathologie. Le brossage, la maladie parodontale, une salive et/ou une alimentation acides, la présence de plaque favorisent l'apparition de ces lésions [5].

Le diagnostic est quelquefois imprécis et le pronostic incertain, d'autant plus qu'il peut y avoir une association des différentes formes cliniques [6] comme l'attrition-abrasion (fig. 5) ou l'attrition-érosion alcoolique (fig. 6). La suppression de la cause n'est pas toujours possible.

Pour suivre son évolution dans le temps et tester l'efficacité du programme de prévention mis en place, il est nécessaire de contrôler et quantifier régulièrement la perte de tissu dentaire grâce à des indices [7-10]. La classification de Turner et Missirlian [11] qui tient compte de l'incidence de l'usure sur la dimension verticale d'occlusion (DVO) est particulièrement intéressante dans le cadre d'une restauration prothétique partielle. En présence d'atteintes légères, les photographies et les moulages sont utiles.

L'usure est-elle pathologique ou physiologique ?

La perte du tissu dentaire coronaire et radiculaire dépend des différentes fonctions, parafonctions et du temps. Plusieurs paramètres accélèrent ce phénomène. Localement, une salive acide, mais aussi la texture, la structure, la morphologie et la position de la dent sur l'arcade augmentent l'usure. Le stress, les forces musculaires lors de la mastication sont des facteurs favorisant cette pathologie. Des auteurs tels Christensen et Lam-brechts et al. [12, 13] estiment normal un taux d'usure de 20 à 38 μm par an ; d'autres [14-17] tolèrent le doublement de ce taux. Enfin, pour certains comme Lythe [18], l'usure n'est pas un phénomène physiologique, mais le résultat d'un problème d'origine occlusale.

L'usure est considérée comme pathologique quand elle altère soit les fonctions soit la physionomie [19]. Cette affirmation doit être modulée en fonction de l'âge. Un indice d'usure élevé est par exemple pathologique chez un adolescent anorexique ou boulimique, sujet à des régurgitations (fig. 1). Il ne l'est pas forcément pour une personne du quatrième âge présentant une abrasion généralisée des deux arcades (fig. 3). Ainsi, il arrive fréquemment que l'usure soit pathologique sur une courte période, puis redevienne normale. Son incidence devient alors négligeable. Le traitement doit évidemment en tenir compte.

En présence d'usure, si la décision d'une réalisation prothétique pour des raisons pathologiques, fonctionnelles et/ou esthétiques est prise, il s'avère nécessaire de vérifier qu'il existe un espace interocclusal de repos permettant la restauration. Le cas échéant, il faut le créer en recourant à différents moyens tels que :

- l'ingression, l'égression ou la version des dents par traitement orthodontique ;

- la modification de la morphologie de la dent par coronoplastie (additive, soustractive). Elle doit veiller à respecter ou accentuer l'engrènement des dents pour favoriser le montage et la stabilisation de l'occlusion ;

- l'augmentation de la dimension verticale d'occlusion.

Le recours à la prothèse fixée quand cela est possible doit être privilégié pour une meilleure stabilité de l'occlusion, un meilleur confort. Un montage directeur constitue le moyen de visualisation le plus adéquat pour harmoniser les paramètres occlusaux.

Différents auteurs [20, 21] ont proposé des arbres décisionnels pour choisir entre plusieurs thérapeutiques chez le patient denté.

Arbre décisionnel dans le cas d'un patient denté (fig. 7)

Cet arbre décisionnel se complique en présence d'édentements partiels de grande étendue. Une instabilité occlusale est susceptible d'apparaître et de modifier les rapports maxillo-mandibulaires. Si les pertes de contacts dentaires (avec les dents adjacentes et antagonistes) ne sont pas compensées, une égression et/ou une version, une rotation peuvent apparaître. Une usure (physiologique ou pathologique) des faces occlusales des molaires et prémolaires et/ou des incisives et des canines modifie l'engrènement des surfaces en contact qui provoque une absence de calage en intercuspidie maximale et, par conséquent, entraîne une liberté en occlusion entre les deux arcades. L'élaboration de la prothèse doit, d'une part, rétablir l'occlusion et, d'autre part, s'adapter aux différentes praxies buccales ainsi qu'aux contraintes des structures articulaires et musculaires.

Trois paramètres guident les réhabilitations dans les cas d'édentements :

1. le choix du type de prothèse : fixée, implanto-portée ou non, amovible ou composite ;

2. le choix des matériaux de reconstruction, alliages métalliques, non précieux, précieux, semi-précieux, céramique, résine ou composite ;

3. l'importance de l'espace prothétique disponible.

Le choix d'un traitement par prothèse amovible partielle est indiqué dans les situations suivantes :

- l'usure est sévère et une reconstitution prothétique avec compléments de rétention radiculaire ou implantaire devient opportune ;

- le nombre de dents est insuffisant pour réaliser une prothèse scellée et une solution implantaire n'est pas possible ;

- le remplacement progressif de dents au pronostic incertain ou ne permettant pas d'établir des courbes fonctionnelles correctes est facilité ;

- l'état général instable ou pathologique du patient réduit sa dextérité et défavorise l'hygiène ;

- à titre transitoire : la dimension verticale d'occlusion doit être testée avant de passer à une solution fixée.

Un arbre décisionnel en prothèse amovible partielle permet de choisir une thérapeutique en adéquation avec les besoins du patient.

Arbre décisionnel pour un patient partiellement édenté (fig. 8)

Le traitement d'un patient partiellement édenté présentant des usures dentaires, mais en l'absence de phénomènes d'extrusion compensatrice peut être long. Il passe obligatoirement par la réalisation systématique d'une prothèse provisoire, amovible et/ou fixée, suivant les cas, pour stabiliser le phénomène d'usure. Ce dispositif sert aussi à analyser et tester les RMM [22], en passant par quatre étapes successives.

1. Évaluer la DVO et l'espace libre disponible [22, 23]. L'appréciation de la DVO doit prendre en compte l'équilibre esthétique du visage en respectant les proportions des différents étages de la face, la typologie, le confort et les praxies de chaque patient. Dans ce domaine, les documents préprothétiques (moulages, photographies, anciennes prothèses) sont des aides précieuses.

2. Vérifier la situation et l'orientation du plan d'occlusion [24]. Celui-ci est un plan virtuel, car il doit inclure les courbes fonctionnelles de compensation dans le plan frontal (la courbe de Wilson) et dans le plan sagittal (la courbe de Spee). Le plan d'occlusion transposé à la mandibule passe par les pointes des cuspides disto-vestibulaires des deuxièmes molaires et le bord libre des incisives. Les critères de conception et de remise en état sont à la fois esthétiques (soutien des lèvres, parallélisme avec la ligne bipu-pillaire, visible ou pas au repos et lors du sourire, des incisives maxillaires et/ou mandibulaires) et fonctionnels. Les tests phonétiques préconisés par Pound et al. [25] portant sur la prononciation correcte des phonèmes f, s, p, sont un moyen de vérification fiable, notamment celle de la situation des bords libres des incisives. D'autre part, la situation et l'orientation du plan d'occlusion doivent s'harmoniser avec les paramètres occlusaux concernant les articulations temporo-mandibulaires, la pente incisive et le schéma occlusal retenu en fonction des classes d'édentement. L'analyse céphalométrique constitue un moyen fiable pour situer le plan d'occlusion. Celle-ci demeure cependant peu usitée, car difficile à mettre en œuvre en omnipratique.

3. Situer la position d'occlusion d'intercuspidie maximale (OIM) par rapport à une position neuro-musculo-articulaire, la relation centrée [22, 26-28]. Pour cette dernière position, la manipulation unimanuelle (PK Thomas) ou bimanuelle (Dawson) [29] de la mandibule est préconisée par plusieurs auteurs. En cas de difficultés, la méthode assistée par les dispositifs interocclusaux (jig de Lucia, gouttières) ou suggérée (sans manipulation) permet d'obtenir des résultats satisfaisants [30]. Le choix de la position de référence est à envisager avant le début de la restauration prothétique.

L'OIM est conservée en l'absence de pathologie. Les références dentaires doivent être privilégiées chaque fois que cela est possible. Cependant, en présence de défaut de calage ou de centrage, la relation articulaire centrée devient la référence à envisager [31]. Les usures importantes généralisées aux 2 arcades (fig. 25 - Cas n° 3) et nécessitant une restauration prothétique justifient le plus souvent la recherche de cette dernière position.

4. Tenir compte de la pente condylienne et mesurer l'efficacité du guide antérieur. L'axiographie est un moyen simple permettant d'évaluer la pente condylienne et de diagnostiquer d'éventuels troubles des articulations temporo-mandibulaires [32].

Le guidage antérieur joue un rôle de protection vis-à-vis des structures anatomiques de l'appareil manducateur. L'efficacité de cette fonction se mesure au niveau du guide incisif, du guide canin, du surplomb et du recouvrement. Le rétablissement du guide antérieur nécessite la réalisation de prothèses provisoires fixées, testées et validées en bouche, puis transférées et reproduites sur un articulateur. Cette analyse occlusale essentielle permet d'une part d'évaluer l'espace prothétique disponible et d'autre part éclaire sur la nécessité ou non de créer un espace en fonction du type de prothèse retenu et du schéma occlusal [26, 33, 34].

Cas cliniques

Les cas 1 à 3 concernent des patients partiellement édentés avec des dents de bonnes valeurs extrinsèque et intrinsèque : des coiffes à recouvrement complet peuvent être réalisées, elles présentent une rétention suffisante nécessitant un minimum de hauteur coronaire et/ou un rapport couronne/racine favorable, permettant l'utilisation d'un ancrage radiculaire.

Cas n° 1

La patiente, âgée de 60 ans, consulte pour renouveler deux prothèses amovibles partielles. Sa motivation est à la fois fonctionnelle et esthétique. Un déséquilibre occlusal avec des surcharges sur les dents naturelles restantes entraîne un phénomène d'attrition-abrasion.

Le traitement consistera à restaurer :

- les fonctions masticatrice et phonétique ;

- l'esthétique en harmonisant la prothèse avec le type morphologique de la patiente (classe 1 squelettique, visage triangulaire, féminisation du montage, lèvre supérieure horizontale) ;

- le confort en respectant les réflexes inconditionnés utiles comme la déglutition, la position posturale, la cinématique masticatoire.

Constatations cliniques

- Diminution de la hauteur de l'étage inférieur de la face. Les commissures labiales sont affaissées, les lèvres esquissées apparaissent pincées.

- Courbes fonctionnelles perturbées et inadaptées pour établir l'équilibre maxillo-mandibulaire (fig. 9).

- Occlusion en intercuspidie maximale instable et imprécise, l'occlusion en relation centrée est difficilement accessible d'emblée.

- Guide antérieur perturbé (absence de surplomb et de recouvrement) (fig. 10).

Plan de traitement

1. Avulsions de 32 et de 41 qui ne peuvent être conservées (alvéolyse terminale).

2. Recherche d'une nouvelle dimension verticale grâce à des maquettes d'occlusion.

3. Recherche des rapports occlusaux selon des critères subjectifs (esthétiques) et objectifs (tests phonétiques, respect du réflexe de déglutition), puis enregistrement du rapport maxillo-mandibulaire dans une position proche de l'occlusion de relation centrée. Un montage directeur est ensuite validé cliniquement (fig. 11).

4. Réalisation des prothèses fixées provisoires sur 42, 43 et 37 (par méthode directe en résine chémopolymérisable) et de la prothèse amovible pour stabiliser l'occlusion et permettre d'enregistrer la RC.

5. Réalisation d'une prothèse amovible maxillaire et d'une prothèse fixée sur 13. Les contacts dentaires établis par les prothèses fixées (couronnes céramo-métalliques sur 13, 42 et 43) ou les dents naturelles sont impérativement respectés ou rétablis aussi bien en occlusion statique que dynamique (fig. 12).

6. Validation des RMM au bout de 3 mois environ et passage aux prothèses d'usage (fig. 13).

Cas n° 2

Ce patient de 70 ans consulte pour renouveler ses prothèses amovibles qui ont perdu leur efficacité masticatoire au cours des années. Sa principale demande est une amélioration de l'esthétique. Le visage est de forme carrée avec une légère tendance au prognathisme. Une attrition généralisée occasionnée par l'absence d'un calage postérieur est visible sur les groupes incisivo-canins maxillaire et mandibulaire (fig. 14).

Constatations cliniques

- Diminution de la hauteur de l'étage inférieur de la face, pincement des lèvres, surcharge occlusale antérieure.

- Plan d'occlusion déplacé du fait de l'usure de l'ensemble des dents maxillaires (fig. 14).

- Occlusion en intercuspidie maximale correspondant au bout à bout incisif.

- Guidage antérieur conditionné par les usures des dents maxillaires et mandibulaires.

Plan de traitement

1. Recherche d'une nouvelle dimension verticale en réalisant dans la même séance 6 dents provisoires en résine (TAB 2000®, Kerr) par une méthode directe au maxillaire au niveau du secteur incisivo-canin (fig. 15), en restaurant le secteur incisivo-canin mandibulaire grâce à des composites (fig. 15) et en adaptant les anciennes prothèses amovibles (fig. 16a et 16b).

2. L'orientation du plan d'occlusion est corrigée suivant les règles de la prothèse amovible complète à l'aide d'une règle de Fox.

3. Réglage et validation des RMM au bout de quelques semaines, après que le montage esthétique a été validé par le patient et son entourage (tests phonétiques de Silverman [35] et vérification d'une déglutition physiologique selon Shanahan [36]) (fig. 17).

4. Enregistrement du RMM et transfert sur un articulateur semi-adaptable des principaux paramètres de l'occlusion (respect du guide antérieur, de la pente condylienne) (fig. 18a, 18b, 18c, 18d et 19).

5. Réalisation des prothèses d'usage fixées et amovible au maxillaire (fig. 20a et 20b).

Cas n° 3

La patiente de 52 ans présente une diminution de la dimension verticale d'occlusion. Sa motivation face à une usure (attrition) généralisée des deux arcades dentaires est essentiellement esthétique.

Constatations cliniques

- Léger affaissement de l'étage inférieur de la face : un phénomène de compensation peut être soupçonné.

- Plan d'occlusion perturbé par la présence de 48 versée et extrusée (fig. 21).

- L'OIM est instable et l'ORC difficilement détectable d'emblée.

- Le guide antérieur est non fonctionnel du fait des interférences postérieures.

Dans cette situation, il est préférable de restaurer l'arcade mandibulaire avant l'arcade maxillaire. En effet, idéalement, la reconstruction du guide antérieur commence par le positionnement du secteur incisivo-canin mandibulaire suivant des critères cliniques et céphalométiques. Puis, l'harmonie fonctionnelle entre les paramètres relatifs aux articulations temporo-mandibulaires (pente condylienne) et le modelage des faces palatines du secteur incivo-canin maxillaire (pentes incisive et canine) est ensuite recherchée. Néanmoins, pour répondre à l'exigence immédiate de la patiente, la réhabilitation prothétique a débuté par la restauration de l'arcade maxillaire.

Plan de traitement

1. Avulsion de 48 prothétiquement inexploitable.

2. Préparation du groupe incisivo-canin maxillaire et réalisation des prothèses fixées provisoires à l'aide de préformes en résine (fig. 22a et 22b), puis des prothèses fixées, d'usage sous la forme de couronnes céramo-métalliques (fig. 23).

3. Préparation et réalisation de prothèses fixées et d'une PAP transitoires à la mandibule (fig.23), rétablissement de la dimension verticale d'occlusion et d'un guidage antérieur physiologique.

4. Réglage et validation des RMM au bout de deux mois, enregistrement et transfert sur un articulateur (fig. 24a, 24b, c et 24d et 25) en vue de la réalisation des prothèses fixées et d'une PAP d'usage mandibulaire (fig. 26).

Les cas n° 4 et 5 concernent des patients partiellement édentés qui présentent des dents de moindre valeur intrinsèque et extrinsèque (mobilité, délabrement…).

Cas n° 4

Ce patient, un homme de 55 ans, présente une attrition-abrasion généralisée. Sa demande est essentiellement esthétique.

Constatations cliniques

- Baisse de la hauteur de l'étage inférieur de la face.

- Usure importante des dents antérieures, plan d'occlusion perturbé (fig. 27).

- OIM imprécise et instable, ORC difficilement enregistrable.

- Guide antérieur inexistant.

Plan de traitement

1. Avulsion des dents qui ne peuvent pas être conservées (fig. 28), de par leur mauvaise position telle la 47, ou leur délabrement telles les 14, 15, 22, 24 et les racines de 37.

2. Réalisation de deux prothèses provisoires permettant de rechercher et de valider les RMM (fig. 29), physiologiques.

Le concept occluso-prothétique est celui de la prothèse complète (occlusion intégralement équilibrée).

3. Passage au bout de 3 mois à des prothèses d'usage dont la rétention est améliorée par des attaches axiales, réalisées sur les quatre canines (fig. 30a, bet 30c). Le résultat passe par une intégration esthétique et fonctionnelle (fig. 31a, 31b et c).

Cas n° 5

Ce patient de 75 ans présente des édentements de grande étendue et des dents résiduelles délabrées au maxillaire (fig. 32). Le motif de la consultation est à la fois fonctionnel et esthétique.

Constatations cliniques

- Diminution de la hauteur de l'étage inférieur de la face (fig. 33).

- Proglissement mandibulaire (fig. 34).

- Plan d'occlusion topographiquement perturbé.

- L'OIM est instable et l'ORC inaccessible d'emblée.

- Le guide antérieur est inexistant.

Plan de traitement

La réhabilitation prothétique consiste en la réalisation d'une prothèse maxillaire complète avec complément de rétention par des barres de conjonction. Le schéma occlusal est celui de la prothèse complète.

1. Avulsions des racines résiduelles permettant d'assainir la cavité buccale.

2. Adaptation du plan d'occlusion mandibulaire à l'aide d'une maquette préréglée en hauteur et suivant les critères spécifiques à la prothèse amovible complète maxillaire (fig. 35).

3. Montage directeur sous la forme de deux prothèses amovibles en résine permettant la validation des RMM et de tester l'intégration de la part du patient (fig. 36).

4. Réalisation des barres de conjonction (fig. 37).

5. Réalisation des prothèses d'usage (fig. 38).

Discussion

Ces cinq cas cliniques ne sont pas exhaustifs. Ils illustrent seulement quelques-unes des possibilités offertes par la prothèse amovible pour résoudre diverses situations d'édentements partiels en présence d'usure dentaire.

Le choix entre deux orientations prothétiques possibles en fonction du degré d'usure et de la valeur intrinsèque et extrinsèque des dents restantes a été proposé :

1. la prothèse composite en présence d'une usure localisée ou faible et de dents de bonnes valeurs intrinsèque et extrinsèque (situation illustrée par les cas n° 1, 2 et 3, fig. 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16a, 16b, 17, 18a, 18b, 18c, 19, 20a, 20b, 21, 22a, 22b, 23, 24a, 24b, c, 24d, 25 et 26) ;

2. la prothèse de recouvrement en présence d'une usure importante et généralisée, et de dents de mauvaise qualité extrinsèque et intrinsèque (situation illustrée par les cas n° 4 et 5, fig. 27, 28, 29, 30a, b, 31a, 31b,c, 32, 33, 34, 35, 36, 37 et 38).

Pour l'ensemble de ces situations cliniques, la prothèse amovible constitue une solution. Dans le cas n° 1 (fig. 9), le nombre de dents était en effet insuffisant pour qu'elles soient traitées uniquement par prothèse fixée ; dans les cas n° 4 et 5 (figures 25 et 32), où l'usure était sévère, il était opportun de réaliser des attaches axiales pour des prothèses d'usage ou provisoires. Dans l'attente d'une solution prothétique fixée sur dents naturelles ou sur implants, la prothèse amovible partielle permet alors de tester une nouvelle dimension verticale d'occlusion, tout en assurant un résultat esthétique satisfaisant. Les cas n° 4 et 5 représentent aussi des situations où des dents au pronostic incertain peuvent être remplacées progressivement. Cela concerne des personnes âgées ou handicapées dont la dextérité réduite ne permet pas un entretien prothétique suffisant.

Conclusion

Les usures dentaires compliquent les traitements en prothèse amovible partielle. Les restaurations nécessitent, de la part du praticien, les connaissances de base en matière de prothèse et d'occlusion et la maîtrise d'un plan de traitement adapté. La hiérarchisation des situations cliniques au niveau de l'usure et la programmation par étapes du traitement prothétique procurent, sous la forme d'un arbre décisionnel, une aide précieuse pour traiter des cas qui peuvent paraître de prime abord complexes. La longévité de l'ensemble de ces réalisations est essentiellement liée au respect des paramètres occlusaux. Mais elle est aussi étroitement dépendante de la maintenance, tributaire de l'étiologie des pertes de substance et du choix prothétique.

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