La simulation de l'occlusion en prothèse fixée - Cahiers de Prothèse n° 128 du 01/12/2004
 

Les cahiers de prothèse n° 128 du 01/12/2004

 

Prothèse fixée

Michel Laurent *   Jérôme Amsellem **   Jean-Philippe Ré ***   Gilles Laborde ****  


* MCU-PH
** AHU
*** Assistant hospitalo-universitaire
**** MCU-PH
Faculté de chirurgie dentaire
Université de la Méditerranée
27, boulevard Jean-Moulin
13005 Marseille

Résumé

Pour toute prothèse fixée, quels qu'en soient le type ou l'étendue, le choix et la simulation de l'occlusion sont des actes fréquemment réalisés qui doivent reposer sur une démarche logique et des techniques éprouvées. L'occlusion d'intercuspidie maximale (OIM) est préférée si elle est physiologique et si elle n'est pas affectée par le traitement envisagé. Dans le cas contraire, une relation articulaire de référence, la relation centrée (RC), est l'unique position de référence utilisable. Si une dysfonction musculo-articulaire rend cette dernière incertaine, un traitement de stabilisation préalable doit être mis en œuvre. Pour la simulation de l'occlusion, il faut :

- obtenir des moulages de travail et antagonistes fidèles à la situation clinique ;

- savoir indiquer et réaliser l'enregistrement approprié ;

- savoir choisir et utiliser le simulateur adapté.

L'enregistrement de l'OIM s'il est nécessaire pour stabiliser les moulages est représenté par une table d'enregistrement occlusal mise en place uniquement au niveau des dents préparées. L'enregistrement de la RC doit à l'inverse éviter tout contact dentaire par l'interposition de bandes de cire sectorielles ou d'une plaque pleine selon les situations cliniques. De la définition de l'occluseur et de l'articulateur découle l'indication de l'un ou de l'autre pour simuler l'occlusion : l'articulateur étant préférable pour reproduire la RC ou pour reconstruire des dents participant à la fonction de guidage.

Summary

The reproduction of occlusion in fixed prosthesis

For every fixed prosthesis, whatever its type or extent, the choice and the reproduction of the occlusion are frequent actions which depend on a logical protocol and tested technics. Centric occlusion is prefered if it is physiological and not affected by the considered treatment. Should that not be the case, the standard articulary relation, the centric relation is the unique standard positon which can be used. If this is made uncertain by a muscular and articular dysfonction, a preliminary stabilizing treatement must be undertaken. To reproduce the occusion, it is necessary to :

- obtain casts which reproduce the clinical situation ;

- know how to indicate and realize the recording of the appropriate occlusion ;

- know how to choose and use the suited simulator (semi-adaptable dentatus articulator).

The recording of the centric occlusion when it is necessary to stabilized the casts is represented by an occlusal recording table set up only at the level of the prepared teeth. The recording of the centric relation must on the opposite avoid every dental contacts by way of sectorial wax layers or a full plate according to the clinical situations. It's on the basis of their definition that the occluder and the articulator will be selected to reproduce the occlusion: the articulator is best suited to reproduce the centric relation or to rebuild the teeth which take part in the guidance's function.

Key words

centric occlusion, centric relation, fixed prosthesis, occlusion, recording, standard position

Si les patients se focalisent généralement sur la réussite esthétique d'un traitement, tous les praticiens sont conscients que la pérennité d'une prothèse est en grande partie liée à son intégration fonctionnelle. Les prothèses étant réalisées au laboratoire, il est nécessaire, pour assurer cette intégration fonctionnelle sans retouches excessives, de reproduire l'occlusion statique et cinématique du patient : c'est la simulation de l'occlusion.

Cet acte pratiqué quotidiennement doit être rationalisé pour que le praticien puisse faire face à toutes les situations cliniques avec la même rigueur et la même efficacité, sans perdre de temps avec des techniques trop complexes et sans être découragé par des échecs successifs. Cette rationalisation passe par une démarche décisionnelle simple, suivie de moyens thérapeutiques adaptés aux objectifs thérapeutiques préalablement précisés. Le but de cet article est de décrire des protocoles facilitant la gestion de l'occlusion en prothèse fixée.

Choix de la position de référence

Il faut distinguer la notion de position de référence de la notion de position thérapeutique.

• La position de référence est la position dans laquelle on enregistre les rapports maxillo-mandibulaires. C'est une position mandibulaire reproductible, non affectée par le traitement envisagé, qu'il est possible d'enregistrer cliniquement, puis de simuler au laboratoire [1]. Seules deux positions répondent à cette définition :

- l'occlusion d'intercuspidie maximale (OIM), définie par un engrènement occlusal unique ;

- la relation articulaire de référence ou relation centrée (RC), définie par une relation articulaire particulière.

La position de référence est à la fois un repère de positionnement de la mandibule dans un but diagnostique ou thérapeutique et un moyen permettant le transfert de la clinique au laboratoire et inversement.

• La position thérapeutique, en revanche, est la position dans laquelle on restaure ou on reconstruit l'occlusion. Elle peut correspondre à une nouvelle position que l'on souhaite imposer à la mandibule par une modification des rapports dentaires. C'est donc une position choisie par le thérapeute qui n'est pas forcément reproductible. Pour simplifier les traitements, position de référence et position thérapeutique sont généralement confondues (exemple : reconstruction d'une nouvelle OIM en relation centrée). Si tel n'est pas le cas, la position thérapeutique est définie, dans l'espace, par rapport à une position de référence (par exemple : nouvelle OIM en antéposition bilatérale de 1 mm par rapport à la relation articulaire de référence…) [2].

Il faut toujours choisir une position de référence et ensuite une position thérapeutique :

• Deux positions de référence possibles :

- occlusion d'intercuspidie maximale (OIM) ;

- relation centrée (RC).

• Trois positions thérapeutiques possibles :

- occlusion d'intercuspidie maximale du patient ;

- nouvelle occlusion d'intercuspidie maximale initiale en relation centrée ;

- nouvelle occlusion d'intercuspidie maximale initiale en antéposition (en avant de la relation centrée).

Le choix de la position de référence s'impose pour chaque réalisation prothétique : la réponse peut être évidente, pratiquement instinctive, ou au contraire demander une réelle réflexion :

- si l'OIM est physiologique et si elle n'est pas affectée par le traitement envisagé, elle doit être conservée. L'objectif est alors d'intégrer la prothèse à l'OIM habituelle du patient afin de la renforcer. Dans ce cas, la position référence est forcément l'OIM, car il est difficile, voire impossible, d'enregistrer une relation articulaire de référence pour simuler une OIM au laboratoire ;

- si l'OIM n'est pas physiologique et qu'elle recèle un potentiel pathogène, il faut recréer une nouvelle OIM, en utilisant comme position de référence la relation articulaire de référence, la relation centrée.

Il est donc indispensable de définir l'OIM physiologique et à partir de quand le potentiel pathogène de l'OIM existante implique de la changer. Il faut également préciser les conditions musculo-articulaires permettant l'exploitation d'une relation articulaire de référence (RC), et la conduite à tenir si l'on doit utiliser la RC en présence d'un trouble musculo-articulaire.

Définition d'une OIM physiologique ou fonctionnelle : « Occlusion d'intercuspidie maximale adaptée à l'environnement et au vieillissement sans caractères pathogènes et assurant les fonctions occlusales de centrage et de calage. »

Elle peut être naturelle et n'avoir jamais été soumise à une modification thérapeutique importante (orthodontie, restauration étendue) ou résulter d'un traitement antérieur bien conduit. Il existe au minimum 3 couples pluricuspidés, répartis favorablement sur l'arcade. L'OIM s'établit habituellement de 2 à 3/10 de mm (< 1 mm) en avant de l'occlusion en relation centrée (ORC), sans déviation transversale appréciable cliniquement.

En théorie, chaque fois que l'OIM du patient s'écarte de cette définition, avant traitement ou au cours du traitement envisagé, l'OIM ne peut plus servir de position de référence : celle-ci doit être remplacée par la RC. En pratique, ce passage de l'OIM initiale à une nouvelle OIM en concordance avec la relation articulaire de référence implique une intervention occlusale étendue qui ne peut se justifier que par un bénéfice pour le patient supérieur au sacrifice consenti en termes de mutilation dentaire en particulier. Cette notion de rapport coût/bénéfice peut amener à conserver certaines OIM potentiellement pathogènes (dites occlusion de convenance) en connaissance de cause (voir les exemples de situations cliniques ci-après).

De même, certaines conditions définissent l'existence d'une relation centrée : « Une coaptation bilatérale condylo-disco-temporale haute, simultanée, obtenue par contrôle non forcé, réitérative dans un temps donné et pour une posture corporelle donnée et enregistrable à partir d'un mouvement de rotation mandibulaire. »

Sa reproductibilité dépend de l'état physiopathologique de l'articulation temporo-mandibulaire (ATM) et des muscles masticateurs. Seuls des ATM et des muscles dans des conditions de fonction physiologique correspondent aux critères définis ci-dessus. Tout processus inflammatoire ou dégénératif en cours, empêchant la réalisation du mouvement axial terminal, rend instable (non reproductible) toute recherche de la relation centrée. Si tel est le cas, une position articulaire de référence dite « relation centrée stabilisée » pourra être retrouvée après thérapeutique occlusale initiale et servir alors de référence pour un traitement.

Exemples de quelques situations cliniques

• Réalisation d'une prothèse fixée unitaire dans un contexte d'arcades dentaires complètes et en présence d'une OIM physiologique : l'OIM s'impose comme position de référence.

• Réalisation d'une prothèse fixée unitaire dans un contexte d'arcades dentaires complètes en présence d'une latéro-déviation imposée par une OIM potentiellement pathogène (décentrage).

Deux situations sont alors possibles :

- en présence d'une latéro-déviation acquise depuis peu de temps et si de légères corrections permettent de retrouver une OIM recentrée, plus physiologique en concordance avec la fonction articulaire, on réalise une équilibration occlusale préprothétique (meulages, collages) pour retrouver une OIM physiologique et la prothèse sera réalisée dans la nouvelle OIM (situation rare, mais que peu de praticiens cherchent à diagnostiquer avant de réaliser une prothèse) ;

- si la latéro-déviation est ancienne et/ou si l'équilibration occlusale nécessaire pour la corriger est importante, le rapport entre le bénéfice escompté et le risque encouru devient défavorable : il est alors préférable de réaliser la prothèse intégrée à l'OIM potentiellement pathogène du patient (occlusion dite de convenance).

• Réalisation d'une prothèse de très grande étendue, mais qui peut être fractionnée en présence d'une OIM physiologique : la prothèse est réalisée par secteur dans l'OIM initiale du patient. Toutefois, si une modification de la dimension verticale s'avère nécessaire, la référence dentaire est à abandonner au profit de la référence articulaire (RC).

• Réalisation d'une prothèse de très grande étendue, qui peut être fractionnée en présence d'une OIM pathogène : grâce aux prothèses transitoires, une nouvelle OIM est créée en utilisant la relation centrée comme position de référence. Les prothèses d'usage sont ensuite réalisées secteur par secteur en s'intégrant à l'OIM nouvellement créée.

• Réalisation d'une prothèse fixée complète monolithique en présence d'une OIM initiale physiologique : au cours du traitement l'OIM initiale est perdue à l'issue des préparations. Seule la RC peut servir de référence tout au long du traitement.

• OIM inexistante : c'est le cas en présence d'une prothèse complète amovible où la question du choix de la position de référence ne se pose pas : seule la référence articulaire (RC) peut être utilisée, car c'est la seule qui subsiste.

En résumé

• L'OIM est utilisée chaque fois qu'elle est physiologique (cf. définition) et non affectée par le traitement envisagé.

• Quand ces conditions ne sont pas remplies et si le rapport coût/bénéfice est favorable, la relation articulaire de référence (RC) est utilisée :

- RC sans mise en condition préalable en l'absence de dysfonction musculo-articulaire ;

- RC après mise en condition préalable en présence de dysfonction musculo-articulaire.

Enregistrement de la position de référence : quels moyens pour quelle situation clinique ?

Quelle que soit la technique d'enregistrement envisagée, un certain nombre de principes fondamentaux doivent être respectés :

- les préparations ne doivent pas présenter de contre-dépouilles qui empêchent l'insertion complète de la prothèse et semblent donc créer une surocclusion ;

- une restauration provisoire doit assurer la stabilité des dents pendant le temps de réalisation ;

- l'empreinte doit reproduire précisément les dents concernées par la prothèse ainsi que les faces occlusales des autres dents de l'arcade ;

- la réalisation du moulage au laboratoire doit répondre à des règles précises ;

- enfin, dans le domaine de l'occlusion, la définition du moulage antagoniste a la même importance que celle du moulage de travail.

Le non-respect de ces principes de base conduit à des erreurs majeures dans la simulation de l'occlusion,

même si une technique de simulation appropriée est mise en œuvre avec rigueur (fig. 1). Le résultat final décevant pourrait accréditer l'idée fausse que le temps passé à simuler l'occlusion est inutile.

Enregistrement de l'OIM

L'occlusion d'intercuspidie maximale est définie uniquement par des rapports dentaires antagonistes en faisant abstraction des rapports articulaires. Cette position offre le maximum de contacts simultanés entre les arcades maxillaire et mandibulaire. Ceci suppose de n'interposer aucun matériau d'enregistrement entre les dents non préparées, qui participent à la stabilité des rapports interarcades lors de l'enregistrement de l'OIM [3].

L'affrontement des moulages est le moyen le plus simple de retrouver une OIM pour préparer le montage sur un simulateur. C'est le cas de moulages d'arcades complètes pour des restaurations de 1 à 2 dents intercalaires ou de 1 dent terminale d'arcade (le reste de l'arcade étant considéré comme complet ou pratiquement). C'est le cas également de moulages d'hémi-arcades dans le cas d'une restauration unitaire intercalaire entourée de dents au relief occlusal suffisamment marqué.

Le choix entre moulage d'arcade complète ou d'hémi-arcade peut se résumer comme suit :

- plus le moulage est de faible étendue, moins il est sensible aux variations dimensionnelles des matériaux (matériaux d'empreinte ou de coulée), mais plus il est difficile de l'affronter précisément avec son antagoniste. L'alternative se situe donc entre risque de déformation du moulage et difficulté d'affrontement en sachant que si la mise en œuvre manque de rigueur, elle annule largement le gain de précision lié aux plus faibles variations dimensionnelles des matériaux ;

- d'autres arguments ont été avancés, mais ils ont moins d'intérêt : la déformation du corps mandibulaire lors d'une empreinte globale peut être aisément contournée par une prise d'empreinte bouche semi-fermée, l'économie de matériaux avec des empreintes sectorielles est dérisoire ; elle est largement annulée si elle est suivie d'erreurs provoquant une perte de temps lors des réglages cliniques [4].

L'attitude proposée est donc la suivante : les moulages d'arcades complètes, qui offrent plus de facilité de mise en œuvre, sont les plus indiqués dans la majorité des cas d'omnipratique (fig. 2). Les moulages d'hémi-arcades peuvent être préférés par des équipes praticien/prothésiste très averties et dans le strict respect des indications.

Le montage des moulages sur un simulateur (occluseur ou articulateur) est nettement souhaitable pour favoriser les réglages fins de l'occlusion en évitant des mouvements de bascule impossibles à percevoir manuellement.

L'empreinte en mordu peut également permettre la simulation occlusale pour des restaurations de faible étendue, mais là encore, contrairement aux apparences, elle s'avère plus difficile à réaliser que des empreintes séparées. En effet, du point de vue clinique, 3 actes sont réalisés simultanément : empreinte de travail, empreinte antagoniste et enregistrement de l'occlusion. La réalisation de ces 3 actes en un seul temps risque d'entraîner une accumulation d'erreurs, en particulier sur l'OIM que le patient peut avoir du mal à retrouver s'il n'a pas été préalablement informé de l'objectif à atteindre. Le traitement au laboratoire de ce type d'empreinte pose également des problèmes que les praticiens risquent de sous-estimer. Pour être utilisés comme enregistrement de l'OIM, les moulages issus d'une empreinte en mordu doivent être transférés sur un simulateur avant d'avoir été désinsérés, ce qui suppose l'utilisation de tenons de repositionnement particuliers ou de systèmes de base qui peuvent être fractionnés avec repositionnement (cf. p. 27 : Utilisation du simulateur au laboratoire).

Les empreintes en mordu sont dans tous les cas réservées à de petites restaurations encastrées (coiffe, inlay, onlay) et préférentiellement à des restaurations qui ne nécessitent pas une simulation occlusale très rigoureuse (inlay-core par exemple).

Au-delà de 1 élément terminal d'arcade ou de 2 éléments intercalaires, particulièrement si l'arcade n'est pas complète, le simple affrontement des moulages peut être insuffisant pour retrouver une OIM stable et précise. La table d'enregistrement occlusal est alors indiquée. Il s'agit d'une bande de cire extra-dure (Moyco®, Moyco) indentée, puis éventuellement rebasée avec un matériau qui améliore la précision de l'enregistrement (oxyde de zinc/eugénol à prise rapide type Temp Bond®, Kerr) (fig. 3, 4 et 5). Elle est utilisée pour enregistrer l'OIM entre des dents préparées pour recevoir une prothèse conjointe et leurs antagonistes, qui peuvent elles-mêmes comporter des préparations de prothèse fixée.

En revanche, le matériau d'enregistrement ne doit jamais s'interposer entre les dents non préparées qui définissent l'OIM. Même si des matériaux d'enregistrement à base de silicones « non dépressibles » sont proposés par les fabricants et préconisés par certains auteurs, les cires restent des matériaux de choix pour la majorité des praticiens [5-7]. Toutefois, les mêmes objectifs peuvent être atteints par l'utilisation d'une résine à faible variation dimensionnelle de prise (type Duralay®, Reliance ou Unifast LC®, GC) sur des armatures métalliques (fig. 6)ou sur un support de résine préparé au laboratoire.

Enregistrement de la RC

La relation centrée est une position définie par les articulations temporo-mandibulaires. Tout contact dentaire lors de son enregistrement risque d'entraîner une déviation de la mandibule par rapport à la trajectoire de fermeture initialement définie par les structures articulaires. L'enregistrement de cette position doit donc se faire sans contact dentaire. Ceci implique l'utilisation systématique d'un matériau d'enregistrement jamais perforé à l'issue de l'enregistrement [8]. De plus, l'impossibilité de maintenir cette position pendant un temps prolongé exclut l'utilisation de matériaux ayant une certaine durée de prise [9, 10]. Si le nombre de dents (préparées ou non) sur l'arcade est suffisant pour soutenir le matériau d'enregistrement interposé, il est préférable d'éviter les appuis muqueux à cause de la dépressibilité des tissus mous [11, 12].

En l'absence de dents préparées, le montage sur articulateur peut être destiné à l'analyse occlusale préprothétique ou, à la réalisation d'une gouttière occlusale… L'enregistrement de la RC est obtenu par l'indentation simultanée de 2 bandes de cire dure en double épaisseur. L'encombrement qui est ainsi minimal évite les interférences avec les muscles de la langue et de la face [8]. La cire une fois indentée n'est pas rebasée, car le nombre d'appuis importants permet un repositionnement très précis qui ne serait pas amélioré par un rebasage difficile à mettre en œuvre (fig. 7). Les 2 bandes de cire, une fois positionnées sur l'arcade maxillaire entre la canine et la deuxième molaire, sont maintenues d'une main pendant que l'autre main guide la mandibule (fig. 8) [13]. Trois paires de cire sont ainsi réalisées de manière à vérifier la reproductibilité de l'enregistrement grâce à un système de double base engrenée sur l'articulateur.

Si les dents présentes sont préparées et destinées à recevoir une restauration de prothèse fixée complète ou de très grande étendue, il est préférable, chaque fois que cela est possible, de fractionner la réalisation prothétique. Dans ce cas et si la RC sert de position de référence, des prothèses transitoires assurent une restauration de l'OIM correspondant à cette RC et les moulages de travail réalisés secteur par secteur sont ensuite affrontés à l'aide de tables occlusales. Il ne s'agit ainsi plus d'un enregistrement de RC, mais d'un enregistrement d'OIM.

Si le fractionnement de la restauration n'est pas souhaitable, l'enregistrement de la RC en présence d'un nombre de piliers suffisant est réalisé sur une plaque de cire dure pleine en double épaisseur, rebasée. La plaque de cire dure est ajustée à l'arcade de manière à ne pas déborder en vestibulaire (fig. 9). Si les dents antérieures (incisives et canines) ne sont pas indispensables à la stabilisation de la plaque de cire, cette dernière est sectionnée afin de les éviter. Un rebasage avec un ciment à base d'oxyde de zinc/eugénol à prise rapide permet de préciser les indentations surtout du côté des préparations. L'épaisseur des matériaux doit permettre un enregistrement très proche de la dimension verticale d'occlusion (DVO) souhaitée pour les restaurations afin de minimiser les conséquences d'une erreur de localisation d'axe charnière ou d'enregistrement de RC.

Si quelques couples de dents naturelles sont conservés, la cire d'enregistrement doit avoir une épaisseur suffisante pour éviter tout contact.

Choix du simulateur

L'occluseur est un dispositif mécanique qui permet de fixer une relation occlusale statique entre un moulage maxillaire et un moulage mandibulaire. Il ne permet pas de simuler le mouvement d'ouverture/fermeture, car la position de sa charnière trop proche de la réplique des arcades dentaires crée un arc de fermeture différent de celui du patient [14]. Il ne permet pas non plus, pour la même raison, de simuler précisément les mouvements dans le plan horizontal (antéro-postérieurs ou latéraux). En revanche, deux critères définissent un occluseur de qualité : une charnière précise et rigide pour maintenir une bonne reproductibilité des rapports dentaires simulés et une butée antérieure (tige incisive) qui, par sa position éloignée de la charnière, constitue un amplificateur facilitant la recherche d'une surocclusion lors de la réalisation de la prothèse (fig. 10 et 11). Elle évite, de plus, l'usure du plâtre au niveau des contacts occlusaux.

L'occluseur est donc indiqué pour réaliser une prothèse en OIM qui ne participe pas aux fonctions de guidage. Même en se limitant à ces indications, il est indispensable de vérifier cliniquement l'absence d'interférence de la prothèse lors des déplacements sagittaux ou latéraux de la mandibule [15].

L'articulateur, en plus des caractéristiques de l'occluseur (charnière précise et butée antérieure), simule une relation anatomique entre les arcades dentaires et les ATM qui permet de reproduire les déplacements de la mandibule et leurs conséquences occlusales dans les 3 plans de l'espace avec plus ou moins de précision (fig. 12).

• Simulation du mouvement d'ouverture/fermeture : seul le mouvement de rotation pur (mouvement axial terminal) peut être reproduit par l'articulateur ; il s'agit d'un mouvement physiologique à condition que la mandibule soit dans une position particulière : la relation centrée. La reproduction exacte de ce mouvement d'ouverture/fermeture est décisive en présence de modification de la dimension verticale d'occlusion. Cette variation de la DVO peut résulter de choix thérapeutiques ou être liée à l'épaisseur des enregistrements de RC.

• Simulation des mouvements antéro-postérieurs et latéraux grâce à la programmation plus ou moins précise des boîtiers condyliens (programmation statistique, par mordu en cire, par axiographie) : l'articulateur permet d'approcher les trajets occlusaux découlant du déplacement de la mandibule dans toutes les directions (à l'exception du recul mandibulaire).

L'articulateur est donc indiqué pour la réalisation de prothèses utilisant comme position de référence la RC et participant aux fonctions de guidage [16].

Si l'on se réfère aux indications théoriques données pour l'occluseur et l'articulateur, aucune solution n'est avancée pour les reconstructions en OIM participant à des fonctions de guidage, à l'exception du functionally-generated path (FGP) [17] pour les dents postérieures. C'est le cas, par exemple, de la réalisation d'une coiffe sur une prémolaire participant au guidage, en présence d'une OIM physiologique :

- si les moulages sont montés en relation centrée sur l'articulateur, il sera difficile voire impossible de retrouver l'OIM pour intégrer la coiffe à la position thérapeutique choisie ;

- si les moulages sont montés en OIM sur un articulateur, une imprécision est inévitable puisqu'à partir de l'OIM, le mouvement d'ouverture ne se fait pas par rotation pure, comme sur l'articulateur. De plus, le trajet entre l'OIM et l'ORC est impossible à mettre en évidence.

Utilisation du simulateur au laboratoire

L'objectif de ce paragraphe n'est pas de décrire la procédure du montage en occluseur ou en articulateur, mais d'apporter des éléments de réponse à quelques questions pratiques moins bien codifiées.

Les empreintes en mordu, par exemple, font parfois l'objet de traitements discutables au laboratoire. Le principe de l'empreinte en mordu est d'enregistrer simultanément un secteur d'arcade maxillaire et mandibulaire et leur rapport d'occlusion (OIM). Le seul moyen d'exploiter l'enregistrement de la relation interarcades est de monter les moulages sur un occluseur avant de les avoir démoulés. Ceci suppose d'utiliser un occluseur particulier permettant le repositionnement du moulage positif unitaire après fractionnement du moulage de travail. L'utilisation de « pins » à aiguille qui permet de les positionner avant de couler le moulage peut être envisagée, car il n'est pas souhaitable de démouler l'empreinte pour fractionner le moulage, puis de le replacer dans l'empreinte pour le montage en occluseur. Un montage par affrontement de deux hémimoulages avec ou sans enregistrement de l'occlusion est également possible si le praticien a jugé que l'indication pouvait être posée : dans ce cas, l'empreinte en mordu ne constitue plus un enregistrement de l'occlusion, mais simplement une double empreinte d'hémi-arcade simultanée.

Si les moulages sont désinsérés avant le montage, l'enregistrement interocclusal fourni par l'empreinte perd de sa précision quand il n'est pas simplement éludé pour un montage d'hémimoulage par affrontement qui n'avait pas été choisi et anticipé par le praticien.

Peut-on monter des moulages en OIM sur un articulateur ? Ceci est contraire à la philosophie de l'articulateur, fondée sur la reproduction d'un mouvement de rotation pur que l'on ne retrouve sur le patient qu'en relation centrée. Cependant, si une prothèse doit être intégrée à l'OIM du patient, donc sans variation de dimension verticale, rien n'empêche de monter les moulages sur un articulateur en OIM. Ce dernier est alors utilisé comme un occluseur de grande précision autorisant également une approche des mouvements mandibulaires. Des systèmes de double base engrenée aimantés permettent de monter une infinité de cas sur le même articulateur, alliant ainsi précision et réalisme économique. L'articulateur est donc un outil extrêmement simple : seule l'utilisation que l'on choisit d'en faire peut s'avérer plus compliquée lorsque l'on souhaite augmenter la précision de la simulation par une programmation très poussée [18].

De même, le choix entre une table de montage pour positionner le moulage maxillaire par rapport à la branche supérieure de l'articulateur ou l'utilisation d'un arc de transfert arbitraire ou en axe réel dépend de la précision de simulation recherchée. En théorie, le moulage maxillaire doit être positionné par rapport à l'axe de rotation de l'articulateur exactement de la même manière que l'arcade maxillaire du patient par rapport à l'axe charnière. En pratique, cette précision dans la reproduction anatomique est surtout intéressante si l'enregistrement de la RC se fait à une DVO différente de celle choisie pour les prothèses. En effet, dans ce cas, le retrait de l'enregistrement occlusal est suivi d'une fermeture des branches de l'articulateur autour d'un axe de rotation dont la situation dans l'espace a une influence non négligeable [13]. L'utilisation d'un arc de transfert avec localisation arbitraire de l'axe de rotation est si facile qu'il paraît dommage de s'en priver (fig. 13a et 13b).

Les tableaux I et II récapitulent les indications et moyens de simulation en prothèse fixée dans différents cas de figure.

Conclusion

La simulation de l'occlusion passe par des choix et des enregistrements réalisés au cabinet dentaire pour être utilisés ensuite sur des simulateurs au laboratoire. Le praticien doit fournir au laboratoire des enregistrements exploitables, à la fois simples et précis. Le prothésiste doit les utiliser avec rigueur dans l'esprit souhaité par le praticien. Ceci implique une harmonie de pensées, une coordination et une communication entre le praticien et son prothésiste pour que le résultat final soit à la hauteur des espérances et que le praticien n'ait pas la sensation de perdre du temps en augmentant la précision de ses enregistrements.

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