Optimisation du positionnement des implants à la mandibule - Cahiers de Prothèse n° 128 du 01/12/2004
 

Les cahiers de prothèse n° 128 du 01/12/2004

 

Implantologie

Jean-Philippe Ré *   Jean-Daniel Orthlieb **   Jean-Marc Glise ***   Michel Laurent ****  


* AHU, Unité d'occlusodontologie
71, place de la liberté
83000 Toulon
** Docteur en chirurgie
dentaire - MCU-PH

307, rue Paradis
13008 Marseille
*** Anc. assistant hospitalo-
universitaire

71, place de la Liberté
83000 Toulon
**** MCU-PH
307, rue Paradis
13005 Marseille
Faculté de chirurgie dentaire
Université de la Méditerranée
27, boulevard Jean-Moulin
13006 Marseille

Résumé

Le positionneur d'axe dentaire optimal à la mandibule (PADOM) est un dispositif aidant à la réalisation de dispositifs chirurgicaux pour le placement d'implants mandibulaires. Il s'agit d'un appareillage mécanique, en majeure partie constitué d'axes et se fixant sur la branche inférieure d'un articulateur de type ARCON, quel qu'il soit. Il permet de positionner des tubes guides selon l'axe optimal de la dent mandibulaire que l'implant devra remplacer. En utilisant les données statistiques des axes dentaires naturels mandibulaires préalablement définis par rapport au rayon de fermeture de la mandibule, l'opérateur pourra choisir l'axe désiré et ainsi respecter les courbes de Spee et de Wilson incontournables dans toutes reconstitutions prothétiques postérieures. L'utilisation du PADOM demande la réalisation préalable d'un montage en articulateur afin de pouvoir situer le moulage mandibulaire par rapport à l'axe charnière.

Puis l'opérateur :

- réalise une gouttière fenêtrée à l'emplacement du futur site chirurgical ;

- choisit l'angulation du futur implant ;

- place dans la gouttière le tube guide idéalement orienté à l'aide du PADOM ;

- solidarise le tube guide à la gouttière à l'aide de résine photopolymérisable.

Summary

Opitimizing the implants' positioning in the mandible

PADOM is a mechanical device which can facilitate the making of surgical appliances for the positioning of mandibular implants. It is essentially constituted by axes and can be fixed onto the inferior branch of an arcon-like articulator whatever it is. It enables the positioning of guidance pipes according to the optimal axis of the mandibular tooth that has to be replaced by the implant. On the basis of statistical data on the natural dental axis in the mandible priorly defined in relation to the closure ray in the mandible, the clinician will be able to chose the wished axis and henceforth respect the Spee and Wilson's curves which cannot be bypassed in any posterior prosthetic reconstitution. The use of a PADOM requests that an articulator is priorly mounted which will enable the clinician to locate the mandibular cast in relation to the hinge axis. He will then:

- realize a window splint in place of the future surgical site;

- choose the angulation of the future implant;

- place in the splint the guidance pipe ideally-orientated with the PADOM;

- hold together the guidance pipe with the splint with the photopolymerizing resin.

Key words

angled implant, dental implant, fixed prosthesis, surgical guide

De nombreuses études montrent l'importance de la prise en compte des contraintes biomécaniques pour l'orientation des implants. Les investigations préprothétiques par imagerie, les maquettes de cire prospectives sur moulages, les guides chirurgicaux sous différentes formes contribuent plus ou moins aisément à atteindre cet objectif.

Le but de cet article est de présenter un dispositif, issu d'une recherche clinique, favorisant la réalisation des guides chirurgicaux. Son principe, sa description, ses indications et son mode d'emploi temps par temps sont abordés successivement.

Intérêt du guide chirurgical

Les guides chirurgicaux destinés à l'implantologie orale présentent essentiellement deux intérêts :

- garantir au praticien prothésiste le positionnement de l'implant selon une situation en harmonie avec le cadre fonctionnel ;

- simplifier l'acte du chirurgien en diminuant, outre le stress, le temps du premier acte chirurgical.

Mais l'inconvénient de la plupart des guides chirurgicaux est qu'ils définissent seulement la situation des émergences implantaires [1]. En effet, certains auteurs [2, 3] proposent des guides avec des repères vestibulaires servant d'indicateurs de limites périphériques. D'autres [4] préconisent des guides qui matérialisent le collet et la situation du bord libre des dents issues du montage diagnostique, pour visualiser l'axe implantaire optimal.

Intérêt de l'orientation optimisée de l'implant

Mais rares sont les auteurs à proposer des solutions non empiriques pour l'orientation de l'axe implantaire. Aubert [5] et Taylor et al. [6] indiquent que l'implant doit travailler selon son axe et, plus qu'une dent, ne doit subir aucune contrainte exagérée.

Pour Assémat-Tessandier et Sansemat [4] et Margossian et al. [7], l'implant qui est situé dans l'axe de la dent prothétique reçoit des forces favorables au maintien de l'ostéointégration et cette position entraîne des contraintes modérées sur les différentes vis de solidarisation. Aubert et Cressole [8, 9] constatent en 1997 que les implants respectant les axes naturels se comportent mieux à long terme que ceux qui sont posés verticalement, parallèles entre eux afin de simplifier le travail prothétique. Enfin, pour Renouard et Rangert [10], il faut toujours placer les implants ainsi que la prothèse de façon que les forces occlusales soient principalement distribuées selon le grand axe de l'implant. Ils remarquent que le dévissage répété des vis de prothèse ou de pilier, la fracture du matériau cosmétique, des vis en or ou des vis de pilier ainsi que la perte osseuse continue au-delà du premier filet de l'implant constituent les signaux d'alarme d'une mauvaise axialisation de l'ensemble implanto-prothétique, qui peut à terme entraîner la perte de l'implant. Ce risque, comme le souligne Aubert, constatant l'apparition de cratères dans la zone du col sur les implants posés de façon verticale [5], est d'autant plus élevé qu'il s'agit de prothèses unitaires.

À l'évidence, le fait de relier les implants entre eux limite l'incidence nocive des forces s'opposant à la restauration.

Choix de l'axe implantaire : le modèle géométrique

Lors du contact avec l'arcade antagoniste, les pressions résultantes de l'impact sont dirigées selon la tangente au cercle de fermeture au niveau du point de contact occlusal (fig. 1). Cette tangente représente l'axe idéal selon lequel devrait s'orienter le grand axe de résistance de la dent [11, 12].

En fait, Orthlieb, dans une étude céphalométrique sur 500 cas, a montré que seule l'incisive mandibulaire respecte scrupuleusement ce principe (fig. 2) alors que les dents pluricuspidées présentent des variations définissant des angles constitués de l'axe dentaire (axe naturel) et de la tangente au rayon de fermeture (axe idéal). Ces valeurs sont de 15° pour la dent de sagesse, 20° pour la deuxième molaire, 25° pour la première molaire, 28° pour la deuxième prémolaire [13] (fig. 3). Cette différence engendrerait une pression horizontale antérieure tendant à faire basculer mésialement l'ensemble des dents, les 2 poussées symétriques s'annulant sur la ligne médiane au sommet de la voûte. Ce mouvement explique la dérive mésiale des arcades dentaires.

Le positionneur d'axe dentaire optimal à la mandibule (PADOM) 1

Comment placer un implant selon l'axe naturel de la dent remplacée ?

C'est cette question qui est à l'origine du travail de recherche menant à la création d'un outil original permettant la réalisation de guides chirurgicaux idéaux, rapidement et à moindre coût.

Son principe de fonctionnement repose sur la détermination de l'axe naturel de la dent statistiquement à partir de l'axe idéal, lui-même défini à partir du condyle sur une téléradiographie ou de la boule condylienne sur un articulateur.

Le PADOM (positionneur d'axe dentaire optimal à la mandibule) consiste en un bras articulé permettant de placer un canon de perçage sur un moulage mandibulaire dans la position la plus biomécaniquement acceptable.

Ce dispositif est composé (fig. 4) :

- d'une barre transversale (BT) qui se fixe simplement entre les boules condyliennes de n'importe quel articulateur de type ARCON (fig. 5) ;

- d'un axe (B) perpendiculaire au premier et qui coulisse librement de droite à gauche sur la barre transversale, pour venir en butée contre chaque boule condylienne. Cet axe peut également coulisser d'avant en arrière ;

- ce second axe est divisé en deux, B1 et B2, et séparé par une articulation qui permet de positionner l'extrémité de B2 au-dessus et parallèlement à chaque hémi-arcade ; cela permet de se placer dans une zone molaire ou incisive et de couvrir toute la zone d'implantation de la mandibule (fig. 6) ;

- à l'extrémité de B2, un ensemble à rotule maintient perpendiculairement une tige qui supporte, à son extrémité inférieure par ajustement, le canon de perçage à situer au niveau du point d'émergence désiré ;

- la partie supérieure de cette tige permet le réglage manuel angulaire (comme un manche à balai d'avion) à l'aide d'un tableau angulaire de précision (fig. 7) ;

- cette tige, au moyen de sa rotule, permet de positionner le canon de perçage suivant des angles de 30° vers l'avant de la mandibule, et de plus ou moins 15° transversalement, couvrant ainsi tous les angles nécessaires au bon positionnement des implants (fig. 8).

Utilisation du PADOM

L'utilisation du PADOM nécessite au préalable la mise en articulateur des 2 moulages :

- le moulage maxillaire est monté impérativement à l'aide d'un arc facial pour être situé correctement par rapport à l'axe bicondylien ;

- le moulage mandibulaire est monté dans la position thérapeutique et positionné en occlusion d'intercuspidie maximale (OIM).

Une gouttière est fabriquée en résine transparente photopolymérisable, autopolymérisable [4] ou avec une plaque estampée [14], renforcée avec cette même résine. Elle peut être entière ou réduite si sa pose sur les dents bordant l'édentement lui permet d'être stable en bouche [15]. Elle sera positionnée au maxillaire antagoniste chez l'édenté unimaxillaire [4, 16]. Elle est évidée largement à l'emplacement de l'émergence désirée de l'implant sur la crête pour permettre d'y placer les tubes guides (fig. 9).

Le bras supérieur de l'articulateur est retiré pour lui substituer le PADOM (fig. 10, 11a, 11b, 12a et 12b).

Un tube guide (Stent Guide Tubes 3I®) est placé selon l'axe préalablement défini, celui de la dent manquante, à l'aide de la tige transperçant la rotule (fig. 7 et 8). Le tube guide ou canon de perçage est préconisé par plusieurs auteurs [17-19], car il permet de maintenir la position et l'angulation du foret pendant toute son utilisation sans être altéré. Il peut être en acier inoxydable [20], en alumine infiltrée (In Ceram) [15] ou en laiton [21] (acheté en quincaillerie et découpé à l'aide d'un disque à séparer).

Les guides en résine dépourvus de tubes peuvent engendrer une pollution du site opératoire [15] et un risque de déformation du conduit en résine par le tranchant des forets, ce qui peut provoquer un changement de direction surtout en présence de différentes densités osseuses [20].

Le tube guide est solidarisé à la gouttière par de la résine Unifast LC Trans-lucent® (GC). Les extrados des canons de perçage sont au préalable lubrifiés pour leur permettre de coulisser pour venir au contact de la crête osseuse [15], après la réalisation du lambeau, pour ne pas gêner la tête du contre-angle lors du forage (fig. 13 et 14).

Inconvénients

Le PADOM ne peut être utilisé qu'à la mandibule. Son emploi ne dispense pas l'opérateur d'une étude radiologique ou tomodensitométrique, en particulier pour les implants à placer dans les secteurs postérieurs [22].

Il permet le choix idéal de l'axe implantaire, mais ne présume pas de la qualité du site osseux (si l'os est en quantité nécessaire ou s'il n'existe pas de structure noble pouvant être lésée). En cas de difficulté, une greffe osseuse doit être envisagée préalablement [23].

Avantages

C'est l'assurance de positionner des implants idéalement en fonction des contraintes biomécaniques (fig. 11b, 12b et 15, 16, 17 et 18).

Discussion

Le PADOM peut être une alternative, dans certains cas très simples, aux systèmes permettant les gestes médicaux chirurgicaux assistés par ordinateur (GMCAO), composés d'un logiciel de planification du geste opératoire et d'un outil technologique pour transférer ce geste sur le site opératoire. Avec ces systèmes, la mise en place des implants est améliorée et sécurisée [24], mais la technologie est complexe, le coût est tellement irréaliste pour le placement d'un implant qu'il en limite la diffusion auprès des praticiens et aucune solution n'est proposée en ce qui concerne l'axe fonctionnel de l'implant qui doit remplacer la dent manquante [25, 26].

Conclusion

De nombreux travaux traitent de la pose d'implants dans une situation optimale d'un point de vue parodontal, fonctionnel, esthétique [27] ou mécanique lorsque les canons de perçages sont parallèles entre eux [20] pour permettre une insertion correcte de la prothèse vissée [28].

Cependant, rares sont ceux qui s'intéressent [5] à l'orientation des implants pour supporter au mieux les forces qui leur sont imposées.

Bien que nécessitant un volume osseux suffisamment important pour placer l'implant dans la meilleure situation, le PADOM propose au praticien une aide rapide, optimale et à moindre coût dans le choix de l'orientation implantaire à la mandibule. Il permet donc de poser idéalement un implant en respectant des concepts géométriques et biomécaniques. Ainsi, les exigences de fonctions, d'esthétique et de résistance sont respectées grâce au remplacement de la dent perdue par la réalisation implanto-prothétique respectant les contraintes biomécaniques [6].

Remerciements à Daniel Gilles de la société Tremix pour la conception mécanique, Edmond David de la société Smeca pour la construction du PADOM et aux organismes Réseau de diffusion technologique (RDT) et AN-VAR pour leur aide financière au travers de la prestation technologique réseau (PTR).

(1) Le PADOM a fait l'objet d'un enregistrement auprès de l'Institut national de la propriété industrielle.

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